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GEOGRAPHIE
A JV C. I E JV N K
HISTORIQUE ET COMPARÉE
DES GAULES
CISALPINE ET TRANSALPINE.
TOME II.
DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET,
RUE DE VAUGIRARD, N" 9.
GEOGRAPHIE
ANCIENNE
HISTORIQUE ET COMPARÉE
DES GAULES
CISALPINE ET TRANSALPINE,
SUIVIE
DE L ANALYSE GÉOGRAPHIQUE DES ITINÉRAIRES ANCIENS,
ET ACCOMPAGWEE
D UN ATLAS DE NEUF CARTES :
PAR M, LE BARON WALCKEIVAER,
MEMBRE DE I.'lNSTITIfT DE FHA^(;t:
(académie des inscriptions et PEIJ.ES-LttTTniis),
TOME SECOND.
A PARIS,
LIBRAIRIE DE P. DUFART,
RUE UES SAINTS-PÈRES, N" Ij
A S^ PETERSBOURG , CHEZ J.-F. HAUER ET C"=.
GEOGRAPHIE
ANCIENNE
HISTORIQUE ET COMPARÉE
DES GAULES
CISALPINE ET TRANSALPINE.
DEUXIÈME PARTIE.
( SUITE. )
CHAPITRE III.
Depuis l'an 49 avant J.-C. ou 704 de Rome, époque du commence-
ment de la guerre civile, jusqu'à l'an 27 avant J.-C. ou yiô de
Rome, époque où Auguste tint les états de la Gaule.
§. I. Gaule transalpine.
Durant les temps de troubles et de guerre civile, on
voit souvent se succéder dans un pays des divisions
passagères, nécessitées par des besoins politiques, et
des circonstances impérieuses, ou enfin décidées par
les partis qui déchirent un État, et qui éprouvent le
besoin d'innover pour retenir un pouvoir usurpé ,
ou quelquefois par le seul désir d'exercer une puis-
II. I
2074026
2 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
sance qu'ils prévoient être de courte durée. L'his-
toire ne daigne que faiblement s'occuper de ces ré-
glemens momentanés , qui souvent sont révoqués
avant d'être exécutés, et la géographie, qui, dans les
actions des hommes , ne recueille que celles qui ont
influé d'une manière directe sm' le sort des nations,
les passe entièrement sous silence. Cependant ce se-
rait satisfaire d'une manière imparfaite au sujet que
nous traitons , que de ne pas faire connaître les
moindres variations qui ont eu lieu dans les divisions
générales des Gaules , et dont il est resté quelques
traces dans l'histoire.
Ammien Marcellin, qui écrivait vers la fin du
iv" siècle , de 564 à 58o , est un auteur qui se com-
plaît dans les détails géographiques. Il avait fait la
guerre dans la Gaule transalpine, et il en donne une
description fort détaillée. Dans un endroit de cette
description , voici comme 11 s'exprime : « Toutes
(( les Gaules, après la conquête , furent partagées par
(( César, dictateur, en qualre parties : la Narbon-
(( naise, qui contenait la Viennoise et la Lyonnaise ;
« l'Aquitaine ne formait qu'une seule partie : les
u Germanies inférieure et supérieure et les Belgiques
« étalent divisées en deux juridictions '. » Ammien
Marcellin s'exprime ici selon l'usage établi de son
temps pour les divisions de la Gaule; mais, pour le
' AnimiaD. Marcell., lib. xv, cap. ii, tom. i, p. 71, edit. Erfurdt.
Lipsiae, 1808, 10-8". « Regebantur autem Galliae omnes, jam inde
.< uti crebritate bellorum urgenti cessere Julio dictatori , potestate
<( in partes divisa quatuor : quarum Narbonensis una, Yiennensem
« intra se continebat, et Lugdunensem ; altéra Aquitauis praeerat
r< umversis : supeiiorein et iuferioreni Gerinaniani, Belgasque duaî
i( jurisdictiones iisdem rexere temporibus. u
PARTIE II, CHAP. III. 3
temps dont il parle, il n'aurait pu être aussi concis, et
il aurait fallu dire que César mit sous un seul gouver-
nement la ProTince romaine et la Celtique; sous un
autre l'Aquitaine, entre la Garonne et les Pyrénées;
et que la Belgique, proprement dite, fut divisée en
deux gouvernemens , dont l'un devait comprendre
les Morini , les Nervii , les Atrehates , les Amhiani ,
les BelUwaci y les Veromandui , les Suessones , les
Rémi j les Catalauni ^XesTreçiri, \ts Mediomatrici ,
les V^eruni, les Leuci , et l'autre, tout le pays situé
entre les Vosges et le Rhin , et tout le reste de la Bel-
gique qui n'était pas compris dans le gouvernement
précédent.
Il y a bien des erreurs dans ce passage d'Ammien
Marcellin, si l'on en croit tous les commentateurs
et tous les géographes modernes qui ont écrit sur la
Gaule '.
Ils disent que la Gaule, du temps de César, n'a ja-
mais été divisée en plusieurs juridictions, et qu'elle
était gouvernée par un seul préteur; que ce que dit
Ammien Marcellin est relatif à la division sous Au-
guste; que jamais la Lyonnaise ou la Celtique n'a été
réunie à la Narbonnaise; et qu'enfin les deux Ger-
manies eurent, dès le commencement de l'arrange-
ment d'Auguste, un légat particulier, différent de
celui de la Belgique , et que la division fut de six pro-
vinces , et non de quatre.
Mais si réellement César a établi cette division ,
toutes ces critiques tombent d'elles-mêmes, et le
' Voyez la note de Valois, dans son édit. d'Ammien Marcellin,
p io3, et Ammiau. 3Iarcellin., Notœ integice, dans l'édit. de Wagnei-
ou d'Erfurdt, tom. n, p. 162, note 6. — D'Anville, Notice, p. 8.
4 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
texte d'Ammien Maicellin serait exact dans toutes
ses parties.
Or, on doit observer que César, durant les cinq
ans qui s'écoulèrent depuis le commencement de la
guerre civile, 49 »iis avant J.-C. , jusqu'à sa mort,
en l'an 44 > ^'^ P^^ ^^^ laisser la Gaule transalpine
entièrement sans gouvernement. A la vérité, Cicéron
nous dit que César, après avoir conquis la Gaule,
n'eut pas le temps de l'organiser d'une manière ferme
et stable : Belluni in Gallia gestum est : domitce
sunt à Cœsare maximœ nationes, sed nondum legi-
bus , nondum j lue certo^ nondum satis firma pace
devincti '. Par ce mot de Gallia ^ il ne peut être ici
question que de la Gallia cojuatay c'est-à-dire la Gaule,
à l'exclusion de la Province romaine, soumise et or-
ganisée avant l'arrivée de César. Mais Suétone nous
apprend, cependant, que César donna à cette partie
de la Gaule , nouvellement soumise , la forme d'une
province; qu'il y envoya des lieutenans, et leur
imposa une contribution annuelle : Omnem, Gal-
liam quœ a saltu Pyrenœo, Alpihusque et monte
Gehenna yfluminihus Rheno et Rhodano continetur ^
in provinciœ jormam redegit , eique quadringenties
in singulos annos siipendii nomine imposuit.
Puis en 708, César nomma gouverneur de ce pays
Claude-Tibère !Néron, père de l'empereur Tibère j
et en 709, il lui donna ordre ai y conduire des colo-
nies : nous savons qu'en effet Narbonne et Arles
reçurent à cette époque des colonies romaines, et il
est probable qu'il en fut de même de la ville d'Orange,
Arausio.
' Cicero, i/i Ornlionc de pro\niic. consul, p. 5io.
PARTIE II, CHÂP. III. 5
SI donc, comme ledit Clcéron, César n'eut pas le
temps d'organiser la Gaule transalpine d'une ma-
nière stable, de lui donner des institutions et des
lois propres à j établir la paix , à y affermir la puis-
sance romaine, pourtant il est certain qu'il s'occupa
fortement de l'administration de ce pays , surtout
pour établir la levée régulière des impôts, et préve-
nir les révoltes. Mais pour atteindre ce but, César se
trouvait forcé de partager ce pays d'une manière
très inégale, parce qu'une partie était entièrement
subjuguée, tandis que d'autres ne l'étaient qu'impar-
faitement, et il devait, d'après la situation où étaient
alors les Gaules , adopter précisément la division que
nous indique Ammien Marcellin. En effet, il était
convenable de réunir en un seul gouvernement
toute la portion de la Gaule bien soum:ise aux Ro-
mains, c'est-à-dire la Narbonnaise et la Celtique. Il
fallait donner le commandement d'une autre partie
des forces destinées à contenir la Gaule , à celui qui
se trouvait chargé de commander aux Aquitains in-
domptés. Il était nécessaire aussi de partager en deux
les forces envoyées dans cette redoutable Belgique ,
et de confier à un seul gouverneur toute la défense
des frontières bordées par le Rhin , et de donner à
un autre le soin d'en imposer à tous ces Belges que
César avait eu tant de peine à vaincre. Si on admet-
tait ce texte d' Ammien Marcellin comme exact, on
expliquerait alors la prétendue méprise de Stra-
bon • , qui attribue à César exactement la même
division des Gaules. Il résulterait de cet auteiu'
' btrabo, lib. iv, p. ii-j.
6 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
qu'Auguste ne fit d'abord d'autre changement ii
cette division , que d'agrandii' l'Aquitaine , et de
l'étendre jusqu'à la Garonne en l'augmentant de
quatorze peuples; et c'est en faisant allusion à cette
première division de César, que Pline ' aura étendu
la Belgique jusqu'à l'Escaut. Si , après tous ces rap-
prochemens, on observe encore qu'Ammien Mar-
cellin a bien soin de nous dire que Jules César fit
ce partage en vertu de sa puissance dictatoriale,
Julio dictatori potestate , on sera convaincu que
c'est à tort qu'on a accusé cet auteur d'erreur, et
que la division dont il nous parle a réellement eu
lieu; mais elle ne fut pas de longue durée. Trois ans
après, et l'année même de sa mort. César avait réuni
la Province romaine ou la Gaule narbonnaise, à
l'Espagne, et en avait formé un seul gouvernement,
qu'il donna à Lépide '. Ainsi nous voilà en quelque
sorte revenus, sous ce rapport, comme à l'époque de
Scylax , où ribérie se trouvait mêlée relativement aux
habitans avec les parties méridionales de la Gaule,
mélange qui eut encore lieu sous Constantin , par la
création des diocèses : la Gaule, l'Ibérie et File de
Bretagne , formant alors une seule préfecture gou-
vernée par un seul magistrat.
Lorsque les triumvirs se partagèrent les provinces,
l'année qui suivit la mort de César, en l'an 43, cet
arrangement fut continué. Lépide retint l'Espagne
et la Narbonnaise, et le reste de la Gaule fut donné
à Antoine. Cette même année on conduisit, par or-
dre du Sénat, une colonie au confluent de la Saône
' Plinius, lib. iv, cap. ij.
' Dir, Cassius, lih xi.iii, p. 24".
PARTIE II, CHAr. III. 7
et du Rhône, sous le commandement de L. Plancus ' .
Cette colonie bâtit ou agrandit la ville de Lugdunum,
Lyon, depuis si célèbre, et qui devint par la suite
la capitale d'une province à laquelle elle donna son
nom. Cette province renferma une grande portion
de l'ancienne Celtique.
Bientôt Antoine , ayant enlevé le commandement
à Lépide, réunit, l'an 41 avant J.-C. , les Gaules et
l'Espagne sous sa puissance " ; ces contrées lui furent
enlevées par Auguste, qui combattit encore, soit par
lui-même, soit par ses lieutenans, les Aquitains, les
Morins, et d'autres peuples de la Gaule ^ Enfin , l'an
27 avant J.-C. , Auguste tint à Narbonne les états de
toute la Gaule; il en régla l'administration, et fit une
nouvelle division qui forme une mémorable époque
dans la géographie de cette contrée. Avant de nous
en occuper, il est nécessaire de remarquer que, dix
ans avant, Marcus Agrippa avait fait alliance avec
les Germains d'au-delà du Rhin, et qu'il avait
permis aux Ubii de s'établir dans la Gaule. Cette na-
tion , qui , dès le temps de César, par ses fréquen-
tations avec les Gaulois, avait déjà contracté les
mêmes moeurs et les mêmes habitudes '♦, était per-
sécutée par les Cattes , ses voisins ; elle paraît donc
s'être transportée tout entière de l'autre côté du
Rhin , et avoir occupé un territoire que la deslruc-
' Dio Cassius, lib. xlvi, 5o. — Senecae EpistoL, lib. xiv, 91.
" Appian., de Bello civili, lib. xlv, p. 700. — Recueil des Hist,
de Fr., tom. i, p. 459-
' Appian., ibid.
'' Caesar, lib. iv, cap 3. « Et ipsi (Ubii) propter propinquitateni,
« gallicis sunt moribus adsuefacti. » Confér. cap. 16; lib. vi, cap. 10,
9.9 j lib. II, cap. 54. — Tacit., Hisl., lib. iv, cap. 28.
8 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
tion des Eburones^ et la dépopulation produite par
des guerres continuelles, avait laissé désert'. La ca-
pitale des Ubiihit nommée oppidum Ubiorum axant
d'avoir reçu la colonie qui lui fit donner le nom
à'Agrippina; la position de Colonia Agrippina à
Cologne moderne est prouvée par la route de la
Table et de l'Itinéraire qui conduisait le long du
Rhin'. Colonia A grippina est du petit nombre des
villes de la Gaule dont nous possédons des médailles,
et dont le nom est mentionné sur des inscriptions '.
Les f/(^« paraissent avoir successivement occupé tout
le pays situé entre la Roer et le Rhin , qui se trouve
borné au nord par une ligne tirée depuis l'embou-
chure de la Roer à Ruremonde jusqu'à Crevelt; et
par les montagnes qui , au midi , formaient la limite
des Treviri; et, à l'orient, par le Rhin.
Voilà tout ce que nous fournit ce court période
sur les divisions des peuples en général : quant aux
lieux de la Gaule qui se trouvent pour la première
fois mentionnés dans l'histoire pendant cet inter-
valle de temps , le plus remarquable après Lugdu-
nuiii j Lyon , est Cularone , et nous avons déjà eu
occasion de déterminer la position de ce lieu "♦, pour
la première fois mentionné dans une lettre de Plancus
' Strabo, lib. iv, p, 194. — Tacit., Annal., lib. xii, cap. 27; ihid.,
Hist., lib. IV, cap. 28; de M or i bus Germanor., cap. 28; Annal.,
lib. I, cap. 56, 37 et 59. — Plinius, lib. iv, cap. 17. — Paulus Oro-
sius, lib. VI, cap. 8. — Gruter., Inscript., p. 170, n° 2 ; Recueil des
Hist. de Fr., toin. i, p. i43.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' MioDnet, Descript. des Médailles, t. i. — Muratori, Inscript,,
tom. I, p. Mxx.
'» Voyez ci-dessus, part, u, ch. 2, tom 1, p. 265.
PARTIE lï, CHAP. III. 9
à Cicéron. Dans deux lettres précédentes du même,
qu'on peut rapporter au mois de mai de l'an 45 avant
J.-C, il est dit qu'Antoine est arrivé à Forum Julii
avec son armée, et que Lépide campe à Forum Vo-
conii y qui est à 24 milles de Forum Julii \ C'est
pour la première fois qu'il est fait mention de ces
deux lieux, et Plancus indique parfaitement leurs
distances respectives, qui s'accordent aussi avec celles
qui sont données par l'Itinéraire et la Table, les-
quelles déterminent la position de Forum J^oconii
à un lieu nommé Le Canet, et celle de Forum Julii à
Fréjus, par le moyen des routes qui aboutissent et
se rattachent à Aquœ Sextiœ , Aix; Reity Rez; et
Antipolis y Antibes \ La position de Forum Julii à
Fréjus se trouve encore démontrée par les mesures
de Ptolémée et par les ruines du port construit par
les Romains, dont Pline et Tacite ont parlé ^ Ces
ruines prouvent que les attérissemens des sables,
charriés par l'Argents, ont empiété sur la mer en-
viron 5oo toises. Une lettre de Lépide/ écrite à peu
près en même temps à Cicéron , confirme encore la
lettre de Plancus.
« Je suis arrivé, dit Lépide dans cette lettre, sans
« m'arrêter, à Forum Voconii ;'^^\ placé mon camp
• Epistol. Planci ad Ciceronem , lib. x, epistol. i5 et 17.
* Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
' Bouche, Hist. de Provence, liv. m, chap. 4- — Papon, Hist. de
Provence, tom. i, p. 56. — Tacitus, Annal., n, cap. 11. — Strabo,
lib. IV, p. i84- — Mêla, lib. 11, cap. 5. — Plin., Hist. nat., lib. m,
cap. 4. — Ptolemaeus, lib. 11 , cap. 8. — Muratori , Inscript., tom. i ,
p. 461 , n° 5 ; p. 642 , n" 6. — Honoré Bouche, Chorogr. de la Pro-
vence, tom. I, p. 9.47. — Gérardin, Hist. de Fréjus. — Zacharie,
Excurs. litterar. , p. 54- — Texier, Mémoire sur Fréjus.
10 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
(( un peu au-delà, sur les bords du ileuve Argenteas.
« Le 1 1 des calendes de juin, de mon camp, au Pons
(( Argenteus. »
Il est très évident, ainsi que l'a bien vu d' An-
ville, que \ Argenteus jluvius est la rivière d'Argents
({ui coule un peu à l'est de Canet ou de Forum Vo-
conii , et que Pline indique aussi comme coulant à
Fréjus, parce qu'elle passe en effet à peu de distance
à l'ouest de cette ville. Ainsi donc le Pons Argenteus
est bien placé à l'endroit où la route romaine qui , de
Forum Voconii conduisait à Fréjus, coupait la ri-
vière Argents; or, encore aujourd'hui, le pont qui
sert à la route moderne se trouve sur la même direc-
tion, entre Vidauban et Les Arcs. Ceci confirme
l'exactitude des mesures qui portent Forum Voconii
à Canet : en effet , nous avons vu que Plancus écrit
à Cicéron que Lépide campait à Forum Voconii^
tandis que ce dernier nous apprend que c'était un
peu plus loin , au Pons Argenteus. Pour que Plan-
cus , qui était bien instruit , se soit exprimé de cette
manière, il faut que ces deux lieux aient été très rap-
prochés. Ils seraient, au contraire, très éloignés l'un
de l'autre, si on plaçait Forum Voconii à Gonfaron,
comme le veut d'Anville ', d'après un vague rapport
de noms, mais contre le résultat positif des mesures.
Pline donne à Forum Voconiile titre de ville latine ".
11 paraît que V Argenteus Jluvius que Ptolémée ^ place
entre Olbia et Forum Julium^ ne peut être consi-
déré comme le même que \ Argenteus flunus de Lé-
' D'Anville, Notice de In Gaule, p. 320.
" Plin. , III, 5.
^ Ptolemaeu.s, Geogr., lib. m.
PARTIE II, CHAP. III. n
pide et de Pline; du moins le géographe grec éloigne
trop ce fleuve de Forum Julium, et le rapproche trop
Ôl Olbia pour que cela soit ainsi : d'ailleurs ses me-
sures portent son Argenteas fliwius à la plage d'Ar-
gentière et à la rivière de ce nom '. La colonie qui
fut établie à Forum Julii en l'an 710, et le port
de cette ville , qui fut très fréquenté , font que
Pline ajoute à son nom le titre ôi Octavanorum
colonia j quœ Pacensis appellatur et Classica. Ta-
cite la nomme Navale Augusti et Colonia vêtus et
illustris \
§. II. Gaule cisalpine.
C'est dans la Gaule cisalpine que, pendant cette
courte période , les divers partis se livrèrent les prin-
cipaux combats qui devaient décider des destinées de
l'empire ^ romain ; mais le récit de ces événemiens
ne présente rien de nouveau pour la géographie.
Nous observerons seulement qu'après César la Gaule
cisalpine fut toujours une province séparée de la
transalpine, et ne fut plus accordée à un seul. Dans
une lettre de Galba à Cicéron, il est aussi fait men-
tion , pour la première fois, d'un lieu nommé i^orwm
' Voyez V Analyse des mesures de Ptole'mee pour les côtes méri-
dionales de la Gaule, tom. m de cet ouvrage.
" Plancus ad Cicer., x , i5, i6. — Plin., m, 5. — Mêla , ii , 5. —
Ptolem., II, lo. — Tacit., Annal., ii, 63; iv, 5. — Hist., 343. —
Agricol. r. — M. Texier a levé le plan des ruines antiques de
Fréjus.
' Plutarchus, in Bruto, p. 993. — Tit. Liv. , Epitome, lib. cxvii
et cxix. — Velleius Paterculus , cap. 60 à 63. — Dionis Cassii
lib. XLV. — Cicero , Philippica iv, p. 614. — Id., Philippica mm. — .
Id. , Epistol. ad familiares , lib. vr , viu et x. — Plutarchus, in
Cicérone, et in Marco Antonio. — Appianus, de Bclla cii'ili.
12 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Gallorurriy près duquel le consul Hirtlus Pansa défit
l'armée d'Antoine. Frontin et Appien confiraient
aussi la lettre de Galba*. Forum Gallorum se trouve
placé, dans la Table de Peutinger, sur la route di-
recte et parfaitement droite qui conduit de Mutina ,
Modène, à Bononia ^ Bologne, et les mesures de
cette route déterminent la position de ce Forum à
San-Donino, et tout près de Castel- Franco ou
Urbino '.
' Epistola Galhœ ad Ciceronem , apud Cicero, Epistohfamiliar.,
epistol. 5o. — Frontinus, Stratagem. , lib. ii, cap. 5. — Appian.,
Civil, bellor., lib. m, 68 et suiv.
' Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 13
CHAPITRE IV.
Depuis l'an 27 avant J.-C. jusqu'à l'an 8 après J.-C, ou depuis la
première division de la Gaule par Auguste, jusqu'à la création des
deux commandemens ou provinces militaires, nommées la pre-
mière et la seconde Gei-manie.
§. I. Préliminaires .
Les nations les plus policées de l'univers , les plus
belles, les plus riches et les plus fertiles contrées de
l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique, réunies, pen-
dant quarante ans, sous un gouvernement juste et
bienfaisant; tous les Etats qui s'étaient illustrés par
des faits éclatans, ou par les productions du génie,
autrefois continuellement divisés , désormais unis
par les mêmes lois, et par la même volonté, ne for-
mant plus que les branches diverses d'une même fa-
mille; tels sont les caractères principaux qui distin-
guent de tous les autres règnes le règne d'Auguste, et
le rendent le plus mémorable de tous ceux que nous
offrent les annales du genre humain.
Cette époque est aussi , après celle de César, la
plus importante que nous ayons à traiter.
Toute la vaste chaîne des Alpes , auparavant con-
nue seulem.ent dans les parties voisines des passages
qui servaient de commimication entre les deux Gau-
les, fut soumise , soit par les armées , soit par la sage
politique d'Auguste. Les noms des petits peuples
qui , depuis des siècles , étaient mystérieusement ca-
14 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
chés dans les Tallées escarpées formées par ces mon-
tagnes, paraissent, pour la première fois, au grand
jour de l'histoire '.
Les limites de la Gaule transalpine franchissent l'île
des Bataves , et sont reculées jusqu'au bras septen-
trional du Rhin'.
Les frontières de l'Empire, marquées par ce fleuve,
sont fortifiées et affermies par des forts établis de
distance en distance ^.
Les nations belliqueuses de la Germanie, autrefois
toujours menaçantes, sont réduites à se défendre sur
leur propre territoire ; et des colonies de Sicambres
et de Germains sont transportées dans les Gaules, et
consentent à \ivre sous la domination des lois ro-
maines*. L'Aquitaine est domptée, ainsi que tous les
peuples des Pyrénées ^.
Toutes les séditions , toutes les révoltes qui trou-
blaient la tranquillité des Gaules sont apaisées ou ré-
primées, et l'on y envoie plusieurs colonies romaines
qui contribuent à les rendre florissantes ^ ; mais Lyon,
une de ces colonies, les éclipse toutes , et reçoit l'en-
' Dio Cassius, lib. liv, p. 558. — Recueil des Hist. de Fr., toin. i,
p. 522 et 536. — Paulus Orosius, cap. 12. — Recueil des Hist. de
Fr., tom. I, p. 596.
" Velleius Paterculus, cap. io5. — Recueil des Hist. de Fr.,
tom. I, p. 070.
^ Florus, iib. iv, cap. 12. — Eutropius, lib. vu, p. 547.
''Horatius, lib. iv, od. i4, vers. 49- — Tit. Liv., Epitome ,
lib. cxxxvn et cxxxix. — Suetonius, ia Tiberio, cap. g, et F'ita Cœ-
sari jéugusti, cap. 21. — Tacit., Annal. ^ lib. xii, cap. Sg. — Eutro-
pius, lib. VI, p. 571. — Aureliiis Yictor., August., cap. 1.
' TibuUus, lib. i , eleg. 8, vers. i. — Appian., lib. iv, p. 61 r.
* Dio Cassius, lib. lui, p. 528. — Suetonius, in Tiberio Nerone
Cœsare, cap. 9. — Sti-abo, lib. iv, p. 178; trad. fr. , tom. u, p. 5
et 92. — Dio Cassius , lib. r.iv, p. 5^7.
PARTIE II, CHAP. IV. 15
cens et les voeux de tous les peuples des Gaules en
faveur d'Auguste ' .
Des routes sont percées et pratiquées par les soins
du sage Agrippa, et les provinces les plus reculées
peuvent facilement communiquer entre elles et avec
l'Italie \
Enfin l'administration des Gaules est définitive-
ment organisée; des divisions nouvelles, et confor-
mes à la géographie naturelle, sont établies d'une
manière stable ^
Tels sont les détails qui distinguent les deux épo-
ques qui vont suivre; la connaissance des peuples des
Alpes en est le trait principal , et les nouveaux détails
géographiques qu'elle peut nous fournir sont les pre-
miers dont nous devions nous occuper, conformé-
ment au plan que nous a\7ons adopté de déterminer
d'abord l'emplacement des peuples d'après l'ordre
des temps selon lequel Ils ont commencé à figurer
dans l'histoire. Quoiqu'un grand nombre de ces peu-
ples soient situés hors des contrées soumises à nos re-
cherches, et auxquelles appartient spécialement le
nom de Gaule, cependant les chaînes de montagnes
qu'habitaient ces peuples renferment les Gaules dans
leurs vastes contours, et devraient en faire partie si
on ne consultait que ce que demande la géographie
naturelle. D'ailleurs il est nécessaire de connaître ces
montagnes pour fixer avec précision les limites des
' Strabo, lib. iv, p. 192. — Dionysius Halicarnassius, ex Epitome
lib. cxxxvii. — Suetonius, in Claudio Cœsare.
" Strabo , lib. iv, p. 207; tom. n, p. loi, de la trad. française.
^ Dio Cassius, lib. lui, p. 717. — Tit. Liv., Epitome, \\h cxxxiv,
— Appian., de Bello civili , lib. v.
16 GÉOGRAPHIE ANCIENJ^E DES GAULES,
deux Gaules, qui avaient avec les liabitans leurs vallées
escarpées des frontières communes. On sait qu'en
géographie, une position n'est certaine qu'autant
qu'on s'est aussi assuré de l'exactitude de celles qui
l'avoisinent.
Après avoir fixé l'emplacement des peuples alpins
soumis, et, en quelque sorte, découverts par Auguste,
nous ferons connaître les grandes divisions qu'il éta-
blit dans les deux Gaules.
Mais , avant tout, il est nécessaire de déterminer
quels furent , non seulement pendant le siècle d'Au-
guste, mais pendant toute la période de temps que
nous traitons, les limites respectives des deux Gaules;
c'est-à-dire d'assigner, parmi les peuples dont nous
avons déjà fixé la position et l'étendue, ceux qui ap-
partenaient aux deux Gaules et à l'Italie proprement
dite; ceux qui appartenaient à la Gaule transalpine
ou à la Gaule cisalpine; c'est-à-dire, à la Gaule dans
la signification la plus ordinaire de ce nom, ou à
l'Italie dans son sens le plus général.
§. II. Limites des deux Gaules.
Pline et Strabon ', ainsi quePtolémée % indiquent
le fleuve Arsia, la rivière Arsa, comme une des extré-
mités orientales de la Gaule cisalpine; l'autre extré-
mité, de ce côté, se terminait autrefois à --^jîj^mwW^
ou l'Esino moderne, ou même à Ancône; mais nous
avons déjà observé que, du temps de César et posté-
rieurement, cette limite était fixée au Rubico ou
■ Plinius, lib. m, cap. 5, 19 et 21. — Strabo, lib. iv.
° Ptolemaeus, lib m, cap. i , p. 70 , édit. de Bertius : « Arsia flu
« vins finis Italiae. » — Cohimella, de Re rustica , lib. vu, cap. 2.
PARTIE II, CHAP. IV. 17
Rigone, et nous avons cité en témoignage Cicéron
dans sa sixième Philippique, Plutarque dans sa Vie
de Jules César, Jules César même, Suétone, Appien,
Lucain et Ptolémée ' : Strabon, surtout, nous dit
par deux fois ' que les anciennes limites de la Gaule
cisalpine étaient autrefois \ Msis flu^^ius , et qu'en-
suite ces limites avaient été fixées au Riihico. Ce-
pendant Mêla % qui écrivait sous Claude, met encore
Ancona sur la limite de la Cisalpine ; et Pline , se
contredisant lui-même, dit que le rivage de cette
partie de la Gaule connue sous le nomi de Gaule
togée, Gallia togata, commence à partir à' Ancona :
Strabon dit aussi que la Celtique ou Gaule est entre
les Alpes , la mier Adriatique et les Apennins , et
s'étend jusqu'à Âriminum et Ancona '^.
Pour expliquer ceci, il faut se rappeler ce que j'ai
dit précédemment. Les Gaulois occupaient primi-
tivement lowtle Picenuin, qui comprenait non seu-
lement la marche d'Ancône , mais encore le duché
d'Urbin. Polybe nous apprend que les Gaulois Se-
• Cicero, Philippica 6. — Plutarchus, in Ccesarc. — Appianus ,
de Bello civili, lib. ii. — Suetonius, in Vita Cœsaris , cap. 3o. —
Caesar, Comment, de Bello civUi, i. — Lucanus, lib. i. — Ptole-
maeus, lib. ii.
' Strabo, lib. v, p. iSy et i6o, ou p. 217 de l'édit. de Cas., tom. 11,
p. 159, de la trad. fr.
' Mêla, n, 4 = « Ancon inter gallicas italicasque gentes quasi ter
« minus interest. » — Sui' Ancona, voyez encore César, de Bello
civili, lib. 1. — Cicero, Episiol. adfamil., lib. xvi, epist. 12, in
Philippica 12. — Tit. Liv., lib. xli — Tacitus, Annal., lib. m. —
Silius, lib. VIII. — Lucanus, lib. 11. — Juvenalis, Satjr. 5.
'' Strabo, lib. v, p. 211 ; et tom. n, p. iio, delà trad. fr. — Plin.,
lib. m, cap. i4 '■ « Ab Ancona gallica ora incipit, togatae Gallia;
« cognomine; •» et lib. m, cap. i5, il place les lirailes de la huitième
région près d'Ariminie. — Confère:; Procop., Rer. Got., 11.
H. 2
18 (iÉOGRAPHlE ANCIENNE DES GAULES.
noues furent entièrement expulsés de ce pays par les
Komalns, qui s'en emparèrent et le partagèrent entre
eux. Il fut donc, par le fait, retranché de la Gaule
cisalpine, ou des contrées possédées en Italie par les
Gaulois. La limite septentrionale de ce territoire, qui
leur avait été enlevé, et qui se trouvait près àHAri-
niiîiiun, Rimini, fut aussi celle de la Gaule cisalpine;
mais lorsque cette dernière contrée eut été entière-
ment conquise par les Romains, et soumise à leur
gouvernement, aussi bien que la portion qui avait
appartenu aux Senones , elle ne changea point de
nom ; de sorte que , par ce nom de Gallia cisalpina,
on pouvait entendre tout le pays primitivement dé-
signé ainsi, ou seulement celui qui fut possédé en
dernier lieu par les Gaulois, et à l'exclusion du ter-
ritoire des Senones. Dans le premier sens, la limite
de la Gaule cisalpine était au Rubico; dans le second,
h Ancona ou à \ JEsis, la rivière Esino, qui est à côté :
en effet, Strabon nous apprend que le sénat tantôt
resserra les limites de la Cisalpine jusqu'au Rubicon, et
tantôt les prolongea jusqu'à Ancône ' . Ainsi l'histoire,
les décisions de l'autorité suprême, l'usage, ayant
souvent varié dans la détermination de ces limites, il
n'est pas étonnant que les auteurs aient aussi varié, et
se soient contredits en copiant différentes autorités,
et en n'ayant pas soin de distinguer les temps. Cette
' StraLo, lib. v, p. 22y ; tom. ii, p. 176, de la trad. fr. Strabon ,
dans cet endroit, se fondant sur ce que toute l'Italie (c'est-à-dire
l'Italie romaine) est reculée jusqu'aux Alpes, ne veut pas qu'on
s'occupe de ces limites, et semble ne plus vouloir admettre que des
divisions fondées sur l'origiue des peuples ; il veut, par cette raison,
placer Ravenne dans l'Ombrie, parce qu'elle est peuplée d'Om-
briens.
PARTIE II, CHAP. IV. 19
erreur était d'autant plus facile à. commettre , que
cette portion de l'ancienne Cisalpine, qui avait ap-
partenu aux Senones , quoique réunie au Picenum,
et ne faisant plus partie de la Gaule, forma cependant
un district particulier qui, en mémoire de ses pre-
miers maîtres, fut appelé la Campagne gauloise, ager
Gallicus \ Or il paraissait peu naturel de ne pas
comprendre dans la Gaule la Campagne gauloise ;
mais, dès le temps de Jules César, la limite de la
Gaule cisalpine resta définitivement fixée au Rn-
hico. Lors donc que nous nous occuperons par la
suite de la Senonie ou de la Campagne gauloise, le
lecteur est prié de se souvenir que c'est par la raison
que ce district fit autrefois partie de la Gaule cisal-
pine, et non parce qu'il en dépendait aux époques
dont nous traitons.
Sur la côte occidentale , les frontières de la Cisal-
pine, que nous avons vues du temps de César s'étendre
jusqu'à l'Arno, se trouvèrent sous Auguste beaucoup
plus resserrées, et prirent une limite déterminée par
la géographie naturelle , en commençant au Macra
fluvius, la Magra ^. Sur cette même côte, plus à l'oc-
cident , le Var séparait la Gaule transalpine de la
Ligurie ou de l'Italie ^ On doit observer que les Mar-
' Cicero, in Catilin., or. ii, cap. 5 : « Delectum in agro Piceno
<c et Gallico Q. Metellus habuit »; et cap. 12 : « In agrum Gallica-
'( num Picenumque piaemisi. » — Varro, de Rc rust., lib. i, c. i4,
et surtout cap. 2 : « Ager Gallicus Romanis vocatur qui viritim cis
'( Ai-iminum datus est ultra agrum Picentinum. » — Colluraella,
lib. III , cap. 3 : « Et in Faventino agro , et in Gallico , qui nunc
« Piceno contribuitur, »
' Plinius, lib. m, cap. 5 ou 6.
' « Le Var sépare la Gaule de l'Italie. >> Strabon, liv. iv, p. i84;
tom. II, p. 23, de la trad. fr;inç. — Mêla, lib. 11, cap. 4 : « Sed
20 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
seillais, qui, du temps d'Auguste, avaient encore le
droit de régir eux-mêmes les villes qui se trouvaient
dans leur dépendance ', possédaient à l'orient du
Var un petit territoire au pied des Alpes , compre-
nant Nicœa, Nice, et Monœci portus , ou Monaco
des modernes. Aussi Strabon a-t-il bien soin d'ob-
server que Nice est dans l'Italie , quoique dans la
dépendance des Marseillais , et faisant partie de la
Province romaine dans la Gaule transalpine ' ; et Mêla
s'accorde avec le géographe grec, lorsque, d'une part,
il place Nice dans sa description de la province ou de
la Gallia narbonnensis j tandis que, dans le chapitre
précédent, il donne le Var pour limite à l'Italie, et
renferme par conséquent Nice dans cette dernière
contrée \ Mais par la suite, et lors de la création
d'une province particulière sous le nom d'Alpes ma-
ritimes, la Gaule fut prolongée jusqu'à l'extrémité de
ce territoire des Marseillais, qui formait une sorte
d'enclave en Italie; ainsi la Gaule eut pour limites,
non le Var, mais les sommets les plus élevés de cette
portion des Alpes qui commence à l'orient du Var, et
prend sa direction vers le nord. Alors ISicœa, Nice ,
et Monœci portus, Monaco, firent réellement partie
de la Gaule, mais ce changement est postérieur au
« Varum quia Italia finit aliquando notius. » — Plin. , Hist. nat. ,
lib. iir, cap. 25; tom, i, p. 5oi , édit. de Brottier. — Ptolemaens,
lib. m , cap. i , p. 67.
' Strabo, lib. iv, p. 181 ; trad. franc. , tom. 11, p. i5 : « Ni Mar-
« seille, ni les villes qui en dépendent, ne sont soumises aux gou-
re verneurs que Rome envoie dans la Narbonnaise. »
=■ Strabo , lib. iv, p. 180-184 ; tom. u, p. i5 et 25, de la trad. fr.
'Mêla, lib. 11, cap. 5. — Etienne de Bysance répète la même
chose, d'après Mêla; mais, du temps d'Etienne de Bysance, Nice
était bien dans la Gaule, mais non dans la Narbonnaise.
PARTIE II, CHAP. IV. 21
règne d'Auguste. Pendant toute sa durée, le Varfut
considéré comme la frontière de l'Italie et de la
Gaule.
Voilà tout ce que j'avais à dire relativement aux
limites de la Cisalpine sur les côtes : il ne reste plus
qu'à déterminer celles de l'intérieur des terres pour
le période de temps dont nous traitons.
Observons d'abord que lorsque les peuples des
Alpes eurent été domptés par Auguste, ils ne furent
point soumis aux magistrats qui gouvernaient les
Gaules transalpines et cisalpines. Les uns, tels que
ceux du royaume de Cottius , et même les Focontii ,
plus avant dans la Gaule, se gouvernaient, comme
les Marseillais , par leurs propres lois ; d'autres
étaient régis par des officiers particuliers choisis dans
l'ordre équestre ' .
Aussi Strabon et Pline décrivent-ils les peuples de
la vaste chaîne des Alpes, comme formant en quel-
que sorte une division à part qui n'appartient ni à la
Gaule transalpine ni à l'Italie '. Cependant Strabon,
Pline et Ptolémée placent le royaume de Cottius,
les Centrones et les autres peuples des Alpes que
nous avons décrits dans la période précédente , dans
l'Italie ', et Ptolémée met la vallée Pennine dans la
Gaule, puisqu'il place dans cette contrée les sources
du Rhône. Ainsi donc, tout le pays occupé par les
peuples indépendans des Alpes, sous Jules César,
' Strabo, lib. iv, p. 2o5. *
" Ibid., lib. IV, p. 204, 2o5, 28. — Plin., lib. xxxiv, cap. a, « ia
« Centronum Alpiuo tractu; » lib. xi, cap. 97, « Centronicse Alpes
« Vatusicuni caseum niiUunt. »
'Ptolemaeus, Strabo, loc. cit., Plinius, m, 24.
25i GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
jusqu'à l'extrémité de la vallée Pennine, fut, après
la conquête d'Auguste, considéré, par les géogra-
phes, comme faisant partie de l'Italie. Ces montagnes
furent regardées comme d'immenses blocs dans la
dépendance de cette contrée, et les plus hauts som-
mets de cette vaste chaîne, bornes naturelles, et le
point de séparation des eaux, ne furent point pris
d'abord pour limites comme cela eut lieu depuis.
A l'orient des sources du Rhône dans la Rhétie
et dans la JSorique y un grand nombre de petits
peuples habitans cette même chaîne des Alpes dont
nous n'avons point encore parlé, avaient des limites
communes avec la Cisalpine. Il faut donc, ainsi que
je l'ai observé, pour compléter le tableau géogra-
phique de cette contrée, présenter celui de la vaste
chaîne des Alpes qui l'entourait.
§. III. Peuples des Alpes , au temps d'yJuguste '.
Malgré le grand nombre de guerres livrées aux
montagnards de la Ligurie , et quoique ces Alpes
eussent été les premières soumises à la puissance
romaine , cependant Dion nous apprend qu'Auguste
eut encore à subjuguer les Ljgies comati ou Ligures
capillati ^ j ce qui se trouve coiiiirmé par Sextus
Rufus , qui met au nombre des pays réunis par les
empereurs à l'empire lomain, les Alpes maritimes
' Conférez, pour la lecture de cette partie, la Carte des frontières
de France en Dauphiné , par Bourcet ; celle de Cassini , celle de
Bâcler d'Albe, pour les campagnes de Bonaparte ; Lombardie de
Zannoni, quatre feuilles; et la carte de Raimond.
' Dion. , lib. liv, cap. 24, p. Sa-i et 558, — Sextus Rufus, in Eu-
troi)io : Yerheyk , in-B", 1762.
PARTIE ir, CHAP. IV. 23
et les Alpes cottiennes. Pline, qui parle des Ligures
capillati y les place immédiatement au-dessus de
Cenienelium , Cimiers', et de Nicœa ^ Nice; ils pa-
raissent avoir occupé le val de Teniers et les vallées
circonvoisines, tandis que les Ligures montaniy que
Pline met non loin des Vagienni ou de la Citth di
Bene, ont dû être situés au nord des Capillati et
dans les environs du col de la Bochetta au-dessus de
Gènes; mais, ainsi que je l'ai déjà remarqué, on
donnait à ces surnoms de Capillati et de Montani
une signification plus vague et beaucoup plus éten-
due : les Capillati étaient les Ligiu'es qui habitaient
près du rivage, lesquels portaient une longue che-
velure, par opposition aux Montani qui vivaient plus
reculés dans les montagnes et qui coupaient leurs
cheveux '. Ces peuples , après avoir été domptés par
Auguste, furent joints à l'état de Cottius \
Il est très remarquable que le puissant et sage
Auguste , maître du monde civilisé, aima mieux faire
alliance avec un des chefs principaux de ces peuples
alpins, et se servir de son influence pour obtenir
l'affection et les services de ces courageux monta-
gnards, que d'avoir sans cesse à les combattre, ou de
se mettre dans la nécessité de les exterminer. Ainsi ,
' Plinius, lib. m, cap. 7, p. 268; édit. de Brottier, cap. 20.
' Lucanus, Pharsnlia, lib. 1, vers. 44^ :
Et nunc tonse Ligtir, qiiondam per colla décora
Crinibtts effusis loti prœlate Comalie.
Pline emploie aussi ces noms dans ce sens; il dît, lib. iir, cap. 20 :
« Capillatornmque plura gênera. » Voyez ci-dessus, part, i, ch. 7,
lom. r , p. 162 et i63.
^ Ammian. Marcellin., lib. xv.
24 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
non seulement Auguste conserva à Cottius l'autorité
dont il jouissait, mais il augmenta son petit Etat de
plusieurs peuples circonvoisins. Il y eut donc entre
la Gaule et l'Italie un royaume particulier qui dura
depuis le temps d'Auguste jusqu'à celui de Néron ,
qui le réunit h l'empire romain après la mort de
Cottius'. Cette singularité géographique et histori-
que mérite toute notre attention , puisque non seule-
ment une portion des Alpes reçut le nom du roi de
ce petit Etat, mais que ce nom, comme portion de
la Cisalpine, a subsisté jusque dans le xi^ siècle. La
recherche de l'étendue et des limites de ce petit
royaume appartient donc spécialement au sujet que
nous traitons, et au période de temps dont nous nous
occupons.
C'est Cottius même, le premier et le seul roi de ce
petit État '^ ( car son père Donnus n'en posséda
jamais qu'une partie ) , qui nous fournit sur ce sujet
le plus de détails. Cottius fit pratiquer, pour le pas-
sage des Romains dans les Gaules, une route ^ par la
vallée de Suse , plus sûre et plus commode que celle
qu'on prenait ordinairement par le val de Fenes-
• Suetonius, in Nerojiis vita, cap. 18. — Sextus Aurelius Victor,
in Nerone. — Sextus Rufus, Eutropius , lib. vu. — Paulus Diaco-
nus , Hist. miscelL, lib. viii. — Vopiscus, in Aureliano.
' Conférez la Chronique grecque dont l'auteur n'est pas connu,
citée par Cluverius, Italia aniiqua, lib. i, cap. 12, tom. i, p. gi ,
n" 3o.
^ Ammian. Marcellin. , lib. xv, cap. lo : « Rex Cottius.... molibus
« raagnis extruxit ad viceni memorabilis niuneris compendiarias
(f médias inter Alpes. » Le même historien nous apprend que ce fut
aussi à Suse que fut enterré le roi Cottius : « Hujus sepulcrum
« quem itinera struxisse retulimus Segusione est , mœnibus proxi-
" mum. ))
PARTIE II, CHAP. IV. 25
trelles, et il érigea au bas des Alpes un arc de triomphe
près de Suse, où se trouvent mentionnés tous les
petits peuples habitans des vallées voisines réunis
sous sa domination ; cet arc existe encore , et il a été
figuré et gravé par Muratori, MafFei, Massazza et
Albanis Beaumont '. C'est d'après ce monument (un
des plus intéressans qui existent pour la Géographie)
que nous décrirons le royaume de Cottius; mais
avant d'en donner l'explication géographique , re-
cueillons les lumières que nous fournissent les auteurs
anciens sur les limites de ce petit Étal, avant et après
Auguste.
Pline et Strabon * terminent les Alpes et l'Italie
à un lieu nommé Scingomagus, situé dans l'Etat de
Cottius, lieu qui est aussi mentionné par Agathemère.
Stiabon nous dit que Scingomagus était h 27 milles
à'Ocelo ; et en mesurant sur la carte , à partir
d'Uxeaux , près de Feneslrelles % et en suivant la
route par le col Servières, nous arrivons à Servières,
pour Scingomagus f un peu à l'est et tout près de
Briançon. Strabon nomme en effet Scingomagus ,
conjointement avec Briançon , Brigantio. Ainsi
l'Italie se terminait à Ocelum, Usseaux , près de
Fenestrelles, lorsque César entreprit la conquête des
Gaules^. Mais après la pacification des Alpes, le
■ Muratori, Novus thésaurus vetcrum inscriptionum , tom. 11,
in-folio, 1740, p. 1095, tab. 2 et 3. — MaflFei, Musœum veronense.
— Massazza, l'Arco antico di Susa dcscritto e disegnato, in-folio ;
Torino, 1750, p. 10. — Albanis Beaumont, Description des Alpes
grecques et cottiennes, tom. i, p. 264-
' Strabo, lib. iv, p. 17g. — Plinius, Hist. nat., lib. 11, cap. 108.
— Agathemerus, lib. i, p. 1 1 , Geogr. ininor. , edit.Hudson, tom. ii-
' Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
* Caesar, de Bcllo gallico , lib. i , cap. lo.
26 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
territoire àe Donnas y père de Cottius, qui s'étendait
jusqu'à Briançon, fut réputé appartenir à l'Italie.
Ainsi Servières et Briançon paraissent avoir été les
bornes de l'Italie et de l'Etat de Cottius , avant
qu'Auguste n'eût réuni à cet Etat les Caturiges et
d'autres peuples. En effet, nous savons qu'Auguste
ne fit jamais la guerre au roi Cottius , et nous voyons
les noms des Caturiges parmi ceux de l'inscription
du trophée des Alpes que Pline nous a conservés, et
qui renferme la liste des peuples alpins domptés par
Auguste ' : ces mêmes Caturiges se trouvent d'un
autre côté aussi m^entionnés sur l'arc de Suse , comme
sujets du roi Cottius; donc, Auguste les avait réunis
aux autres domaines de ce roi " : nous en avons
encore une preuve dans Strabon, qui comprend Ebro-
dununi, Embrun, ville des Caturiges , dans l'Etat
de Cottius, et qui étend les frontières de cet Etat
jusqu'aux limites des Vocontii^ . L'Etat de Cottius
njant toujours été considéré comme partie intégrante
de l'Italie, les Caturiges y furent par cette raison
quelquefois compris, quoique leurs limites excédas-
sent celles qui avaient été assignées à cette contrée.
Voilà pourquoi Pline ne met pas les Octodurenses y
les Centrones y les Caturiges, et les villes cottiennes,
au nombre des peuples de la Gaule, mais qu'il les
nomme avec les F'agiejini^ , au nombre des peuples
des Alpes auxquels on avait accordé le droit de villes
' Plinius, lib. m, cap. 20.
' Muratori, Inscript., p. logS.
' Strabo, lib. iv, p. lyg, 2o4-
< Les Vagienui , peuple ligure , et évidemment en Italie , étaient
issus des Caturiges suivant Pline; ce qui était encore un motif de
]ilus pour placer les Caturiges en Italie. Voy. Plinius, lib. m, c. 20.
PARTIE 11, CHAP. IV. 27
latines, et c'est aussi par cette raison que Ptoléinée
place en Italie ces mêmes Caturiges , auxquels il
donne Ebiodunum, Embrun , pour capitale ' . Lors
de la formation d'une province dans la Gaule trans-
alpine, sous le nom d'Alpes maritimes et long-
temps après le période dont nous traitons , les limites
de l'Italie furent définies avec plus d'exactitude. On
ne leur attribua plus une aussi grande étendue vers
l'orient, mais elles ne furent pas aussi restreintes à
l'occident qu'elles l'étaient du temps de César, ni
même du temps de Pline et de Strabon. L'Itinéraire
d'Antonin, celui de Jérusalem et la Table, nous dé-
montrent que ces limites furent fixées au passage de
la Durance, à Rama^ aujourd'hui Casse-Rom''. Quant
à l'État de Cottius, avant les concessions faites par
Auguste , il paraît représenté par les Segusiani de
Ptolémée ^, et avoir renfermé le Briançonnais, le
val de Fenestrelles, et les vallées d'Oulx et de Suse;
dans cette dernière vallée, un lieu nommé Fines
dans les Itinéraires, dont les mesures déterminent
la position à Avigliana moderne ^ , marque quelles
ont toujours été les limites orientales de ce petit État
dans cette vallée ; ces limites étaient encore celles
des diocèses de la Maurienne et de Turin, en 5SS ,
ainsi quele constatent des titres authentiques cités par
Durandi et Besson ^ . Telle était l'étendue de l'État
' Plolemaeus, lib. m, cap. i.
' Voyez V Analyse des Itinéraires, tome m de cet ouvrage.
'Ptolemaeus, Geogr., lib. m, cap. i.
'^ Voyez V Analyse des Itine'raires, toin. m de cet ouvrage.
'' Durandi, Notizia dcli anlico Pienionle traspadano, o sia inarca
di Torino o d'Italia, p. 86. — Besson, des divers Diocèses de Sa-
voie , p. 478.
28 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
dont Cottius hérita de son père Donnas, et que Stra-
bon ' désigne sous le titre de domaine de Donnas.
Examinons actuellement , d'après l'inscription de
Suse, quelles furent les limites de ce même État,
après les concessions faites par Auguste, et tâchons
de déterminer l'emplacement des difFérens peuples
qui en faisaient partie.
L'inscription de Suse commence ainsi :
IMP. C;ESARI AUGUSTO. DIV. F. PONTIFICI MAXUMO TRI-
BUNIC. POTESTATE XV IMP. XIII M. JULIUS REGI DONNI
F(iliuS)'' PRiEFECTI CEIVITATIUM QU^ SUSCRIPTiE SUNT.
Suivent ensuite les noms des peuples que nous
nommerons, et dont nous déterminerons les posi-
tions selon l'ordre que nous donne l'inscription.
Segoçioninij Seguginorum. — On s'est imaginé que
les Segovii et les Segusini ou Segiigini étaient le
même peuple répété deux fois , mais c'était supposer
que Cottius ne connaissait point ses propres Etats.
Les Segusini habitaient la vallée de Suse , et nous
avons vu que de ce côté le domaine de Cottius se
terminait à Avigliana. Ptolémée les nomme Segii-
siani et leur donne pour capitale Segusio % dont
la position à Suse moderne est démontrée par les
mesures de l'Itinéraire et de la Table pour la voie
romaine qui part de Turin , et qui aboutit à Vienna
ou à Dea, Die , ou enfin à Ebrodunum, Embrun '*.
Cependant il faut observer que, dans l'inscription de
' Strabo, lib. iv, p. 204 ; tom. n, p. ga, de la trad. fr
' « Marcus Julius, régis Donni filius. » Ainsi Cottius prend le nom
de Julius en mémoire de Jules César, et se dit fils du roi Donnas.
' Ptolemœus, Geogr., lib. m , cap. i.
^ Voyez YÂ/ialyse de; Itinîraivts, tom. m de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 29
Cottius, les Segusini sont pris dans un sens plus
restreint que dans Ptolémée, et dans d'autres auteurs,
qui ont fait abstraction de beaucoup de petits peuples
mentionnés ici. hes Segusini de l'inscription doivent
être strictement renfermés dans la vallée de Suse , et
paraissent s'être étendus seulement à l'ouest , à un
lieu nommé Finll, qui était la limite de trois peuples
différens, les Segusini ^ les Segoçiiet \tsSavincatii.
Les Segoçini ou Segovii, qui sont les premiers peu-
ples mentionnés dans l'inscription , occupaient la val-
lée de Sésane et le col Sestrières; leur nom, et l'empla-
cement de leur chef-lieu, se retrouvent dans Seguin,
Segouin ou Segovin moderne. C'est à tort que d'An-
ville a voulu placer dans cet endroit le Scingomagus
de la Table, qui était près de Briançon, ainsi que le
prouve la mesure donnée par Strabon. Seguin ou
Chamlas-Seguin , est nommé villa Segomia y ou Se-
goUna, dans les anciens titres du Daupliiné; on
trouve aussi dans le val di Sesana un lieu nommé
Sause, qui est Siga dans les anciens titres; mais Ro-
villier , dès le commencement du viii^ siècle , avait la
suprématie dans cette vallée, et villa Segoiina et
Sisa sont mentionnées comme étant du ressort de
RaudenoQillianum \
Belacorum. — Les Belaci étaient situés dans la val-
lée de Bardonache, à l'ouest de celle de Suse; on re-
trouve le nom des Belaci dans un lieu de cette vallée
nommé Belac ° dans les titres du xi'' siècle, dont on
a fait depuis Beulas; dans des titres postérieurs _, on
a mal latinisé ce nom, et il s'est converti en celui de
' Durandi , Piemonte traspadnno, p. 3i, part, i, iti-4°; i8o3.
° Ibid., p. 59..
30 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Bedularium, ou Beolarium ; il se nomme aujom'-
d'hui Beaulard ou Bolard ' .
Caturigum. — Les Caturiges , proprement dits,
se trouvaient renfermés dans la vallée de Chorges et
d'Embrun ; nous avons précédemment déterminé
leurs limites, qui se terminaient à l'ouest, à Blaynie^
le Fines de l'Itinéraire, et à l'est, à Casse-Rom ou
Rama ".
Medullorum. — Il est impossible d'indiquer plus
exactement que ne l'a fait Strabon la position des
Medulli ' : (f Après les T^ocontii , les Iconii , les Tri-
« corii, dit-il, sont les Medulli. Ils occupent la partie
a des montagnes la plus élevée, qui forme, dit-on,
« une montée de loo stades; il faut en parcourir au-
« tant pour descendre ensuite jusqu'aux frontières
(( de l'Italie. Dans les endroits enfoncés du sommet
(f de ces montagnes , il se forme un grand lac, et l'on
f( y trouve de plus deux sources h peu de distance
(f l'une de l'autre. L'une de ces sources donne nais-
u sance à la Diuias, » Strabon ajoute ailleurs que les
Medulli sont fort au-dessus de la jonction de l'Isère
avec le Rhône. Enfin Ptolémée place les Medulli im-
médiatement au nord des Allobroges ^. Toutes ces
indications nous démontrent que les Medulli étaient
' Durandi écrit Beaulard, et Bâcler d'Albe, sur sa carte, Bolard.
* Voyez ci -dessus, tom. r, p. 227, SBg, 54 1 à 543. — Caesar,
Comment, de Belln ^allico , lib. 1, cap. 10. — P!in., lib. m, cap. 17.
— Ptolemaeus, Geogr., lib. 11.
' Strabo, lib. iv, p. 2o3; tom. 11 , p. 90 , de la trad. française. En
nous servant de cette traduction , nous avons été obligé de la recti-
fier. Les savans traducteurs ont commis un contresens en faisant
dire à Strabon que les montagnes des Medulli ont 100 stades de
hauteur perpendiculaire.
" Ptolemœus, Gengr., lib. 11, cap. 5, p. 55, de l'édit. de Bertius.
PARTIE II, CHAP. IV. 31
dans la Maurieiine : dans la partie nord de cette vallée
est un lieu nommé Miolans, appelé castrum Medullum
dans le moyen âge ' ; c'est dans cette partie de la
vallée, qui se dirige du nord au midi, que l'on doit
restreindre les Medulli proprement dits, tandis que
les Garoceli de César, ou les Adunates de notre in-
scription, occupaient cette autre partie de la Mau-
rienne qui se dirige de l'ouest à l'est, dans un sens
contraire au premier, depuis le village de Saint-
Michel, jusqu'aux sources de l'Arc. Les lacs dont
parle Strabon sont évidemment ceux qui se trou-
vent sur le mont Cenis; la montée et la descente des
Alpes, dont Strabon donne la mesure, est celle du
Petit-Saint-Bernard; et on mesure juste 200 stades
olympiques, à partir de Scez jusqu'à la fin de la des-
cente, à 7 milles à l'ouest d'Aoste. Vitruve " a aussi
parlé des Medulli , en remarquant les goitres que
leur font contracter les eaux dont ils font usage. Il
est à peine concevable que d'Anville, qui avait si
bien reconnu et assigné l'emplacement des Medulli
dans sa carte de Gallia antiqua, publiée en 1760 ^,
ait, dans sa Carte gravée en 1777 pour l'édition du
Strabon de Bréquigny et pour celui d'Oxford ^ ,
placé ce peuple à Meuillon , un peu à l'est de Vaison,
dans le district autrefois nommé les Baronies* : rien
' Il est appelé castrum Medullionis clans Vltalla medii œvi de
Caréna, carte manuscrite de ma collection qui décèle dans son
auteur une grande érudition.
" Vitruvius, lib. viii, cap. 5.
^ D'Anville, Notice, p 45o, et carte de Gallin antiqun.
■^ Voyez le Strabon de Bréquigny, in-4", tom. i. — Strabon d'Ox-
lord, tom 1.
' Meuillon se nommait aussi Medullum dans les titres anciens du
Dauphiné. On peut voir l'étendue et les limites du district nommé
32 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
n'est plus contraire au texte même de Strabon que
celte opinion : elle contrarie également le texte de
Ptolémée, qui place à la vérité les Medulli dans la
Gaule et non en Italie , parce qu'ils habitaient sur le
penchant de la vallée formée par le Rhône , et qu'ils
étaient près des Allobroges.
Tebaviorum. — Les Tebacii étaient à l'ouest des
Medulli j dans la vallée formée par la petite rivière qui
se rend dans l'Isère, et qui passe à AUevard. On
trouve dans cette vallée les noms de Tueve , Thyes
et Tavio, qui conservent évidemment le nom des
Tehaviones ; ils avaient au midi les Brodontii de
l'inscription du trophée des Alpes, ainsi que nous le
prouverons bientôt.
Adanatium. — Les Adanates étaient à l'est des
Medulli y et occupaient cette autre moitié de la Mau-
rienne qui se dirige de l'est à l'ouest. Modana, le
chef-lieu de cette partie de la vallée , a été appelé
Adana dans le moyen âge. Ces peuples des Alpes
ne possédaient souvent qu'un seul petit canton , et
peut-être les Garoceli , que nous avons démontré '
être situés encore plus à l'est, aux environs d'Auxois,
ou d'Ocelum et de Lans-le-Bourg, habitaient-ils la
Maurienne en même temps que les Adanates et les
Medulli, formant, sans se confondre, trois tribus
ou peuplades différentes.
Sai^incaiium. — Les Sai^incatii habitaient le val
d'Oulx, où leur nom se retrouve encore dans celui de
les Baroaies dans la Carte du Daujohiné, par Jaillot, en ijaS. —
Sanson avait très bien vu que les Medulli devaient être dans la Mau-
rienne. Voyez sa Description de la France, tirée de Ptolémée , p. 7,
in-folio ; Paris, 1661.
' Voyez ci-dessus, part. 11, cli. 2, toni. i, p. 542.
PARTIE II, CHAP. III. 33
l'ancienne terre de Sauvenceaux ' , à la droite de la
Doria, ils occupaient tout le haut de la vallée, où on
lit les noms de Sapet et de Salbetram.
Egdinorum. — Les Egdini sont évidemment les
mêmes que les Eciini du trophée des Alpes, et doi-
vent être placés dans le val Saint-Etienne , formé par
la rivière Tinea ou Tinier; ils s'étendaient depuis
les sources de cette rivière, jusqu'à l'endroit où le
Var reçoit un torrent considérable, nommé le Chaos,
qui sépare le diocèse de Glandèves de celui de Nice.
Au nord des Ectlni , et de l'autre côté de la chaîne,
habitaient les Veneni , mentionnés par Pline ", dont
on retrouve le nom et la position dans Vinadio
moderne, aux sources de la Stura.
Veaminoriim. — D'Anville ^ place les Veamini
dans le haut et bas Toraraeneos 't, dont le nom, sui-
vant lui, est Torearaina dans les titres. Ces peuples
sont aussi mentionnés dans le trophée des Alpes ^.
ï enicamorum. — Les T^enicamori étalent placés
dans la vallée formée par les sources de la Vraida et
de la Maïra , aux environs du col Morin ou Maurin
et du col Lautaret. Une bulle du pape Callxle II ,
en 1 120, du cartulaire de l'église d'Oulx, fait men-
tion d'une paroisse nommée Santa Maria di Comerio,
près du col Lautaret ^ .
' Durandi , Notizia del antico Piemonte traspadano , p. 47.
' Plinius, Hist. nat., lib. lu, cap. 7, tom. i, p. 149, édit. Hard.
^ D'Anville, Notice, p. 682. — Papon , dans son Hist. de Provence,
tom. I, p. HT, adopte l'opinion de d'Anville.
* Ce lieu est écritïhorame sur nos cartes, dont Bâcler d'Albe a fait
Thoraine. On dit dans le pays Thorames haute et Thorames basse.
"• Plinius, lib. m, cap. 20 (24), tom. i, p. 177, édit. Hard.
" Durandi, Piemonte cispadano antico, p. 54-
II. 5
34 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Dans les vallées formées par la Série et la Sasse,
qui se jettent dans la Diirance un peu au-dessus de
Sisteron, des monumens historicpes qui remontent
à l'âi^e romain , nous font connaître un peuple
nommé Jemerii, dont le nom ne figure pas dans
l'inscription telle que Pline l'a rapportée. Vaumielles-
lès-Jaumes, et surtout un lieu nommé Saint-Jemmes,
retracent le nom et la position des Jemerii. Ils étaient
au midi des Caturiges. Dans une charte citée par
Durandi, il est question d'un certain Guido de Car-
rieris , qui vend un pré près du lieu nommé de
Jemmis y vers Villarium y et près de la rivière ' :
Jemmis est Saint-Jemmes, Pillarium est Valluvoire,
et la rivière est la Durance ou la Sasse.
Kesuhianorum. — Les T~esubiani , qui paraissent
les mêmes que les Esubiani de Pline , occupaient la
vallée formée par la Vesubia, rivière qui prend sa
source près du col Finestre , et qui se jette dans le
Var près de Livenza.
Quadiatium. — 11 paraît que c'est faute d'avoir
obser\é une partie de la première lettre du nom de
ce peuple, que plusieurs antiquaires ont luOvadatium,
mais qu'il faut lire Quadatium. Les Quadiatii étaient
les habitans de la vallée de Queyras : dans les an-
ciennes chartes, la vallée à la gauche de la Guille
est appelée Quadratium,
Les Quariates de Pline " ne doivent pas être con-
fondus avec les Quadatii ou Quadiates de l'inscrip-
■ Durandi, Piemonte cispadano , p. 54- — Cette charte est de
l'an iSuS : « In loco ubi dicitur de Jemmis, versus Villarium et prope
n flumen. »
' Plin., lib. m, cap. 5, tom. i, p. 147, édit. Hard., in-folio.
PARTIE II, CHAP. III. 35
tion de Cottius ', ni, comme le veulent quelques
auteurs, avec les Quari ou Canari de Strabon % qui
sont les C avares , et on ne doit pas leur attribuer la
vallée de Quejras, comme le veut d'Anville \ Pline
nomme ce peuple immédiatement après les Suetri et
avant les Adunicaies . On doit, je crois, d'après cette
indication , les placer dans les environs de Forcal-
quier; j'ai prouvé ailleurs que ce lieu ne pouvait
être \e forum Neronis , comme on le prétend **; son
nom me parait provenir àe forum ou de fons Qua-
riatium , les plus anciens titres le nomment ^o/i^
Calquerius.
On voit, d'après ce détail, que l'État de Cottius
renfermait toutes les vallées qui se trouvent entre la
Vesubia et les sources du Var, et qu'il s'étendait
jusqu'à la source de la rivière d'Arc, qui arrose la
Maurienne. A l'est , les plus hauts sommets des Alpes,
et en général la ligne tracée par la séparation des
courans d'eau, lui formait une barrière naturelle.
Sous ce point de vue , le rojaume de Cottius était en
grande partie situé dans la Gaule transalpine; mais
il anticipait sur l'Italie , puisqu'il comprenait aussi
le val de Pragelas , jusqu'à Ocello, et le val de Suse
jusqu'à Avigliana, et une partie du val de Blino et de
Maïra , près du col Lautaret. A l'ouest, les frontières
de ce petit rojaume étaient formées par les mon-
tagnes qui bordent l'Isère, la Drac et la Durance;
' Durandi, délie Antiche città di Pedona, di Caburro, etc., p. 65.
— Id., Piemonte cispadano antico, p. i5et i5.
' Strabo, lib. iv, p. i85, édit. Cas.; tom. n, p. 25, de la trad. fr.
' D'Anville, Notice de la Gaule, p. 556.
" Voyez ci-après, et VAnalyse des Itinéraires , tom. m de cet
ouvrage.
36 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
celles qui bordent au midi la vallée de Barcelonette ,
et celles qui accompagnent le Verdon h l'ouest , jus-
qu'aux sources du Var, achevaient la limite. Ce ter-
ritoire comprend presque toute la province connue
depuis sous le nom. d'Alpes maritimes, à la réserve
de quelques districts au midi et à l'est , et renferme
en entier les diocèses modernes de Glandève et d'Em-
brun , et les parties septentrionales de celui de Nice
et de Senez ' .
Pline dit qu'on ne trouve pas, dans l'inscription
du trophée des Alpes, les douze villes ' ou peuplades
de Cottius, parce qu'elles n'étaient point ennemies ;
mais nous voyons que, dans l'inscription de Cottius,
il y a quatorze peuples au lieu de douze, et que
les Caturiges y les Medidli et les Egdini , se retrou-
vent dans les deux inscriptions : ce qui prouve, ainsi
que je l'ai déjà observé, qu'ils sont au nombre des
peuples qu'Auguste avait domptés, et qu'il réunit au
royaume de Cottius. D'autres petits peuples, non
mientionnés dans l'inscription de Cottius, mais dont
on retrouve les noms dans celle du trophée des Alpes
et dans d'autres , ont évidemment fait partie de ce
petit État. La fin même de l'inscription de Cottius,
etcwitates quœ sub eo prœjecto fuerimt^ prouve que
les cantons les moins considérables sont passés sous
silence, et que le dénombrement n'est pas complet.
De ce nombre sont les Brigiani, mentionnés dans
l'inscription des Alpes % et placés dans cette inscrip-
' Voyez , pour ces limites , la carte insérée dans le tome m de la
Gallia christiana , p. io5i , 1240 et i25o de ce volume. — Instru-
menta, p. 178.
' Plinius, Hist. nat., lib. m, c. 20 (24); mais une édition porte xv.
' Plin., Hist. nat., lib. m, c. 20 (24), tom. 1, p. 177, édit. Hard.
PARTIE II, CHAP. III 37
tion près des Caturiges; ils paraissent avoir occupé
une partie de la vallée de Briançon , en tirant vers
l'ouest. Une inscription avec ces mots, obd. bric,
confirme cette position '. Si les Nemaloni ou Ne-
maloîies occupaient les environs de Miolan , dans
la vallée de Barcelonette, où on les place par con-
jecture, ils étaient sujets du roi Cottiusj il en était
de même des Oratelli , qui doivent être mis à l'est
d'Embrun, entre la montagne d'Orel ou Aurel, et le
lieu nommé Orres, dans le vallon de Boscodon et de
Crevouls ' : peut-être aussi faut-il comprendre parmi
les peuples dépendans de Cottius \esAcitavones, qui
paraissent avoir habité la montagne de La Yanoise,
aux sources de l'Isère \ Les autres peuples de ce côté
des Alpes étaient presque tous limitrophes de l'État
de Cottius.
Au nord-ouest de cet Etal, se trouvaient les Siconii
ou plutôt Sconii de Strabon , que ce géographe
nomme deux fois '^ , et dont il Indique très bien la
situation entre les Tricorii et les Medulli, et au nord
des Caturiges et des Kocontii : ce qui nous porte
' Bouche, Chorogr. de Provence , iv, c. 3. — Wesseling, Itinér.,
p. 541.
"Durandi, Piemonte cispadano aniico , p. 27 et 62, ainsi que
Papon, Hist. de Provence, tom. i, p. ii5, placent les Oratelli à
Utel ou Hutel , au-dessus du confluent de la Vesubia et de la Tinea ;
mais cet emplacement les rapproche trop des Vesubiani, avec les-
quels alors ils se confondent.
^ L'ordre géographique serait troublé, si l'on retournait vers le
nord pour placer les Acitavones dans le Faucigny, comme le veut
d'Anville, et d'après lui Albanis Beaumont, tom. i, p. 53. — C'est à
tort qu'on a voulu confondre , sur l'autorité d'un seul manuscrit , les
Acitavones et les Centrones.
<Strabo, lib. iv, p. i85 et 2o5 ; trad. franc., lib. iv, cap. 1 et 6,
tom. II, p. 25 et 90.
38 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
dans le val d'Oysans pour la demeure des Siconii.
Honoré Bouche , le président de Boissieu , et après
eux d'Anville , ont été conduits à placer les Uceni
dans le val d'Oysans, d'après une certaine analogie
qu'ils ont cru trouver entre le nom ancien et le nom
moderne; mais ils ont oublié que le nom d'Ojsans,
en latin , dans les titres du xii^ siècle *, est Asincium
ou. Sincium , à l'ablatif Sincio : ce nom et celui de
la rivière Vincon, qui traverse cette vallée, ont un
rapport évident avec le nom (VIconii ou Siconii.
LjCS Uceni, que Pline ' indique aussi, entre les Me-
dulli et les Caturiges , me paraissent avoir habité la
vallée au nord des Siconii , dans la petite vallée d'Oz ,
et aussi celle de Huez.
Mais au nord de cette vallée d'Oz, je détermine
avec plus de certitude la demeure d'un peuple dont
jusqu'ici la position a été inconnue , ce sont les Bro-
dontii de Pline, qu'on a voulu à tort confondre avec
les Bodontici , parce qu'on ne savait où les placer.
Je retrouve leur nom dans celui d'une montagne
nommée Brodon ^, une des plus considérables qui for-
ment la vallée d'Olle : ainsi les Brodontii occupaient
tout le haut de cette vallée et celles qui en sont
voisines.
' Durandi , Picmotite cispadano antico , p. i4-
' Plin., Hist. nat., lib. ni, cap. ao (24), tom. i, p. 177, édit. Hard.
^ Voyez la Carte des limites de la France et de la Sardaigne, levée
sous Bourcet, maréchal-dc-camp , et dressée par Villaret, 1760. —
La feuille qui donne le nom de Brodon , et sur laquelle on trouve
écrit montagne de Brodon et cime de Brodon, est la feuille vue;
elle est intitulée : Carte ge'ome'trique de la montagne et combe
d'Olle , pour servir à la limitation des territoires de Vaujany en
Dnuphine' , et de Saint-Cùlomhan-des-Villards en, Maurienne .
PARTIE II, CHAP. III. 3Î)
Au nord des MeduUi , c'est-à-dire au nord de
l'État de Cottius , étaient les Eguituri; ils occu-
paient, je le présume, le district nommé Entre-Deux
Gujers ' : c'est au nord de ces Egiuturi que je pense
qu'il convient de placer les Edenates % dans le val
d'Ejnan; c'est à tort qu'on a voulu confondre ce
peuple avec les Adanates de l'inscription de Cottius.
Les Magelli étaient, à l'est, limitrophes de l'Etat
de Cottius; ils habitaient le val de Saint-Martin,
entre le Pelice , la Ghison et la Lemina , dans le val
Dubiasca, au midi de cette portion de l'État de Cot-
tius qui s'étendait dans la vallée de Suse. Deux lieux
très anciens, nommés, dans les chartes du ix*^ siècle,
curte Macello et loco Macello , et dans d'autres,
Magedellum, ont conservé le nom de ce peuple.
Macello se trouve encore sur nos cartes modernes un
peu à l'est de San Martino , ainsi que Majers, qui est
Magellum % près de Prali. Si les Sogiontii de Pline
étaient, comme je le présume, possesseurs du terri-
toire aux environs de Sigonce, au nord-est de For-
calquier , ils se trouvaient situés à l'ouest de l'Etat
de Cottius. Une inscription trouvée en 17^7, dans
les environs de Vienne '', fait mention de civitas
' Peut-être vaudrait-il mieux placer les E^uituri aux environs
d'Egouares, au confluent de la Durance et de l'Ubaye, à l'ouest de
Savines; alors ils se trouveraient renfermés dans le territoire des
Caturiges, et feraient partie de l'État de Cottius. — Durandi, Pie-
monte cispadano , p. ay, place ces peuples dans le territoire de
Gatters, à quatre milles de l'embouchure du Var ; ce lieu est nommé,
dans les titres de 1200, casirum de Guatteriis.
' Ptoleraa;us, lib. ni, cap. i.
^ Majers ou 3Iagers se trouve sur la Carte de Bâcler d'Albe, près de
Piali ; Macello est placé dans la Carte de la Lombardie , par Zannoni.
' Plin., lib. III, cap. 20 (24), édit. Hard., tom. i, p. 177. — Donali,
Suppl. veter. inscript., p. 54^.
40 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
SOGIONTIORUM. Les PedjU ' de Strabon occupaient,
je le présume, les environs de Piégu, un peu à l'est de
Taîlard. Les éditeurs du Strabon ont chance ce nom
de Pedfli en celui de Medidli, sans même avertir
de cette variante ; mais l'édition de ce géographe
dernièrement publiée à Oxford a conservé la leçon
des meilleurs manuscrits. Dans les pays de hautes
montagnes, un village, séparé par des hauteurs pres-
que inaccessibles de tout le territoire qui l'environne,
forme souvent un petit peuple à part , qui a un
nom distinct, des mœurs, et des habitudes, qui lui
sont particulières.
Enfin , au midi des sources du Var, et par consé-
quent aussi au midi du royaume de Cotlius , habi-
taient les Briganiii et les Beriiini ; ils faisaient pro-
bablement partie des Vediantii et des Nerusii : la
position et l'existence des Briganiii est prouvée par
plusieurs inscriptions trouvées à Briançonnet, qui en
font mention; c'est donc à Briançonnet, près des
sources de l'Esteron, et à l'est de Castellane, au sud
d'Entrevaux, qu'il faut placer ces Briganiii , diffé-
rens des Brigiani précédemment mentionnés'. Les
Beriiini habitaient la vallée de Saint-Pierre et de
Pêne, où a été trouvée l'inscription antique qui con-
state leur existence , et dès lors on a connu l'origine
véritable du surnom de Leis Beritins ^ , donné de
temps immémorial aux habitans de cette vallée qui
est située au sud-est d'Entrevaux, et qui a la vallée
de Seroz à l'est.
' Strabo, lib. iv, tom. i, p. 206, édil. d'Oxford, in-folio; tom. n,
p. 25, de la trad. franc., et p. a85 de l'édit. d'Almeloween.
" Papon, Hist. de Provence, tom. i , p. 80; et ci-dessus, p. 36.
' Papon, tom. i , p. 108 et 109. — Voyez ci-dessus, p. 36.
PARTIE II, CHAP. III. 41
Il n'y a aucun doute sur la position des Vergunni ',
que l'on place avec raison à Vergon , à l'ouest d'En-
tre vaux-sur- Va ix , et qui est nommé de J^era^unnis
dans les actes du moyen âge ''.
Les Nemanturi , qui ne nous sont connus que par
rénumération rapide de Pline, peuvent se placer aux
environs de Demandols ^. Les Adunicates^ possé-
daient peut-être les environs d'Alglun, nommé
AgUduno dans les titres du moyen âge ^, ou les envi-
rons de la montagne d'Andon. Les Triulatti parais-
sent avoir habité les bords du \ar, entre Guillaume
et Entrevaux, où l'on trouve les rivières Tueli ,
près de Guillaume, et la cime d'Alette , près d'En-
trevaux ^ . Les Gallitœ paraissent avoir occupé le
confluent de l'Esteron et du Var, aux environs de
l'endroit nommé Gillette '. Les Velauni étaient,
suivant moi, plus a l'ouest, aux environs du lieu
nommé Vevelause , sur les bords du Verdon , au
nord de Castellane ; ils se trouvent ainsi placés
au nord des Suetri , comme le demande le texte de
' Plin., Hist. nat., cap. 20 (24), tom. i, p. 177, édit. Hai'd. —
Strabo, lib. iv, p. 180. — Tit. Liv., xxviii, 46; xi, 4, epit. 4o. —
Plut., Fit. Paul. JEmil. , cap. 6. — Dion. Cass. , apud Tzetz, ad
Ljcophr., V. i3i2. — Florus, 11, 3.
' Honoré Bouche, Choi'ographie de laProvence, in-fol-, 1. 1, p. 176.
' Plin., Hist. nat., lib. 111, 20 (24), tom. i, p. 177, édit. Hard. —
Demandols est au-dessus de Castellane ; c'est aussi le sentiment de
Durandi, Pienionte cispadano , p. 27.
*Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 5, tom. 1, p. 147, édit. Hard. —
Papon, tom. i, p. 118, place les Adunicates à Audaon et Caille.
' Gallia christiana, tom. in. — Instrum., p. 187.
* Durandi , Piemonte cispadano, p. 26, les place à Triola, dans la
vallée formée par la Roya. Je ne trouve Triola sur aucune carte,
mais seulement Aivola ; cette position nous ferait entrer en Italie ,
et Pline ne paraît pas franchir la chaîne des Alpes.
' Plin., loco cit.; Durandi, Piemonte cispadano antico, p. 26.
42 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Pline '. Les Ligauni , que le même auteur place au-
dessus des Oxyhiiy se trouvent occuper les environs
de Saint- Vallier, de Callian et de Fayen '.
C'est en décrivant la Province romaine que Pline
nomme les Af^antici et les Bodiontici ^ ; mais il ob-
serve lui-même qu'ils furent ajoutés par Galba à la
liste des peuples des Alpes , et il leur donne Dinia
pour capitale. Comme Dinia est devenu chef-lieu d'un
diocèse, son identité de position avec Digne mo-
derne se trouve prouvée par une suite de monumens
historiques, au défaut des mesures des itinéraires an-
ciens , où ce lieu ne se trouve pas mentionné. Les
Avantici et les Bodiontici réunis sont donc repré-
sentés par le diocèse de Digne, qui détermine leurs
limites. L'autorité de Pline, au sujet de ces deux peu-
ples, à.<yciX Dinia était la capitale , est ici irréfragable,
puisque cet auteur cite un rôle dressé sous l'empereur
Galba ; mais ces petits peuples sont tellement en-
tassés les uns sur les autres, que cela ne détruit pas
le texte de Ptolémée "*, qui donne Dinia pour capitale
aux Sentii ; car à l'époque où il écrivait, les Avan-
tici et les Bodiontici auront été renfermés dans le
territoire des Sentii; mais , primitivement au temps
de Pline, on doit restreindre ces derniers au diocèse
de Senez, et leur donner Sanitiuniy Senez, pour
capitale.
■ Plin., Hist. nat., lib. m, c. 5, t. i, p. 147, édit. Hard. — Honoré'
Bouche, et d'Anville d'après lui, Notice, p. 684, placent ces peuples
dans le comté de Beuil ; mais sans aucune vraisemblance , puisque
Beuil est nommé Bellio dans les anciennes archives de Provence.
" Plin., lib. III, cap. 5, tom. i, p. 146, édit. Hard. — Voyez ci-
dessus, tom. I, p. 557.
' Id., lib. III, cap. 5, tom. i, p. 148, édit. Hard.
* Ptolema'us, lib. 11, cap. 5, p 5i, édit. Merc, ou p. 56, édit. Bert.,
PARTIE II, CHAP. m. 43
Si à tous les peuples que je viens de nommer on
ajoute les Suetri , les Nerusii^ les Pedantii , dont
j'ai déjà fait connaître la position , qui habitaient le
rivage, et occupaient en entier les diocèses de Grasse
et de Vence , et la partie méridionale de celui de
Nice, on aura, dans un très grand détail, le tableau
complet de toutes les nations ou peuplades qui for-
mèrent depuis une province particulière sous le nom
^ Alpes maritimœ ' .
Il s'agit actuellement de faire connaître les autres
peuples qui habitaient le nord et Test de la vaste
chaîne de montagnes qui fait l'objet de nos recher-
ches. L'empereur Auguste, après avoir soumis tous
ces peuples, avait élevé un monument sur le rivage de
la Ligurie, où se termine la chaîne des Alpes; ce
monument, connu sous le nom de tropœa Augustiy
était placé dans le lieu nommé La Turbia ; ce monu-
mient figure comme position géographique dans les
Tables de Ptolémée ', et subsistait encore en partie
du temps de Cluvier. Cet auteur rapporte le commen-
cement de l'inscription qu'on montrait de son temps
à La Turbia : elle a été donnée en entier par Pline %
et les dates qu'elle renferme prouvent que ce monu-
ment fut érigé un an après celui de l'Arc de Suse.
L'inscription qui s'y trouvait contenait une liste
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 1 85 et 1 85. Je n'ai point parlé des
Caudellenses , que Papon mentionne d'après une inscription trouvée
à Cadenet, en 1778. — Voyez Papon, Histoire de Marseille, tom. 1,
p. \'i%. — J'ai des doutes sur cette inscription.
" Ptolem., Geogr., lib. m, p. 68 (61), édit. Bert.
'Plin., lib. III, cap. 20. — Cluverius, Italia anliqua, tom. i,
p. 64. — 11 devient évident qu'il y a un i effacé dans l'arc de Suse,
et qu'il faut lire Tribunic. Potestate xvi Holstenius, Honoré Bouche
et autres, ont confondu ces deux inscriptions. La méprise est forte.
44 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
complète des peuples des Alpes domptés par Augusle,
liste que Pline nous a conservée. Elle nous donne
les peuples selon un ordre presque géographique, et
par cette raison nous allons la rapporter en entier,
de même que nous avons fait pour l'arc de Cottius.
Comme le plus souvent une des plus fortes preuves
de la position des peuples mentionnés dans cette in-
scription est le rang et la place qu'ils tiennent dans
l'ordre de la nomenclature, ce serait affaiblir ces
preuves que de déranger cet ordre pour en adopter
un plus rigoureusement géographique. Le lecteur
voudra donc bien se transporter de la partie occiden-
tale des Alpes que je viens de faire connaître dans la
partie orientale; et comme je me verrai forcé pour
expliquer, sans en rien omettre, cette inscription,
de franchir les limites de la Gaule cisalpine, je pas-
serai rapidement sur chaque peuple.
IMPERATORI CtESARI DIVI F. AUGUSTO
PONT. MAX. IMP. XHII TRIBUNIC. POTEST. XVII
S. P. Q. R.
QUOD EJUS DUCTU. AUSPICIISQUE
GENTES ALPINE OMNES. QU^ A MARI
SUPERO AD INFERUM PERTINEBANT.
SUE IMPERIUM P. R. REDACT^ SUNT '.
« GENTES ALPINyE DEVICT^. »
' Tout ce commencement est figuré ici comme dans Cluverius ,
Italia antiqua, tom. i , p 64 ; mais cet auteur judicieux observe que
cette inscription était moderne, et aura été refaite, d'après Pline,
lorsque l'ancienne s'est trouvée détruite. Alors, c'est peut-être cette
inscription qu'il faut corriger, et il faut lire Tribun. Potest. xvi au
lieu de xvu; car Pline a omis l'année. Je laisse ce point à débattre
aux chronologistes ; le reste est semblable à Pline. L'ancienne in-
scription a été détruite par les Lombai'ds ; ce qui restait de la nou-
A'elle l'a été par le maréchal de Villars. Il ne reslo plus actuelle-
PARTIE II, CHAP. III. 45
Ensuite les peuples sont nommés dans l'ordre
suivant :
Triumpilini. — Les habitans du val Troppia ou
Trompia, à l'est du lac d'Iseo. On a trouvé dans cette
vallée des inscriptions qui constatent qu'elle fut le
séjour des Triumpilini , et que l'idole adorée par
ses peuples, se nommait Tjllinus '; le culte de cette
idole a sans doute donné naissance au nom de val
Telline que porte une des vallées voisines. La res-
semblance du nom des Triumpilini, avec le nom mo-
derne de Trompia, est évidente. On a découvert à
Labone , dans le val Trompia , une inscription qui
constate que, du temps des Romains, les mines de
fer qui sont près de ces lieux étaient exploitées
comme elles l'étaient encore il y a un siècle; cette in-
scription est ainsi conçue : C. Montoerio M. Laboni
METALLARiORUM pREFECTis; ainsi l'originc romaine du
nom, et la position du village de Labone, se trou-
vent constatées \ Une inscription, trouvée à Brixia,
Brescia (tom. ii, p. 1089, n° 2), fait mention des
Triumpilini et des Benacenses ; il est évident, d'a-
près cela , que ces derniers habitaient les petites val-
lées à l'ouest du lac Garda ou Benacus lacus , dans
ment qu'une partie du nom des Triumpilini. — Voyez Millin ,
Voyage dans les de'partemciis méridionaux , tom. ii , p. 58i. —
Joffred, Hist. de Nîmes, et Honoré Bouche, Chorographie de Pro-
vence, tom. I, p. 99. — Plin., Hist. nat., lib. ui, cap. 24 (20).
' p. Gagliardi , Parère intorno ail antico siato dci Cenomanni ed
a' loro confiai , dans le Recueil de Sambuca , Raccolte di Memorie
sobra gli Cenomanni , p. 114.
^ Sambuca, p. 000. — La lettre du P. Gagliardi, qui contient un
voyage à pied aux sources de la rivière Mella, est curieuse même
pour la géographie moderne.
46 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
le district nommé, sur nos cartes modernes, Ri-
viera, depuis Riya jusqu'à Salo.
Camuni. — Les habilans du val Camonica, au-
dessus du lac Iseo. Deux inscriptions, trouvées dans
levai Camonica, l'une à Civeda, et l'autre à Eseno,
sur lesquelles se trouve le nom de Camuni y ne laissent
aucun doute sur la position de ce peuple '. On obser-
vera que cette énumération commence par le centre
même des Alpes, probablement selon l'ordre de la
conquête. Strabon fait aussi mention des Camuni i
il les place avec raison près des Lepontii y et les met
au nombre des nations rhétlques =".
Venostes. — Dans le val di Venosta des Italiens,
le Winthgau Thaï des Allemands^. Une inscrip-
tion, trouvée à Parenzo, mal lue et mieux rapportée
par Slauve, semble indiquer, sous le nom de Ma-
janis , le lieu nommé aujourd'hui Marano, à l'entrée
de cette vallée, comme la limite de la Gaule cisalpine.
' Cluverius , Italia nntiqua , tom. i , p. 104.
'Strabo, Geogr. , lib. iv, p. 206; trad. franc., lib. iv, cap. 6,
tora. II, p. 96 — Dion., lib. liv, cap. 20 , p. y49'
'Voyez Siauve , Lettera sopra l iscrizione di consulo Mutiano ,
p. 21. — Cluverius, en transcrivant le texte de Pline pour l'in-
scription des Alpes, en a retranché le mot Venostes comme un
double emploi, quoiqu'il se trouve dans tous les manuscrits de
cet ancien. Cluverius ne fait donc nulle part mention des Ve-
nostes dans son Italia antiqua. — D'Anville, à l'exemple de Clu-
verius, dans sa carte à'' Italia antiqua, avait confondu les Vennones
avec les Venostes, et avait placé, de même que Cluverius, les
Vennones dans le val di Venosta. Je possède une épreuve de son
Italia antiqua qui est ainsi, et où les Suanetes se trouvent placés
dans le val Telline; mais ensuite d'Anville changea d'avis, et plaça
les Vennones dans le val Telline , en effaçant le nom de Suanetes ,
qui n'existe plus sur sa carte; il effaça pareillement le mot de Ven-
nones dans le val de Venosta, et y fit graver celui de Venostes. Ces
variations, dans une des cartes les phis importantes de d'Anville,
PARTIE II, CHAP. III. 47
Vennones ou Vennonetes. — Un passage de Dion '
nous apprend que les Vennones étaient à côté des Ca-
muni. Il nous dit que ces deux nations prirent les
armes contre les Romains, et qu'elles furent vain-
cues et subjuguées par Publius Sirius; d'un autre
côté, Pline nous apprend ailleurs qu'ils étaient voi-
sins des sources du Rhône et des Sarunetes : toutes
ces indications déterminent la position des Vennones
dans le val Telline. Strabon la confirme lorsqu'il
nous dit que les Vennones sont au-dessus de la ville
de Côme, vers l'orient ^ Ptolémée ^ nomme les Ven-
nones ou Vennonetes au nombre des nations rhéti-
ques; il s'accorde en cela avec Pline. Mais Strabon "^
et Dion semblent les considérer comme un peuple
à part et distinct des Rhœti et des 'V endelici. A l'o-
rient des Camuni étaient les Stœni et les Stunici de
Tite-Live, et les Bechuni de Ptolémée, dont nous
avons déjà déterminé l'emplacement : les premiers ,
dans le val Vestone, les seconds, dans le val Stenico,
oii était Sarraca y leur capitale, qui est Sarca mo-
derne ^.
Breuni. — C'est ainsi qu'ils sont nommés dans
Strabon, qui les place à tort dans l'Illyrie^, mais
qui a raison de les nommer avec les Genaunes. Ho-
n'ont point été remarquées par M. Barbier du Bocage, qui a publié
UD Catalogue de ses œuvres.
' Dion. , lib. liv, cap. 20, p. 749- — Dans Pline, "Vennonetes.
» Strabo, lib. iv, p. ao4. — Plin., lib. m, cap. i\ (20).
^ Ptolemaeus, Geogr., lib. 11, cap. 12, p. 61 (55), édit. Bert.
* Strabo, Geogr., lib. iv, p. 204 et 206; tom. 11, p. 92 et 96. —
Dion., loco citato.
' Voyez ci-dessus , part, i , ch. 7, tom. i , p. 169 à 174.
'' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 206; trad. franc., liv. iv, chap. 6,
tom. II , p. 96.
48 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
race s'accorde avec l'inscription et avec Strabon ; et
au sujet des peuples des Alpes domptés par Drusus ,
il mentionne les Breuni avec les Genaunes et les
T indelici ' ; Florus, parlant de la même expédition,
désigne les Preuni sous le nom de Brenni , et les Ge-
naunes ou Genones , sous celui de Senones^. Ces
peuples barbares étaient si peu connus des Romains
avant la conquête _, qu'il n'est pas étonnant de trou-
ver leurs noms différemment prononcés par les dif-
férens auteurs, et il n'est pas besoin de corriger ici le
texte de Florus pour l'accorder avec les textes d'Horace
et de Strabon \ car nous verrons bientôt que les lieux
habités par les Genaunes offrent aussi des indices du
nom de Senones. Du reste , Florus , de même qu'Ho-
race et Strabon , nomme aussi les Vindelici avec les
Breuni et les Genaunes. Jornandes ^, Cassiodore ^,
Fortunatus et autres auteurs du moyen âge, donnent
aux Breuni le nom de Breones. Il n'est pas douteux
que les Breuni ou Brenni n'occupassent les environs
du grand Brenner, au-dessus de Trente, entre Ster-
zingue, Inspruck et Brixen , entre l'In et Merano.
Dans les actes de saint Corbiniens , écrits par Aribon ,
' Horatius Od. , lib. iv, ode 4-
' « Noricis aninios dabant Alpes , atqnc nives quo bellum posset
« ascendere. Sed omaes illius cardinis populos, Brennos , Senones
« atque Vindelicos , per privignum suum Claudiuni Drusum perpa-
(c cavit. )) Florus, Hist., lib. iv, cap. 12.
' En parlant des troupes auxiliaires qui combattirent Attila, sous
la conduite d'Aétius: « His enim adfuere auxiliares Franci, Sarniatae,
« Armoricani , Litiani, Burgundiones, Saxones, VdyAv'ioW, Briones
« quondam milites romani. » Jornandes, de Relus ^eticis.
* <t Ut si rêvera mancipia ejus Breones irrationabiliter cognoveris
« abstulisse , quia militaribus officiis assueti, civilitatem preraere
<( dicuntur armati , etc. » Cassiodor., F'arice, lib. i, epist. 2.
PARTIE II, CHAP. IV. 49
il est dit ' que « l'homme de Dieu, se rendant à Rome,
(( parvint d'abord chez les Breones, et peu après dans
« le château de Trente. » Ainsi donc, les Breones
étaient situés au nord de Trente. Venantius For-
tunatus nous indique encore mieux la situation des
Breones ou Breuni dans les vers dont voici la traduc-
tion ' : « Si vous avez dessein de vous rendre dans la
« contrée voisine des Breones, traversez les Alpes, si
« le Bavarois ne vous empêche pas ; ensuite , entrez
« dans la vallée où l'Inn roule ses ondes avec rapidité :
<( de là vous irez visiter le temple où repose saint Va-
« lentin. » C'est à Merano ou Marano qu'on voyait
le tombeau de saint Valentin ^ : ainsi c'est donc im-
médiatement au nord de Merano et dans les vallées
formées par l'Eisack et par l'Inn que se trouvaient
les Brenni. Venantius Fortunatus dit encore, dans sa
préface de Grégoire de Tours , que l'Inn passe à
Breonium; le nom de Brenner '^, que porte cette
partie de la chaîne des Alpes, est évidemment celui
des anciens Breuni, ou Brenni, suivant Florus, qui
paraît se conformer avec plus d'exactitude à l'étymo-
logie tudesque du nom de ce peuple. Cette position
s'accorde avec la marche que Drusus a tenue dans son
' Cap. 10, II et 12 : « In ipso autem itinere Romam pergendo cuni
« in Breones pervenit ; » et plus bas : <c cum autem ad Tridentanum
« castrum vir Dei pervenit. »
* Si vacat ire 'viam , neque Bajoarius obstat ,
Qiia wcina sedent Breonum loca , pergp per Alpeni ,
Iitgrediens rapido qaa gurgile volvilur ^nus ,
Inde Valentini bertedicli templa require.
' Voyez Tartarotli, Memorie antiche di Roveretto , 1754.
♦ Voyez la Carte du Tyrol , par le Dépôt de la guerre , en six
feuilles, u"" i , 2, 5 et 4-
II. 4
50 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
expédition , et avec les textes d'Horace , de Strabon ,
de Florus et de Ptolémée , qui tous se réunissent pour
nous faire considérer les Brenni comme occupant
les plus hauts sommets des Alpes , et comme situés
près des Tendéliciens . La position assignée aux
Breuni par d'Anville , au-dessus du lac Majeur, et
dans le \al Blegno ', qu'il nomme val Braunie, ne
saurait soutenir un instant d'examen : elle n'a pas
besoin d'être réfutée, puisqu'elle contrarie égale-
ment l'histoire, et les textes de tous les auteurs anciens
qui ont parlé de ces peuples. Ptolémée n'a point con-
fondu , comme on l'a prétendu , les Bechuni et les
Brenni ; il les mentionne séparément *. Il faut se
garder aussi de confondre les Breuni, ou Brenni ,
ou Brioni , ou Breoni , avec les Breuci, mentionnés
par Ptolémée % Pline ^, Strabon ^ et Suétone % €t que
tous ces auteurs s'accordent à placer dans laPannonie.
Terminons en observant que dans les diverses vallées
attribuées aux Brenni, on trouve à l'est de Brixen le
lieu nommé Brunecken ou Prunecken , qui rappelle
sensiblement cehii de Breuni ".
Jsarci. — Ils étaient situés entre les deux rivières
' D'Anville, G e'ogr-aphie ancienne, Table, p. 226, écrit val Brau-
nia ; mais il est écrit val Blegno sur les cartes modernes ; voyez la
Carte de la Suisse, par Weiss. — D'Anville, au reste, a pris cette
opinion à Honoré Bouche, qui peut-être l'a empruntée d'un autre.
' Ptolem., Geogr., m, i ; 11, i5, p. 61, et 70, édit. Bert.
' Ptolemaeus, lib. 11, cap. 16.
* Plin., lib. III, cap. 28, tom. i, p. 180, édit. Hard.
* Strabo, lib. vni.
^ Sueton. , in Tiberio, cap. 9.
7 Si l'on se déterminait à considérer comme des peuples differens
les Brenni el les Breuni, les Sciiones et les Genauncs , leurs posi-
tions feraient de même exactement assigner les Breuni à Brunecken,
les Senones à Zénone.
PARTIE II, CHAP. IV. 51
Sarca , dont l'une se rend dans le lac Garda , et l'au-
tre dans la petite rivière Arno, qui coule dans le
lac Idreo.
Genaunes. — Tous les manuscrits de Pline que
le père Hardouin' a consultés portent Genaunes.
Dans quelques éditions de cet auteui-, les deux pre-
mières lettres se trouvent retranchées, et on lit
Naunes. D'Anville fait un autre peuple de cette
variante, et place les Naunes dans le val di Non % et
les Genaunes au-dessus du lac Lugano. Enfin, dans
sa Carte de VOrbis romanus^ il substitue le nom
à'Anaunes à celui des Naunes. La vérité est qu'il
n'est question dans aucun auteur ancien des Naunes
ni des Anaunes ; mais ces diverses altérations du
mot Genaunes qui ont eu lieu dans le moyen âge et
qui se sont glissées dans quelques éditions de Pline,
nous indiquent la position de ces peuples d'une ma-
nière certaine. Nous savons, par les actes des Mar-
tyrs et autres documens historiques , que \ Anagnis
castrum ^ est Nano , dans le val de Non , au nord de
Denn^, et que le val de Non a formé un district
sous le nom ^Anaunia ^ ; enfin par contraction on
' Plinius, lib. m, cap. 24, tom. i, p. 177, édit. Hard.
'Voyez d'Anville, Italia antiqua, carte, et Ge'ogr. ancienne,
nomenclature.
' D'Anville, Orbis romanus, pars occidentalis , carte, et tom. 11 ,
p. 706, de ses OEuvres , Paris, i834, in-4°.
* Voyez la feuille 5 de la grande Carte du Tyrol.
' Paul Diacre , dans son Histoire des Lomljards , parle aussi de
l'Anagnis castrum , Langobardicar. rerum , lib. m , cap. g : « His
« diebus, advenientibus Francis, Anagnis castrum, quod super Tri-
« dentum in confmio Italis positum est. » — Voyez aussi Cluverius,
Italia antiqua, tom. i, p. 106, n° 4o-
' Tartarotti, Memorie antiche di Rovevetto, p. 5 , 7 et 8, in-4° ;
Venezia , 1754.
52 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DÉS GAULES,
a dit Naunia, et Je château de Nano a aussi été
appelé NauTiumen latin : ainsi donc les Genaunes^
qui sont les Anaunes et les Naunes du moyen âge,
occupaient le val de Non. Ils faisaient partie, ainsi
que nous le verrons bientôt, des peuples compris
sous le nom de Bechuni dans Ptolémée % et VAnau-
nium de cet auteur, qu'il faut placer à Castel Nano,
était leur capitale. Mais, je le répète, aucun auteur
classique n'a parlé des Anaunes ni des Naunes ,
tandis que les Genaunes de Pline, ou de l'inscription
des Alpes, sont aussi mentionnés par Horace, dans
ces vers remarquables relatifs à cette même expédition
qui fit connaître les peuples des Alpes et les réunit à
l'empire romain.
Vindelici didicere nuper
Quid Marte possis ? Milite nani tuo
Drusus Genaunos , implaciduni genus,
Brennosque veloces , et arces
Alpibus impositas tremendis ,
Dejecit acer plus vice simplici.
Major Neronum mox grave prœlium
Commisit , imvianesque Rlicelos
Auspiciis pepulit secundis.
HoRAT., lib. IV, od. i4-
« Auguste ! les Vindelici ont éprouvé à quel
« point est redoutable la puissance de tes armes, que
(( Mars favorise. Drusus avec tes légions a abattu
« les belliqueux Genaunes , les agiles B rennes , et
(( leurs citadelles qui couronnaient les sommets les
« plus escarpés des Alpes. Ensuite, sous tes heureux
* Ptolemaeus, Geogr., lib. ui, cap. i, p. 70, édit. Bert.
PARTIE II, CHAP. IV. 53
« auspices, Tibère a livré encore aux Rhœtes de plus
« terribles combats '. »
J'ai déjà observé que les Senones de Florus' étaient
les Genaunes d'Horace et de l'inscription , puisque
cet historien parle de la même expédition qu'Horace
et que l'inscription , et que , de plus , il place de même
qu'Horace et que l'inscription , les Senones entre
les Breuni ou Brennij et les Vindelici. En effet,
au nord de Nano, on trouve un lieu nommé Zenone
ou Senone, qui justifie le nom de Senones , préféré
par Florus à celui de Genones , de même que le nom
du mont Brenner autorise la leçon de Brenni pour
Breuni qui se trouve dans son texte ^ Mais j'avoue
que je ne puis revenir de mon étonnement lorsque
je vois les plus savans commentateurs de Florus et de
Velleius Paterculus ^, confondre les Senones de Florus
avec les Semnones des bords de l'Elbe, mentionnés
par Patercule, au sujet de l'expédition de Tibère en
Germanie. Une telle méprise démontre combien cette
partie de l'intéressante histoire du siècle d'Auguste a
été jusqu'ici mal connue , faute d'avoir approfondi
suffisamment la géographie ancienne des Alpes.
La position des Genaunes ^ dans le val de Non ,
' Horat. Od. , lib. jv, ode 4 , dit encore :
Videre Rhceti bella suit Alpibus
Drusum gerentem , et /■'indelici.
C'est celte ode que Scaliger regarde comme la plus belle d'Horace ;
c'est la première qui fut faite sur l'expédition de Drusus. Horace
chante, dans Tode i4, l'expédition de Tibère, qui eut lieu après.
Ces deux odes sont précieuses pour l'histoire.
' Florus.
' Quelques éditeurs d'Horace , dans l'ode que je viens de citer,
lisent aussi Brennns au lieu de Breiinos.
* Velleius Paterculus.
54 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
s'accorde avec le récit de l'historien Dion, le plus
détaillé, et le plus exact, de tous les auteurs anciens
pour ce qui concerne le siècle d'Auguste; il nous dit
que Tibère s'embarqua avec une flotte sur le lac
Garda , épouvanta ces peuples barbares , et ensuite
(( que Drusus mit en fuite les nations rhétiques près
des Alpes tridentines ' . » Or c'est précisément Drusus
qu'Horace célèbre comme le vainqueur des Ge^
naunes '. On sait aussi, par Dion, que ce fut Publius
Silicus (et non pas Tibère, ni Drusus) qui fut
chargé par Auguste de soumettre la partie occiden-
tale des Alpes septentrionales, dans laquelle se trouve
le lac Lugano '. Il subjugua de ce côté les Vennones
et les Camuni ; mais dans le récit de son expédition ,
qui eut lieu à la même époque que celle de Drusus ,
il n'est nullement question des Genaunes ( ni des
Naunes y ni des Anaïuies). Drusus, aussitôt après
avoir dompté les peuples de la Rhétie et de la l^in-
délicie, au nord de Trente, vers l'an i5 de J.-C. ,
fit pratiquer une route qui conduisait jusqu'au Da-
nube, route qui fut depuis nommée via Claudia
Augusta, parce qu'elle fut consolidée par l'empe-
reur Claude, fils de Drusus ; ceci est prouvé par deux
inscriptions , dont l'une a été trouvée à Maretsch ,
près Bolzano , dans le Tyrol , et l'autre dans un
village nommé Cismaggiore, à 6 milles au nord-est
de Feltre'*. Cette dernière inscription nous apprend
' Dio, Hist., lib. Liv.
' Et aussi des Rhaetes ; voyez la citation de l'ode 4, l'b. 'V-
' Dio, lib. Liv, cap. 20, p. 749» édit. de Reimar.
' Il conte Aurelio Guarnieri, Dissertazione intorno al corso dell
antica via Claudia délia ciltà di Attirw , fino al fi unie Danubio ,
PARTIE II, CHAP. IV. 55
encore que la réparation de cette route par Claude
eut lieu l'an 4? de J.-C, et qu'elle avait 55o milles
romains depuis Altinum jusqu'au bord du Danube ;
or cette mesure est exactement celle que fournit
l'Itinéraire romain pour la route qui, ai Altinum,
Attino, conduisait à Opitergium , Oderzo, Feltre ,
Tridentuniy Trente, pons Dritsi , Botzen, et Mar-
Ireio , Martrey, et qui aboutissait enfin à Jugusta
Vindelicorum y Ausbourg ' : si nous en croyons
Orosius , ce fut Pison qui acheva la conquête de la
Vindélicie '.
Diverses inscriptions ont aussi été trouvées dans
le val de Non % qui nous révèlent la position et
l'existence de plusieurs bom^gs ou forteresses, du temps
des Romains, renfermés chez les Genaunes. Tels
sont les Vettiani, qui nous sont connus par un mo-
nument découvert à Vezzano. C'est encore d'autres
inscriptions trouvées sur place qui nous apprennent
que nous devons inscrire chez les Genaunes , le
castellum Kervassium y à Vervo, et le castellum
Tuhlinatium , àToblino. J'ai déjà observé qu'^^/iaw-
nium, aujourd'hui Castel Nano, était la capitale de
tout ce district"^.
Focunates. — Aux environs de Focogna, au con-
in-4'* ; Bassano, 178g, p. loi et 106, tab. 1, p. 27. — Voyez encore
Novelle letterarie di Firenze ; 5 novembre 1786, n° 44? P- 695. —
Giornale veneziano di Formalconi , n" 25 ; mese di décembre 1786.
' Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
* Orosius , lib. vi , cap. 21 .
' Tartarotti , Memorie antiche di Roveretlo, p. 5o et 52.
" Une inscription mal lue d'abord , mais mieux rapportée par
Siauve , LeUera sopra l iscrizione de! console Muciano . p. 2 1 ,
semble démontrer que la Gaule cisalpine s'étendait jusqu'à iVIerano,
à l'entrée du val Venosla.
56 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
fluent de la Tosa et de la Lanza , un peu au midi de
Duomo d'Ossola , et entre les deux branches du lac
Majeur. La conjecture de ceux qui placent les
Focunates dans le Faucigny, au midi du lac de
Genève, ne saurait se soutenir, et trouble l'ordre
géographique que conserve ici l'inscription ; nous
avons d'ailleurs prouvé que le Faucigny était habité
par les Nantuates.
Viennent ensuite dans l'inscription les nations
mndéliciennes , vers lesquelles l'ordre de l'énumé-
ration des peuples nous a toujours dirigé : elles sont
au nombre de quatre.
J^indelicoriun gentes quatuor : Consuanetes , Ru-
cinates, Licates, Catenates.
La position des Licates sur les bords de la Lech
et dans les environs d'Augsbourg ne saurait être
douteuse puisque Ptolémée ', non seulement s'ac-
corde avec l'inscription pour les placer dans la Vin-
délicie y mais il nous dit qu'ils habitaient près du
Lfcunijluvium, qui bien certainement est la Lech.
Ptolémée attribue Augusta Vindelicorum aux Li-
cates : la position de cette ancienne villeà Augsbourg
modei'ne se trouve démontrée par les mesures d'une
route de la Table, qui part de Mediolanum^ Milan''.
11 est même probable que la ville de Damasia ,
attribuée par Strabon aux Licatiiy est la même que
celle qui prit depuis le nom d'Auguste ^.
' Ptolemaeus, Geo^r., lib. ii , cap. i5, p. 6i.
" Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Et par cette raison l'opinion de M. Leichtlen, qui place les Licatii
dans le Wallgau, près de Likyajliun., la petite rivière Enis, et de
Oamasia, Hohen-Ems, ne nous paraît pas fondée. Voyez Schwaben
untcr den Roc me m , p. 206, et la carte.
PARTIE II, CHAP. IV. 57
Sous le tilre générs^ de Licaiii, l'inscription com-
prend aussi les JEsiiones de Strabon ' ; ce géographe
donne Campodunum pour capitale à ces peuples.
Celte ville se trouve mentionnée sur la route dont
j'ai parlé, et les mesures qu'elle nous fournit déter-
minent la position de Campodunum à Kempten ^ :
c'est donc aux environs de Kempten et sur les bords
de riUer qu'habitaient les Mstiones ou Hestiones.
Il en est de même des Brigantii , que Strabon
nomme avec les Mstiones : il leur donne Brigantium
pour capitale, et la position de cette ville à Bregentz,
à l'extrémité du lac Constance, est mathématique-
ment prouvée par une suite non interrompue de
mesures données par la Table et l'Itinéraire, pour
les routes qui se rattachent à Argentoratura , Stras-
bourg, Geneva, Genève, et Vesontio , Besançon ^
Les Brigantii occupaient toute la vallée formée par
le petit fleuve Bregenz, et le Bregenzer Wald-Thal;
mais nous reviendrons sur ces peuples, dont Plolé-
mée, aussi bien que l'inscription, a parlé sous un
nom peu différent.
Les Consuanetes me paraissent devoir être placés
dans le comté de Kœnigseck, au nord du lac Con-
stance, entre ce lac et l'Iller; Ptolémée'* en fait men-
tion sous le nom des Consuantoï, et s'accorde avec
l'inscription pour les placer dans la Vindélicie ; ils
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 206; trad. franc. , tom. 11 , p. 96.
* Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Voyez \ Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvra t;c. —
Conférez S. Leichtlen, Schwabcn iinter dcr Rœnicrn ; iSaS, in-12,
p. 2o5, et la carte.
* Ptolemaeus, Geogr., lib. m , cap. i4 , p. 61.
58 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
sont bien les mêmes que les Cotuatitii de Slrabon ',
quoique cet auteur les place dans la Rhœtie , parce
qu'il écrivait h une époque où la T^indélicie ne for-
mait avec la Rhœtie qu'une seule province, qui por-
tait le nom. de cette dernière '. 11 en est de même des
Rucantiiy que Strabon ^ place aussi dans la Rhœtie; ce
sont les mêmes que les Rucinates de l'inscription et
les Runicatœ de Ptolémée ^ , qui , d'accord avec
l'inscription, les place dans la Vindélicie. Je crois
qu'on doit placer les Rucinates aux environs de
Reusach , de Rauneset, de Reuthe, près Wertach ; près
de là se trouve aussi Reuti , non loin d' Aschau : ces
peuples ont dû occuper le territoire qui s'étend depuis
Kempten jusqu'à Aschau, entre le Leck et l'IUer. A
côté des Runicatœ , Ptolémée^ place les Leuni , qui
paraissent avoir été situés aux environs de Leutkirch;
Ptolémée nomme les Benlauni à côté des Con-
suanetes ou des Consuantoï, ce qui les place aux
environs de Buchau et du lac Felder. C'est après ces
peuples que Ptolémée nomme les Breuni et les
Licatii , dont nous avons assigné la position, et qui ,
avec les précédens, complètent dans cet auteur la
liste des nations vindéliciennes. A l'ouest du lac
Constance, étaient aux environs de Stheulingen et
de Bregge , près Donaueschingen , les Tulingi et les
Latobrigi ^ ; deux autres nations vindéliciennes dont
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 206; trad. franc., tom. u, p. 96.
' Cette cause lui a fait confondre les nations rliétiques et les vindé-
liciennes ; mais dans ce passage cependant il cherche à les distinguer,
^ Strabo, Geogr., lib. iv, p. 206; trad. franc., tom. n, p. 96.
* Ptolemaeus, Geogr., cap. i3, p. 61 (56), édit. Bert.
' Ptolemaeus, Geogr., loc. cit.
^ Csesar, de Bello gallico, lib. 1.
PARTIE II, CHAP. IV. 59
César a parlé et sur lesquelles nous aurons bientôt
occasion de revenir.
Les Catenates de l'inscription sont évidemment
le même peuple que les Clautinatii de Strabon ', et
cette fois cet auteur se trouve d'accord avec l'inscrip-
tion , en les plaçant parmi les nations vindéli-
ciennes et à côté des Licatii; il est difficile de leur
assigner une position précise. On sait seulement
qu'ils étaient peu éloignés de la Lech : ils habitaient
probablement les vallées qui fournissent les sources
de riser et de la Zojza, aux envrrons de Charnitz et
au nord d'Innsbruch.
L'ordre géographique, jusqu'ici assez bien con-
servé dans l'inscription du trophée des Alpes, se
trouve dérangé par le nom des Amhisuntes , à la
suite de celui des Catenates. En effet, Ptolémée ' fait
mention des Amhisuntes ou Amhisontii, mais il les
place dans la Norique; cependant, comme il nous dit
qu'ils occupaient la partie occidentale de cette pro-
vince, on pourrait conjecturer qu'ils habitaient au
nord de la montagne ai Ainhrizzola % dans le district
du Tjrol nommé Ampezzo Haydn , et dans la
vallée formée par la Boita , vers sa source.
Viennent ensuite dans l'inscription les Rugusci ,
les SuaneteSy les Calucones et les Brixentes. Pto-
lémée , qui fait mention de ces différens peuples ,
nous indique leurs positions, «hes Brixentes ^ dit-il,
sont les peuples les plus septentrionaux de laRhœtie^; »
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 206 ; trad. franc. , tom. 11 , p. 96.
* Ptolemaeus, Geogr., lib. 11, cap. i4, p. 61 (56), édit. Bert,
^ Voyez le u° 4 de la grande Carte du Tyrol.
* Ptolemaeus , Geogr., loc. cit.
60 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
ils ne peuvent donc avoir occupé la vallée de
Brixen ', où on les a placés. Nous avons vu d'ailleurs
que cette vallée, où se trouve aussi Brunecken, était
occupée par les Brenni ou les Breuni. En outre ,
Brixen est une ville récente. Sàben , nommé Sabione
dans Paul Diacre, était primitivement le siège de
l'évéché qui depuis a été transporté à Brixen '.
Nous venons d'observer que Strabon , en énuraérant
les nations vindéllciennes, fait mention des Brigantii,
dont l'inscription et Ptolémée ne parlent pas. Ce qui
doit faire d'abord présumer que les Brixentes de
Ptolémée et de l'inscription sont les mêmes que les
Brigantii de Strabon , la racine de ces deux noms
est la même , et dérive évidemment du mot hrigg,
qui signifie pont, nom dont l'emploi est si fréquent
dans toute la géographie ancienne de l'Europe occi-
dentale. Si Strabon place les Brixentes ou Brigantii
dans la Vindélicie , c'est qu'en effet ils touchaient la
frontière des Vindéliciens, ainsi que l'indique Pto-
lémée. Ce qui achève de prouver ceci , c'est qu'au
nombre des villes appartenant aux difïërens peuples
de la Rhaetie , Ptolémée nomme Brigantium , qui
est la capitale des Brigantii , selon Strabon. Ainsi
donc les Brixentes de l'inscription et de Ptolémée
sont les mêmes que les Brigantii de Strabon , qui ,
comme nous l'avons dit, occupaient les environs de
' Cluverius, lialia antiqua, tom. i , p. m. — D'Anville, Geb^r.
ancienne, tom. r, p. io6, de ses OEiivrcs, i834, in-4°, et sa Carte
de Vltalia antiqua. — Sanson , dans son Allemagne , in-folio, i65i,
p. 5, a très bien vu que les Brixanlœ de Ptolémée étaient les mêmes
que \cs Brigantii ; cependant sa carte indique \es Brixentes à Brixen.
'' Tartarotti , Memorie antichc di Rovcretto , p. 83. — Cluverius ,
lialia antiqua, tom. i , p. 122.
PARTIE II, CHÀP. IV. 61
Bregentz, le Brigantium de Strabon et de Ptolémée,
à l'extrémité occidentale de la vallée qui porte ce
même nom.
Ptolémée ' nous apprend encore que les Suajiitœ
ou Suanetes et les Bugusci sont les peuples les plus
méridionaux de la Rhœtie , et que dans le milieu,
c'est-à-dire entre ces derniers et les Brixentes , se
trouvent les Calucones et les f ennones. Nous avons
démontré la position de ces derniers dans le val Tel-
line. Non loin de cette vallée , à l'ouest , s'en trouve
une autre qui porte le nom de val Calenca ' ; elle se
rapproche des Brixentes ^ et est par conséquent si-
tuée entre ceux-ci et les Vennones. C'est dans cette
vallée et dans les deux vallées voisines , à l'ouest et au
nord, que l'on doit placer les Calucones : dans la
vallée qui est au nord, ou dans le Rheinthal, se
trouve un lieu noramé Ebi ou Ebo , qui est , selon
nous, V Ebodurum que Ptolémée ^ mentionne au
nombre des villes appartenant à ces peuples.
Les Suanetes me paraissent devoir être placés
dans le val Seriana ^ et par conséquent au midi des
T^ennones et des Calucones , selon l'indication de
Ptolémée.
Les Rugusci ont dû occuper les environs de Ro-
goreto, dans la vallée de Bellinzone, au midi des
Calucones ou du val Calenca.
L'inscription, ainsi revenue par l'ordre de son énu-
mération à cette position des Alpes par où elle avait
' Ptolemaeus, Geogr., lib. ii, cap. 12, p. 61 (56), édit. Bert.
' Voyez la Carte de la Suisse, par Weiss.
^ Ptolemaeus, Geogr. — Leichtlen met ce lieu à Saint-Banduren
sur le Rhin. Schwaben, p. 206, et la Carte.
62 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
commencé, nomme ensuite les peuples de la partie
ouest de ces montagnes , peuples dont nous avons
eu précédemment occasion d'assigner la position :
mais , avant de rappeler leurs noms et les noms mo-
dernes qui j correspondent , il est nécessaire , pour
ne rien omettre de ce qui concerne les Alpes que
nous venons de parcourir , de parler d'un peuple
inscrit sur la Table de Peutinger ' sous le nom de
Mesiates. On les place avec raison dans la vallée
formée par la rivière Moeso ou Maesa , nommée val
Misox ou val Mesaccine \ Ils étaient par conséquent
à l'orient des Calucones , et limitrophes de ces peu-
ples. C'est au midi des Mesiates, et chez les Rugusci,
que se trouvaient les Canini cainpi mentionnés par
Ammien Marcellin ^ En effet, Grégoire de Tours'*
nous indique que ces Canini Cainpi étaient situés
dans les environs de la ville de Bilitio , qu'on sait
être Bellinzone, près du lac Majeur^.
Qu'il me soit permis de faire remarquer que comme
mon but n'a été que de présenter un tableau général
des Alpes, et de déterminer, autant que le permet
l'incertitude des notions qui nous ont été transmises
par les anciens, la position de chacun des peuples qui
les habitaient, je n'ai pas du entrer dans le détail des
limites de la Vindélicie et de la Rhaetie. Je dirai seu-
lement que , quoique les Vindéliciens fussent entiè-
■ Tabula peutinger.
' Cet heureux rapprochement se trouve d'abord dans Cluverius,
Italia antiqua , tom. i , p. loo , n° i5. J'ignore s'il a été précédé par
un autre.
^ Amniian. Marcelliu., lib. xv.
•* Gregorius Turonensis, hb. x, cap. 3.
' Cluverius, Italia antiqua, lib. i, tom. i, p. loi.
PARTIE II, CHAP. IV. 63
rement différens des Rhaetes , cependant Auguste ,
lorsqu'il eut poussé ses conquêtes jusqu'au Danube,
réunit ces deux grandes divisions en une seule pro-
vince, à laquelle il donna le nom de Pihœtia. Pto-
lémée ' décrit avec une grande précision les limites
de cette province d'Auguste, n La Rhétie ( et sous ce
(( nom , ajoute Ptolémée, on doit comprendre aussi
« la Vindélicie) est bornée, à l'occident, par le
« mont Adula , et par une ligne tracée entre les
(( sources du Rhin et du Danube,* au nord, par le
H Danube jusqu'à son confluent avec l'Inn; à l'orient,
(( par l'Inn, et, au midi , par les Alpes, qui la sépa-
« rent de l'Italie. )) Dans les derniers temps de l'em-
pire d'Occident , cette province fut , ainsi que nous
le verrons ci-après , réunie au vicariat d'Italie , qui
comprenait toute la Gaule cisalpine. La Rhétie fut
ensuite divisée en deux provinces : la Rhétie première
ou Rhétie proprement dite , et la Rhétie seconde,
c'est-à-dire la Vindélicie. Ainsi , quoique la Rhétie
et la Vindélicie ne fussent point, à l'époque dont
nous traitons, considérées comme parties intégrantes
de l'Italie , cependant , comme elles y ont été réunies
administrativement , je ne m'écarte point de mon
sujet en déterminant la position des peuples ou cités
qui s'y trouvaient. D'ailleurs , ainsi que je l'ai déjà
observé, la vaste chaîne des Alpes, physiquement
parlant, a toujours été, et sera toujours, considérée
comme une dépendance de l'Italie, dont elle est la
barrière naturelle. C'est ainsi que Pline pensait ,
puisqu'à la suite de cette même inscription du tro-
phée des Alpes , et après avoir parlé des peuples qui
' Ptolemaeus, Geogr., loc. cit.
64 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
composaient le royaume de Cottius , il ajoute : « Telle
« est l'Italie , chère aux dieux , telles sont les nations
H qui l'habitent , telles sont les villes que l'on y
H trouve. ' »
Dans le reste de l'inscription du trophée des Alpes,
les peuples de l'ouest, limitrophes entre l'Italie et la
Gaule , dont nous avons déjà déterminé la position ,
se trouvent nommés dans l'ordre suivant :
Lepontii y les habitans de la vallée Leventine; ils
avaient pour capitale Domo d'Ossola, VOscelum de
Ptolémée '.
J^iberiy dans les environs de Wispach, dans le
Valais ^ Ils faisaient partie des Lepontii.
Nantuates , dans le Chablais, capitale Tamaia
ou Tarnadœ y Saint-Maurice ^.
Seduniy les habitans du Valais, ayant pour capi-
tale Sedunum , Sion ^.
J^eragriy dans la partie inférieure du Valais j capi-
tale, Octodurus y Martinach ^.
Salassiy dans le val d'Aoste; capitale, Augusta
prœtoria ' .
' Pliaius, Hist., lib. iit, cap. 20 (24), tom. i, p. 177, édit. Hard.
'Voyez ci -dessus, tom. i, p. SS% , et Caesar, de Bello gallico,
lib. IV, cap. 10. — Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 69 (G4), édit. Bert,
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 542, et Plin., lib. m, cap. 20.
* Voyez ci-dessus, tom. i, p. 548, et p. ii4 et ii5. — Caesar,
Comment, de Bello gallico , lib. m et lib. iv. -^ Strabo , lib. iv,
p. 192 et 204. — Bochat, Me'm. sur l'hist. ancienne de la Suisse ,
tom. I, p. 3o5. — D'Anville, Notice, p. 632.
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 555 a 555, et Caesar, de Eello gallico,
lib. m , cap. i. — Muratori, Inscript., tom. 11, p. 1080, n° i. —
Bochat, tom. i, p 299.
® Voyez ci-dessus, tom. i, p. 55 1 et 553, et p. 116.
' Strabo, lib. iv, p 2o5, et ci-dessus, tom. i, p. 167 et iG8.
PARTIE II, CHAP. IV. 65
Acitavones, dans le val de LaVanoise, aux sources
de l'Isère. Nous observerons qu'on aurait tort de
changer le mot ^ Acitavones en celui de Centrones,
qui y a peu de rapport , comme ont fait quelques
auteurs , parce que Chifïlet a assuré avoir vu ce mot
Centrones en marge de son manuscrit '.
Medidli, dans le val de Maurienne ; capitale ,
Darantasia y Moutiers en Tarentaise '.
Vceniy dans la vallée d'Oz et aux environs de Uez ^.
Caturiges, les environs à^ Ehrodunum , Embrun,
et de Caturiges , Cliorges ^.
Brigiani, dans le Briançonnais; capitale, Brigan-
tiuniy Briançon ^.
Sogiontiij aux environs de Sigonce , au nord-est
de Forcalquier ^.
Brodontiiy dans les environs du mont Brodont ,
dans la vallée d'Olle '.
N emaloni y dans les environs de Miolans, dans la
vallée de Barcelonette ^.
Edenates , dans le val Egnan et sur la rivière
Egnan, au-dessus de Voiron.
Esuhianiy dans la vallée formée par la Vesubia.
J^eamini , dans le haut et bas Toramenos 9.
Gallitœy aux environs de Gillette, au confluent de
l'Esteron et du Var '".
' Tom. 11, p. 37. — ' Tom. 11, p. 3o. — ' Tom. i, p. 272, et tom. 11,
p. 38. — * Tom. I, p. 539 à 541.
' On a trouvé à Embrun une inscription relative à Brigantium ,
qui a été publiée, pour la première fois, par Millin, Voyages dans
les de'partemens méridionaux de la France, tom. iv, ch. 108, p. i84-
— Voyez ci-dessus, tom. 11, p. 56.
•^ Tom. 11, p. 39. — ^Tom. 11, p. 38. — * Tom. 1, p. 557. — »Tom. 11,
p. 33, — "' Tom. 11, p. 4i.
II. 5
66 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Triullati % près de la rivière Tueli et de la cime
d'Alette '.
Ectini, dans le val Saint-Etienne '.
Vergunni , dans les environs de Vergons.
Eguituri y dans le district Entre-Deux-Guiers.
Nementuri y aux environs de Demandols '*.
Oratelli y à l'est d'Embrun, entre la montagne
d'Oret et le lieu nommé Orres.
Nerusi ^ ; c'est dans l'inscription des Alpes que ce
peuple se trouve mentionné pour la première fois.
Ptolémée , qui place tous les peuples des Alpes en
Italie, a donc eu raison, dans son système, d'y com-
prendre aussi les Nerusi; il leur donne pour capi-
tale Vintium , et la position de cette ancienne ville
à Vence moderne se trouve prouvée par l'histoire du
diocèse dont elle est le chef-lieu, et par des inscrip-
tions qui y ont été trouvées et qui en font mention^.
Velauni, dans les environs de Vevelause, sur les
bords du Verdon, au nord de Castellane '.
Suetri , au midi des V^elauni, dans la partie septen-
trionale du diocèse de Fréjus ^.
Pour compléter cette longue énumération des
peuples des Alpes , il faut encore y joindre ceux qui
se trouvaient renfermés dans la dixième région de
l'Italie, selon la division établie par Auguste, et ceux
■ Tom. II, p. ts,\.
' Pour tous ces peuples, conférez Pline, Histor. nat., iib. m,
cap. ao (24), tom. i, p. 1^7, édit. Hard. ; tom. 11, p. 191, édit. Lem.
' Tom. I, p. 537. — ''Tom. n, p. 41. — ' Tom. i, p. i85.
* Millin, Voy. dans les départ, mérid. de la France, tom. m,
p. 6. — Papon, Hisl. de Provence, tom. i, p. 102, et ci-dessus,
tom. I, p. 557. — Ptolem., Geogr., Iib, m, cap. i, p. 64 (71).
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 62 et 255.
" Plin., Hist, nat., Iib. m, c. 20 (24), tom. i, p. 177, édit. Hard.
PARTIE II, CHAP. IV. 67
que Pline nomme en commençant sa description de
ristrie et de la chaîne des Alpes de la Dalmatie ' . Les
premiers sont :
Les Tridentini , ceux du Trentin, ayant pour ca-
pitale Tridentum % dont la position à Trente moderne
se trouve démontrée par les mesures de l'Itinéraire
et de la Table pour une route qui part de J^e-
rona, Vérone, et aboutit à Augusta Kindelicorum,
Augsbourg ^.
Les Fertini, ou , selon quelques manuscrits , les
Feltriniy dont la capitale, Feltria, nous est connue
par les inscriptions et par les itinéraires , et qu'il
faut placer à Feltre moderne ^.
Les Berunenses ou Belunenses, dansleBellunèse;
leur capitale, nommée par Pline BelunuTn, est Bel-
luno moderne ^.
Quant aux peuples au nord de l'Istrie et des mon-
tagnes de cette presqu'île , comme Pline les nomme
par ordre alphabétique, nous ne sommes aidé dans
nos recherches que par la considération du district
peu étendu dans lequel ces peuples ont dû se trouver
resserrés , puisque les peuples environnans sont con-
nus. C'est peut-être par cette raison que Pline n'a
pas cru devoir s'astreindre à un ordre géographique
' Pour ces peuples et tous ceux qui suivent, il faut avoir sous les
yeux la belle Carte du duché de Venise, en quatre feuilles, 1802 ,
par Zach ; et celles de Bâcler d'Albe, pour les campagnes du général
Bonaparte.
" Plin., Hist. nat., 23 (ig), 1. 1, p. 1^5, Hard. ; 1. 11, p. i8y, Lem.
^ Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. iri de cet ouvrage.
< Plin., lib. m, cap. a3 (19)- — Cassiodor. , v. 9. — Gruter.
' Plin., lib. m, c.2 3(ig). — Ptoleni., Geogr., m, c. i, p. 63 (70).
Inscripl., p. 409, n° 8. — Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. m
de cet ouvrage.
68 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
difficile à conserver ou à présenter avec clarté entre
des cités si rapprochées, et par le même motif nous
conserverons aussi l'ordre que Pline a adopté.
Alutrenses ; ils me paraissent devoir être à Ala ,
sur la rivière du même nom, à l'endroit où elle se
jette dans l'Adige , dans le Lagarna.
A s sériâtes , dans le val d'Arsa et aux environs
d'Arserio et d'Asiago, à l'est de Roveredo.
Les Ausuganei, capitale ^w^w^wm de l'Itinéraire,
dont Pline ne fait pas mention, étaient au nord des
Asseriates y et occupaient le val Sugana, où l'on a
trouvé une inscription relative h ce peuple '.
Les Flamonienses , aux environs de Falmassons
etFlambro, aux sources de la Stella , et entre Palma-
nova et Valvasone '.
Les Tanienses me paraissent devoir être placés à
Venzone, dans les environs de Gemona. Ils n'ont cer-
tainement aucun rapport de position avec le lieu
noimnè.V' annia, que Ptolémée place chez les Bechuni.
Observez que tous ces lieux font partie d'un groupe
nommé encore aujourd'hui les Sette Comuni ; Pline
• Plusieurs auteurs ont rapporté cette inscription; voyez Tartarotti,
Memorie antiche di Roveretto, p. 1 1 . — Gudius, xi. — Dans la même
vallée oùje place les Ausuganei, d'Anvillemet les Medoaci (d'Anville,
Geogr. ancienne, p. 216), au lieu de les placer aux environs de
Padoue, entre le Medoacus minor et le Medoacus major. — Je n'ai
pu découvrir, ni dans les anciens, ni dans les modernes, ni dans le
rapprochement des noms inscrits sur les cartes, rien qui piit me
faire présumer ce qui a porté d'Anville à adopter cette étrange po-
sition ; il ne s'en explique nulle part dans ses ouvrages. Les Medoaci
sont mentionnés par Strabon avec les Cenomauni , les Symbrii , les
Heneti; ils sont des peuples de la plaine. — Paul. Diac, lier. Long.,
lib. III, cap. 5p, nomme Alsuca. — Itiner., Wessel., p. 280.
' Plin., Hisi. nat., lib. m, cap. 23 (19), tom. i, p. 176, H.
PARTIE II, CHAP. IV. 69
nomme ces peuples ensemble ; et quoiqu'il suive
l'ordre alphabétique, il ne les confond point avec
d'autres qu'il nomme ensuite. Ces peuples étaient si
peu considérables qu'il dit : u II n'est pas besoin de
les énumérer scrupuleusement, dein quos scrupu-
lose dicere non attinet. » Aussi , après avoir recher-
ché la situation de ces petites peuplades qui se rédui-
saient à une seule ville, ou à un seul bourg, avec leur
territoire, on regrettera moins de ne pouvoir assi-
gner la situation de ceux encore moins considérables
par lesquels il termine son énumération , et qu'il
comprend sous le nom général de Culici. Pline con-
tinue ensuite le catalogue des peuples des Alpes par
ordre alphabétique.
Les Forojulienses , surnommés Transpadani '
pour qu'on ne les confondît pas avec les Foroju-
lienses qui se trouvaient dans l'Ombrie '. Capitale,
Forum Jul'iiy placé au rang des colonies romaines
par Ptolémée, et dont la position à Cividale di Friuli
est démontrée par les monumens historiques; ainsi
les Forojulienses habitaient la vallée formée par le
Natisone.
Venidates ou Nedinates , aux environs d'Udine,
que les Allemands nomment Weiden ; dans l'an-
cienne orthographe des Italiens, on écrivait Vdine.
Quelques manuscrits de Pline portent Nedinates j
mais à tort.
Quarqueniy au midi des Feltrini ou de Feltre,
dans les environs de Quer, nommé ad Quercum
' Plin., lib. m, c. iS (ig), tom. i, p. 176, édit. Hard.; tom. n,
p. 187, Lem. — Ptolem., Geogr., p. 63 (70). — Paul Diac, lib. 11, 14.
'Plin., lib. ni, cap. 19 (14), tom. 11, p. 168.
70 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
dans des inscriptions romaines qui ont été trouvées
dans ce lieu même ' .
Taurisani ou Tai>risani , dans les environs de
Tawisium, leur capitale, auquel des inscriptions
donnent le titre de municipe, dont la position à
Tarvis moderne est démontrée par les mesures des
Itinéraires ".
Togienses y peut-être à Conegliano.
Varbari ou Varvani, aux environs de Valvasone.
Cluverius voudrait rapporter ce peuple à Varmo, et
corriger Varamani dans le texte de Pline ; mais il
avoue que ce n'est qu'une conjecture ^ .
Enfin, dans les Alpes istriennes, entre Pola et
Trieste'' {a Pola ad Tergestis regionem), Pline place
encore les Secussesj, qui me paraissent avoir habité
aux environs de Saguria, au sud-ouest du lac Cirkniz.
Les Subocrini , qui ont dû occuper, ainsi que leur
nom l'indique, les environs du mont Ocra, dont
Strabon ^ nous donne la position avec beaucoup
d'exactitude , en nous disant que c'est par ce mont
qu'on voiture les marchandises à^Âquileia à Nau-
portus. Aquileia est nommée sur des inscriptions,
et ses ruines se voient encore à 7 milles de la mer,
sur les bords du Natisone, le Natiso des anciens ^, et
' Cluverius, Italia antiqua , lib. i, p. 118.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. — •
Plin., III, ig. — Cassiodore, x, 27. — Procop., Rer. Got., 11.
' Voyez Cluverius, tom. i, lib. i, p. 178. — Hardouin, tom. i,
p. 176, lit Varhari, et plus haut, Nedinates.
* Voyez, pour les peuples suivans, la Carte de l'Istrie, en une
feuille, par Cappellara, et Plin., Hist. nat., cap. 20 (24), tom. r,
p. 176, édit. Hard.
' Strabon, lib. iv, p. 207; trad. fr., tom. 11, p. 100.
^ Filiasi, Memorie storiche dei Feneti, 1796, in-S", tom. 1, p. 122.
PARTIE II, CHAP. IV. 71
JSauportus est Neustadt, au sud-est de Lubiana ' . Les
Subocrini ont donc dû par conséquent occuper les
environs d'Adelsberg et de Loitsch , à l'ouest et au
nord du lac Cirkniz.
Les Catali , aux environs de Castua, au fond du
golfe de Quarnero.
Les Monocalini , à Montona.
Pline retourne ensuite vers le nord pour remarquer
qu'au-delà des Garni sont les peuples nommés No-
rici , et qu'on appelait autrefois Taurusci ; et ici se
présente une grande question géographique, dont la
solution terminera cette description des peuples des
Alpes. En effet, la position des Norici et de leur ca-
pitale se lie , ainsi qu'on a pu le voir précédemment,
aux premiers temps de l'histoire des Gaules '. César
nous apprend que c'est parmi eux que se fixèrent une
partie des Boii qui émigrèrent de la Gaule transal-
pine, et qu'ils assiégèrent Noreja, leur capitale. Plu-
sieurs autres auteurs anciens, après César, ont parlé
de ce peuple et de Noreja, sa capitale , et ce sujet cu-
rieux réclame de notre part une discussion appro-
fondie. Je conviens que je sors ici des limites qui me
sont prescrites par mon sujet; car si la Rhœtie a, dans
les derniers temps de l'empire d'Occident, été réunie
administrativement à l'Italie, jamais le Noricum ne
l'a été, et cette contrée faisait partie du diocèse d'Il-
lyrie, et non du vicariat d'Italie. Mais j'ai déjà ob-
servé que la description des Alpes qui sont au nord
de la Gaule cisalpine était intimement liée au sujet
' Strabon dit aassi que les Albii montes commencent près du mont
Ocra; or, près du lac Cirkniz , se trouve un lieu nommé Alben.
' Conférez lom. i , p. 76 à 77, et p. 4i i-
72 GÉOGRAPHIE AINCIENNE DES GAULES,
que je traite ; or Noreja était situé dans ces Alpes.
Il s'agit aussi de retrouver la capitale de ces Boii y
dont on cherche l'emplacement dans les Gaules, d'où
ils émigrèrent, et qu'on retrouve avec certitude vers
les embouchures marécageuses du Pô, et dans les ré-
gions élevées des Alpes noriques. Plusieurs auteurs
modernes , d'un grand mérite , ont d'ailleurs pré-
tendu qu'il y avait deux villes nommées Noreja,
l'une dans la Norique, et l'autre chez les Garni , or
les Garni appartiennent à la Gaule cisalpine. Il faut
donc bien prouver qu'il n'y avait, de ce côté, qu'une
seule ville nommée Noreja , et qu'elle n'était pas
située chez les Garni '.
Les peuples qui , ainsi que les Boïens , entrèrent
dans la confédération des Helvétiens pour faire une
irruption dans les Gaules, étaient, selon César* , les
' D'Anville , dans sa Carte de l'Empire romain , a placé Noreja
dans la Styrie, à un endroit nommé Saint- Léonhard, dans le Yoigt-
berg ; mais il ne dit nulle part les motifs qui l'y ont engagé ; il se
contente, dans sa Gto^r. ancienne (p. l\i et 235 de l'édit. in-folio,
1. 1, p. i5o, et t. m, p. i88, de l'édit. in-T2; t. ii, p. 712 des OEuvres,
1854, iQ-4°)j <le nommer JNoreja comme un endroit remarquable
sous le rapport historique. — Ortelius, dans son Thésaurus geogra-
phicus, dit que la Noreja de César lui paraît différente de celle qui
a été mentionnée par Pline et Strabon, et il place cette dernière à
Goertz ou Goritzia , dans la Carinthie , d'après Leander.
Le savant Cellarius paraît seul avoir bien compris la difficulté; il
y revient à deux fois dans son ouvrage (voyez Geographia antiqua ,
tom. I, p. 454 et 565, 5" edit. Lipsiae, 1773), et il reste dans le doute
si l'on doit réellement distinguer deux Noreja : l'une dans la No-
rique , l'autre chez les Carnutes.
Davis, nn des annotateurs de Jules César (édit. d'Oudendorp,
in-4°, 1737, p 12), dit que l'on doit faire cette distinction.
* Caesar, de Bello gallico, lib. i, c. 5 : « Persuadent Rauracis, et
« Tulingis et Latobrigis fmitimis, uti eodem usi consilio, oppidis suis
« vicisque exustis, una cum iis proficiscanlur ; Bojosque qui trans
PARTIE II , CHAP. IV. 73
Rauraci de ce côté-ci du Rhin , habitans du diocèse
de Bâle, ayant pour cdi^\\.2\ç^ Augusta Rauracorurriy
Augst ; les Tulingi y qui occupaient le district de
Tilengen et de Stuëlingen : ce dernier lieu était pro-
bablement l'emplacement de leur capitale ', et son
nom primitif s'est perdu, parce qu'il prit sous la do-
mination romaine le nom de Juliomagus, ainsi que le
démontrent les mesures des Itinéraires romains pour
la route qui part ai Avenlicum , Avenches, et qui
aboutit à Augusta V^indelicorum, Augsbourg. Les
Latohrigi y qui habitaient les environs de Donaues-
chingen, où la Brigach et la Bregge, se réunissent
au Danube : sur les bords de la Bregge est un petit
lieu nommé Brugge, qui occupe le même emplace-
ment que le Brigohanne de la Table, ainsi que le
prouvent les mesures de la route dont je viens de par-
ler; et depuis que ceci a été écrit, diverses ruines
d'antiquités, trouvées sur les bords de la Bregge, ont
confirmé l'emplacement de Brigohanne , qui s'ac-
corde ou même se confond avec celui que nos cartes,
et nos mesures, nous avaient indiqué *. L'emplacement
de ces ruines est entre deux lieux très rapprochés ,
nommés Hufingen et Breûnlingen , au sud-ouest de
Donaueschingen, au nord-ouest de Bella \ Après les
« Rhenum incoluerant , et in agrum Noricum transierant Nore-
« jamque obpugnarant, receptosque ad se socios sibi adsciscunt. »
' Conférez Julius Leichtlen , Schwaben unter den Rœmeni , Fri-
burg in Breisgau, 1825, in-12 , p. 87. — Haller, Helve'tien, tom. 11,
p. 488. — Muller, Gescht. der Schweizer, i, §.59. Leipsick, 1806.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage, et
J. Leichtlen, p. go et g5, et ci-dessus, tom. i, p. Sog à 3 17.
^ Conférez Charte von Schwaben unter den Rœmern, bearbeitet
von ï. Julius Leichtlen. — Je ne retrouve pas sur cette carte le
74 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Latohrigi, viennent les Boii : ainsi donc, en relisant
avec attention César, qui, dans son énumération,
conserve un ordre strictement géographique , on
s'aperçoit d'abord que ces mêmes Boii^ qui s'étaient
emparés àeNoreja, étant entrés dans la ligue helvé-
tique , devaient être voisins des peuples qui s'étaient
joints à cette confédération , c'est-à-dire des Lato-
hrigii ; car, s'ils en avaient été séparés par d'autres
peuples, ceux-là ne les auraient pas laissé passer tran-
quillement en armes sur leur territoire. La nomen-
clature de César comprend presque toute l'étendue
de terrain située au nord du lac Constance ', la partie
la plus voisine est la haute Carniole et le Saltzbourg;
c'est donc dans ce district et non dans la Styrie , que
l'on doit chercher Noreja. Le texte de César ne nous
apprend rien de plus.
Passons actuellement à Strabon , qui est le plus
ancien après César qui ait parlé de Noreja. « Après
« ces peuples, dit-il (c'est-à-dire après les nations de
« la Rhœtie et de la Vindélicie, dont nous venons de
« nous occuper) , viennent ceux qui occupent le fond
H du golfe Adriatique et les environs d'Aquilée; ce
H son t quelques peuples appartenant à la nation des
« Noriciy et les Garni; aux Norici appartiennent en-
ce core les Taurisci ' . » Ceci est clair, et nous dit que
les Taurisci étaient un peuple de la Norique, qu'ils
étaient \oisins des Garni , et qu'enfin les uns et les
autres étaient voisins de la mer Adriatique : par
Brugge de ma carte ; mais il se confond évidemment avec la position
de Hiifingen.
' Strabo, lib. iv, p. 206, B, et p. 3i6, de l'édit. d'Almeloveen j
trad. franc., tom. 11. p. py.
PARTIE II, CHAP. IV. 75
conséquent, on doit déjà présumer que Noreja,
l'ancienne capitale du Noricum, a pu exister près
des Garni, et qu'il n'est pas besoin de supposer
l'existence d'une ville de ce nom chez ces derniers.
Or on place avec raison les Taurisci dans la Car-
niole supérieure ou haute, et dans le Saltzbourg,
au nord des Garni , qui occupaient le Frioul. Cette
portion de la Norique est en eflfet la plus voisine du
golfe Adriatique. Les Taurisci étaient les habitans
des montagnes de la Norique; en effet, le mot taur
et taurn, dans la langue primitive de ce pays, rem-
place celui àe penn et dialp , pour désigner les plus
hautes élévations d'une chaîne de montagnes; il se
trouve joint à presque tous les noms des montagnes
qui séparent le Saltzbourg de la haute Carlnthle , et
l'on trouve successivement Krumler Taurn, Felber
Taurn, Kalfer-Taurn , Rauris -Taurn, Nassfelâr-
Taurn ' ; et comme ces dénominations ont princi-
palement lieu dans l'étendue du Saltzbourg, H y a
lieu de croire que c'est dans cette partie qu'il faut
placer les Taurisci , et la suite de cette discussion
achèvera de démontrer que cette position est exacte.
En effet, Strabon nous apprend encore « que les
(c Gaulois Boii qui avaient passé en Italie , chassés
« des bords du Pô, s'étaient emparés du pays des Tau-
« ris ci , et s'y étalent fixés ". w Dans plusieurs autres
endroits de son ouvrage, il nomme toujours les Boii
et les 7«Mmc/ ensemble, et, dans un passage relatif à
ces peuples, il dit que leur territoire atteint le plus
' Voyez la Carte de la Bavière , publiée par Rheinwald en 1 806.
" Strabo, lib. v, p. 212-326.
76 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
haut sommet des Alpes, et qu'ils en occupent le re-
vers du côté de l'Italie.
Il résulte donc de tout ceci que les Boii dont
parle César, qui se joignirent à la ligue helvétique ,
habitaient le pays des Taurisci ou la haute Carniole;
que leur capitale, Noreja, doit être le même que
celle des Taurisci; que par conséquent , Noreja doit
être placée dans la haute Carniole.
Rapportons encore un passage de Strabon , qui
doit nous aider à déterminer la position de cette
ville. (( Aquileia, dit-il, est hors des limites des He-
K neti , dont le pays est borné par un fleuve qui sort
« des Alpes, et que les navires peuvent remonter —
« 1 , 200 stades, jusqu'à la ville de Noreja, près de la-
(( quelle Cn. Carbo, ayant attaqué les Cimbres, fut
(( complètement défait '. » Tous les éditeurs et com-
mentateurs de Strabon se sont aperçus qu'après ces
mots «peuvent remonter, » il manquait quelque chose
au texte. En effet, si on mesure le cours du Taglia-
mento , le plus grand fleuve qui se trouve entre le
territoire des J^eneti et celui à'Aquileia, on verra
que depuis sa source jusqu'à son embouchure, en
suivant toutes les sinuosités, on n'a qu'une longueur
de 72 milles géographiques, ou 85o stades environ
de 700 au degré, et seulem.ent 710 stades de 600,
ou stades olympiques. Il y a donc ici une erreur évi-
dente dans les chiffres, mais il n'en résulte pas moins
que Noreja devait se trouver non loin des sources
du Tagliamento'*. Ce qui confirme ceci, se sont les
' Strabo , lib. v, p. 214 ou 328 ; trad. franc., tom. 11 , p. \i5.
^ Nos mesures sont prises sur la Carte du duché de Venise, en
quatre feuilles , par le baron de Zach.
PARTIE II, CHAP. IV. 77
détails de cette mémorable bataille qui signale la pre-
mière apparition des Cimbres en Europe , détails
précieux qui nous ont été transmis par Appien ' . Nous
voyons que Papirius Carbo , craignant que les Cim-
bres, qu'il appelle Teutons, ne pénétrassent en Italie,
et ayant appris qu'ils avaient déjà envahi le terri-
toire des Norici , amis du peuple romain , fit mar-
cher son armée dans les Alpes , et en occupa les dé-
filés les plus étroits. Ce fut après cette marche qu'il
reçut leurs ambassadeurs ; et pendant qu'il cherchait
à les amuser par de vaines négociations, il conduisit
son armée par des défilés inconnus pour tomber
à l'improviste, et pendant la nuit, sur les Teutons.
Cette circonstance, jointe h ce qui précède, démontre
bien que la bataille eut lieu dans les montagnes des
Alpes; et ce que Appien ajoute, Tite-Live le con-
firme; car il dit que les Teutons, après avoir détruit
presque entièrement l'armée romaine, passèrent en-
suite dans la Gaule. Cependant il ne paraît pas qu'ils
poussèrent loin leurs conquêtes ; et comme ils
a\aient demandé seulement aux Romains la permis-
sion de s'établir sur le territoire des Norici, il est
probable qu'ils y restèrent.
Noreja, suivant Pline % était déjà détruite de son
temps , cependant les restes de cette ville subsistaient
encore bien long-temps après , puisqu'on la retrouve
dans la Table de Peutinger. Les mesures qu'elle nous
fournit ^ nous serviront à déterminer la position
' Appiani Alex. Roman, histor., toni. i, p. 85, édit. de Schweig-
haeuser; Lipsiae, 1785. — Tit. Liv. , Hist. , tom. vi, p. 56, édit. de
Drakenborch. — Supplem. Freinshemii.
• Plin., Hist. nat., lib. m, cap. aS (19).
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tome m de cet ouvrage.
78 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
de Noreja d'une manière certaine. Depuis un lieu
nommé Celeia y qui est incontestablement Cilli ,
dans le Cillier Kreis , la Table , sur une route qui
conduit au nord, vers le Danube, nous fait compter
114 milles romains jusqu'à Noreja. Sur la Carte
moderne de Bavière, dressée en 1806, la distance
en ligne droite, entre Cilli et un lieu nommé No-
ring, près de Gmund, en remontant vers le Danube,
est de 80 milles géographiques, ou 100 milles ro-
mains, et par la route qui passe par Valkenprark et
Klagenfurth , qui est la plus courte et la plus pra-
ticable, on mesure juste ii4 milles. La position
de Noreja à Nôring se trouve donc prouvée par
l'examen de ce qu'en ont dit les historiens et les
géographes de l'antiquité , par les mesures de la
Table , et par le nom moderne qui retrace le nom
ancien '. En effet, Noreja, ainsi placée, est dans la
Norique, mais dans sa partie la plus méridionale et
la plus proche Ôl Aquileia , et du golfe Adriatique :
ainsi que l'indique Strabon % son territoire n'est
séparé des Carni que par les Alpes carniques ou
juliennes. Noreja est dans la partie occidentale de
la Norique, ou la moins éloignée du lac Constance,
c'est-à-dire la plus rapprochée des nations confédé-
rées avec les Helvétiens , conformément au texte de
César ^. Enfiii elle est à la distance indiquée par la
' Ce lieu est nommé Nahring sur la Carte du Saltzburg , dans la
feuille intitulée : Um^ebungen von Gmund in Kaernlhen. Ainsi
Nôring serait dans la Carniole moderne. La montagne qui est auprès
se nomme Nahringer Hohe; il y a des mines, PSahringer Graben,
du même nom, et un ruisseau du même nom. Noreja a pu être placé
à Gmund même. Sur presque toutes les cartes on lit Nôring.
'' Strabo, loco citato.
' Caesar, de Bello gallico , loco cilato.
PARTIE II, CHAP. IV. 79
Table, et dans la direction de la route qui s'y trou\e
tracée. Strabon ' termine le dernier passage que nous
avons cité, et où il indique la situation àeNoreja^ par
une circonstance qui mérite une grande attention.
« Il y a, dit-il, dans cet endroit, des mines d'or
et de fer faciles à exploiter. » Il est remarquable
qu'à côté de la montagne au pied de laquelle Nô-
ring se trouve située , il y en a une autre qui se
nomme Gold Berg ' ou montagne d'Or, ou montagne
aux Mines-d'Or ^ ; le mot allemand pour les mines
d'or exploitées, est goldhergwerk , composé de trois
mots : or, montagne, travail. Strabon ne dit dans
cet endroit qu'un mot sur ces mines, parce qu'il
en a parlé précédemment beaucoup plus au long,
d'après Polybe ^, qui rapporte que, « de son temps,
c< on trouva des mines peu éloignées à'Aquileja ,
(( chez les Taurisci-Norici , » ce qui démontre que
Polybe, aussi, regardait les Taurisci et les Norici
comme le même peuple , et savait que ce peuple
était proche à'Aquileja. Polybe ajoutait qu'on trou-
vait dans ces mines de l'or natif en abondance , sur
lequel il n'y avait qu'un huitième de déchet, et que
des Italiens s'étant associés aux Barbares pour les
' Strabo , loco citato.
' Nôring est au bas du Stang-Alpen ; un peu à l'ouest est le Kolben-
berg , et à côté, vers l'ouest, est le Goldberg. Marcel de Serres nous
apprend qu'il y a des mines d'or dans le Goldberg, et que ce métal
y est mêlé avec le gneiss : « Plusieurs mines du Saltzbourg paraissent
« avoir été connues depuis une antiquité reculée, et les monumens,
<f comme les traditions du pays, semblent indiquer que les Romains
« avaient eu connaissance des mines d'or de la vallée de Gastein. »
Marcel de Serres, Annales des Voyages, tom. xx , p. 63 et -^yS.
' Yoyez la Carte de l'Italie, en deux feuilles , par Zannoni.
* Polyb. apud Strab. , lib. iv, p. uo8 ; trad. franc., tom. ir, p. lo-i.
80 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
exploiter, le prix de l'or baissa dans toute l'Italie;
que les Taurisci, s'en étant aperçus, chassèrent leui's
collaborateurs étrangers et vendirent seuls ce métal.
«Aujourd'hui, dit Strabon, ce sont les Romains
qui possèdent toutes ces mines. » Les voyagem's
modernes confirment tout ce que nous dit Strabon :
il y a en efïet des mines d'or dans le Gold Berg, et à
l'ouest , dans le Kolben Berg , ainsi que dans la vallée
de Gastein : ce précieux métal y est mêlé avec le
gneiss. Ces mines portent des traces évidentes d'an-
ciennes exploitations , et la tradition du pays veut
qu'elles aient été connues des Romains'.
D'après l'exactitude des mesures , la similitude
des noms, l'accord des circonstances locales, je crois
avoir démontré que Nôring, près de Gmund , est
l'ancienne ville de Noreja, du moins la Noreja de
César et de Strabon.
Voyons actuellement si la Noreja de Pline est la
même que celle de ces deux auteurs. Pline, décrivant
ristrie et les contrées voisines, dit : «De ce côté,
« et sur le rivage, ont disparu Iraniine , Pellaon,
V. PalsatiuTii; chez les Veneti , Atina et Cœlina ;
«chez les Carni , Segeste et Ocra; chez les Tau-
« riscif Noreja ". » Nous voyons, sur-le-champ, que
la Noreja de Pline est la même que celle de César et
de Strabon, puisqu'elle était de même située chez
les Taurisci. Enfin , de même que ces deux auteurs ,
Pline place les Taurisci et leur capitale , Noreja ,
' Marcel de Serres , Essai statistique sur le Saltzbourg , Annales
des Voyages, tom. xx, p. 38 et 65.
' Plin., lib. ïii, cap. 23(19), tom. i, p. 724, del'édit. deFranzius:
« In hoc situ interiere per oram Iramine.... Ex Venetiis, Atina et
« Caelina : Garnis, Segeste et Ocra; Tauriscis , Noreja.»
PARTIE II, CHAP. IV. 81
dans le voisinage des Garni et des Veneti. Veut-on
actuellement une preuve bien directe que Pline
aussi plaçait les Taurisci dans la haute Carniole , et
qu'il les renfermait dans la Norique; je la trouve
dans le passage même qui a donné lieu à toute cette
discussion , et que voici traduit en entier : « Près des
a Garni, sont les peuples autrefois connus sous le
«nom de Taurusci , et qu'on nomme aujourd'hui
« Norici; ils sont voisins des PJiœti et des Vinde-
« liciiy et tous ces peuples sont divisés en plusieurs
« cantons '. » Que l'on jette les jeux sur une carte
de l'Empire romain et sur une carte moderne, on
verra qu'il n'y a absolument que la haute Carniole
et le Saltzbourg qui remplissent ces trois conditions,
d'être à la fois limitrophe des Garni , de la Rhœtie,
et de la Pindélicie. Dupinet, et plusieurs autres,
avaient sans doute oublié ce passage de Pline, lors-
qu'ils voulaient placer les Taurusci dans laCarinthie.
Ainsi donc nous avons prouvé que Noreja, l'an-
cienne capitale des Taurisci norici , depuis devenu
le chef-lieu des Gaulois boïens , qui a été men-
tionnée par César, est la même ville que Strabon et
Pline ont désignée sous ce nom , et qu'enfin elle était
située dans la haute Carniole , à l'endroit où se
trouve aujourd'hui Noring, près de Gmund.
Avant de terminer cette discussion, remarquons
que la haute et basse Carniole n'ont jamais fait
partie du territoire des Garni. La haute Carniole
faisait , ainsi que nous venons de le prouver, partie
' Plin. , lib. m, cap. 20 (24), tom. i , p. 726 : « Juxtaque Caraos
« quoadam Taurusci appellati , nunc Norici. His contermini suut
« Rhseti et Vindelici, oranes in multas civitates divisi. »
II. 6
8^ GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
du pays des Boii nommés Taurisci. La basse Car-
niole et le Cillier Kreis faisaient aussi partie du
Noricum. L'ancien territoire des Garni se trouve
aujourd'hui représenté par le Frioul vénitien, par
le Goerzer Kreis , et par la Carniole proprement
dite.
On demandera, peut-être, pourquoi la ville de
Noreja, détruite du temps de Pline, se retrouve en-
core dans la Table ; je répondrai qu'elle ne fut dé-
truite qu'en partie , ou qu'elle a été rétablie depuis.
Personne n'a , je crois, observé qu'elle existait encore
au milieu du vi^ siècle, comme le prouve un passage
de Procope de la Guerre des Goths ^ où il est dit :
«( Que l'empereur Justinien donna aux Lombards la
« ville de Noreja et les forts les plus considérables de
« la Pannonie ' . » Den js-le-Périégète , du temps
d'Auguste , fait aussi mention de Noricia ou Noreja,
comme d'une ville forte '.
^. II. Gaule cisalpine.
Ces plaines fertiles qu'environnent l'Apennin, les
Alpes et les mers, ont été dessinées par la nature
avec des traits si prononcés, qu'il s'est établi un
accord presque identique entre les différentes divi-
sions que l'histoire, les gouvernemens, et les géogra-
phes, leur ont fait subir dans les différens temps.
' Procop., de Bellis goihicis, lib. iri, cap. 35.
* Yoyez Dionysius Perieg., v. Sai ; Geogr. minor., to.ni. i, p. 24'
et tom. IV, p. 56, édit. Bcrnhardy. — Voy. Cluverius, Itaiia antiqua,
tora. T, p. ii'i et suiv. — Cet auteur veut changer le mot ■p«i7c»5
mais cette correction ne me paraît pas nécessaire.
PARTIE II, CHAP. IV. 83
Strabon ' distingue dans la Gaule cisalpine les
Henetes ou les habitans de la Vénétie , d'avec les
Liguriens et d'avec les Celtes. Il regarde ces der-
niers comme la même race d'hommes que les Celtes
transalpins, c'est-à-dire les Gaulois; mais il paraît
pencher pour le sentiment de ceux qui donnent
aux Henetes , ainsi qu'aux Istri, une origine asia-
tique : telles sont les divisions historiques de cet
auteur ''.
Quant aux divisions géographiques, il sépare d'a-
bord entièrement la Gaule de la Ligurie. La Celtique
ou Gaule cisalpine est, dans Strabon, la première
des divisions de l'Italie; la Ligurie est la seconde; la
Tyrrhénie la troisième, et ainsi de suite ^
La Ligurie n'est point sudivisée ; mais la Celtique
cisalpine se di\ise , d'après Strabon, en deux por-
tions nommées transpadane et cispadane ou en
Celtique au-delà du Pd, et en Celtique en deçà
du Pô 4.
Strabon comprend toute la Kénétie et VIstrie
dans la Celtique transpadane''^ mais fidèle à sa divi-
sion historique, il a soin de nous faire observer que
cette partie de la Gaule est occupée par des Celtes
et desHénètes. Au nord, la transpadane de Strabon
s'étend jusqu'au pied des Alpes ; à l'est, jusqu'à Pola,
c'est-à-dire jusqu'au fleuve Arsia, la rivière Arsa, qui
' SU"abo, lib. V, p. 211 ; trad. fr., tom. 11, p. 214. Voyez ci-dessus,
tom. 1, p. I et 2.
' /f/. , lib. V, p. 212 ; trad. fr., tom. 11, p. ii5.
' Id., lib. V, p. III.
* Id., loco citato.
^ Id., lib. V, p. 112 et 2165 trad. franc., tom. 11, p. 128 et i5o.
84 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
est un peu au-delà. En effet, Pline ' et Ptolémée ' s'ac-
cordent également à faire de ce fleuve la limite orien-
tale de l'Italie : ce qui semble prouver que Strabon
ne s'exprime pas dans un sens rigoureux , et qu'il
indique seulement Pola comme la dernière ville de
l'Italie de ce côté. Ptolémée nomme cependant en-
core celle de Nesactiim , sur le fleuve même Arsia.
Peut-être que l'Italie, du temps de Strabon, ne
s'étendait que jusqu'à Po/a^ et qu'elle aura depuis été
prolongée jusqu'au fleuve Arsia. L'exemple de ces
variations, dans les divisions établies par l'autorité,
est fréquent dans tous les temps et dépend de cir-
constances particulières d'administration , ou même
souvent de vues privées ou du caprice des gouver-
nans. L'histoire dédaigne presque toujours, mais à
tort, d'en conserver le souvenir; Strabon lui-même
en fait la remarque. On doit observer encore que
Strabon parle de l'Istrie plutôt comme d'une annexe
que comme d'une partie intégrante de l'Italie^, et
que Pomponius Mêla '^, qui écrivait sous Claude,
ignorait encore que cette presqu'île avait été pres-
qu'en entier réunie à la Gaule cisalpine, puisqu'il
termine dans son ouvrage l'Italie à Trieste.
« La Cispadane ( continue Strabon ) , se compose
« de tout le pays renfermé entre la rive droite du Pô,
(( les Apennins et la Ligurie, » c'est-à-dire les Alpes
jusqu'à Genua, Gênes, et à vada Sabatorum, Vado.
Strabon nous avait dit, en commençant sa descrip-
• Plin., lib. m, cap. 22 (18).
' Ptolem., Geogr., lib. m, cap. i, p. 65 (70), édit. Bert.
' Strabo, lib. v, p. 21 5.
" Pomponius Mêla, lib. 11, cap. 5, tom. i, p. 5-], édit. Tzschuck.
PARTIE II, CHAP. IV. 85
tion , que la Cispadane était peuplée par les Celtes
habitans des plaines , et par les Ljgiens ou Li-
guriens habitans des montagnes; après il observe
«qu'autrefois c'étaient les Lfgiens , les Boiens , les
(.( Senones , les Gesates (c'est-à-dire les Celtes ou
K Gaulois de la Gaule transalpine) , qui en occupaient
H la plus grande partie ; mais que depuis l'expulsion
a des Boiiy et l'entière destruction des Gesates ^ il
« n'y reste que des Ljgiens a^ec des colonies ro-
« maines entremêlées de quelques tribus d' Ombriens,
« et, en certains endroits , de tribus de Tjrrhé-
{( niens ' . n
Strabon comprend aussi dans la Cispadane toutes
les plaines renfermées entre les montagnes de la
Ligurie et le Pô jusqu'à sa source. Ceci se trouve
prouvé par le passage où il est dit que Derthon ,
Tortona, et Aquœ Statillœ , Aqui, font aussi partie
de la Ligurie.
Il est donc évident que la Ligurie de Strabon, ou sa
seconde division de l'Italie, se réduitaux mon tagnescfui
s'étendent depuis Gênes ou Vado jusqu'au Var. Aussi
Strabon trouve-t-il cette portion de l'Italie si peu con-
sidérable et si misérable, qu'il dit qu'elle ne mérite pas
d'être décrite ". Cependant Strabon n'a point ignoré
entièrement les véritables limites de la Ligurie , telles
qu'elles existaient de son temps , puisqu'il observe
que le territoire de Macra, c'est-à-dire l'embou-
chure de la Magra, est, selon plus d'un auteur, la vé-
ritable limite de la Tyrrhénie et de la Ligurie ^ Mais
' Strabo, lib. v, p. 212 et 216; trad. fraaç., tom. 11, p. 117 et i3i.
' Id., lib. V, p. 218; trad. franc., tom. 11, p. 142.
^ Id., p. 222; trad. fr. , tom. 11, p. i56. — Strabon commet, dans
cet endroit, une petite errem- dont j'expliquerai bientôt la cause.
86 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Slrabon n'a eu égard dans ses divisions qu'à l'état
physique des lieux, au mouvement et à la direction
de la côte : voilà pourquoi il prolonge la Celtique
cispadane jusqu'au fond du golfe, c'est-à-dire jusqu'à
Genua f et qu'il restreint d'autant la Ligurie. Plu-
tarque ' suit la division établie par Strabon, puis-
que, dans sa Vie de Marcellus, il place Clastidiuni^
Casteggio '', dans la Gaule , tandis que Tite Live ,
et tous les auteurs latins % mettent ce lieu dans la
Ligurie.
Si on fait attention à cette seule circonstance de la
configuration des cotes, et qu'on excuse la grande
inégalité du partage, on conviendra que la division
de Strabon est claire, précise, et conforme à l'histoire
et à la géographie physique; qu'elle est l'ouvrage
d'un savant qui décrit d'après de bonnes études et de
bonnes cartes, mais elle n'est point conforme aux
idées des Romains de son temps , et pour les con-
naître, il faut avoir recours à Pline , car Pomponius
Mêla ne fournit rien sur les divisions intérieures de
la Cisalpine.
Pline "* nous apprend que l'empereur Auguste avait
divisé l'Italie entière en onze régions; il en donne le
détail , et nous voyons par sa description que la
Gaule cisalpine renfermait quatre de ces régions qui
se suivaient dans l'ordre adopté par Auguste, et que
Pline a eu grand tort de changer pour les ranger,
comme dans un périple, d'après leur situation res-
pective le long de la côte.
' Plutarchus, de Marcello.
' Voyez ci-dessus, part, r, ch. vu, tom. i, p. i55.
' Conférez Cluveriiis, Italia antiqua , tom. i , p. 79.
^ Plin., lili. ut, rap. 6. tom. r, p. i4, edit Hard-
PARTIE II, ClUP. IV. 87
D'après la division d'Auguste , la sixième région
de l'Italie était l'Ombi-ie, Umbria ., et la campagne
Gallique ', ager Gallicus; elle s'étendait sur la côte
depuis Ancona, Ancône, jusqu'au fleuve Aprusa ,
ou l'Ausa, qui est à l'est de Rimini. Elle avait été
autrefois renfermée dans la Cisalpine, ou la Gaule
togée; mais la preuve que Pline ne la considérait pas
comme en faisant partie de son temps, c'est, qu'ainsi
que Strabon et Ptolémee, il reconnaît que VUmbria,
cette sixième région d'Auguste, s'étendait au midi
dans l'intérieur des terres jusqu'à //zieram/za^ Terni,
et au-delà de Nar Jluvius , la rivière Néra des mo-
dernes, jusqu'à Ocriculum, Ocricoli, par conséquent
bien au-delà du territoire conquis par les Gaulois
Senonais. Strabon * renferme aussi dans l'Ombrie la
campagne Gauloise ; mais comme la partie de l'Om-
brie qui s'étendait au-delà des Apennins et au midi
de cette chaîne , n'a jamais été dans aucun temps
considérée comme portion de la Gaule cisalpine, il
s'ensuit que cette sixième région cesse d'appartenir,
au moins en partie, au sujet que nous traitons^.
La portion située au nord des Apennins , ayant
été envahie par les Senonais, ne cessa jamais d'être
considérée comme gauloise, et Pline a bien soin de
■ Plia., lib. III, cap. ig (i4), tom. i, p. 170, edit. Hard. ; tom. 11,
p. 166, edit. Lem. : « Jungitur liic sexta regio Umbriam coniplexa,
« agrumque Gallicum , circa Ariminum, Ab Ancona gallica ora
« incipit, togatœ Galiiae cognomine. »
' Strabo, lib. v, p. 217, tom. 11, p. iSg, de la Irad. franc.
' Toutes nos descriptions de limites sont faites sur la Carte de la
Lombardie, en quatre feuilles, par Zannoni; sur la Carte de l'État
de Venise, par le baron de Zach , en quatre feuilles , et sur la Carte
du royaume d'Étrurie , de Eordigera , en six feuilles , publiée à
Florence, en 1806.
88 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
remarquer, en parlant de cette sixième région, que,
sur le rivage, la Gaule togée commence à Ancône.
La huitième régioîi d'Auguste est donc réellement
la première de la Gaule cisalpine; c'est la division
nommée par Strabon Celtique cispadane, si ce n'est
qu'Auguste rétablit la Ligurie dans ses véritables et
antiques limites. « La huitième région, dit Pline, est
« terminée par la côte de Rimini, par le Pô et par
« l'Apeiinin '. )) Et il dit qu'elle renferme, sur le ri-
vage, la rivière ai Ariminum et la rivière Aprusa, la
Marecchia et l'Ausa, c'est-à-dire qu'elle était bornée
par la côte de l'Adriatique qui s'étend depuis l'Ausa,
près de Rimini, à l'est, jusqu'à la principale embou-
chure du Pô, à porto di Goro; qu'au nord le Pô,
jusqu'au Tidone, formait la limite; que le Tidone, à
l'ouest, séparait cette région de la Ligurie, et qu'enfin
les Apennins, qui, à partir de la INIagra et des sources
de la Secchia, s'étendent obliquement de l'ouest à
l'est, formaient par leurs plus hauts sommets la ligne
de démarcation entre cette huitième région et la
sixième et la septième, ou l'Étrurie et l'Ombrie.
La neumème région, ou la Ligurie d'Auguste ',
s'étendait depuis le Var jusqu'à la Magra % et depuis
Vado, au midi, jusqu'à Asta, Asti, Augusta Va-
giennorum ( città di Benè) , Alla pompeia (Alba),
' Plin., Hisi. nat., lib. m, cap. 20 (i5), tom. i, p. 172, edit. Hard. :
« Octava regio determinatur Ariminio, Pado , Apennino, in ora flu-
« vius Crustujiiium, Ariniinum colouia, cum amnibus Arimiuumet
« Aprusa. » — Yoyez encore Florus, lib. 11, cap. 5.
' Plin., Hist. jiat., lib. m, cap. 7 : « Haec regio ex descriptione
« Augusti nona est. Patet ora Liguriae inter amnes Varum et 3ia-
« cram ccxxi m. p. »
' Plin., III, 7, t, II, p. 74, éd. Lem. : '< Flumen Macra, Liguriae finis. »
PARTIE II, CHAP. IV. 8»
au nord. Cette division avait pour limite, au nord^
le Pô, depuis sa source au mont Viso jusqu'au Ti-
done; à l'ouest, la chaîne des Alpes à partir de l'em-
bouchure du Var jusqu'au col Albingier et le mont
Viso; à l'est, une ligne oblique tirée depuis la source
du Tidone jusqu'à celle de la Secchia ; au midi ,
toute la côte , depuis l'embouchure du Var jusqu'à
celle de la Magra ; ensuite la petite branche des Apen-
nins, qui s'étend depuis les rources de la Magra jus-
qu'à celles de la Secchia du Panaro. Pline, en donnant
le fleuve Macra pour limite commune à la Ligurie et
à l'Etrurie, ou à la neuvième et septième région,
accorde Luna à cette dernière ; Strabon ' et Pto-
lémée ' sont d'accord en cela avec Pline, quoique
Strabon commette plus bas une légère erreur, en
confondant un petit district à l'est de la Macra ,
nommé le territoire de Macra , avec l'embouchure
même de la Macra. En effet, les mesures de l'Itinéraire
nous portent, pour Luna, aux ruines mêmes de cette
ville, nommée encore sur nos Cartes Luni diruta ^,
sur la rive gauche ou à l'est de la Magra , et près des
carrières de Carrare ^. Mêla n'est point contraire,
ainsi qu'on l'a cru, à Strabon, Pline etPtolémée,
lorsqu'il dit Luna, ville des Ligures, LunaLigurum.
' Strabo, lib. v, p. 222 ; trad. franc. , tom. 11, p. i55.
' Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 61 (68), edit. Bert.
' Sur civitas Lunensis, voyez une inscription de 3Iuratori , tom. 11 ,
p. io55, n" 3.
* Luni diruta est marquée sur la Carte de Lonibardie, en quatre
feuilles, par Zannoni ; lygS, et sur la feuille douze (la Spezzia) de
la Carte de Raymond. — Le savant Du Theil , dans ses Notes sur
Strabon, tom. n, p. i55, cite un Voyage de Targioni Tozzetti, qui
a décrit les ruines de cette ville. ïarg. Tozz., Saggio del topogr.fis.
dellaLunig., part. 11, sect. 3; Relaz. d'alcun. viagg., etc., t. x, p. 4o8.
90 gêo:;raphte ancienne des gaules
Luna pouvait être considérée comme ville ligurienne,
puisqu'elle devait son origine aux Ijguriens , et que,
immédiatement avant la division d'Auguste, elle
faisait partie de la Ligurie qui s'étendait jusqu'à
l'Arno. Strabon observe que les Grecs appellent le
port et la ville de Luna, Selene, ce qui n'est que le
nom latin traduit en grec '.
La Gaule transpadane de Strabon comprend la
dixième et la onzième région de l'Italie , selon la
division d'Auguste, ou la troisième et la quatrième
de la Gaule cisalpine considérée à part.
La dixième région comprenait la Vénétie et l'Is-
trie \ Cette région était bornée, à l'est, par la côte
de l'Adriatique , qui s'étend depuis l'embouchure du
Pô , près d'Hadria , jusqu'à l'embouchure du fleuve
jirsia, la rivière Arsa, et ensuite par le cours même
de cette rivière. Pline a bien soin d'observer que
ce n'est que depuis peu de temps que le fleuve Arsia
forme la limite de l'Italie : plus haut, il nous apprend
que cette limite se trouvait auparavant restreinte
au fleuve Formio , qui est à 6 milles de Trieste,
et à 189 milles de Ravenne; et j'ai déjà remarqué
que le concours de ces deux mesures nous porte à
l'embouchure de la rivière qui coule à Muja ou à
Musa Vecchia \ A l'ouest, et dans l'intérieur, cette
dixième région s'avançait jusqu'au fleuve Serio, dont
le cours formait la limite qui se trouvait continuée
■ Strabo, lib. v, cap. 4, p- 222, tom. 11 ; p. 255, de la trad. franc.
'Plin., lib. m, cap. 22 (18), tom. 11, p. 182, édit. Lemaire :
« Sequitur décima regio Italise , Adriatico mari apposita : cujus
'( Venetia. »
' Conférez Plin., lib. m, cap. xi et 25 fiS et 19), et ci-dessus,
part. I, cap. 1, tom. i, p.. 4-
PARTIE II, CHAP. IV. 91
par l'Adda. Au nord, la limite de cette région remon-
tait, dans l'intérieur des Alpes, jusqu'à Tridentum,
Trente, et jusqu'à Julium, carnicurriy aujourd'hui
Zuglio ' . Un lieu nommé , dans l'Itinéraire , Ha-
drante^, à la suite duquel il est écrit finis Italiœ ,
fin de l'Italie, nous prouve, par les mesures qui y
ont rapport, que cette région s'étendait au-delà
d'JEmona ou de Laybach et des montagnes qui bor-
dent la Carniole ; mais primitivement , ainsi que le
démontre le texte de Ptolémée, les limites de l'Italie,
de ce côté, ont été celles de la Carniole et les plus
hauts sommets de la chaîne des Alpes, dans la direc-
tion d'Idria et de Lobitsch. On voit que cette dixième
division étoit très étendue, et comprenait, outre
l'ancienne J^enetia , primitivement bornée au Ba-
chiglione Vecchio , tout le vaste et fertile district des
Cenomanni , à la réserve de Bergomum, toute l'Is-
trie et une partie des peuples des Alpes situés au
nord. Comme la Vénétie était la portion principale
de ce vaste département, on la confondit quelquefois
avec lui , et, dans la dernière division qui eut lieu
sous Constantin , ce nom de Vénétie fut étendu à
toute cette dixième région d'Auguste. Voilà pour-
quoi Servius, commentateur de Virgile , qui écrivait
dans le sixième siècle, dit, à l'exemple de Pline, que
Mantiia, Mantoue, est située dans la Vénétie ^.
■ Voyez V Analyse dex Itinéraires , tora. m de cet ouvrage , et le
détail des ruines trouvées dans cet endroit, décrites dans une feuille
in-4'' de six pages, publié par Ricchieri, sous-préfet de Tolmezzo,
avec Hes Notes de Siauve, imprimé à Udine , en i8o8, intitulé .
Scavi di Zuglio in Carnia.
' Voyez VAnalyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
^ Servius, apud Virgii.
92 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
La onzième région d'Auguste, tout intérieure,
dit Pline , et qui porte à la mer les eaux des fleuves
qui la fertilisent, comprenait le reste de l'Italie '
Transpadane; elle avait, au midi, le Pô, depuis sa
source jusqu'à l'embouchure de l'Adda; le Serio et
l'Adda à l'est; à l'ouest, les Alpes jusqu'à leurs plus
hauts sommets , et au nord ces mêmes montagnes
jusqu'à la hauteur du Grand-Saint-Bernard et l'ex-
trémité septentrionale du lac Garda.
Ptolémée n'adopte aucune autre division que celle
des peuples : on doit observer cependant qu'il donne
à la huitième région d'Auguste le nom particulier de
Gaule logée '. L'on se rappelle qu'en effet cette por-
tion a été la première arrachée par les Romains aux
Gaulois , et que , pendant un certain temps , le nom
de Gaule logée a dû lui être exclusivement attaché.
On ne doit pas douter que cette division, particulière
à Ptolémée , n'ait une origine très ancienne ; mais , du
temps du géographe grec , le nom qu'il lui donnait
avait chez les P^omains une tout autre signification ,
puisqu'il était synonyme de Gaule cisalpine.
Comme , en Italie , les limites des peuples n'ont
point été conservées dans la création des diocèses ,
et ne se trouvent pas non plus représentées par les
comtés et autres petits États qui se formèrent dans
le moyen âge , nous devons , pour déterminer ces
' Plin., lib. III, c. 21 (ij) : « Transpadana appellatur ab eo regio
« undecitna, tota in mediterraneo, cui maria ciincta fructuoso alveo
« important. Oppida : Yibi forum , Segusio , Colonia ab Alpium
« radicibus, Augusta Toiùnorum , antiqua l.igurum stirpe, inde
« navigabili Pado. Dein Salassorum Augusta praetoria, juxta gemi-
« nas Alpium fores, Graias atque Penninas. »
" Ptol., Geogr.. m, i, p. 64 (71, par faute d'impression 69), ed, Bert.
PARTIE II, CHAP. IV. 93
limites avec autant de précision qu'il est possible ,
donner la liste et assigner la position des villes qui
sont attribuées à chaque peuple par les auteurs an-
ciens. Nous ferons concorder les divisions d'Auguste,
ou de la carte d' Agrippa, avec celles de Strabon et
de Ptolémée.
La sixième région de V Italie d'Auguste ', qui est
celle que Strabon ' nomme Omhrie, n'appartient pas,
ainsi que nous l'avons déjà dit, tout entière à notre
sujet , mais on peut y rapporter le territoire que
Ptolémée ^ attribue aux Senones ou Semnones , ce
qui répond à \ager Galliciis ou campagne Gauloise
de Pline, qui faisait, ainsi que je l'ai déjà observé,
partie de la Gaule avant Jules César. Ptolémée donne
aux Semnones , dans l'intérieur des terres :
SuasŒf dont la position à castel Leone, à l'est de
Saint-Lorenzo, se trouve déterminée par des inscrip-
tions trouvées dans ce lieu , qui font mention de
cette ancienne ville '*. Castel Leone est situé sur la
rivière Cesino. Pline nomme SuasaniXes habitans de
Suasa.
Ostra, dont les habitans sont nommés Ostrani
par Pline, ville que l'on place à Cormaldo, mais
dont la situation est inconnue.
Sur la côte , Ptolémée donne aux Semnones :
Jïsis ou JEsis jiiw. Ostia. — L'embouchure de
l'Esino , dont Silius Italiens a parlé ^, disant que le
' Plin., lib. m, cap. 19 (i4), tom. 11, p. 166, édit. Lemaire.
' Strabo, Geogi'., lib. v, p. 227; trad. franc., tom. 11, p. lyS.
' Ptolemaeus, Qeogr., lib. m, cap. i, p. 69 (62).
■* Cluverius, lialia antiqua, tom. i, p. 620.
* Silius Italicus, vui, 445, tom. i, p. 5ii, édit. Lemaire. — La
Table corrompt ce nom à^Msis en celui de Misus.
94 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
peuple qui habite ses bords a reçu le nom ôH Asili^
d'JEsis^ héros pélasge qui aborda à l'embouchure
du fleuve et lui donna son nom.
Sena GalUca. — Sinigaglia , qui , selon la remar-
que de Siliusltalicus, a dû son nom aux Gaulois seno-
nais; Polybe, Pline, Appien, Strabon , Mêla, Tite
Live, ont aussi fait mention de ce lieu ' ; il est nommé
une fois par ce dernier, simplement Sena, et en-
suite Senogallia.
Fanum Fortunœ. — Fano , dont il est fait mention
dans César et dans Sidoine Apollinaire , sous le seul
nom de Fanum, mais auquel Strabon et Tacite don-
naient, comme Ptolémée, le nom de fanum For-
tunœ, et qui devint, sous Auguste, colonie romaine,
et reçut le nom de colonia Julia Fanestris ".
Pisaurum. — Pesaro.
Ariminum. — Ri mini, que nous avons déjà eu
occasion de mentionner, et dont le nom se repré-
sente si souvent dans Tite Live, Velleius, Paterculus,
Poljbe, Strabon, Appien, Plutarque ^.
Les positions de tous ces lieux se trouvent démon-
trées par les mesures que fournissent les Itinéraires
' Polyb. , II, ig. — Tit. Liv., xxvii, 46 et suiv. — Strabo, v. -—
Plin., lib. m, cap g. — Silins Italicus, xv, 553, tom. 11, p. 263,
édit. Lemaire. — M. Cramer (Geogr. and hist. descript. of Italy,
tom. I, p. 258) rapporte au Misusjluv. de la Table la rivière Nigola
qui coule à Sinigaglia; mais Misus est le nom d'jEsis corrompu.
» Caesar, de Bello civili , 1,8. — Sidon. ApoUin. , i, ep. i5. —
Strabo, v. — Tacit., m, 00. — 3Iela, 11, 4- — Vitrnv. , v, i. —
Front., de Col., eh diverses inscriptions par Gruter, 4i6, 8. —
Ptolem., p. 6g.
' Plin., m , 14. -- Epit. , xv-xxiii , 5i. — Velleius Paterc, i , i5.
— Strabo, v. — Polyb., 11 , 25 ; m , 77. — Appian., de Bello civili,
lib. IV, cap. 5. — Plolem., Geogr., lib. in, cap 1, p. 6g (64).
PARTIE II, CHAP. IV. 95
romains , pour la route qui suit le rivage et qui
part à'Jncona, Ancône, et aboutit à Ravennaf
Ravenne '.
Strabon, qui ne distingue pas YOmbrie de Yager
Gallicus y place dans l'Ombrie fanum Fortunœ ,
l'jEsis, et Sena Gallica, Ptolémée % qui sépare
rOmbrie, qu'il nomme Olombriej du pays des Sem-
nones, s'accorde avec Strabon en plaçant dans cette
division Sentinum \ qui est Sasso Ferrato, sur le Sen-
tino ; Camerinaj Camerana moderne ; et avec Pline '',
pour TiJernuTYiy qu'on rapporte à San Angelo in
Vado sur le Teferno; iponr forum Sempronii^ ^ Fos-
sombrone. Ptolémée et Pline nomment encore plu-
sieurs autres lieux dans l'Ombrie, tels que Sarsina,
illustrée par la naissance de Plaute, qui a conservé
le même nom chez les modernes ^; Mevania ', Be-
vagna , célèbre par ses riches pâturages et lieu de
la naissance de Properce*; Sestinates , Sestino; les
Urhanates metaurenses , qui paraissent avoir occupé
l'emplacement d'Urbania , tandis ^u! Urbinum hor-
tense est la ville même d'Urbino ^ ; et enfin Ocricu-
lum, Ocricoli. Mais ces villes sont au sud de l'Apen-
' Voyez V Analyse des Itinéraires , toni. m de cet ouvrage.
* Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 65 (72), edit. Bert.
' Cette ville fut assiégée par Auguste. Dio Cass., xlvui , i3.
* Plin., Hisi. nat., m, 19 (i4), tom. 11, p. 170, edit. Lemaire.
' Plin., m, 19 (i4), t. II, p. 227. — Strabo, v, 175, 227, edit. Lem.
*Plin., ni, 14 — Polyb., u, 24. — Plaut , MoscelL, act. m, se. 1.
'' Strabo, V, 227; tom. ii, p. 177, de la trad. franc.
' Columell., ni, 8. Tit. Liv., ix, 4i. — Tacit.', HisL, 55. —
Plin., XXXV, 14. — Silius Italiens, vi, 645 ; vni, 258. — Lucan., i ,
475. - Propert., Elef^., lib, iv, eleg. i, 121.
3 Plin., lib. Mi, c. 14 — Tacit., Hisi. , lib. ui, c. 62. — Ptoleiu.,
lib. m, cap. 1, p. 72 , 75(64, 65).
96 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
iiin, et cette partie de l'Ombrie, ou de la sixième
division, n'appartient pas à notre sujet.
La huitième région de V Italie % appelée Gaule
cispadane par Strabon, et Gaule togée par Ptolémée,
renfermait, suivant ce dernier, les villes suivantes,
dont les positions sont déterminées par les Itiné-
raires % à la réserve de deux que nous indiquerons :
Placentia y Plaisance, si célèbre, et dont le nom.
revient si souvent chez les historiens et les géographes
de l'antiquité '',
Fidentia, Borgo San Donino*.
Brixellum, Bressello^*
P arma y Parme.
Rhegium Lepidum colonia, Reggio.
Nuceria, queCluverius°, Sanson', et d'après eux,
d'Anville ^, placent à Luzzara.
Tannetum, ou le Canetum des Itinéraires, placé
par les mesures qu'ils nous donnent à San Ilario.
Pline '° appelle les habitans Tanetani y lieu devenu
célèbre par la retraite du préteur Manlius , battu par
' Plin. III, cap. 20 (i5), tom- 11, p. 172, édit. Lemaire.
" Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. iij de cet ouvrage.
5 Polyb., III , 40, Q^. — Tit. Liv., xxi , i5 ; xxvii , 3g, 56 ; xxxi , 10 ;
XXXIV, 21. — Velleius Paterc, i, i4. — Appian., de Bellohann., 7. —
Strabo, V. — Tacit., Hist., 11 , 17. — Suet., Cœs., 9. — Plut., Oth. —
Silius Italicus, vin, 5çf>. — Cicero, Or. in Pis.
< Velleius Paterc, 11, 28. — Tit. Liv., Ëpit. 88.
' Voyez Muratori, Inscript., p. 44i •, n° 4 5 P- io54, n"' 6 et 7;
p. io55, n°5.
* Cluverius, lialia anti^jua , tom. 1, p. 281.
' Sanson, Italie, p. 14.
* D'Anville, Ge'ogr. anc, p. 235, édit. in-folio ; dans ses OEuvres,
tom. Il, p. 212.
9 Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.-
'° Plin., lib. lii, c. 20 (i5}. — Ptolem., lib. m, c. 1, p. 64 (71)-
PARTIE II, CHAP. IV. 97
les Gaulois Boii. Polj'be et Tite Live ont plusieurs
fois nommé Tanetum \
Bononia, Bologne, l'an tique i^e/^m« des Étrusques,
dont le nom se retrouve si souvent dans les écrits des
anciens historiens, géographes, orateurs et poètes,
et sur les inscriptions '.
Claterna, Quaderna, qui offre encore quelques
vestiges de la ville antique^.
Forum Cornelii. — Comme les lieux précédens et
ceux qui suivent, placé sur la voie Émilienne , et
déterminé par les mesures des Itinéraires à Imola
moderne ^.
Cœsena j,Céscne, dont le nom, dans l'ordre où il est
inscrit, prouve le dérangement que subissent les Itiné-
raires dans les combinaisons de Ptolémée, et nous ré-
vèle la cause du désordre de ses cartes dans l'intérieur;
celte ville, étant la plus occidentale de cette division,
aurait dû être nommée avant les deux qui suivent.
Fm'entia. — Faenza, dont les habitans sont nom-
més Favenlini par Pline, et où l'on fabriquait des
toiles d'une éclatante blancheur^.
' Plin., III, 20 (i5). — Polyb., m , 4o. — Tit. Liv., xxi, 25.
' Voy. Muralori, Inscript., io55 et io54, n" i. — Plin , m, 20 (i5).
— Tit. Liv., xxxiii , 07 , xxxvii, 67. — Tacit., Hist., 11, 55. — Strabo,
V, 216. — Cicer. , Epist. ad fnm. , xi, i5; xii, 5. — Silius Italicus,
vin, 600. — Appian., iv, 2. — Mêla, 11, 4- — Pomp. Fest., voc. Mu-
nicipium — Uio Cassius, 1, 6. — Voyez ci-dessus, tom. i, p. 12.
' Voyez V Analyse des Itine'raires , tom. 111 de cet ouvrage. —
Plin. III, i5. — Slrabo , v, 216. — Cicero, Philos., vin, 2. — Ad
fam., XII, 5. — Plolem., lib. m, cap. i, p. 64 (71).
* Voyez V Analyse des Itinéraires, loni. m de cet ouvrage —
Strabo, v, 216. — Paul. Diac, m, 18. — Cicero, Ad fam., xii, 5.
— Procop., Goth. rer. ii. — Martial., ni, 5. —Prudent., Hyni. 12.
* Plin., m, 20 (i5); XIX, c. 2. — Varr., He rust., i, 2, — Tit. Liv.,
II. .7
98 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Forum Lwii. — Forll , mentionné par Pline et les
Itinéraires '.
Sur la côte, Ptolémée place les Boii, auxquels
il attribue :
Rubiconis jluv. ostia. — Embouchure du Fiumi-
cello , qui reçoit le Pisciatello, le Rubico dans l'in-
térieur. On voit par-là que Ptolémée suit ici la division
antérieure à Auguste , puisqu'il termine la Gaule
cisalpine au sud-est par le Rubico '.
Ravenna. — Ravenne, dont la fondation remonte
aux premiers temps de la colonisation de l'Italie, par
des peuples venus d'Orient, qui fut par son port,
dans l'antiquité , la reine de l'Adriatique , comme
Venise chez les modernes ^ ; comme elle , aussi , en-
tourée de marais et de lagunes.
Padi jiuv. ostia. — L.e Pô , à son embouchure
principale , au nord de laquelle commençait la Ve-
netia.
On voit d'après cette énumération, où l'ordre géo-
graphique se trouve un peu dérangé pour suivre
celui de Ptolémée, que Placentia, Plaisance, était
la ville la plus occidentale de cette division de Ptolé-
mée, ce qui prouve qu'elle s'accorde avec celle d'Au-
Epit., 88. — Yell. Paterc, ii, 28. — Appian., de Bello civili, i, gi.
— Silius Italicus, viii, 096.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , toni. m de cet ouvrage. —
Plin., III, 20 (i5).
" Appian. , de Bello civili , 11, i55. — Suet. , Cœs., 5o. — Plut.,
Cœs. et Pomp. — Strabo, v, 225. — Plin., m, i5. — Cicer., Phil.,
VI, 3. — Lucan., i, i83. — Ptolera., m, 2, p. 69 (64), edit. Bart.
' Claudian. , vi. — Cons. Hon., 494- — Strabo, v, 214 et 217. —
Plin., III, i5 ; XIV, 2. — Sii. Ital., vin, 602, — Mart., xiii, ep. 18.
— Sidon. ApoU., cap. 9. — Procop., de Bello vandal., lib. i, cap. 2.
— De Bello goth.. lib. i, cap. i, tom. i, p. 178 et ôog.
PARTIE II, CHAP. IV. 99
guste. M. Duiandi ' a tort de vouloir conclure,
d'après le fragment du marbre trouvé à Autun , cité
de mémoire , que Placentia était hors des limites de
la Gaule , et par conséquent dans la Ligurie; car en
supposant même que l'on ait rapporté exactement
le contenu de ce fragment, les conséquences qu'en
tire M. Durandi seraient faciles à détruire. Ptolémée
attribue aux Boii un territoire qui , selon le témoi-
gnage de Poljbe , avait été occupé par les Lingones ;
mais comme dans ce dernier auteur, et selon Tite
Live , les Boii et les Lingones se trouvaient réunis et
formèrent à eux seuls la cinquième et dernière inva-
sion des Gaulois, que ces peuples firent cette con-
quête en commun , Ptolémée a pu désigner cette
confédération par le peuple principal ''.
Pline ^ met Ariminum, , Rimini , dans la huitième
division d'Auguste , parce que , d'après cette division,
l'Ausa, \ Aprusa jiuvius près Ariminum, formait la
limite de la sixième et de la huitième division, et que
le Rubicon ne formait plus la démarcation de la Gaule
cisalpine ; aussi Pline , lorsqu'il mentionne le Ru-
hico , a-t-il soin de dire : Ruhico , quondam finis
Italiœ y le Rubicon , autrefois la borne de l'Italie.
Ptolémée attribue, ainsi que nous l'avons déjà dit,
Ariminum aux Senones , et Strabon met aussi cette
ville dans sa division de VOmbrice : on voit que
cet auteur se trouvait, ainsi que Pline, embarrassé
pom- classer le territoire des Senonais, ou cette partie
de rOmbrie qui, après avoir si long-temps appartenu
' Durandi, Piemonte cispadano antico, p. 260.
' Voyez ci-dessus, partie i, chap. 5, tom. r, p. 81 à 87.
' Plin., lib. m, cap, i5.
100 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
à la Gaule, n'y était plus comprise selon les nou-
velles divisions; car, après avoir fait mention de
fanum Fortunée y Strabon ajoute : (f C'est vers ce
(( lieu que se trouvent les bornes qui , du côté de la
fc mer Adriatique, séparaient l'ancienne Italie delà
« Celtique (Gaule cisalpine) ; il est vrai que les limites
« de la Celtique ont pu changer plus d'une fois, au
« gré des chefs de l'État, puisque, par exemple, après
« avoir été d'abord fixées aux bords de Y A!^sù, elles
« ont été ensuite restreintes à ce\xx(\{\Riibiconj deux
« fleuves qui se jettent dans la mer Adriatique, l'un
« entre Ancona et Sena gallica, l'autre entre Jri-
u minum et Ravenna. Mais aujourd'hui que l'Italie
H comprend tout le pays jusqu'aux Alpes, il ne faut
« plus s'occuper de ces limites : et d'ailleurs, quelque
« différentes qu'elles aient été à diverses époques, on
(f ne convient pas moins que Y Omhrice doit s'étendre
«jusqu'à Ravenne, puisque celte ville est peuplée
« à'Ombrici. » Ainsi Strabon confondait les divisions
ethnographiques avec les divisions de géographie
physique, et les divisions administratives : choses
qu'il faut soigneusement distinguer '.
Aux villes mentionnées par Ptolémée,, dans cette
huitième région, Pline* ajoute encore :
Forum P opilii y ou \d forum PopuliAe la Table,
qui est Forimpopoli , comme le démontrent les
mesures de l'Ilinéiaire , et le nom encore existant
presque sans altération^. 11 y avait deux autres villes
' Strabo, Gengraphia , lib. v, cap. 5; fora, ii , p. ijS, de la trad.
franc. — Voyez ci-dessus, partie i , eh. 5, tom. i, p. gS et94.
' Plin. , m , ao (i5), tom. n , p. 172, édit. Lemaire.
' Voyez y Analyse des Itinéraires, tom. tii de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 101
de ce nom dans l'Italie, l'une dans la Campanie ,
l'autre dans la Lucanie , mais une seule dans la Gaule
cisalpine.
Forum Cloclii, dont la situation n'est pas connue ,
qu'il faut se garder de confondre avec le forum
Clod'ii que Ptolcmée nous donne dans la Tuscia "
ou l'Étrurie. Par une conjecture assez vague, mais
fondée sur quelques rapprochemens, nous plaçons
celui de la Gaule à Lojano , sur la route de Bologne
à Florence.
Forum Truentinorum ou Brintanorum , comme
le portent quelques manuscrits, qui parait devoir être
placé à Bertinoro, entre Césène et Forli, mais écarté
de la voie Émilienne. Ce lieu est considéré , non sans
raison , comme le même que le Forodruenliorurrij
d'une inscription rapportée par Gruter \
Les Otesini. — Une inscription trouvée près du
Panaro et du Pô, à Bondeno , sur la rive droite du
Panaro , porte Respubllca Otesinorum.
Padinates. C'est dans les environs de Bondeno
qu'il faut placer la ville de Padinum, non loin de
la ville Olesia ou des Otesini, peut-être à Miran-
dola , comme le conjecture Cluverlus ^.
hes Solonates, dont la ville, Solona, paraît devoir
être placée à Solaria ou terra del Sole, sur la Mon-
tone , un peu au midi de Forli , à l'entrée des
Apennins.
Les défilés gaulois ( saltes ou saltus Galliani ) ,
et les Aquinates. — M. Pasquali Amati '♦j à très bien
• Ptolem., lib. m, cap. i, p. 62 [ÇtS).
' Gruter, Inscript., p. 492, n° 5 ; p. 1094, n" 2.
' Cluverius, Italia antiqua, p. 282.
* Pasquali Amati , Dissertazione sopra il passagio deli Apennins
102 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
prouvé que les saltus Galliani devaient être placés
à Galliata, sur l'ancienne route d'Arezzo. Les Aqui-
nates me semblent avoir occupé les environs de
deux petites rivières, dont l'une descend de castel
Alpi, et se nomme Acqua Viva, et l'autre découle
de San Benedetto, se nomme Acqua Cheta. Ces deux
rivières sont peu éloignées de Forli. Cette position
n'a aucun rapport avec celle ^ Aquinum de Ptolé-
mée, placée chez les Latins par ce géographe.
\uesKeliates ' surnommés Kecteri. — Ces Veliates
étaient sur les confins de la Ligurie, et sont aussi
mentionnés par Pline pour cette division : ils ne
paraissent pas différens, quoi qu'on en ait dit, des
Veleiaci mentionnés ailleurs par Pline "^ , comme
étant voisins de Plaisance : leur position entre Maci-
nesso, et Livela au midi de Plaisance, près de la mon-
tagne de Bobblo , sur la rive droite de la rivière Nura ,
est prouvée par la célèbre inscription connue sous le
nom de Table alimentaire de Trajan ^, et par les
ruines mêmes qu'on y a découvertes. Quant aux
Regiates, que Pline mentionne immédiatement après,
à moins qu'on n'adopte la correction du père Har-
douin ^, qui lit Velejates , ils me sont inconnus^.
fatto da Annibale ; Bologna, l'J'jQ , p. 54 et 35. — Il Dante, nell'
canto i6. — Morgagni , nella Epistola emiliana iv, n" 6.
' Plin., Hist. nat., lib. m, c. 20 (i5), tom. 11, p. 174» edit. Lem.
' Plin., Hist. nat., vu, 5o, tom. m, p. 191, edit. Lem.
' Pitarelli, Tavola alimentnria di Trajano ; 1790, in-4°. — P. de
Lame, Tavola alimentaria ; Velejate, i8oQ, in-4°. — Cara , dei
Paghi deW agio Vcllejate nominati nella Tavola trajana, Vercelli.
1788. — Voyez ci-dessus, part, i, ch. 7, tom. i, p. i54.
* Harduini Plinius , p. 172.
"^ Hardouin propose de lire : cognominc veteri Réglâtes ; alors
Regiates aurait été l'ancien nom des Velejales. — Voyez Plin , edit.
Hard., tom. i, p, 172.
PARTIE II, CHAP. IV. 103
Les Urhanates ou Uinhranates étaient peut-être à
Marano, sur le Panaro. Strabon nomme encore dans
cette division un lieu nommé Acara, qui me paraît
devoir être placé à Casadico, vers la source de la
rivière nommée Cara : ce lieu est mentionné dans
Strabon ' immédiatement avant Rhegimn lepidum,
Reggio , et la rivière Cara traverse aussi la route qui
conduit à Reggio. C'est donc à tort que l'on a voulu
changer ce nom à! A cara en celui àiAcerra, qui est
Gherra, près de Pizzighetone, dans la Gaule transpa-
dane. Les Macri campi , d'après l'ordre conservé
ici par Strabon % ont dû exister entre Reggio et
Quaderna, et s'étendaient probablement au midi de
Mutina, Modène, et de Parnia, Parme. Strabon
nous apprend qu'on y tenait chaque année une foire
célèbre, et il est probable que c'était une foire de
bestiaux, d'après ce que dit Columelle '\ qui indique
très bien la position des Macri campi, entre Parme
et Modène. Il est aussi très souvent question de ces
plaines dans Tite Live '*.
' Strabo, Geogr., lib. v, p. 216; trad. franc., t. 11, p. i32; t. i,
p. 3o5, de l'édit. d'Oxford, in-folio, 1807; Carte de Bâcler d'Albe.
• Strabo, Geogr., lib. v, p. i32.
' Golumella, de Re rustica, lib. vu, cap. 3. — Varro, de lie
rustica, in Praefatione, lib. 11. — Tit. Liv., lib. xli, 18; lib. xlv, 12 ;
et ci-dessus, partie i, ch. 7, tom. i, p. i58.
^ Les récits de cet historien sont conûi-més par les paroles remar-
quables de Pline, qui termine ainsi l'énumération des cités de cette
région : « Dans ces lieux périrent les Boii, qui se composaient de cent
« douze tribus, selon Caton, et les Senonais qui prirent Rome.
« In hoc tractu interierunt Boii, quorum tribus cxii fuisse auctor
« est Cato : item Senones qui cepetant Romam. » — Plin., Hist. nat.,
lib. in, cap. 20 (i5), tom. ir, p. 174, édit. Lemaire. — Voyez ci-
dessus, part. I, chap. 8, tom. 1, p. 85 et 88.
104 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Observons que Stiabori, oubliant les limites exactes
qu'il a données précédemment à la Cisalpine , qu'il dit
être bornée par les monts Apennins ', place Luca %
Luc(jue, qui se trouvait au midi de cette chaîne,
dans cette division, parce qu'en effet, peu aupara-
vant, et du ttmps de César, cette ville avait fait partie
de la Gaule cisalpine: cependant quelques lignes
après, Slrabon^ confiime encore ce qu'il avait dit
précédemment, et répète que la chaîne des Apennins
forme les limites de la Cisalpine; c'est que Strabon
trace les limites générales d'après celles qu'Auguste
avait établies, et telles qu'elles existaient de son
temps, et que, dans la description des villes, il se
conforme à la division qui a précédé celle d'Au-
guste. Ces confusions d'époques sont fi équentes dans
les géographes anciens comme dans les modernes, et,
pour les bien comprendre, il est nécessaire de distin-
guer ce qui appartient à chacune.
La neuvième région de V Italie , selon la division
d'Auguste, ou de la Carte d' A grippa, se composait
de la Ligurie , qui était pres((ue le double de la Li-
gurie de Strabon. Ce géographe a compris dans sa
Gaule cispadane toute la Ligurie orientale, et en cela
il se trouve en partie d'accoid avec Ptolémée '^, qui
attribue aussi aux Taurini une partie de la Ligurie
située dans la plaine.
Ptolémée, après tous les peuples des Alpes, du
royaume de Cottius, dont nous avons parlé, indique
' Strabo, Geogr., lib. v, p. 211 ; trad. franc., tom. 11, p. 114.
' Id., lib. V, p. 217 ; trad., p. i35.
' Jd., trad., p. iSg.
* Ptolemaeus, Geogr.. lib. m, cap. i, p. 64 (71), edit. Bert.
PARTIE II, CHAP. IV. 105
d'abord les Nenisii, dont la capitale, Ventium, est
Vence dans les Alpes maritimes ; et diverses inscrip-
tions trouvées sur les lieux, qu'ont publiées Scaliger
et Spon, portent : marti vintio, ordo vîntensiiim,
civiTAs viNTiuM ' ; cnsuilc Ptolémée nomme les
Suectrii , qui sont les Suetri de Pline, à l'ouest du
Var \ Ptolémée * leur donne pour capitale6V?/m«'^qui,
comme l'avait dit Honoré lîouche '^, doit être placée
à Castellane, dans le diocèse de Senez, non pas préci-
sément dans l'emplacement de la ville actuelle, mais
un peu plus à l'occident, dans un quartier qui porte
encore le nom de Saillon, et où l'on a Irouvé plu-
sieurs inscriptions portant : civitas salin. \ 11 faut se
garder de confondre ces Suectrii de Ptolémée men-
tionnés dans linscription du trophée des Alpes ,
rapportée par Pline, avec les Suelleri du même au-
teur, qui faisaient partie de la Nar}3onnaise et non
de l'Italie, et qui habilaient le district qui porte le
nom de l'Esferel, en Provence^. Ptolémée nomme
encore les P^edianti i (hns ces Alpes maritimes, et il
leur donne pour capitale Cemenelium'' , Cimiers,
' Spon, MiscelL, p. V402. — Galliœ antiquœ quœclam selecta,
p. 65. — Honoré Bouche, tom. i, p. ^83.
' Voyez ci-dessus, partie i, ch. 8, tom. i, p i83.
' Ptolpmaeus, Geogr., lib. m, p. 64 (71). 2ot/)iTfic»v ou lovKTfimi.
* Bouclie, Hisi de Provence, m , c. 2. — Spon , MiscelL, p. 198.
— Orell., Inscript., tom. r. p. 10 r. — Menard , Me'm. de [ Académ. ,
tom. xxviii, p. i522. — Durandi, Piemunte aiiticn, p. 128. — Pa-
pou, Hi.st. de Provence, tom. i, p. 192 — D'Anville, Notice, p. 168.
D. J. Henri , sur la Géoç^r. ancienne du de'jjartenicnt des Basses-
Alpes ; Forcalquier, 1818, iu-S", p. 69-71. — Zacharie, Excursus,
p. 55.
^ Voyez ci-dessus, partie i, ch. 2, tom. i, p. 61 et 62.
'' \ oyez V Analyse des Itinéraires, tome m de cet ouvrage, et
ci-dessus, part. 1, ch. 7, tom. i, p. 161 et 162.
106 Ttéographie ancienne des gaules.
et Sanitium , Senez, que Pline nous apprend avoir
été la capitale du peuple particulier nommé Sentii.
Ptolémée fait ensuite deux divisions de la Ligurie :
l'une très petite , intitulée
Territoire des Marseillais , auquel il attribue :
Nicœ Massiliensium^ j Nice, que Ptolémée nomme
encore ailleurs comme une des principales villes de
l'Italie '.
Herculis portas ^ , qui n'est pas le même lieu que
Herculis Monœci poi tus , et que les mesures de l'Iti-
néraire maritime, et celles de Ptolémée, portent à Eza.
Trophœa Augustin la Turbia^.
Monœci portus , Monaco^. Ce n'est pas seulement
le texte de Ptolémée et l'Itinéraire maritime^ qui
distinguent Y Herculis portus du Monœci portus , ou
Monaco. Pline fait encore cette distinction, et l'on
trouve dans les anciennes éditions et dans les ma-
nuscrits de cet auteur, portus Herculis et Monœ-
* Voyez ci-dessus, p. 27-102, et Spon, Miscell. erudit., p. 192.
— Strabo, tom. iv, p. 180, 184 — Steph. Byzant. , voy. N»x*i«. —
Suidas, voy. n/k*»*. — Tit. Liv. , Epit. xlvii. — Amm. Marcell.,
XV, II. — Spanheim, de Usu, etc., tom. i, p. 180. — Graevius, Thés,
ital., tom. IX, p. 6. Papou, Hist. de Provence, tom. 1, p. 10. —
Millin, Fojages , tom. 11, p. SSy. — Ptolem., lib. m, cap. i.
' Plolem., lib. m, cap. i, p. 61 (68} ; lib. viii , p. 194 (227). —
Plin. , lib. III, cap. 7, tom. 11, p. ya.
^ Honoré Bouche, Clwrographie de Provence, tom. 1, p. i55,
s'est très bien aperçu qu'il ne fallait pas confondre V Herculis portus
avec \e Moiiœci portus ; Stunica pensait de même. Voyez V Analyse
des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
* Ptolem., Geogr., lib. m, cap. i, p. 61 (68). — D'Anville, Notice,
p. 660, et Millin, Voyage en Italie, tom 11, p. i56.
' Voyez \ Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. —
Ptolem., 61 (68).
* Itiner. mnritim., dans Wesseling, p. 5o5, et t. m de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 107
eus '. Toutes ces positions sont déterminées par
les mesures des Itinéraires.
L'autre division de Ptolémée ' comprend le reste
de la Ligurie ou de la neuvième région , selon la des-
cription d'Auguste. C'est, dans Ptolémée, la Ligurie
proprement dite : c'est celle qu'il intitule Ligustica.
Elle comprend sur le rivage :
Alhingaunum, Albenga % près de laquelle Xinsula
Gallinaria, dont Varron vante les volailles, et qui
servit de retraite à Saint-Martin de Tours, retient
encore son ancien nom avec une légère altération
dans celui de Gallinara ^. Alhium intemelium est
Vintimille.
Genuay Gènes ^.
Tigulia, Trigosa. Pline fait aussi mention de Ti-
gulia, et lui attribue Segeste^ Sestri di Levante,
sur la côte ^.
Entellaflu^. ost, probablement l'embouchure de
la rivière Lavagna, qui coule à Chiavi.
' Outre les auteurs cités ci-contre sur Monœci portas , voyez
Tacit., Histor., lib. m, c. 42- — Mamertinus, in Genethliaco Maxi-
miani ^ugusti. — Stephanus. — Le passage d'Ammien, lib. i , cap. 6,
paraît être relatif à VHercuUs portas, ainsi que celui de Julius Ob-
sequentius, in Prodigiis. — Valer. Maxim., i, 6. — Silius Italiens,
I, 585. — Lucan., Phars., i, 4o5.
' Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 6i (68), édit. Bert.
' Voyez ci-dessus, partie i, ch. 6, tom. i, p. i43. — Sti'abo, iv,
202. — Plin., ni, 5. — Pomp. Mel., ii, 4- — Tacit. , /Tw/., n, ï5. —
Flav. Vopisc, Vit. Procli.
* Varro, de Re rustica, ui , 4- — Columell., vi, 2. — Sulpicius
Severus , in Vita sancti Martini , c. 6.
' Voyez ci-dessus, partie i, ch. 7, tom. 1, p. i65. — Pomp. Mel.,
H, 4. — Plin., m, 5. — Val. Maxim., i, 6. — Tit. Liv., xxvni, 46;
XXX, I.
^Plin., III, 7, tom. II, p. 174, edit. Lem.
108 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Macrajlw.y la Magra, qui formait la limite à
l'ouest auprès de son embouchure. Ptolémée men-
tionne encore Erj-cis portus et sinus , le porto
Lerici, et le golfe de Spezia, et enfin Veneris portus,
porto Venere '.
Dans l'inlérieur :
Sahdta, Savone : c'est la ville nommée Savo par
Tite Live, et qui était sur la hauteur, ce qui a causé
l'erreur de Pioicmée, qui met celte ville dans l'inté-
rieur des terres. Le Vada de Cicéi'on est Vado : et
Vada, portus Sabatorum, et vada Sabalia dans
Pline et dans Strabon , dans l'Ilinéraire, désignent
tantôt le port de Savone, tantôt le port de Vado
qui se trouvait auprès '.
PoUentia , Polenza, près Bra, un peu au-dessus
du confluent du Tanaro et de la Sture. Celte posi-
tion est confirmée par des inscriptions trouvées dans
cet endroit même , et par les ruines encore existantes
de la ville ancienne, célèbre par ses laines ^. Piine,^
Suétone, Orosius et Silius Italicus, en font mention.
La position de cette ville se trouve encore démontrée
par les mesures de la route tracée dans la Table de
Peulinger, qui part de Turin , et aboutit à Alba
Pcmpeia, en passant par PoUentia ^.
Jsla colonia, Asti. Sa position est démontrée par
' Ptolem., lib. m, p. 64 (71).
' Sirabo, iv, 202, et lib. v, p. 217, trad. franc., tom. 11, p. 157. —
Tit. Liv , xxviii, 46. — Cicero, Epist. ad fani. — Pliii., m, 5 —
Ponip. Mcl. , II, 4- — •î»l- Capitol., l^ita Post. Cliabrol, Stntist.
de Monteiiolte, t. ir. — Conférez la Carte, beau travail géodésiqiie.
^ Pliu., 111, 7 (5). — Coliini., VII, 2. — Orosius, vu, 57 — Silius
Italicus, viii, 599. — Claud., de Bello geiic, 6o5. — Cassiodor. ,
Chron.
* Voyez V Analyse des Itine'raires , tom. m de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 109
la route romaine dont je \iens de parler. Cette yillç
est aussi mentionnée par Pline et Claudlen '.
jélba pompeia, Alba. Pline nomme ses habitans
Àlhenses pompeiani. Ce lieu est connu comme ajant
donné naissance à l'empereur Pertinax'. La position
de celte ville, ainsi que celle de la précédente, se
trouvent démontrée par la route qui part ^ /esta.
Asti ou de Derthona, Tortone, et aboutit à Turin,
en passant par Pollentia. Alba doit son surnom au
grand Pompée, comme le prouve une inscription
publiée par Spon.
Libaina, Lavezzara , près de Declmo , aussi men-
tionnée par Pline ^
La position de ces dififérens lieux se trouve démon-
trée par les mesures des Itinéraires ^. Je dois seule-
ment observer que le nombie de milles qui , d uis la
Table , exprime les distances de tous les lieux qui se
trouvent entre Geniia, Gênes, et vada Sabbat la y
Vado, est trois fois plus grand que la distance réelle qui
' Ptolem., p. 64 (71). — Plia., m, 7 (5). — Claud., Sextus consul.
Hon., V. 2o5 :
.... Hai-tensis humus Jlnret et Àlhinganus.
Voyez Duranfli, Dissert, sopra Erricn d' Asti ,.tom. 1. — Mémoires
de r Académie impe'iinle de Turin, lom. iv, p. 65o.
' Plin., m, 7, loin, it, p 76, édit. Lemaire. — Ploloni., lib. irr,
cap. I, p (J4 (71): eclit. ïîeit. — Dio Cassius, 83. — Zon., Ann. 11.
— Nous avons diverses itisciiptions jolalivcs à Alba pompeia, qui
prouvent que cette ville avait le titre de munici|)e. Voyez Durandi,
Piemniite cispndano, p 198, et Spon, Miscell. ant., i65.
' Plin., m, 7, toni. m, p. 76, édit. Lemaire.
* Voyez toni. m de cet ouviage — Durandi, Vicmnnte cispndano
aniico, p. i45, et Franchi, Pont' deli antichilà di Pollenza, dans les
Me'm- de l' Académie de Turin pour les années i8o5 à 1808, p. 52 1 ;
Turin, i8og, partie des beaux-arts et de la littérature. Voyez p. 425.
— Cicero, lib. x, epist. 55.
110 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
existe entre ces deux points extrêmes'. Aussi tous
les auteurs qui ont écrit avec le plus de succès sur la
géographie ancienne de ces contrées ont regardé
comme entièrement fautive cette partie de la Table ,
et en ont rejeté les données comme erronées et inu-
tiles '. Cependant elles sont exactes; personne n'a
vu qu'il y avait dans cet endroit trois Itinéraires mé-
langés ; lorsqu'on les a démêlés et séparés , toutes
les distances se trouvent conformes à ce qu'exige le
terrain ; les noms et les positions modernes corres-
pondent parfaitement avec les noms anciens et les
positions anciennes ^ ; et cette partie de la Table
fournit alors, plus qu'aucun autre monument, des
moyens de démontrer mathématiquement la position
de tous les lieux anciens situés sur ce rivage , et dont
les historiens et les géographes de l'antiquité ont fré-
quemment fait mention.
N'oublions pas de remarquer que, dans l'énumé-
ration des villes de la Ligustique ou de la Ligurie, Pto-
lémée ne suit point l'ordre indiqué par la géographie
naturelle; il paraît au contraire s'être laissé guider
par des origines historiques , lorsque d'une part il
attribue aux Taurini le district d^ Augusta Vagien-
norum, ou città di Benè, et ceux àilria, Voghera,
et de Derthona, Tortone ; tandis qu'il donne aux
Ligures y Asta, Asti, Alha pompeia, Alba, Pol-
lentia, Pollenza'*, c'est-à-dire toute la plaine qui sé-
pare les Vagienni et les Taurini du territoire de
• Tabula peutin^ci'., §. 2, F; §. 3, D.
' Durandi, Piemnnte cispadano, p. 97. — G. L. Odorico, Lettere
iigusfiche, p. 56.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
* Ptolernaeus, Geogr., lib. m, cap. i, p. 61 (68).
PARTIE II, CHAP. IV. 111
Derthona, Tortone, et â^Iria, Vo£»hera '. Cette di-
vision de la Ligurie, en Ligurie propre, et en terri-
toire des Marseillais, donnée par Ptolémée, se re-
trouve aussi indiquée dans Pline. Cet auteur ', après
avoir mentionné Nicœa, Nice, les peuples des Alpes
nommés Capillati, Chevelus, les Vediantii, auxquels
il donne Cemenelion , Cimiers, pour capitale, et le
portus HercuUs, et le portus Monœci, ajoute incon-
tinent Ligustica ora, (( les rivages de la Ligurie, »
indiquant par-là que ces rivages ne commencent qu'à
partir de ces lieux, qui étaient à l'ouest du Tropœa
Augustl , et ceci est conforme à Ptolémée; mais
Pline ^ mêle une division historique avec une division
géographique , en faisant mention des Liguriens les
plus célèbres '* au-delà des Alpes , qui sont : les Sal-
luvii, les Deciates et les Oxyhii, dont la position est
reconnue à l'ouest du Var. Cependant ceci est encore
conforme à Ptolémée, et indique que les limites de
la Gaule transalpine et cisalpine étaient mal détermi-
nées, indécises, et qu'on continua long-temps après
Auguste à renfermer dans l'Italie les peuples des
Alpes. En combinant ce que disent Strabon et Pline ^
dans leur description de l'Italie, il résulte évidem-
■ Pline a bien soin de nous apprendre que les Taurini étaient
d'origine ligurienne : « Augusta ïaurinorura antiqua Ligurum
« stirpe, M lib. m, cap. 21, tom. 11, p. 180, édit. Leniaire.
' Plin., lib. m , cap. y, tom. 11 , p. ya, édit. Lemaire.
' Plin., lib. m, cap. y. — Sur Cemenelium , voyez Cluver , Italia
antiqua, tom. i , p. 66. — La position de Cemenelium à Cimiers , ou
Saint-Pons, est prouvée, ainsi que je l'ai observé, par les mesures
des Itinéraires. — Sur les antiquités qui s'y trouvent encore , con-
sultez Millin, Voyage dans les départ, méridionaux, tom. u, p. 548.
■* Yoyez ci-dessus, part, i , cli. 2 , tom. 1, p. 56.
' Strabo, lib. ui, 7, et Plinius, lib. iv, p. 202, et lib. v, p. 218.
112 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
ment que cette nation des Ligures, qui autrefois
avait habité avec les Ibères tout le rivage méridional
de la Gaule, occupait encore du temps d'Auguste, et
dans le siècle qui suivit, tout le district moiilagneux
compris entre la livière d'Argens, dans la Gaule
transalpine, et les sources de l'Arno : division histo-
rique qui comprenait une partie de la Province ro-
maine ou de la Gaule narbonnaise, ainsi que toute la
Li^urie et les montagnes qui appartenaient à la fois
à rÉlrurie et h la Gaule cispadane '.
Mais nous ne nous occupons ici que de la Ligurie
considérée comme division géographique et conte-
nue , ainsi que nous l'avons prouvé, entre le Var et
la Macra.
Pline commence l'énumération de cette partie par
l'intérieur ' des terres, en conservant l'ordre géogra-
phique et en se dirigeant d'occident en orient; et
comme il vient de mentionner les Oxyhii et les
Deciates au-delà des Alpes, il ajoute : « Citra (de ce
côté-ci des Alpes), » sont :
Les T^eneni , que je crois devoir placer, avec Du-
randi ', dans le val de Yinadio, près du val de Stura.
Les J^agienni, issus des Tarini ou Taurini. Il y a
dans les éditions de Pline a et Catiirigibas orti T'a-
gicnni , » mais Catun'gîbas est une conjecture d'Her-
molaûs, et Hardouin ^ nous apprend que tous les
' Conférez ci-dessus, pnrt t, cap. 7, tom. i, p. iGi. Suv Albiutn
intemeliuni, la capitale des Inlcnirlii, dont \ intiniille conserve en-
core le nom et la position, voyez Mura'.oii, Inscript., p. 10, 21 et 22.
^ Plin. , iib. iir, cap. 7 (5), toni. ir, p. ^5, edit. Len).
' Durandi , Disseitazinne délie antiche ciltà cli Pedona, Ca-
burrn, e(c ; Torino, 1769.
^ Hardouin. apud. Pliu., m, 7. Conférez t. 11, p. 75, édit. Lena.
PARTIE II, CHAP. IV. 113
ïïiailuscrits portent ex Turrls orti Vagienni , et il
faut corriger ex Taurinis orti Vagienni. En effet,
Ptolémée qui, ainsi que je l'ai remarqué', n'admet
pas la division d'Auguste , et qui décrit chaque peuple
isolément , sépare les Taurim, de la Ligurie propre-
ment dite; et outre Augusia Taurinorum, Turin,
leur capitale, il leur attribue encore Augusta fa-
giennorum, città di Benè; Iria, Voghera; et Der-
thonay Tortone ' ; une communauté d'origine a pu
seule, ainsi que je l'ai dit, engager Ptolémée à établir
cette division qui contrarie l'ordre géographique :
son texte confirme donc la remarque de Pline, et
justifie la manière dont je rétablis le texte de ce
dernier auteur.
La capitale des V^agienni , Augusta Vagienno-
rura > a été mal placée par d'Anville ^ à Vico , près
Mondovi. Durandi à très bien prouvé '^, d'après des
monumens du moyen âge et des débris d'antiquités
trouvés sur les lieux, (\vi Augusta T^agiennorum
occupait l'emplacement de cittk di Benè, un peu à
l'est de Fossano. Dans le moyen âge , au lieu di Au-
gusta Vagiennorum j on a dit Bagiennorum ; ce
nom s'est converti en celui de Bagienna , et depuis ,
par corruption, on a fait città di Benè. Il y a peu
d'exemples d'un mot dont l'étymologie soit mieux
démontrée , et cependant plus éloignée du mot pri-
' Voyez ci-dessus, p. 109, et Ptolem., Geogr., lib. m, cap. i,
p. 64(71).
■ Voyez ci-dessus, part, i, eh. 7, tom. i, p. i65 et 164.
' D'Anville, Geogr. anc, p. 48, édit. in-folio, tom. i, p. 176, de
l'édit. in-i2.
■'Durandi, Dissertazioni sopra le antiche città di Pedona, etc. ,
p. 81 , et Piemonte cispadano antico, p. 180 et i8r.
II. 8
114 GÉOGRAPHIE ANCIENI^E DES GAULES,
mitif. Des inscriptions rapportées par Durandi font
voir qu'à une époque postérieure à Pline , et par-
conséquent au siècle d'Auguste , cette ville a pris le
nom de Jidia Augusta Kagiennorum. Les preuves
de Durandi, à cet égard, paraissent positives; mais
l'abbé Oderico ' observe cependant qu'il eût été à
souhaiter que Durandi se fût donné la peine de ré-
futer Holstenius , qui regarde comme la Julia Au-
gusta Kagiennorum la même ville que celle dont
il est fait mention dans Hjginus % sous le nom de
colonia Augusta , et dont la situation entre ^cw^a^,
Asti , et Opulentia, se trouve indiquée par cet auteur.
Holstenius et l'abbé Oderico, d'après lui, pensent
qu'au mot Opulentia on doit substituer Pollentia.
11 s'en suivrait , dit Oderico , qvL Augusta J^agien-
noruTïi ne serait ni à Saluées, ni h Ostana , ni à Benè,
et serait situé entre H as ta , Asti, et Pollentia ^
PoUenza. Mais dans notre édition d'Hjginus on ne
trouve ni le nom di Opulentia, ni quatre autres noms
géographiques que cite Holstenius comme existant
dans la sienne, et qu'il corrige, selon nous, à tort;
il n'a pas fait attention que les lieux qui formaient
les limites d'une commiune devaient être des lieux
obscurs, et qu'il n'est pas étonnant de ne les trouver
mentionnés nulle part ailleurs. En effet, en con-
sultant la neuvième feuille de la belle Carte des Alpes
de M. Raymond, nous trouvons du côté des mon-
tagnes, sur ce qui a dû former la limite à' Augusta
Vagiennorum, ou citta di Benè, Cisone, qui corres-
' Oderico, LeUere ligustiche, p. 64 et 65.
■ ' Hyginus, de Limit. Const., p. 166, édit. Goez. — Holsten.,
Annot. in Ital. ant., p. 12. — Oderico, LeUere Ligustiche, p. 64.
PARTIE IT, CHAP. IV. 115
pond aux Cesienses d'Hjginus; Mulazzano, à mons
Masuinus , Somano, à Geminus. \^e Jumarus flu^fius
est le Tanarus jiuvius , comme le conjectiue avec
raison Holstenius; le mons Mica qui se trouve dans
l'édition d'Holstenius , comme dans la nôtre, est
Moncucco, et fines y iruxentinorum , qui se trouve
dans notre édition , et n'est pas mentionné par Hol-
stenius, sont les deux petits hameaux contigus de Fre
et de Sciandini sur la rivière Pelio. Enfin, Opulentia
est Puloti ; mais si l'on préférait corriger ce nom, et
lire Pollentia, qui empêche d'appliquer ce nom au
Potentia ou Polentia de certains manuscrits de Pline,
surnommé Carrea ' , qui paraît devoir être placé
à Carrù '? De cette manière, la situation àiAugusta
Vagiennoruni, ou de la co/o/^m^w^w^-to, mentionnée
par Hjginus, à città di Benè, se trouve d'accord avec
l'indication qu'il nous donne, avec les monumens
trouvés sur les lieux, et avec les textes de tous les au-
teurs qui ont parlé de cette ville. Durandi a pareille-
ment très bien démontré ' par plusieurs inscriptions
romaines trouvées à terra di Bennette ou Benne, que
Bagiennœ ou V^agiennœ était différent des Vagien-
nenses ou ^ Augusta J^agiennorunx. Cette terra di
Bennette ou di Benne est à l'ouest de Cuneo, et était
nommée dans plusieurs actes Bagienna superior. Il
serait très possible que ce lieu, qui avait conservé le
nom du peuple, fût l'ancienne capitale des Vagienni,
qui aurait ensuite été effacée par la colonie romaine
appelée Augusta T^agiennoruni , nom qui semble
' Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 7, tom. ir, p. ^5, edit. Lem.
' Durandi, Piemonte cispadano antico, p. 172, 3i4.
' Id., p. 172,
116 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
indiquer une fondation récente. Tout le pays qui
était occupé par les Kagienni est nommé Yiozena
encore aujourd'hui , et dans les actes du xi^ siècle ,
Vigenna in Viziennis , et postérieurement Via-
%enis et Viagena. Durandi ' a donné, dans un grand
détail, les limites modernes du canton qu'on nomme
Viozena '.
Parmi les lieux dépendans des Vagienni, on doit
citer trois "villes ou monumens mentionnés sur une
inscription trouvée en lySo, dans la chapelle de
San Lorenzo, près de Garaglio, et publiée par Du-
randi. Ces trois lieux sont Pedona, qui estBorgo,
di San Dalmazzo; Cahurre , qui est Cavor, château
près de Bagnolo, dans la vallée de Lucerna ; Ger-
manicia '*, qui est Caraglio. A ces trois villes on doit
encore ajouter colonia Bredulensis , dont l'existence
et la position sont démontrées par une inscription
trouvée à Brolongo , que l'on sait être le Bredulum
du moyen âge, et avoir été la capitale du fameux
comté de ce nom ^.
A la suite de Pedona ou de borgo di San Dalmazzo,
il est encore question, dans une inscription rapportée
par Durandi , d'un lieu nommé forum Céréale. Le
' Id., Mémoires de l Académie impériale de Turin, lova., iv,
p. 196.
' Id. , délie Antiche contese di Pastori, di val Tanaro e di val
d Arosio ; Mémoires de l Académie des Sciences de Turin pour
les années 1809 et 1810, littérature, p. ig6. — D'Anviile, Gaule,
p. 2i5. — Yoyez ci-dessus, tom. i, p. i65.
' Id. , délie Antiche ciiià di Pedona, Caburro, Germanicia, etc. ;
Torino , 1 769 , p. 3.
* Id. , Piemonte cispadano antico , p. 126.
' Durandi, Piemonte cispadano., p. 81.
PARTIE II, CHAP. IV. 117
savant géographe piémontais place ce lieu, avec beau-
coup de vraisemblance, entre Cartignano, Paglières
et Dronero '.
Les T^agienni , dont la capitale était située dans la
plaine, s'étendaient donc, ainsi qu'on vient de le
voir, vers le midi, dans les vallées des Alpes ligu-
riennes; voilà pourquoi Silius Italicus dit : a Les
Kagienni épars sur les flancs des rochers ' . n
Suivant Pline ^, ces peuples s'étendaient jusqu'au
Vesulus raons ou le mont Vise , célèbre dans l'an-
tiquité comme renfermant les sources du Pô. Pline
vante la vue de ces sources, et parait avoir connu le
petit lac qui est entre le grand pic du Viso et le petit
pic, nommé Visoletto, c'est là le Padi fons de l'an-
tiquité; mais l'existence de l'autre source du Pô , ou
le petit lac qui est immédiatement au pied du grand
pic , et se trouve plus élevé , parait avoir été ignorée
des anciens. Virgile parle dans ses vers des pins du
mont Vésule ''^ Ceva ^, renommée par ses fromages,
était située sur le territoire des T^agienni , ainsi que
nous le démontrerons ci-après.
Les Statyeïli. — Nous avons déjà fait mention de
ce peuple et de la destruction de son ancieime capi-
tale, Carfstiun, située à Cartosio. Pline, dans l'énu-
mération des villes de la Ligurie , mentionne la
nouvelle capitale, qui est aquœ Statyellœ ; la position
de cette ancienne ville est, ainsi que nous l'avons dit,
' Duraadi, Piemonte cispadano , p. ii6.
' « Spai-si per saxa Vagienni, » Silius Italiens, viii, 607.
' Plin., III, -20 (16), lom. u, p. 174, edit. Loin.
* Viig., .Encid., X, 708, tom. iv, p. 170, edit. Lein.
' Plin., lib. XI, 97 (4-?.); tom. iv, p. 56q, edit. Lemaiic.
118 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
déjà prouvée par les mesures d'une route de la
Table ^ Les Statfelli s'étendaient jusqu'à la rivière
Orba, et confinaient aux J^cllejati^.
V^ihelli. — D'après l'ordre qu'observe Pline, nous
devons chercher les Vibelli ^ à la gauche des T^a-
gienni et du Pô : non loin de la source de ce fleuve,
nous trouvons des traces de leurs noms dans ceux
de Bibiana , d'Envie et de Revello , aux environs de
Saluzzo , et une inscription trouvée à Revello et
rapportée par Durandi '* détermine dans ce lieu la
position de Vibii forum. Pline ^ et Solin ^ disent que
c'est dans les environs des Forovihienses que le Pô
se cache sous terre et qu'il renaît ensuite; ce phéno-
mène n'a précisément lieu, suivant Durandi, qu'aux
environs de Revello. Tout porte à croire i\vie forum
V^ihii était la capitale des Vibelli , et on doit con-
sidérer le Pô , jusqu'à sa source , comme formant la
limite de la neuvième et de la onzième région : la
neuvième région remontait vers le nord par une
partie de la bande des Alpes qui lui appartenait.
Vibii forum se trouvant limitrophe de ces deux
divisions, on ne doit pas s'étonner de voir Pline
faire ici mention des Vibelli, qui s'étendaient au
midi du Pô, et, parconséquent, dans la neuvième
' Tabula, §. 2 ; et V Analyse des Itine'r. , tom. m de cet ouvrage.
' Voyez Strabo, lib. v. — Brutus apud Gicero, Epistol., lib. xi.
— Plin., lib. XXXI, cap. 2. — Paulus Diaconus, Rerum langobardi-
lar., lib. 11, cap. ly.
' Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 7. — Brottier a préféré, à tort,
la leçon de quelques manuscrits qui portent Bembelli.
•* Durandi, Piemonte cispadano anlico, p. 122.
^ Plin., lib. m, cap. 20 (16); tom. ii, p. 170, edit. Lem.
"^ Solinus, cap. 8.
PARTIE II, CHAP. IV. 119
l'égion qu'il décrit, tandis qu'il mentionne f^ibii
forum j situé au nord du Pô, dans sa description de
Ja onzième région où elle se trouvait réellement.
Nous aurons occasion de remarquer encore qu'Au-
guste, dans sa division de l'Italie, a eu plutôt égard
aux limites naturelles qu'à celles des peuples.
Après les Vibelli , Pline nomme les Magelli^ , qui
se placent naturellement aux environs de Macello ,
dans la -vallée de Pignerol. Pline est le seul auteur
qui parle des Magelli ^ et c'est contredire son texte
que de les placer, comme a fait d'Anville % dans les
Apennins de l'Étrurie, dans le val de Mugello, au
nord-est de Florence^, et d'en faire un peuple con-
sidérable'^. Depuis que Pline a indiqué par le mot
citra (de ce côté-ci des Alpes), qu'il repassait en
Italie, il ne sort pas un instant , dans sa description ,
des limites de la Ligurie ; c'est donc d'abord entre le
Var et la Magra , et ensuite vers les rivières qui con-
tribuent à former le Pô à sa naissance, que nous
devons chercher les Magielli , puisque c'est entière-
ment de ce côté que nous porte l'ordre de la des-
cription de Pline. Ainsi que nous l'avons déjà ob-
servé, deux lieux très anciens, situés de ce côté dans
le val San Martino, nous font retrouver le nom et
' Plin., lib. m, cap. 27, tom. 11, p. ^5, edit. Lem.
' D'Anville, Gebgr. ancienne, p. 5i, del'édit. in-folio, ou tom. r,
p. i8g, de l'édit. in-12.
' Cramer ( Geogr. andhist. Descript. ofanc. Italy, tom. i, p. i84]
considère comme une corruption du mot de Magiclli le mot d(;
Mugialla, que l'on trouve tlans Piocope [de Bello gelicn, iir), et
place ces peuples, à l'exemple de d'Anville, dans le val de Mugello.
* D'Anville, Gcogr. anc. abvc'^e'c, p. i5i de l'édit. in-fol. ; tom. 11 ,
p. i5i, de ses œuvres, publiées par de Manne, i854, in-4".
120 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
la position de ces peuples. C'est Macello et Majers,
nommés clans les chartes du ix* siècle curie Magello
et loco Macello y et dans d'autres, Mazadelem et
Magedellum \
Eburiates '. — Il a déjà été fait mention de ce
peuple dans une des époques précédentes % et après
avoir placé tous les autres , il ne leur reste plus que
le comté d'Asti : le lieu nommé Eburias , dans
le moyen âge, aujourd'hui Burio, situé à 6 milles
géographiques au midi d'Asti, convient à cette po-
sition.
Les Casm.onates'* habitaient la partie inférieure
de l'antique territoire d'Acqui, qui forme aujourd'hui
celui de la ville d'Alexandrie. Au-dessus de cette
ville , entre la Bormida et l'Orba , était l'ancien lieu
appelé Casmonium dans le moyen âge, ensuite Gas-
Tnonium, et dans des temps plus modernes, Gasmun-
diuiïi; ù ce lieu a succédé celui de Castellazzo ^.
Au nord-^est des Casmonates habitaient les Marici
et lesZcew. \iÇ,?>Lœviy étant au nord du Pô, font partie
de la Gaule transpadane, mais les Marici qui ont
bâti Ticinurriy Pavie , font partie de la Ligurie ^.
L'antique lieu de Marengo, nommé petra Marazzi,
près la rive gauche du Tanaro, entre Pavone et Mon-
castello, conserve encore le nom de ce peuple, qui,
avec les Z^w, occupait aussi la partie du diocèse
' Durandi , Piemonte cispadano antico, p. 46. — Notizia dell'an-
tico Piemonte traspadano , p. 22.
' Plin., Hist. tiat., lib. m, cap. 7, tom. ir, p. 74, édit. Lem.
' Conférez part, i, ch. 7, tom. 1, p. i6i.
* Plinius, lib. m, cap. 7, tom. 11, p. 74, édit. Lem.
^ Durandi, Piemonte cispadano antico , p. 47-
* Plin., Hist nnt., lib. m , c. 21 (17). Voy. ci-dessus, t. i, p. 127,
PARTIE II, CHAP. IV. 121
de Pavie qui s'étendait à la droite du Pô, entre Casale,
Alexandrie et Tortone.
Enfin, les Vellejates ou T^eliaies ' dont Pline fait
une seconde fois mention comme fournissant des
exemples remarquables de longévité, habitaient, ainsi
que nous l'avons déjà dit, les collines et les montagnes
des Apennins , au midi de Piacenza , jusqu'où s'étend
le diocèse de cette ville et celui de Bobbio. La décou-
verte de la Table alimentaire Veleiene, dite de Tra-
jan, et les autres antiquités déterrées en 1760, prou-
vent que le siège de l'antique Velleja occupait le
même emplacement que le lieu moderne nommé villa
Macinesso \ Mais nous reviendrons encore sur ces
F~ellejates , lorsque nous serons arrivés à l'époque
de Trajan.
Pline ajoute dans sa description de la Ligurie
le nom de plusieurs villes que Ptolémée n'a point
mentionnées, telles sont :
Segesta, Sestri di Levante; cette position est dé-
montrée parles Itinéraires % et Pline attribue cette
ville aux Tigiilli , et dit : Segesta Tigulliorum.
Barderale , dont la situation est inconnue. Cluve-
rius place cette ville à Pancrana , entre Voghera et
Pavie; mais il n'apporte aucune preuve de son
opinion , qu'il propose même comme très douteuse '*.
La conjecture de M. Mannert ^ pour Veriua ne
' Plin., Hist. liât., lib. m, cap. 7, tom. 11, p. 74 , edit. Lem. ^
lib. VII, c. 5o, tom. m, p. igi, edit. Lem., et ci-dessus, 1. 1, p. \5\.
' Voyez ci-dessus, part, i, ch. 7, tom. i, p. i54.
' Voyez V Analyse des Itine'rnires, tom. m de cet ouvrage.
^ Cluverius, Italia antuiun, tom. i, p. 86.
'Mannert, Gcogr. tler (iricrhrn und Rcemci, Ilalin , ut, (j,
♦om. I, p. 5oo.
122 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
peut se soutenir : Barderate, ainsi placé, se confon-
drait avec la position à' Industria. Bardetti, en choi-
sissant Bra, a pour lui la ressemblance du nom,
mais ce lieu est bien près de Pollenda; c'est cepen-
dant encore la conjecture la plus probable '.
Industria, nommé autrefois, dit Pline, Bodin-
coTiiagiiSy c'est-à-dire la forteresse située sur le fleuve
Bodincus (ou le Pô); c'était son nom gaulois. La
position de cette ville se trouve démontrée par les me-
sures des Itinéraires, pour la route qui part de Turin
et qui va le long du Pô. On a découvert les ruines
de cette ville sur le penchant de la colline du lieu
nommé Monteu di Pô, ou Montedo au midi du Pô,
entre Yerrua etChivasso. Durandi" a prouvé que dans
le commencement du xiii" siècle ce lieu conservait
encore des traces de son ancien nom, sous celui
A' Allustria y et des pièces authentiques démontrent
que la pieve di Montedo ou di Monteu, se norai-
mait encore dans le xiv^ siècle plehs Dustricœ. Clu-
verius ^ a rapporté une inscription relative à Bodin-
comagus, qui a été trouvée k Odolingo, sur les bords
du Pô, dans le Montferrat.
Après Pollenda '*, Pline nomme Potentia, qui est,
' Bardetti, clclla Lin^itn dci primi abitatoii d'Italia, p. io8.
' Durandi , Piemonte. cispadano aiitico , p. 3i4. — Ricolvi et Ri-
vautella, il Sito dcW antica città d^ Industria scoperio cd iUustrato ;
Torino, in-4°.
' Claverius, lialia anliqua, tom. i, p. 86.
* Sur PoUentia , outre la dissertation de Franchipont {Mem. de
fAcad. de Turin, i8og, in-4°, p. 021 à 5io), il faut consulter celle
<le Du)-andi, intitulée dclV Collegio degli antichi caccintori Pol-
Icntini. — Sueton., in Tib., cap. 57. — Cassiodorus, in Chron. —
Orosius, lib. vu, cap. ay. — Claudian. , Cnrm. de BcUo s^oth., in
/*ancg., lib. vi. — Paul. Diac, lih v, c. 07, et lib. vi, c. 58. — La
PARTIE II, CHAP. IV. 123
dit-il, surnommée Carrea, — C'est Carrù, à l'est de
Fossano, près de la jonction du Peso et du Tanaro ' ;
l'analogie du nom moderne avec le nom ancien
n'avait point échappé à d'Anville : il est fait mention
de Cairugum dans le xi*" siècle , et on y a trouvé une
inscription que Durandl a rapportée ^
Foro Fulvii^ quod Valentinura. — Cluverius et
d'Anville regardent comme le même lieu \e Jbnim
Fulvii et forum Valentinmn. Cependant le texte de
Pline peut s'entendre de deux manières, et permet
de les considérer comme deux lieux dlfférens. Je
trouve en effet un petit lieu nommé villa del Foro,
qui semble justifier cette opinion, déjà adoptée par
Dellsle. Ainsi forum Fuhii se trouverait placé à
villa del Foro , tandis que forum J^alentinum occu-
perait l'emplacement de Valenza, où le fixent la res-
semblance du nom, et l'ordre d'énumération con-
servé par Pline. Si cette opinion est exacte , la Table
de Peutinger et la Notice font aussi mention de
forum Fulvii y mais Pline est le seul qui ait parlé de
forum Valentinum. Comme les chiffres de la route
où e&t forum Fulçii se trouvent omis dans la Table ,
on ne peut, par son moyen, en déterminer la situa-
tion; mais on doit observer seulement que villa del
laine des troupeaux des environs de cette ville était fameuse, ainsi
que nous l'apprend Pline, lib. viii, et Martial, Epi^ramm., lib. ix.
' M. Cramer place ce lieu à Chieri , près de Turin, et cite M. Du-
randi; je crois qu'il y a erreur de la part de ce savant. Conférez
a Geogr. and hist. Descript. of ancicnt Italj; 1826, in-S", tom. t,
p. 3o, et ia carte intitulée : Italiœ antiquœ et riovœ pars septen-
trionalis. — Voyez ci-dessus, p. ii5.
' Durandi, Piemonlc cispadaiw antico , p. iy8.
' Plin., Hisl. na(., lib. m, cap. 7, tom. 11, p. 75, edit. Lcm. ; Nol.
ili^niL i/npcr., p, 184, odit. Pane, in-fol , §. 65; p. laD, edit. Lelb.
124 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Foro se trouve exactement dans la direction des
deux points extrêmes de cette route, qui sont : Der-
thoiia, Tortone, etAsta, Asti.
Pline ' , faisant l'énumération des meilleurs fro-
mages, mentionne celui de Ceba, dans la Ligurie
{cehaniun hic Liguria mittit). Le nom et la position
de ce lieu ancien se retrouvent dans le lieu moderne
nommé Çeva , sur les bords du Tanaro , et à l'em-
bouchure du fleuve et du torrent de Cevetta , ainsi
que nous avons déjà eu occasion de le dire '. Ceva
était, dans le commencement du xii^ siècle, chef-
lieu de ce comté % et la vallée était alors célèbre par
ses fromages : ils se fabriquaient principalement dans
un lieu nommé Qiiarrgina , nommé aujourd'hui
Quarrzina, et situé près d'Olmea. Quark ou Quarrg
signifie fromage en allemand, et ce rapprochement
semble prouver que la population primitive de ces
contrées est d'origine teutonique^, ce que des in-
scriptions confirment ^.
■ Plin., lib. XI, cap. 97 (42), tom. iv, p. 56g, edit. Lem.
^ Voyez ci-dessus, p. ii5.
' Durandi, Picmonte cixpadano antico , p. 192.
■'Durandi, delle Anliche contesi dei pastori di val Tanaro e di
val d' Aroica ; Mémoires de l Académie de Turin, tom. iv, p. 19g.
— Yoyez aussi 3Iuratori, Inscriptions, tom. 11, io43, ii°3, et to45,
n°* 4 et 5.
^ Durandi, tom. iv, de l'Académie de Turin, p. 198 , cite le titre
où le seigneur de Ceba, en 1121, s'exprime ainsi : « Ab unaquaque
« domo caseatrica in Quargina sex formellas casei et totidem casea-
« tas. » — On a découvert en 17 18, dans cette vallée, une inscription
ainsi conçue :
L. Pacico
IN .ETIIERA SOLUTO
Adesto Teutates. (Dur. , ibid., p. 24y. )
Cette insojÉution prouve l'identitc d'origine des Ligures, des
Gaulois et a«r Germains.
PARTIE II, CHAP. IV. 125
Slrabon ' nomme au nombre des ailles de la Lii^u-
rie, vada Sabatia, le Savo de Tite Live, et la position
de ce lieu à Savone moderne est , ainsi que je l'ai dit ,
démontrée par les mesures des Itinéraires anciens ,
quoique la combinaison de ces mesures nous reporte
plus souvent à Vado qu'à Savone, pour vadis Saha-
tis. Vado est \eportus Vadis de l'Itinéraire maritime ,
et la réunion des noms de ces deux lieux en un seul ,
nécessaire pour faire distinguer ce vadum ou gué ,
ou embouchure guéable de rivière, si voisins l'un de
l'autre, a occasioné dans les Itinéraires et les auteurs
anciens beaucoup de confusion ^. Pline parle dans
cette division de Derthona comme d'une ville con-
sidérable; Velleius dit que la date de sa colonisation
est inconnue. Plusieurs inscriptions nous prouvent
qu'elle reçut aussi par la suite le nom de Julia;
nous avons déjà eu occasion de la mentionner comme
une des villes dont les Itinéraires ^ déterminent le
mieux la position , et comme ayant occupé l'empla-
cement de Tortone m.oderne. Il a déjà été question
aussi de Litubium et de Carystum, qui est la même
ville qui se trouve mentionnée dans la vie de Mar-
cellus, dePlutarque, sous le nom de Cassidio, sans
doute par erreur du copiste. La position de Libarna,
de Pline, le Libarnum des Itinéraires, se trouve fixée
à Lavezzara, par la route qui conduit de Genua à
Derthona, Tortone, et9.Aquis, Acqui. Durandi nous
donne connaissance, dans cette division, de trois lieux
' Strabo, lib. iv, p. 217 ou i56.
' Voyez ci-dessus, p. 107, et V Analyse des Itinéraires , toni. m
de cet ouvrage.
^ Voy. VAnal. des Itinc'r., t. m ; et ci-dessus, p. 85 ; et 1. 1, p. iTi.
— Conférez Plin., m, 5. — Yelleius, i, i5. — Cicero, Epistol. ad
fam., XI, ï5, •— Steph. Byzant. ; Cassiodorus, Epist., x, 27.
126 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
anciens nommés Sedula, Testona, Pedona : le pre-
mier se place avec assez de probabilité à pozzo di san
Evasio, au sud-est de Casai ; le second, à Moncaglieri ;
la position du troisième a déjà été indiquée h borgo
di San Dalmazzo. A l'ouest était la ville àts Auriates j
pi4s de Démonte '.
Pline, en décrivant le rivage, nomme successive-
ment Albiwn intemeliuni, Vintimille, et \^ jiuv.
Kutuha, la rivière Rotta , qui coule auprès; Alhium
ingannum, Albinga, avec la vWihre Merula, l'Aro-
soja des modernes; Genua, et sa rivière Porcifera,
le Polcevero ; portus Delphini , porto Fino, et sa
rivière jiiwias Feritory le Bisagno des modernes ;
puis enfin Tigidlia, Segesta Tigidliorum, etjlumen
Macra, Liguriœ finis , c'est-à-dire les ruines de
Tregosa, Sestri , et la rivière Magra, si souvent men-
tionnée comme la limite de la Ligurie.
Voilà toutes les villes de la Ligm^e ou de la neu-
vième division d'Auguste , nommées dans les géo-
graphes et les historiens de l'antiquité, à la réserve
de celles dont les noms ne se trouvent mentionnés
que dans les Itinéraires, et dont les positions sont
indiquées dans l'analyse que nous en avons faite , et
qu'on trouvera à la suite de cet ouvrage '. Quant aux
Apuani , aux Briniates , aux Friniates , et autres
peuples dont il a été parlé dans les époques précé-
dentes , lors de la conquête de la Ligurie par les Ro-
mains , et dont nous avons déterminé la position , il
n'en est plus question dans les écrits des géographes
' Durandi , Picmonlc cispad. antico , p. 107, 019, 552, Pedona,
Cahurro , etc. Caburro est Cavour, lieu situé au nord du Pô, et
dans la onzième région. — Voyez ci-dessus, p. 114.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. iir de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 127
et des historiens de l'antiquité; soit qu'ils aient été
détruits et dispersés, soit qu'ils aient été incorporés
dans d'autres peuples et d'autres divisions '.
L'ordre géographique me force de décrire la on-
zième région a^ant la dixième, puisqu'elle se trouve
entre cette dernière, qui est laVénétie, et laLigurie
que nous venons de quitter. La onzième région ,
ainsi que nous l'avons observé, est nommée Trans-
padane dans Pline % mais elle ne formait que la
moitié de la Transpadane de Strabon ^ Comme elle
est entièrement située dans l'intérieur des terres ,
la description de cette portion de la Cisalpine n'est
point séparée en deux parties , comme dans Plolé-
mée , dont l'usage constant est de placer d'abord les
lieux qui doivent dessiner les côtes d'un pays , et de
passer ensuite dans l'intérieur.
Trois peuples , dans Ptolémée , se partagent la
onzième région ou la Gaule transpadane dans le
sens le plus restreint.
Les Insuhres , qui sont à l'ouest des Cenomanni ,
et dont les villes sont ^ :
No^^ariay Novarre, bâtie par les Vocontiens, sur-
nommée V^ertacomicorii y selon Pline. Tacite nous
apprend que cette ville avait le titre de municipe ^ ;
' L'abbé Oderico, dans ses Lettere ligustiche, p. 29, s'éloigne à
tort des meilleurs critiques, relativement à Dacuista et lelleia de
Strabon.
' Plin., lib. ui , cap. 21 (17) , tom. i, p. 7i3, de l'édit. de Franz :
« Transpadana appellatur régie undecima. »
' Strabo, lib. v, p. 212 (254), edit. Alm. ; tom. 11, p. 11 4, trad. fr.
* Voyez ci-dessus sur Milan, et Muratori, Inscript., loSj, n" 5,
et io58, n° I.
* Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. ni de cet ouvrage , el ci-
dessus, part. 1, ch. 2, tom. i, p. Sg, 60, 62. — Tacit, Hist., i, 70.
128 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Mediolanum y Milan ', qui s'accrut eu splendeur
sous la domination des Romains , de manière à riva-
liser avec Rome elle-même '^ ;
Conium, Come ^ ;
Ticinujiiy Pavie, bâtie par les Lœ{>i et les Marici,
suivant Pline '*.
La position de toutes ces villes se trouve déter-
minée par les mesures des Itinéraires; on doit y
ajouter :
Laude Pompeia, Lodi Vecchio^, qui était bien
situé dans le territoire des Insubres, selon que le
concevait Ptolémée , et d'après les limites qui furent
déterminées par les Romains, mais qui, selon Pline,
a été bâti par les Boïens lors de leur première in-
vasion.
Pline ^, qui parait avoir bien étudié les antiquités
de la Gaule cisalpine, nous appiend que Comum
n'appartenait point aux Insubres , miais aux Orohii,
auxquels il attribue encore deux autres villes, qui
sont Bergomuniy Bergame, et Licinii forum ^ que
je crois être Lissone, à g milles géographiques au
nord de Milan '. Nous avons déjà observé que Pline
dit que Bergomum a succédé à Barra ^ ville plus
ancienne et capitale primitive des Orobii. Nous avons
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage, et ci-
dessus, part. I, ch. 2, p. 74-
* Conférez Polyb., ii, 34. — Auson. — Plut. , Vit. Cl. Marcell. —
Tacit., Hist., i, 70. — Sueton., Aug., no. — Plin., Episiol., iv, lO.
— Strabo, v, 210 (526), edit. Alm. ; tom. 11, p. 118, delà trad. fr.
^ Voyez ci-dessus, part, i, ch. 2, p. 70 et 566.
* Voyez ci-dessus, tom. i, ch. 2, p. 70 et 71.
* Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Plin., lib. III, cap. 21 (17), tom. 11, p. 181, edit. Lem.
' Voyez ci-dessus, part, i, ch. 2, tom. i, p. 74.
PARTIE II, CHAP. IV. 129
découvert la position de cette a 111e antique, déjà
détruite du temps de Pline, et qui se trouvait située
où est aujourd'hui Barra vico, entre Bartesate et le
lago d'Annone'. Le territoire des Orohii a été par-
tagé, par Ptolémée, entre les Insuhres et les Ceno-
mani; il a donné Conium, Côme , aux premiers, et
Bergomura, Bergame, aux seconds. Mais Pline, en
nous apprenant que Bergomuni, Bergame, était si-
tuée dans la onzième région , et Brixia dans la
dixième , nous montre en même temps que la rivièie
Serio formait , à l'est, la limite des deux régions,
selon la division d'Auguste ; par conséquent , pour
cette partie, ces divisions ne correspondent plus à
celles que Ptolémée a établies entre les peuples *.
Pline, traitant des différentes espèces de laine,
nous parle de la regio Alliana, située entre le Pô
et le Tessin ( inter Paduni Ticinumqiie amnes^ , et
de la laine nommée reiovina, qu'on recueille dans
son voisinage. Les commentateurs, ne retrouvant
pas cette région nommée Alliana, ont proposé de
corriger Pline; mais ils ont été arrêtés par les ma-
nuscrits ^, qui tous leur ont présenté la même leçon.
Durandi a très bien prouvé que le texte de Pline
était exact par la découverte de plusieurs titres du
' Voyez ci-dessus, part, i, ch. i, tom. i, p. i6.
' Tout ceci démontre combien est erronée l'opinion du savant
Gagliardi (voyez Parère inlorno ail aniico slato dci Cenoniani ,
p. 79), qui veut que Comum, Côme, fît partie des Cenomani ,
ainsi que le territoire des Orobii, sous le prétexte que les Orobii
n'étaient point un peuple particulier, mais qu'ils étaient les Ceno-
manni montagnards, ou Orobii cenomanni. Dans quel auteur ancien
Gagliardi a-t-il vu que les Cenomani aient été surnommés monta-
gnards , orobii ?
' Plin. , lib. XIX, cap. 2, tom. vi, p. 36, de l'édit. Lemaire.
n. 9
130 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
ix^ siècle ', qui constatent l'existence d'une terre
et d'un village nommés Allia ou Halia, h quelques
milles au midi de Laumello, et non loin de Retovio
ou Rebbio, qui est Retonnum de Pline ''.
Continuons l'énumération des peuples de cette
onzième région d'après Ptolémée; le second des trois
peuples qui , dans cet auteur, se partagent cette
onzième région, se nomme
Les Salassi^, et leurs villes sont :
Augusta prœtoria. — Aoste, que Pline définit très
bien, lorsqu'il dit Augustay surnommée prcetoria,
située près des deux passages des Alpes. Les routes
du Petit-Saint-Bernard , Alpis graia^ et du Grand-
Saint-Bernard, Alpis pennina , se joignent, en effet,
à cette ville. Strabon nous apprend que trois mille
Romains, envoyés par Auguste, fondèrent Augusta
dans le lieu même où Varron avait campé '♦.
' Darandi , Marca d'Ivrea, p. 94 et gS.
' Le passage est curieux pour la géographie des deux Gaules, et
nous le transcrivons en entier :
« Cadurci, Caleti , Ruteni , Bituriges, ultimique hominum existi-
« mantur Morini, immo vero Galliœ universaj vêla texunt.... Similiter
« in Ilalia regionc AUiana, inter Padum Ticinumque amnes, ubi a
« Setabi tertia in Europa lino palma : secundam enim in vicino Al-
« lianis capessunt retovina , et in jEmilia via faventina. Candore
« allianis seniper crudis faventina praeferuntur; retovinis tenuitas
« summa densitasque , candor aeque ut faventinis. »
Plin., lib. XIX, cap. 2, tom. 11, p. i55, edit. Hard.
^ Ptolem., lib. m, cap. i, édit. de Bertius, p. 64 (71) : il y a 69, par
faute d'impression.
*Strabo, lib. iv, c. 6, tom. n, p. 206. — Plin., lib. m, c. 21 (17),
tom. II, p. 180, édit. de Lemaire. — Die Cassius, Hist. rom. ,
lib. 1, c. 53. — Orose, v, 4- — L'espace occupé par la cité d' Aoste
est au fond d'une vallée produite par la réunion du torrent impé-
tueux qu'on nomme le Butier, avec la Doire. Selon le général
de Locbes, l'emplacement des portes de cette ville décèle un camp
PARTIE II, CHAP. IV. 131
Eporediay Ivrea. — Pline nous apprend que cette
ville fut bâtie par le peuple romain d'après les ordres
des livres sybillins , et que le nom qu'elle porte
désigne, en langue gauloise, un homme habile à
dompter les chevaux '.
Nous avons déjà vu que tous les auteurs anciens ,
et les mesures des Itinéraires , prouvent d'une ma-
nière non douteuse la position de ces deux villes.
Les Taurini , qui ont pour capitale :
Augusta Taurinoruni y Turin '. — Turin est la
seule ville , mentionnée par Ptolémée chez les Tau-
rini, qui appartienne à cette onzième division d'Au-
guste ; car Augusta Batienorum ou Vagiennorum ,
qui est cittk di Benè; Iria, qui est Voghera , et
Derthona, Tortone, qu'il attribue aux Taurini ,
faisaient aussi partie de la Ligurie, ainsi que nous
l'avons démontré précédemment ^. Pline'* ajoute au
romain. La ville ancieane paraît n'avoir été que le camp de Varron
agrandi. L'arc d'Auguste n'est pas la seule ruine que l'on voie à
Aoste ; il y a encore les débris d'uil amphithéâtre. Yoyez Mémoire
sur la vallée d Aoste , dans le Recueil de l Académie de Turin ,
tom. XXV, p. 27.
' Plin., lib. III, cap. 21, p. 714, ou tom. ir, p. 180, edit. Lem. —
Eporedia a été successivement appelée Eporegium, Eborea, Evo-
reggia et Evorea ; c'est sans doute d'après une de ces altérations
que Cluvier a imaginé un lieu nommé Lamporeggio, nom que le
P. Hardouin a adopté ; mais ce nom ne se retrouve sur aucune carte,
et n'a jamais été celui d'une ville de ce canton. — Voyez Muratori,
Inscript. , p. io45, n°' 4 et 5; et tom. 11, p. io85, n° 3. — Voyez
ci-dessus, tom. i, p. 164.
'Sur Turin, voyez Muratori, tom. 11, p. iigo, n° 3. — Voyez
ci-dessus, part, i, ch. i, tom. i, p. 18. — Tacit., Hist., 11, 66. —
Appian., Hannihal, c. 5. — Polyb., m, 60.
' Conférez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage, et
ci-dessus, part, i, ch. 7, tom. i, p. i63 et 164.
'' Plin., Hist. nat., lib. m, c. 21 (17), tom. ii, p. 179, edit. Lcm.
132 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
nombre des villes comprises dans cette région Se-
giisio , Suse , et Kihi forum , Envie , ou Revello '
selon Durandi. Quoique Suse appartînt, du temps
d'Auguste, au royaume de Cottius, il n'est pas impos-
sible que dans sa description de l'Italie , qui paraît
avoir été entièrement géographique, ce géographe
empereur n'ait reculé jusqu'au pied des Alpes les
limites de la onzième division; alors Segusio, Suse,
s'y trouvait nécessairement comprise. De même, si
le Pô, jusque près de sa source, formait la lim^ite de
la onzième et de la neuvième région, une partie des
Vihelli, située au midi de ce fleuve , aura été renfer-
mée dans la neuvième région, tandis qu'ainsi que
nous l'avons observé % J^ibi forum , la capitale de
ces mêmes Vihelli , se trouvait dans la onzième ré-
gion ; alors le Cahurro de l'inscription citée par
Durandi , qui est Cavour, tout près de castel
Fiori , où plusieurs placent Vihi forum , appartien-
drait à la onzième région , et ces deux lieux seraient
situés sur l'extrême frontière de cette région , proche
des limites de la neuvième.
Le troisième peuple de Ptolémée, qui se parta-
geait la onzième région, ce sont
Les Libici j placés sous les Insubres, que Tite
Live et Pline font sortir des Salyes ou Salluvii ,
et dont les villes sont :
Vercellœ, Verceil , que Tacite nomme un des plus
forts municipes de la région transpadane.
Gaumellum, le Laumellum, des Itinéraires, ou
Laumello.
' Durandi, deW Antica condizione délie Vercellese , p. 53.
" Voyez ci-dessus, p. n 4 et 117, et Durandi, Pedona, p. 2 et 7.
PARTIE II, CHAP. IV. 133
Nous devons ajouter encore le bourg des Ictimuli,
au milieu des mines d'or, bourg que Strabon nous
apprend avoir été, de son temps, dans la dépendance
de Verceil , et dont nous avons précédemment dé-
montré la position au confluent du torrent de la
Vienne et de l'Elvo, entre Biella et Ivrea '.
Reste la dixième région, qui est la plus étendue
de toutes, qui comprenait la Vénétie de Strabon et
une partie de la Transpadane; elle renferme, dans
Ptolémée, cinq des divisions ou peuples, savoir :
Les Cenomani , limitrophes des Insubres ou de
la onzième région.
Ptolémée ' les place sous les Veneti , et on doit
retrancher de leur territoire la première ville qu'il
leur attribue , qui est Bergomunif Bergame. Nous
avons déjà fait voir que cette ville était la capitale
des Orobii; mais Ptolémée , qui ne connaît point
les Orohii , ne commet pas d'inexactitude. Nous
voj'ons seulement, par son texte, qu'il renfermait
le territoire de ces peuples dans celui des Cenomani,
dont les autres villes , suivant lui , sont :
Forum Jutuntorum ou Diuguntorum , dont la
position m'est inconnue , et que Cluverius ^ place à
Crema, sur la Serio et sur l'extrême limite de cette
division; mais par quelle raison, on l'ignore*, puis-
qu'on n'a pour cette position que les convenances
du sol. Chiari , ou Urago sur l'Adda, qui en sont
tout proches, me paraissent devoir être préférées.
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. i68. i
' Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 63 (70), edit. Bert.
'' Cluverius, Italia antiqua , tom. 1, p. 243.
* Sur la carte de France des ponts et chaussées, Grema {sic) est
sur la rive occidentale de la Serio.
134 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Brixia, Brescia, que Tite Livc désigne comme la
capitale des Cenomani, que Strabon classe dans les
villes de grandeur moyenne '.
Cremona colonia. Crémone ''.
Kerona, Vérone, le Beron de Strabon.
Mantua^ , Mantoue. — Mantua, sur le Mincius^
le Mincio , célèbre par les vers et la naissance de
Virgile ^ , que le grammairien Donatus et Silius Ita-
licus ^ s'accordent à placer , près de cette ville , au
village ai Andes ; mais la position de cet ancien lieu
est inconnue : une tradition incertaine le place au
village de Pietola.
Tridentuniy Trente, que Pline, d'après l'origine
de ses habitans, classe au nombre des villes rhé-
tiques : ces Tridentini ont donné leur nom à toute
cette partie de la chaîne majestueuse des Alpes ®, et
sont mentionnés, ainsi qu'on l'a vu, dans l'inscrip-
tion du Trophée.
• Strabo, v, Saô, edit. Almeloveen (2i3}; tom. ir, p. ii8, de la
trad. franc.
' Plinius, lib. m, cap. 23 (19). — Voyez plusieurs inscriptions
relatives à Crémone, dans Muratori, Inscript., p. 1042, n° 2, et
p. 1098, n° 5.
^ Nous avons déjà observé que si Servius place Mantoue dans la
Vénétie , c'est qu'il confond le pays des Vénètes avec cette dixième
région d'Auguste dont la Yénétie ne forme qu'une portion, mais
qui, réunie aux Cenomanni, formait la province nommée Yénétie
de son temps.
* Yirgil. , Georg. , 11 , 198 ; m , 10. — Mneid. , x, 198. — Ed. ,
1, 47, IX, 27.
' Sil. Ital., vni , 594. — Mart., xiv, ep. 193. — Hieron., Chron. —
Euseb. , II. — Donati, Fiia Firgil., tom. vu, p. 266, de l'édit. de
Yirg. de Lem.
^Plin. , III, iZ (19), tom. II, p. 187, edit. Lem. — Strabo, iv,
p. 3i3 (204), edit. Alm. ; tom. 11, p. 92 , de la trad. fr. — Dio Cass.,
Liv. — Ammian. Marcell., xvi, 10. — Voyez ci-dessus, p 55, 6j.
PARTIE II, CHAP. IV. " 135
Butrium. — Très probablement le Bedtiacum
de Tacite ', que les mesures de la Table déterminent
à Casai Romano ; mais ce Butrium n'a certainement
aucun rapport avec le Butrium , Butrio moderne ,
situé près de Raveune. Si on excepte \q forum. Ju-
tuntorum , la position de toutes les autres villes est
déterminée par les Itinéraires. Du temps d'Auguste,
Verona et Mantua, Mantoue, paraissent avoir été les
villes les plus considérables des Cenomani , et ont
éclipsé Brixia, Brescia , l'antique capitale de ces
peuples. Catulle, qui était de Verona, dit qu'elle
tire son origine de Brixia :
.... Brixia , Cynœœ supposita in spécula ;
Flavus quam molli percurritjlumine Melo,
Brixia, Veronœ mater amata meœ '.
Il est probable que Vérone dut seulement un
nouvel accroissement à une colonie de Cénomans
détachés de Brixia, leur capitale. Dans les vers que
je viens de citer, la plupart des éditeurs de Catulle
ont substitué Mêla à Melo, que portent les meilleurs
manuscrits ; ce qui a occasioné de longues discus-
sions sur l'exactitude géographique de ce passage et
sur l'antique position de Brescia ; car le fleuve
Mella, qui porte encore aujourd'hui le même nom,
ne passe pas à Brescia, mais à un mille à l'ouest , et
' Voyez ci-après.
' Voyez Catulle, carni. 67, ad Januam, p. 517, edit. Naudet. —
Toute cette élégie se trouve réimprimée d'après des manuscrits, et
longuement commentée dans l'excellent recueil de Sambuca, inti-
tulé : Memorie criiiche intorno al antico stato dei Cenomani , p- 1 1,
21, 102, io3, i3i, 336, 337, 420, 677. — Voyez ftiuratori, Inscript.,
toni. I, p. 495, n° 4; p. io34, n« 6 et 7 ; p. io35, n" 3 ; p. 44'» "° 4-
— Ces inscriptions sont relatives à Brixia , et le nom de cette ville y
est mentionné.
136 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
le percurrit de Catulle ne laisse aucun doute que le
fleuve dont il parle ne traversât la ville de Brescia.
Toutes les difficultés sont levées, lorsqu'on apprend
que le fiume Garza , qui passe à Brescia, se nommait
Melo ', et est encore aujourd'hui vulgairement appelé
Melone \ Les copistes, ignorant la topographie de
Brescia , ont substitué Mêla à Melo ^, et ont évi-
demment confondu ces deux rivières , si proches
l'une de l'autre; mais c'est Mella qu'il fallait écrire,
et non Mêla, ainsi que le témoignent ces vers de
Virgile :
Tonsis in vallihus illum
Pastores et curva legunt propejlumina MellfE^.
Servius , qui écrivait au vi® siècle , a fait sur ces
vers de Virgile un commentaire ridicule^, où l'on
voit qu'il confond de même le fleuve Melo et le
Mella, qu'il dit être aussi appelé Amello; ce qui
prouve que cette erreur est très ancienne. Le nom
et la position des Gottolengi, in agro Brixiano ,
mentionnés dans une inscription rapportée par Mu-
ra tori, se retrouvent dans un petit lieu nommé Go-
dolazzo sur nos cartes modernes ^.
' Capreolo, de Rébus hrixian., lib. iv, p. 20.
' Sambuca, p. aS et 129. — Comme on ne pouvait expliquer les
vers de Catulle, on a prétendu qu'ils n'étaient pas de lui.
^ Gagliardi [Parère iiit. ail. antico stato dei Cenomani, Padova,
1724, in-12, p. 148) cite cinq manuscrits qui portent 71/e/o (voyez
Sambuca, p. i3i); et p. 20, il dit que l'édition princeps de 1472
porte aussi Melo.
< Virgil., Georg., iv, 278.
' Voyez Servius, apud Virgilium, edit. Burmanii, tom. 1 , p. 484-
* Voyez Muratori, Inscript., tom. i , p. 480, n° i , et la Carte de
la Lombardie, par Zannoni. Il place Godolazzo à viugt-six milles
géographiques au nord de Brescia , et sur la même rivière : per-
sonne avant Gagliardi n'avait, ce me semble, remarqué ni commenté
cette inscription.
PARTIE II, CHAP. IV. 137
D'après une inscription qui existait, et qui existe
peut-être encore sur le mur extérieur de Vobarno
ou Bobarno, au nord de Brescia , et non loin de
Salo ', il est évident que l'Italie et le territoire des
Cenomani se terminaient dans cet endroit. L'in-
scription fait mention de J^oherna, injinihus Italiœ;
or le Vohema de l'inscription est bien évidemment
Vobarno moderne : je remarque sur la Carte de la
Lombardie par Zannoni, un peu au midi de Vobarno,
un lieu nommé Termini qui indique une limite".
Celte limite est encore celle qui est marquée sur
cette carte pour le Brescian moderne. Sous Auguste,
à l'époque dont nous traitons, les géographes englo-
baient la plus grande partie des Alpes dans l'Italie ^ ;
mais à î'époque plus rapprochée de nous, quoique
déjà fort ancienne , de l'inscription romaine que
nous avons citée, les limites de l'Italie, de ce côté,
étaient les mêmes que celles du Brescian moderne et
de la république de Venise dans cette partie. D' An-
ville a oublié sur sa Carte de l'Italie ancienne ce nom
important de Koherna^ , quoiqu'il n'ait point omis
celui ôHEdrurriy qui ne nous est pareillement connu
que par une inscription qui fait mention des Edrani^.
On retrouve la position et le nom à'Edrum encore
' Voyez Cluverius, Italia antiqua, tom. i, p. io8. — Sarabuca,
p. 119, 174 6t 206.
' Zannoni, Carta délia Lombardia, n" 2, quatre feuilles, et
Zach, Duché de Venise, quatre feuilles.
' Voyez ci-dessus, p. 21, i5i, i35.
* Voyez Italia antiqua de d'Anville. — Gagliardi , dans la petite
Carte des Cenomani, qui est à la p. 206 du recueil de Sambuca, et
Cluverius, dans sa Carte (voyez tom. 1, p. 1 10, de son Italia antiqua),
n'avait point omis Voberna.
' Cluverius, Italia antiqua, tom. 1 , p. 108.
138 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
€xistaiit daiis Idro moderne. D'autres inscriptions
nous font également connaître de ce côté Sabiiim ,
qui est Sabio moderne, capitale des Sabini ou du val
Sabbia ' ; Leuceris, mentionné dans la Table théodo-
sienne, que d'Anville place à Lovere "^ ; et enfin Tuscu-
lanum, dont Toscolano moderne, sur le lac Garda,
conserve encore le nom et la position. Cluveriusdit,
avec raison, que cette dernière ville a dû être le chef-
lieu des BenacenseSy qui , ainsi c[ue nous l'avons déjà
observé, occupaient tout le district nommé Riviera,
le long des côtes du lac Garda ( ou Benacus lacus) ,
dans lequel se trouve compris Tusculanum ou Tosco-
lano. Une inscription trouvée à Brescia ^ nous révèle
encore l'existence de deux villes dans l'intérieui- des
Cenomani , celle des V^ardacatensiuni et celle des
Dripsinatium. Vardacatium doit être placée à Ga-
vardo, au nord de Brescia, qui se nommait Gavai^-
dalensiuin dans le moyen âge. MafFei place Dripsi-
num à Tressino ; nous pencherions plutôt pour De-
zenzano, nommée Decentianum dans le moyen âge.
On a prétendu encore que le pagus Farraticanorum
d'une autre inscription était situé dans le lieu même
où cette inscription a été trouvée , c'est-à-dire dans
la terra di Pedergnaga, dans le Brescian , à quatre ou
cinq milles de l'Oglio , et que près de là était \ejines
' CeUe vallée , nommée ainsi sur la carte de Bâcler d'Albe , est
nommée sur d'autres cartes val di Sabbio et val Savallo. — Voyez
Cluverius, Italia antiqua, toni. i, p. io8. — D'Anville a omis le nom
(les Sabini sur sa Carte, comme celui des Bcnacenses.
' Au-dessus du lac d'iseo; mais voyez V Analyse des Itinéraires ,
lom. III de cet ouvrage.
' Sambuca, p. i4, ï'-^o et 244- — Gai^liardi, Padova, 1724, p 122.
— MafFei, Vaona illustrata , liv. i.
PARTIE II, CHAP. IV. 139
Cremonensiuni ou les limites du territoire de Cré-
mone ' ; mais on ne trouve aucune trace du nom
dans les environs. Si cette inscription porte civibus^
comme le dit Gruter, au lieu àefinibus qu'on y sub-
stitue, alors \q Farraticanus pagus est, suivant nous,
la terra di Farra , h la gauche de l' Adige , ou Farra
d'Alpajo dans le Frioul , près du lac de Santa Croce.
Au sud de Brescia, Brixia^ entre cette ville et Cre^
monaj on prétend que des inscriptions ont été trou-
vées au village de Manerbio, qui assurent à ce lieu
la dénomination antique de Minervium '.
L'auteur des Observations sur la Verona illustrata,
de Mafïei , s'efforce de prouver, contre le témoignage
de Tite Live ^, de Pline '^, de Ptolémée ^, de Justin ^,
que Vérone n'était pas sur le territoire des Ceno-
mani ; mais ses raisons sont si futiles, qu'on ne
peut sans impatience en achever la lecture ' : il y a
une classe d'érudits qui , trouvant trop difficile de
débrouiller ce qui est obscur, passent leur vie à
embrouiller ce qui est clair. Le territoire propre de
Vérone s'étendait jusqu'au Pô , ainsi que semble le
prouver un passage de Tacite ^, qui paraît placer
Hostilia dans ce territoire : « Hostiliam , vicum
(( Veronensium. » Mais peut-être que Tacite nous
' Sambuca, p. 122.
' Cramer, Ancient Ilàly, t. i , p. 64. Il cite Ital. ant., t. 1 , p. 295.
^ Tit. Liv., V, 35, t. II, p. 190, edit. Leni., et ci-dessus, 1. 1, p. %Ç).
* Plinius, lib. m, cap. 23 (19), tom. 11, p. 167, edit. Lem.
' Ptolemaeus, lib. i, cap. i, p. 63 (70), edit. Bert.
^ Justinus, XX, 4, p. 337, edit. Lem. — Voy. ci-de.ssus, 1. 1, p. Ç^.
' Il a été, d'ailleurs, très bien réfuté par Gagliardi et par l'abbé
Lazzarini. — Voyez le Recueil de Sambuca , p. 75 et 197 — Conférez
Maffci, Verona illustrata.
' Tacit., Hist., lib. m , cap. 9.
140 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
apprend seulement, par ces mots, que Hostilia avait
été fondé par les habitans de Vérone, et leur appar-
tenait autrefois. Les mesures des Itinéraires, pour
la route qui conduit de Verona , Vérone, h Mu-
tina y Modène , déterminent la position dH Hostilia
à Ostiglia moderne; et d'Anville même, qui met
Vérone dans la Vénélie, place Hostilia chez les
Cenomani \ On lit dans Pline ' que Vérone a été
fondée par les Rhœti et les Euganei : c< Rhœtorum
« et Euganeorum Verona. » Or, comme Pline était
de Vérone, et qu'il se montre très savant sur l'his-
toire et la géographie de la Gaule cisalpine, son
autorité pour cette partie est très imposante; aussi
beaucoup de ceux qui ont écrit sur les antiquités ^ de
ce pays ont bâti sur ce peu de mots de grands sys-
tèmes. Il semble, avec raison, extraordinaire que
Pline donne une ville h deux peuples différens ;
d'ailleurs Tite Live, qui était de Padoue, et qui,
pour la Gaule cisalpine, ne mérite pas moins de
confiance que Pline , attribue la fondation de Ve-
rona, Vérone, ainsi que celle de Brixia, aux Ceno-
mani : « V2fi jiunc Brixia et Verona urbes sunt
K locos tenuere'*. » Ptolémée, ainsi que nous venons
de le voir^, s'accorde avec Tite Live, et attribue
aussi Vérone aux Cenomanni , et non aux Rhœti
ou aux Euganei j mais dans les premières éditions de
Pline, imprimées à Spire, en 1469 et en 1476, on lit :
« Fertinij Tridentini, Bervenses , Rhœtica oppida.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Plin., Hist. nat., lib. ni, c. 23 (19), toni. 11, p. 187, edit. Leni.
' Voyez le Recueil de Sambuca, p. 21.2.
* Tit. Liv., lib. v, cap. 56, et ci-dessus, lom. i, p. 66.
Ptolem., lib. m, cap. i, p. 63 (70), et ci-dessus, p, i34-
PARTIE II, CHAP. IV. 141
(( Rhœtorum et Euganeorum. T^erona. Julienses
(( Camorum . » En faisant disparaître, dans les éditions
subséquentes, le point qui doit exister avant Verona,
les éditeurs ont changé le sens de Pline. Le savant
abbé Lazzarini ' a le premier, je crois, indiqué cette
rectification , et interprété avec raison ainsi ce pas-
sage : (f Fertini y Tridentini , Berceuses , Rhœtica
« oppida. [^Oppida^ Rhœtorum et Euganeoriim.
« J^erona. Julienses Camorum. -» Ainsi Pline, Tite
Live, Ptolémée, n'offrent point de contradiction re-
lativement à Veronay comme on se l'était imaginé.
La première traduction italienne de Pline, faite par
Landino, donne aussi à ce passage la même inter-
prétation , et le savant Baïtelli ' , qui a discuté ce
point avec érudition et sagacité, s'est aussi rangé du
même avis; il cite nombre d'exemples de tournures
semblables dans Pline , sur lesquelles les éditions et
les manuscrits sont d'accord ^
En attribuant Tridentum, Trente, et P^erona ,
Vérone, aux Cenomani y il est évident que Ptolé-
mée ^ recule les limites de ces peuples au moins
jusqu'à l'Adige , et restreint d'autant celles de .'a
Vénétie. Cette division est entièrement conforme à
l'histoire , et se trouve d'accord , ainsi que nous
l'avons vu précédemment dans la deuxième période ^,
avec ce que disent Tite Live et Justin, que les Ce-
nomani étaient au moins les seconds fondateurs de
' Lazzarini, dans le Recueil de Sambuca, p. 21 3.
" Baïtelli, dans Sambuca, p. 273.
' Yoyez dans Muratori, Inscript., tom. 11, p. iog3, une inscription
curieuse, x-elative à Vérone.
* Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 63 (70).
* Voyez ci -dessus, part, i, cb. 2, tom. i, p. 66 et 68.
142 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Vérone et de Trente; il est évident, d'après cela,
que les Cenoniani s'étendaient, vers l'est, jusqu'au
pied des monts Euganéens , et que le torrent de la
Gua , ou mieux le Bachiglione vecchio ( près duquel
je trouve un petit lieu nommé Finali , au nord-ouest
d'Esté), traçait leurs limites à l'est. Ce Bachiglione
vecchio est nommé Reteno vers sa source ' ; c'est le
même fleuve que YEretenus d'jï^lien ", et qui , dès le
temps de Scylax , sous le nom à'Eridanus^ formait
déjà la limite des Celtes (c'est-à-dire des Gaulois
cénomans) et des Vénètes^. Tous les géographes et
tous les auteurs anciens sont contraires à d'Anville,
qui , dans l'intérieur, avance les limites de la Véné-
tie, vers l'ouest, jusqu'au fleuve Tartaro ( Tartarus
fluvius) , et comprend, par conséquent, J^erona
dans cette division , contre le témoignage si formel
de toute l'antiquité. D'Anville aura peut-être été
induit en erreur par une remarque de Servius, dans
Virgile, au sujet de YAthesis, l'Adige, où ce com-
mentateur dit que n V Athesis est un fleuve de la
« Vénétie, qui coule à Vérone, et qui se décharge
« dans le Pô '^; » mais qui ne sait que, d'après la
division de Constantin , et dans les derniers temps
' Voyez ci-dessus, part, i, ch. 2, tom. i, p. 7 et 3i.
' Il est question de ce fleuve sous le nom de Retenus , dès le vii° siè-
cle, dans la F^ie de saint Martin, lib. iv, par Fortunatus :
Si Patavina tibi pateat l'ia, pergis ad urbem.
Hic tihi Brinta flueiis iter est Retenusque secundus ,
Ingrediens Athesin
Voyez Cluverius, Italia antiqua, tom. i, p. \^i et 142.
5 Scylax, 19, tom. i, p. 9.45, des Geograph. minor. , edit. Gail;
tom. I, p. 6, edit. Huds.
'* Servius (apud Virgil., Mneid.^ lib. ix) : « Athesis fluvius est,
M Veronam civitatem ambiens et in Padum cadens. »
PARTIE II, CHAP. IV. 143
(Je l'Empire romain, la province qui prit le nom de
Venetiay bien différente de la Venetia proprement
dite, ou de la Venetia des auteurs classiques, s'éten-
dit jusqu'à l'Adda '? Par conséquent, Servius avait
raison de dire que l'Adige était un fleuve de la Vé-
nétie, considérée comme province, parce qu'il en
était ainsi de son temps; mais dans aucun temps les
limites de la Vénétie antique n'ont été telles que les
trace d'Anville. Cluverius était trop versé dans la
lecture des anciens pour commettre cette faute;
aussi ses cartes n'en offrent-elles aucune trace, et
c'est l'Adige qu'il prend pour limite des V^eneti, des
Cenomani et des Euganei \ Mais Vérone, ville des
Cénomans, se trouve coupée en deux par l'Adige ; et
le Retenus ou Bachiglione , ou plutôt les monts Eu-
ganéens, forment une limite qui diffère peu de celle
de Cluverius, mais qui s'accorde mieux avec les in-
dications des auteurs anciens, à commencer par
Scylax, et avec la topographie du pays et la géo-
graphie naturelle, sur laquelle Cluverius ne pouvait
avoir des renseignemens très exacts , parce que les
cartes étaient encore trop imparfaites de son temps.
N'oublions pas d'observer qn'en attribuant Tri-
dentam aux Cenomani , Ptolémée se conforme à
' Paulus Diaconus, Lan^ohard. rcr., lib. ii, cap. i4 : « Venetise
n terminus a Panaoniae finibus usque Adduani fluvium protelatur. »
— Voyez ci-après , troisième partie de cet ouvrage , où nous mon-
trons l'influence qu'eurent ces divisions d'Auguste. Il est évident que
la Vénétie du moyen âge n'est autre chose que la dixième région
d'Auguste; nous avons déjà observé que c'est par cette raison que
Sen'ius met Mantua dans la Vénétie.
' Voyez sa Carte intitulée : Vcnetiœ , Hisirice et Canilci agri des-
crlptio, et dans son Italia anliqua, t. i , p. 124 ; celle de Rbétie, etc.,
p. iio, et Summœ Italiœ descripiio, p. i.
144 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
l'origine historique. Du temps de Ptolémée, et à
l'époque dont nous traitons, Tridentum, ainsi que
nous l'apprend Pline, n'était pas positivement ren-
fermiée dans les limites des Cenomani , mais elle
était la capitale des Trldentini , qui formaient un
district séparé; de même que les Bechuni , dont
Ptolémée fait mention à la suite des Cenomani j et
qui , ainsi que nous allons le prouver, étaient préci-
sément situés entre les Cenomani et les Tridentini,
preuve évidente que ces derniers n'appartenaient
pas aux Cenomani y dont la limite septentrionale
doit être fixée par une ligne tirée au nord du lac
Garda et du lac Iseo.
Au midi des Tridentini ^ deux inscriptions nous
révèlent l'existence des Arusnates dans le val Puli-
cella, dans lequel ces inscriptions ont été trouvées :
ces Arusnates ne formaient qu'un pagus ou un
canton des Euganei. On a observé que le nom des
Arusnates rappelle l'ancien nom des Etrusques,
qu'on sait avoir pénétré de ce côté dans la Rhétie ,
lorsqu'ils furent chassés de leur pajs par les Gaulois.
L« Arusnates étaient renfermés dans les limites du
territoire des Cenomani et des Euganei, puisqu'ils
se trouvaient dans les montacnes immédiatement au
nord de Vérone. L'une des inscriptions relatives aux
Arusnates a été trouvée à peu de distance de Fu-
mane, petit lieu qui est h moins de deux milles géo-
graphiques, à l'est de l' Adige et de Vobarno ; l'autre
a été découverte à Sant Ambrogio '. Une inscription
trouvée à Caldelio nous prouve ( comme le nom
moderne l'aurait fait présumer) l'existence des eaux
' Sambuca, p. 33 et i45.
PARTIE II, CHAP. IV. 145
minérales dans ce lieu , qui portait le nom dUaquœ
Junonis ou Junonis fontes ' .
Après les Cenomani ^ Ptolémée nomme ■ :
Les Bechuni, à l'ouest des Veneti. — Il est douteux
que ce nom appartienne à la période de temps dont
nous traitons; il paraît avoir remplacé en partie, du
temps de Ptolémée, celui à'Euganeij encore en usage
dans le siècle d'Auguste, et qu'on ne retrouve pas
dans Ptolémée. D'après les villes que cet auteur donne
aux Bechuni, il est évident qu'ils habitaient la vallée
au nord du lac de Garda, formée par la Sarca et le
val Lazarina, ainsi que le val di Non. Ils avaient, à
l'ouest, les Stoni, aux environs de Stenico, et à l'est
les Tridentini ; ils comprenaient aussi les peuples
nommés Genaunes dans Pline et autres auteurs clas-
siques , que nous avons prouvé être les mêmes que
les Senones de Florus ^. Voici les villes que Ptolémée
indique comme étant situées chez les Bechuni :
Vannia ou T^aunia , qui m.e paraît être le même
lieu que le T^ennum de la Table ^ , se trouve dé-
terminé par les mesures anciennes à Lavezine; ce
T^annia n'a aucun rapport avec les Vanienses de
Pline ^. Comme on a trouvé des restes d'antiquités à
Cividado , dans le val Camunica , Cluverius y a placé
Vannia, mais à tort, suivant nous ; d'Anville a suivi
Cluverius, et place Vannia à Brena.
' Il n'y a dans l'inscription que Junonis fontes. — Voyez Cluve-
rius, Italia antiqua, tom. i, p. 117.
' Ptolemaeus, Geogr., lib. m, cap. i, p. 63 (70).
' Voyez ci-dessus, part, i, cap. 7, tom. i, p. 170 et 171.
■* Tab. peuting., m, C, et V Analyse des Itiner., tom. m de cet
ouvrage.
* Voyez ci-dessus, p. 68, et Plin., lib. m, cap. 23 (tp).
II. 10
146 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Carraca ou Sarraca , à Sarche ou Sarcha , sur la
Sarraca, près du lac Tobliiio.
Bretina, à Brentonico, à l'est du lac Garda.
Anonimn ou Aunonium , castel di Nan, dans le
val di Non. — Le castel Nan est nommé Anagnis ,
et le \al di Non Anaunia, dans les actes du moyen
âge '. Anoniiuiiy ainsi que nous l'avons démontré,
était le chef-lieu des Genaunes ou Senones '.
Les V^ettiani, à Vezzano, Tuhlinatiuni j à castel
Toblino, et castellum F eivassium , à Vervo ^, nous
sont connus par des inscriptions trouvées sur les
lieux mêmes, dans le val di Non ^; ils étaient situés chez
lesBechunîy selon la division de Ptolémée, qui réunit,
en général , de plus grandes masses sous une même
dénomination , et qui ne donne pas , comme Pline ,
à un seul canton, à une seule ville , le nom et l'im-
portance d'un peuple. On voit, d'après les limites
assignées aux Bechuni par Ptolémée, qu'au nord de
la Vénétie la Cisalpine s'étendait jusque dans les
montagnes des Alpes; et Pline attribue aussi à la
dixième région d'Auguste les Fertini, les Tridentini,
les Berunenses ^ , et les autres petits peuples nommés
Alutrenses y Asseriates , Flamonienses , Vaniensès
et les Culiciy dont nous avons précédemment fixé la
position ^. Tout concourt donc à prouver que la
Cisalpine comprenait, de ce côté, le "^"entin , le
Feltrin, le Bellunese et le Cador, et était limitée par
les montagnes qui bornent ces districts au nord.
» Tartarotti, Memorie antiche di Rovereto , p. 7, 8 et Sa.
* Voyez ci-dessus, p. Si.
' Tartai'Otti, Mcm. aiit. di Rovei:, p. 11, 5i et Sa.
* Plin., lib. III, cap. 20 (19), tora. n, p. 187, edit. Lein.
' Voyez ci-dessus, p. 67 à 69.
PARTIE II, CHAP. IV. W
Ainsi la Carte de l'Italie ancienne de d'Anville, qui
exclut de la Cisalpine ces trois derniers districts, ne
s'accorde pas avec les descriptions des historiens et
des géographes de l'antiquité.
Ptolémée ' nomme encore , dans cette région :
Les Veneti y dont les villes dans l'intérieur des
terres sont ;
Vicentia, Vicence ' Viceda de Pline.
Belunum, Belluno ^
Aceduniy Azolo. — C'est évidemment YAceJum
de Pline ^ et de Paul Diacre ^.
Opitergium , Oderzo^. — Strabon ' nomme cette
ville Epiterpwn ^.
Atestey Este. — Colonie romaine dont Pline et
Tacite ont fait mention, et dont les habitans sont
nommés Atestini par Martial 9.
Pataviuni, Padoue '°, qu'illustraient sa nombreuse
* Ptolemaeus, lib. m, cap. i, p. 63 (70).
' Voyez Muratori, Inscript., tom. ii, p. iog4, n» 5. — Strabo,
lib. IV; V, 2i4- — jElian., xiv, 8. — Tacit., m, 8. — Plin., m, 25 (ig).
' Plia., III, 20 (19), tom. ir, p. 186, edit. Lem.
* Id., lib. m, cap. 25 (19).
' Paul. Diac, Reruni laiigobardicar., lib. m, cap. 26.
^ Vojez une inscription relative à Opitergium, Aquileia et He-
mona, dans Siauve, Lettera sopra l'iscrizione del console Muciano,
in-8°, Verona, 181 1, p. i5. — Wesseling, liiner., p. 280, et Tit.
Liv., Epitome, lib. ex. — Lucan., iib. iv. — Florus, lib. iv, cap. 2.
— Plin., lib. ni, cap. 25 (19). — Silvestri, Paludi Adriane, p. 198.
1 Strabo, lib. v, p. 528 (214), edit. Al. ; 1. 11, p. i23, de la trad. fr.
* Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. —
Wesseling, Itiner. roman., p. 281. — Voyez Muratori, p. 1029,
n" 9, pour une inscription relative à Ateste.
* Plin., m, aS (19); xvii, 17. — Tacit., m, 6. — Mart. x, 96,
tom. II, p. 566, edit. Lem.
'" Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. —
Mêla, lib. 11, cap. 4. — Solia., cap. 8. — iElian., Hist. anim., lib. xiv.
148 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
et riche population , ses manufactures de drap et de
laine, et son antique origine.
Altininn, Altino '. — L'émule de Baies par les
agrémens de son séjour, si l'on en croit Martial , et
dont Strabon, Pline et Vitruve ont parlé.
Atria, Hadria, Hatri sur les médailles, Adria
moderne % dont nous avons fait ressortir la haute
antiquité.
Ainsi, le Vicentin et le Bellunese, dont la capitale
est Belluno, faisaient partie de la Vénétie, et par
conséquent de la Gaule cisalpine; ce qui confirme ce
que je viens de dire sur les limites de cette grande
division. A la réserve à'Acedum et de Belunurrif
dont les positions paraissent suffisamment prouvées
par la ressemblance des noms anciens et des noms
modernes, celles de toutes les autres villes se trou-
vent encore déterminées par les mesures des Itiné-
raires. Près de Pataviuni, Padoue, était le bourg
à' Aponus, célèbre par ses fontaines d'eau minérale,
nommé par Pline Patavinœ aquœ ' : ce lieu est
cap. 8. — Senec. , Consolât, ad Helviam^ cap. 7 Tit. Liv., lib. 1.
— Virgil., ^neid., i, 242. — Martial., xi, 17; xiv, i43.
' Sur Altinum, voyez Wesseling, Itinei., p. 126, 128. — Plin.,
Jib. m, cap. 22 (i8); lib. xxxii, cap. 55. — Slrabo, lib. v. — Vitruvius,
lib. I, cap. 4, tom. i, p. ig, edit. Schneider. — Velleius Paterculus,
lib. 11, 76. — Martial., Epigr., lib. xiv, epigr. i55; Aurelius Victor.,
Eutrop., Cassiod. — Voyez Muratori, Inscript., p. 1022, n° 6.
" Voyez les Itinéraires , t. m de cet ouvrage. — Justinus, lib. xx.
— Strab., lib. v. — Varro, de Lingua latina, lib. iv. — Plin., lib. m,
cap. 16. — Horatius, lib. i , od. 3. — Tit. Liv., lib. v. — Stepbanus
Byzantinus. — Silvestri, délie antiche Paludi Adriane, p. io5. —
Voyez ci-dessus, tom. i, p. 5. — Ferro, Ist. di Comacchio, p. 55.
' Plin., lib. II, cap. 106 ; lib. xxxi, cap. 02. — Silius, lib. xir. —
Lucan., lib. vu. — Claudian., 8. — H y a une belle et longue des-
cription des Aponi fontes, dans une lettre de Cassiodore, au nom
PARTIE II, CHAP. IV. 149
mentionné par Suétone ', dans la vie de Tibère,
sous le nom ^ Aponus fons ^ c'est aujourd'hui Abano
ou Ebeno , et les sources minérales portent encore
le nom de bagni d'Albano. Une inscription trouvée
non loin de Rome parle de Tarvisium , qui est Tre-
viso, au nord-ouest d'Altino \
C'est dans la Venetia qu'étaient placés les Me-
doaciy dont parle Strabon ^ D'après la description
de ce géographe et le nom qu'ils portaient, ils ont
dû habiter dans la plaine située à l'est de Vicence,
entre la Brenta , qui est le Medoacus jluvius majora
et le Bachiglione, qui est le Medoacus jluvius minor.
D'Anville, ainsi que nous l'avons déjà observé, a
placé ces peuples beaucoup trop au nord.
Pline '^ mentionne encore au nombre des villes de
la Vénétie détruites de son temps Atina et Cœlina.
Cluverius ^ a placé cette dernière à monte Regale, où
l'on a trouvé des antiquités au passage d'une rivière
qu'il nomme Celina, et qui est nommée Zelline sur la
belle Carte des États de Venise, par Zach. D'Anville
a suivi l'opinion de Cluverius, et cette opinion est
assez vraisemblable. Quant au Liquentice portas ^
que Pline place à l'embouchure de la rivière Liquen-
du roi Théodoric. — Cassiodorus, in Variar. , lib. ii, epist. 5g. —
Voyez ci-dessus, part, i , ch. i , tom. i, p. 7.
' Suetonius, in Tiberio , cap. 14, tom. i, p. ByS, edit. Hase. —
Conférez Cluverius, Italia antiqua, tom. i, p. iSa.
" Procop. , lib. u. — Fortunatus, de Viia S. Martini, lib. iv, et
Paul Diacre, font mention de Tarvisium, Trevigi. — Voyez Cluve-
rius, Italia antiqua, tom. i, p. 162.
' Strab., lib. v, 527-35o (2i3-2i6), edit. Al., tom. 11, p. 120, i3o.
< Plin., lib m, c. 23 (ig), tom. 11, p. 188, edit. Lem., lisez Atina,
au lieu à^Atia.
'Cluverius, Italia antiqua, tom. i, p. 166.
150 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
tia % comme cette dernière, que Pline fait sm-gir des
collines près d'Oderzo, ex montibus Opiterginis, est
évidemment la Livenza, il est certain que Liquentiœ
portas doit être porto di Margharita, ou porto di
Falconera, qui est auprès. Une inscription qui, selon
Siauve, a été mal lue par Maffei, semble démontrer
aussi que Merano, sur l'Adige, existait du temps des
Romains sous le nom de Maiensis '. Outre les Arus-
nati ou Arusnates f dans le val Pulicella, dont nous
avons déjà parlé, Maffei nous fait connaître par des
inscriptions les Dripsinati, qu'on doit placer à Tris-
sino, dans les collines du Vicentin ^.
D'après les limites assignées par Ptolémée à la
Vénétie, les Fertini et les Berunenses , mentionnés
par Pline *, doivent avoir été renfermés dans cette
circonscription, sur laquelle, d'ailleurs, ces deux
auteurs sont d'accord.
J'ai observé précédemment que le nom de T^enetla
fut, par la suite, appliqué non seulement au teiTi-
toire des Veneti , mais encore à celui des Cenomaniy
et que la province nommée Venetia eut pour limite
l'Adda , à l'ouest : ce qui veut dire , en d'autres
termes , que la dixième région d'Auguste prit le nom
de V^enetia. L'empereur Julien observe très bien ^ que
la Henetia ne fut nommée Venetia que depuis que les
Romains s'en furent emparés, et qu'en transportant
ce nom du grec en latin, ils ont changé Y H en V.
' Plin., lib. III, cap. 22 (18), tom. 11, p. i85, cdit. Lem.
' Siauve , Lettera sopra /' iscrizione del console Muciano ; Verona ,
în-8°, 181 1, p. 6.
' Maffei, Verona illustrata. Voyez ci-dessus, p. i44-
* Plin., lib. III, cap. 23 (19), tom. 11, p. 187, edit. Lem.
* Julien, dans son Oraison sur Constantin.
PARTIE II, CHAP. IV. 151
A côté des Veneti Ptolémée place, avec raison :
Les Cami , dont les -villes sont :
Forum Julium colonia, Cividale ou città di Friuli.
Il faut bien se garder de confondre ce Forum, qui
répond à Cividale ou città di Friuli, avec Julium
carnicum '^ dont la position à 'Zuglio moderne se
trouve déterminée par les mesures des Itinéraires
romains qui en font mention, et par les antiquités
qui s'y trouvent'. Ptolémée^ a connu les deux; il
mentionne le Julium des Itinéraires sous le nom de
Julium carnicum, et dit qu'il est situé entre la
Norique et l'Italie, ne l'attribuant en quelque sorte
à aucune de ces grandes divisions. Pline ^ distingue
aussi les habitans de ces deux villes; il appelle ceux
de Julium, carnicum, Julienses Carnorum; et ceux
àe forum Julium, Foro julienses cognomine trans-
padani , ainsi que je l'ai déjà observé. Quoique les
Itinéraires ne fassent pas mention Aç^ forum Julii ,
cependant la position de cette ville à Cividale, ou
città di Friuli, n'en est pas moins démontrée, avec
certitude, par une suite de monumens historiques.
Paul Diacre ^ parle de forum Julii comme d'une
ville encore existante dans le vn^ siècle, et il en
' Je me serais dispensé de faire cette remarque, si le bulletin des
fouilles faites au village de Zuglio, dont la Notice a été dressée par
M. Siauve, qui a publié quelques écrits intéressans sur des insci'ip-
tions, ne tendait pas à établir cette confusion. — Voyez Scavi di
Zuglio, p. 5 et 6.
' Voyez V Analyse des liiue'raires , tom. m de cet ouvrage.
' Ptolemaîus, lib. m, cap. i, p. 63 (70). — Id., lib. ri, cap. i4,
p. 57 (62).
'' Plinius, lib. iii, cap. 25 (19), toni. 11, p. 187, edit. Lem.
' Paul, Diac, lib. iv, cap. 58; lib. v, cap. 25; lib. vi, cap. 5.
152 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
indique la position près du Natiso et près dUAqui-
leia , ainsi que de plusieurs autres lieux qu'il
nomme, et dont une partie subsiste encore sous les
mêmes noms, aux environs de Cividale, ou città di
Friuli '. Cassiodore ' dit que Forojuliensis était, de
son temps, simplement nommée Cwitas ; de là le
nom de Cividale qu'elle prit depuis, parce que les
premiers souverains de ce pays y fixèrent leur rési-
dence j et l'on sait assez que c'est du nom même
de cette \i\\e , Jhrum Julii ^ qu'est dérivé, par con-
traction, celui de Frioul. Si Cividale offre moins
de débris d'antiquités romaines que Zuglio , c'est
que cette dernière, étant située dans les montagnes,
a éprouvé moins d'altérations et de révolutions de
tous genres '. On doit remarquer que sur nos cartes
modernes le district aux environs de Zuglio se nomme
Cargna, évidemment dérivé de Carnicum; les autres
villes des Garni sont, selon Ptolémée :
Concordia colonia. — Concordia, à un peu plus
d'un mille au midi de porto Gruero; lieu qui dut
à sa colonie le nom de Julia ^.
Aquileia. — Aquilée, la neuvième ville de l'empire
romain, selon Ausone, mise au nombre des villes
principales d'Italie dans Ptolémée. Poljbe, cité par
Strabon , place des mines d'or dans son voisinage :
son nom, comme le prétend Eustathe, dans son Com-
mentaire sur Denys-le-Périégète , vient âHAquila;
' Giornale Avcad. di Borna. — Litter. Gazette, Lond., janv. 1824.
' Cassiodor., Vavior., lib. xii, epist. 26.
' Voyez, sur les révolntions qu'a éprouvées Cividale, Quverius,
lom. I. p. 201 et 202.
< Plin. , lib. III, cap. 22 (18). — Silvestri, délie anliche Paliidi
Adtiane , p. 198.
PARTIE II, CHAP. IV. 153
mais alors cette \ille, dit-on, fondée par les Gaulois,
avant d'avoir reçu une colonie romaine, devait por-
ter un autre nom '. Toutes ces villes ont conservé
leurs noms jusqu'à nos jours, et l'exactitude des
mesures des Itinéraires " anciens , qui en font men-
tion , sur la route qui part de Tergeste , Trieste , et
qui aboutit à Patavium, Padoue, prouve que l'iden-
tité des noms s'accorde avec celle des positions.
Strabon ^ s'accorde aussi avec Ptolémée, et ob-
serve très bien (\a Acjleia (^Aquileia) , entrepôt du
commerce des Romains avec les peuples d'Illyrie,
est hors des limites des Heneti ou des Vénètes : donc
Acfleia ou Aquileia se trouvait chez les Garni.
Pline compte aussi ses mesures de l'Italie à partir
ai Aquileia ; mais Strabon dit qu'après le Timavum ^,
qui est le Timavo, près de castelDuino, commence
la côte des Istriij ce qui s'accorde parfaitement avec
Ptolémée ^, lequel , un peu plus haut , décrivant la
côte des Garni, nomme en dernier lieu, vers l'orient,
Natisonis jluvii ostia^ ou l'embouchure de l'Isonzo.
Sur le rivage des Veneti , Ptolémée n'indique que
l'embouchure de \ Atrianus fluvius qui , de son
temps, était à Hadria, Adria. \J Atrianus flui^ius Ae
Ptolémée paraît être le même que le Tartarus des
' Tit. Liv. , XXXIX, 22, 45, 54; xl, 54- — Vell. Paterc, i, i5. —
Strabo, 208. — Eustath. , Comment, in Dion. Pcrieg. ■ — Auspn. ,
de Clar. urb. Elle conserva sa prééminence dans le moyen âge. —
Silvestri, délie antiche Paludi Adriane, p. 180.
' Voyez M Analyse des Itinéraires, tome m de cet ouvrage.
'Strabo, lib. II, p. i25 (i85); lib. iv, p. 207 (3i8); lib. v, p. 214
(328), edit. Alm. ; tom. 11, p. i23 et 124, de la trad. franc.
< Strabo, p. 214 (328), tom. 11, p. 128, de la trad. franc. — Voyez
ci-dessus, p. 70 et 76.
' Ptolemseus, lib. ni, cap. 1 ; lib. viii, p. 63 (70) et 194 (227).
154 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
autres auteurs, le Taitaro des modernes '. Sur la
côte des Garni , Ptolémée n'indique que l'embou-
chure du Tïlavempd fluv. ou du Tagliamento. —
Les sources chaudes que Pline place dans une île
près du Timavo sont les bagni di Monfalcone.
Pline, ainsi que nous l'avons déjà remarqué,
nomme encore sur ce rivage différentes villes dont
il paraît difficile de déterminer les positions, puis-
qu'elles étaient détruites de son temps : telles sont
Segeste , Ocra , Iramine , Pellaon , Palsatiiim ' ;
cette dernière pourrait être placée cependant, avec
quelque degré de vraisemblance, à Pallaziola, sur
la via Appia, au passage de la Stella ; peut-être
est-ce aussi le Palatium de l'Itinéraire et de la Table,
situé sur la route de Trieste ^. Strabon ^ mentionne
VOcra mons comme la partie la plus basse des Alpes
voisine des Alhii montes : la ville d' Ocra devait donc
être située au passage des Alpes juliennes ou car-
niques, et sur la route qui conduisait au Danube; et
comme un lieu nommé Alben nous donne la position
des Alhii montes, près du lac Cirknitz, \Ocra mons
doit se trouver dans le voisinage, près de Rackig ou
de Planna, sur la route de Laybach; c'est là qu'il
convient de placer la ville ^Ocra.
Pline ^ fait ensuite une longue énumération de
plusieurs villes ou peuples déjà nommés dans notre
descriplion des Alpes, mais dont nous devons ré-
' Silvestri, dclle anticlie PahuU Adrinnc , p. 129.
" Plin , III, 23 (19), t. II, p. 188, edit. Lem., et ci-dessus, p. 80.
' Voyez V Analyse des Ilinéraives, toni. m de cet ouvrage.
* Strabo, lib. vu, p. l\%-i.. Si la ville d'Ocra était dans ce voisi-
nage, aloi's elle était située chez les Garni.
^ Plinius, lib. m, cap. 22 (t8).
PARTIE II, CHAP. IV. 155
péter ici les noms, parce qu'ils servent à déterminer
les limites des Carni, dans l'intériem^ desquels ils se
trouvaient renfermés. Ce sont les Alutrenses ^ aux
environs d'Ala et de la rivière de ce nom; les Asse-
nâtes, dans le val d'Arsa et les environs d'Arseria ;
les Flainonenses à Falmassons, aux sources de la
Stella; les Vanienses à Venzone, ou dans la campagna
d'Aviano ; les Culici, les Foretani, aux environs de
Forforcano, sur leTagliamento, à l'est de Cordavado;
les Vidinates , à Udine; les Qaarquines , à Quer;
les Tawisani, à Tarvis , sur la route de Willach ,
dans les Alpes carniques; les Togrmses à Torsa, près
de la Stella ; les Varf>>ani à Valvasone.
D'après la description que Pline ' fait des fleuves
qui coulent chez les Carni , son Romatinus fliwius
doit être le fiume Lumino , et par conséquent le
Romatinum portus doit être porto di Caorle ou di
Falconera, vers l'orient.
L'Itinéraire de Bordeaux ' à Jérusalemi nous marque
avec exactitude quelles étaient, à l'orient des Carni,
les limites de l'Italie dans les derniers temps de l'em-
pire d'Occident. En décrivant une route qui aboutis-
sait à Celeia , après avoir mentionné Hœmona ou
j/^mona, que les mesures portent à Lajbach, l'Itiné-
raire, à 25 milles plus loin, indique mansio Hadrante,
finis Italiœ etNorici. Ainsi , d'après cette indication,
les limites de l'Italie , de la Norique , de la Pannonie ,
étaient fixées à Hadrante. Ceci s'accorde très bien
' Plinius, lib. m, cap. 11 (18). — Silvestri, délie antiche Palucli
Adriaiie , p. igg.
' Iliner. hierosoljmitanum , Wesseling, p. 56o j et V Analyse des
Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
156 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
avec Hérodien ' (historien peu éloigné de l'époque
de l'Itinéraire), cjni, décrivant la marche de l'em-
pereur Maximin, qui venait d'orient en Italie, dit ;
(( Il parvint à la ville d'Italie située au pied des Alpes,
'( que les habitans nomment Ejjiona.» Ptolémée com-
prend la ville d'Emona dans sa description de la Pan-
nonie, et non dans celle de l'Italie '; mais il s'exprime
à l'égard de cette ville d'une manière remarquable.
(( Entre l'Italie, ^it-il, est la Norique , et, appartenant
« à la Pannonie, est Emona. n On voit par-là, que
de son temps , qui est antérieur d'un siècle à celui de
l'Itinéraire, ^<Tmo/za était considérée comme un lieu
limitrophe entre l'Italie, la Norique et la Pannonie.
Il est évident, d'après cela, qyi Hœmona ou Laybach
n'a jamais fait partie des Carni , et les textes de
Ptolémée et de Pline , réunis , concourent à prouver
qu'au moins, avant la conquête et la soumission de
l'Illyrie et de la Pannonie , sous Auguste , les limites
de l'Italie étaient les mêmes que celles des Garni,
c'est-à-dire les plus hauts sommets des Alpes qui sont
à l'ouest d^ Hœmona ou de Laybach , dans la ligne
d'Idria et de Lobitsch.
La dernière contrée de la Cisalpine dont nous
ajions à parler est l'Istrie, que Ptolémée "" décrit de
la manière suivante :
Histria. — Après la sinuosité, dit-il, que forme le
fond du golfe Adriatique, on trouve sur la cote :
Tergestum colonia. — Trieste '^, qui reçut une
' Herodian., Hist., lib. viu, p. 437, edit. Bas., 1781.
* Ptolemaeus, lib. n , cap. i5, p. 07 (63).
' Ptolemaeus, lib. m, cap. 1, p. 63 (70).
* \oyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage, et
Muratori, p. 1086, n" 1 ( Tergeste civit. ). — ^Plin. m, 18. — Vell.
PARTIE II, CHAP. IV. 157
colonie romaine , donna son nom au golfe où elle se
trouve située, et eut beaucoup à souffrir des incur-
sions des Japides , peuple Uljrien , difficilement
dompté par Auguste.
Formionis fluv. Ostia , remarquable pour avoir
été primitiA^ement la limite de l'Italie, et dont nous
avons déterminé la position, par les mesures de Pline,
à la petite rivière de Muja '.
Parentium. — Parenzo % port de mer sur la côte
occidentale de la presqu'île , dont la position est dé-
terminée par les mesures de la Table ^. Une inscription
relative à Parentium ^ trouvée à Parenzo , donne à
cette ville le titre de colonie '♦.
Pola. — Pola, que Pline nous apprend avoir été
nommé de son temps , Pietas Julia ; mais les ha-
bitans, ainsi que le témioigne une inscription, furent
toujours nommés Polenses. Nous avons déjà vu que
l'antiquité de cette ville remonte même jusqu'au
temps des fables ^. Les îles Brioni , Conversara et
SanNicolo, près de Pola, sont les insulœ Pullariœ
de Pline ^, etStrabon en fait mention comme donnant
un refuge assuré aux vaisseaux.
Paterc, ii, no. — Mêla, ii, 4- — Strabo, v, 2i5 (33o) , et vu,
3i4 (482). — Csesar, de Bell. gall. , viii, 24. — Appian., Illyr., 1%.
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 74-
' Plin., III, 20 (19). — Stephanus Byzantinus, de Urbib. et Popul.^
p. 627, edit. Berkel. Voce Parentium, p. SaS, edit. Pinedo.
^ Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
^Siauve, Lettera sopra l'iscrizione del console Muciano , p. i5
€t 21, iti-8'^; Verona, 1811.
* Voyez ci-dessus, tom. i, p. 2. — Plusieurs auteurs ont fait men-
tion de Pola ; tels sont : Strabon, Mêla, Pline, Ptolémée, Ammieu
Marcellin, Stephanus Byzantinus, et un grand nombre d'inscrip-
tions. Tous ces textes ont été rassemblés et transcrits en entier par
Cluverius, Italia antiqua, tom. i, p. 211.
'' Plin., III, 5o. —Strabo, v, 2x5 (33o); tom. 11, p. 129, trad. fr.
158 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Nesactum ou Nesactium, que l'on place avec quel-
que probabilité à castel Nuovo, à l'embouchure de la
rivière Arsa \
Arsia Jluvius j finis Italiœ. — Arsa, rivière; limite
de l'Italie.
Pline ' nomme les mêmes villes ; il les nomme
dans le même ordre , et termine de même l'Italie
au fleuve Arsia. a P arentium , colonia Pola, mox
« oppidum JVesactium j et nunc finis Italiœ filuvius
« Arsia. » Ainsi l'Istrie, chez les anciens, ne com-
prenait pas toute la presqu'île que nous désignons
sous ce nom. L'Istrie des anciens commençait au
Timave, près de castel Duino, et se terminait à la
rivière Arsa. Toutes les villes que nous venons de
mentionner sont situées sur la côte, et leurs posi-
tions, indépendamment des rapports de noms, sont
prouvées par les Itinéraires et par des monumens
historiques; il n'en est pas de même de celles de
l'intérieur nommées par Ptolémée, savoir :
Pucinwn. — Ce lieu est Pisino vecchio ^, au midi
et sur la route même que Piiiguente ^. Ce lieu ne me
paraît pas différent du castellum Pucinum dont Pline
fait mention après le Timave, et avant Tergeste, ce
qui l'a fait placer au castel Duino des modernes , sur
la côte. Pline nous apprend que c'est à l'excellent vin
s^ui croissait dans les environs de Pucinum, que
Julia Augusta dut le pouvoir de prolonger sa vie
jusqu'à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
' Conférez Tit. Liv., xli, ii (i5), tom. vu, p. SS6, edit. Lem. —
Piin., III, 25 (ig).
* Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 23 (19).
' Voyez la Carte de l'Istrie, par Capellari.
" Plin., lib. m, cap. 18; lib. xiv, c. 6. — Ploleni., lib. m, cap. 1,
p. 65. (70).
PARTIE II, CHAP. IV. 169
Piquentuni, qu'on place avec raison à Pinguente,
sur la route qui traverse le milieu de la presqu'île du
nord au sud.
AhuTïi nous paraît être Albona, situé à peu de
distance de la rivière Arsa, et par conséquent hors
de la limite de l'Italie; mais par une erreur bien lé-
gère, comparativement à celles que présentent la
plupart de ses positions dans l'IntéiMeur, Ptolémée
place Alçuni à l'ouest de XArsiaflinneriy et par con-
séquent en Italie.
Pline ne nomme aucune de ces deux dernières villes,
mais il mentionne JEgidia, qui a été placée par Clu-
verius et par d'Anville, d'après Gluverius, à Capo
d'Istria, uniquement parce qu'on a trouvé dans ce
lieu une inscription ^ qui constate qu'il occupe le
même emplacement que la ville romaine nommée
Justinopolis y et qu'on a présumé que cette ville se
nommait jEgida avant l'époque de l'inscription, qui
ne remonte pas évidemment au-delà de l'empereur
Justlnien.
Tels sont les peuples, les villes et les divisions de
la Gaule cisalpine avant la dernière de toutes les di-
visions qui eurent Heu sous l'âge romain, c'est-à-dire
avant celle que l'on trouve dans la Notice des pro-
vinces de l'Empire, et dont on croit que Constantin
est l'auteur.
On a observé, avec raison, que cette division de
l'Italie , par Auguste , en onze réglons, ne paraît pas
avoir duré long-temps, ni avoir été d'un usage univer-
sel, puisqu'on ne la trouve mentionnée que par
Pline. Je suis porté à croire qu'elle n'avait aucun
' Voyez Cluveriiis, Itnlia autiqiia , toni. i, p. 210.
160 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
rapport avec l'administration et le gouvernement,
mais qu'elle était entièrement scientifique , et basée
sur la géographie naturelle; qu'elle fut adoptée par
Auguste , pour plus de précision et de clarté , dans
une description géographique qu'il avait publiée
de l'Italie, d'après les Mémoires d'Aggrippa. Ce qui
me confirme dans cette opinon, c'est l'espèce d'éga-
lité qui règne dans ces onze divisions, et l'ordre
qu'on j trouve lorsqu'on rétablit celui que Pline a
dérangé; ce sont enfin les expressions mêmes de Pline
qui ne semblent laisser aucun doute à cet égard. « 11
« est nécessaire (dit-il en commençant sa description
« de l'Italie), de choisir pour auteur le divin Auguste,
(( et de se conformer à la description qu'il a faite de
«l'Italie en onze régions'. » Cependant cette divi-
sion d'Auguste eut certainement quelque influence
sur celle qui fut établie depuis , puisque , ainsi que
nous l'avons déjà dit, la province nommée Venetia
reçut les mêmes limites que celles qui avaient été
assignées par Auguste à sa dixième région.
Néanmoins les seules grandes diA'isions que l'on
trouve employées dans les historiens anciens sont
celles de Ligurie, de Gaule cisalpine ou de Gaule
logée y et de Vénétie.
Le mot de Ligurie , dans les auteurs grecs, se
trouve souvent employé dans le sens restreint de
Strabon , c'est-à-dire comme ne s'étendant que jus-
qu'à Gênes, et nous en avons cité un exemple dans
Plutarque ; mais les auteurs latins , plus exacts ,
' Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 6 (5) : « Qua in re praefari neces-
« sarium est , auctorem nos Divum Aiigustum secuturos , descrip-
« tionemque ab eo factara ItaMae totius in regiones xi, » tom. ri,
p. 71 et 72, edit. Leni.
PARTIE II, CHAP. IV. 161
entendent toujours, par Ligurie, la région comprise
entre le Var et la Magra, dont nous avons tracé les
limites '.
La Venetia, proprement dite, était, ainsi que nous
l'avons vu, la dixième région d'Auguste, en retran-
chant les Cenomani. On appelait plus particulière-
ment Gallia cisalpina ou togata, toutes ces vastes
plaines tant en deçà qu'au-delà du Pô , qui n'appar-
tenaient ni à la Vénétie, ni à la Ligurie. Cependant
on doit remarquer que des écrivains grecs, et entre
autres Ptolémée , désignent, plus particulièrement,
sous le nom de Gaule togée, la Gaule togée cispadane ".
Lorsqu'on voulait avoir recours à des divisions
moins générales, on se servait des divisions par peu-
ples, que Ptolémée ^ range selon l'ordre suivant, qui
est parfaitement géographique; Semnones (Senones),
Boii, Histri, Carni, T^enetia, Cenomani , Bechuni,
InsubreSy Salassi, Taurini, Libici; ensuite dans les
Alpes grecques et cottiennes, où il place les Centrones,
les Lepontii, les Catariges , les Segusiani; et, dans les
Alpes maritimes, \es Nei-usii , les S iicirii (S uelriî^ ,
les J^ediantiiy- et, dans la descriplion des côtes, qui
toujours dans cet auteur précède celle de l'intérieur,
Massiliensium territorium, Liguria^, et enfin Gallia
togata , qui ne comprend que la Gaule togée cispa-
dane.
Telles sont les divisions que Ptolémée admet, non
seulement dans la Gaule cisalpine , mais dans tout le
nord de l'Italie, qui, avant lui , et de son temps,
' Voyez Plin., lib. m, cap. 5. — Florus, lib. ii, cap. 3.
^ Voyez ci-dessus, p. 92.
' Ptolemaeus, Geogi-. , lib. iir, cap. i, p. 65 (70).
II. II
162 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
comprenait une partie de la chaîne des Alpes, depuis
réunie à la Gaule transalpine. Nous ayons déterminé
les limites de ces divisions de Ptolémée , et assigné
la position des villes qu'il y renferme; mais il était
nécessaire de faire connaître aussi Tordre selon lequel
ce géographe les a présentées dans son ouvrage.
§. III. Gaule transalpine.
Première division sous Auguste. — Agrandissement de l'Aquitaine.
Après avoir réuni à l'Empire romain les peuples
des Gaules que César n'avait pas eu le temps de sou-
mettre ', Auguste voulut régler le gouvernement de
cette importante province de son vaste empire. Il
se transporta à Narbonne l'an 2y avant J.-C, et
ii y tint les états de la Gaule. Il changea les grandes
divisions de cette contrée , et établit entre elles plus
d'égalité relativement à l'étendue de leurs territoires
respectifs ; ce fait important est attesté par Strabon %
et Dion Cassius ' ; mais Strabon est le seul auteur
qui en ait parlé en détail.
Il nous apprend qu'Auguste détacha plusieurs peu-
ples de la Celtique (ou Gaule) pour les réunir à
l'Aquitaine , et qu'il étendit jusqu'à la Loire cette
dernière portion de la Gaule, autrefois si resserrée,
tellement qu'elle renferma désormais tout le pays
' Aurclius Yictor, de Cœsaribus , cap. i, p. 5o8, edit. Arntz. —
Eutrop. , lib. vu, cap. g, p. 45o, edit. Tzscbuck. — Appianus,
(le Bellis civil., cap. 75, tom. 11, p. 81 1, edit. Schweigh. — Tibull.,
lib. I, eleg. 7, p. 80, edit. Golbery.
^ Strabo, lib. iv, p. 177 à 180 (267 à 270) t. ir, p. 5, de la trad. fr.
^ Dio Cassius, lib. lui, c. 22, p. 717, edit. Reim. — Il est aussi fait
mention de ce fait dans VEpitomc de Tit. Liv., pour le livre cxxxiv.
PARTIE II, CHAP. IV. 163
compris entre la mer, les Pyrénées, les Cévennes
et la Loire, depuis sa somxe jusqu'à son embouchure,
sauf cependant les irrégularités produites par les
différentes limites des peuples, qui furent conservées
par Auguste dans toute leur intégrité , et qui firent
que les frontières de la Celtique s'étendirent souvent
au-delà de la Loire, tandis que celles de l'Aquitaine
atteignirent quelquefois les rives de ce fleuve, mais ne
les franchirent jamais.
Auguste donna à la Province romaine le nom de
la capitale ou du chef-lieu du gouvernement où il
tint les états de la Gaule, et elle fut désormais ap-
pelée Gaule narbonnaise, Gallia narhonensis , au
lieu de Gaule-à-Braies , ou Gallia braccata; les
termes de Mêla et de Pline sont formels à cet égard '.
Comme tout ce qui n'était pas proprementBelgique
ou Aquitaine était appelé Celtique par les Grecs ,
ce changement, dans les dénominations de la C^//iC«
braccata j a fait dire à Strabon , par une confusion
d'idées peu excusable, qu'Auguste avait réuni la
Celtique à la Narbonnaise; mais celte erreur de
Strabon , et quelques autres semblables, n'infirment
pas son autorité ^ sur les divisions de la Gaule, par
' Mêla, lib. m, cap. 2 : « Pars (Galliae) nostro maii apposita, fuit
« aliquando Braccata nunc Narbonensis. » — Plin., lib. m, cap. 5 (4) :
« Narbonensis provincia, Braccata antea dicta.» — Mandajors, Hist.
crit. de la Gaule narbonnaise, p. 470, cite deux passages de Cicéron
{Epistol. ad Faniil., x, 26 et 53, tom. r, p. 517 et 555, edit. Lem)
pour prouver que cet usage commençait à s'établir; mais il n'est
question dans ces passages que du district de Narbonne.
* Il fait même (lib. iv, p. 189, tom. 11, p. 57, de la trad. franc.)
une remarque très juste sur cette province narbonnaise : « Les ha-
« bilans de la Narbonnaise (dit-il) se nommaient autrefois Celtes,
« et je présume que les Grecs n'ont été portés à donner à tous les
164 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Auguste , <]u'il a très bien connues. Nous devons
nous attacher à lui comme à l'auteur qui nous four-
nit le plus de détails sur cet objet , et aussi parce
qu'il a écrit à une époque plus rapprochée du temps
où ces divisions ont été établies : rapportons donc
ses propres paroles :
1°. «Auguste, ditStrabon ', en divisant les Gaules
«en quatre parties, réunit d'abord les Celtes à la
« Narbonnaise. » Ceci veut dire que la Celtique ,
nommée par Auguste Narbonnaise , est la première
des quatre divisions des Gaules formées par cet em-
pereur.
2°. «Auguste, continue Strabon , compte ensuite
« pour deuxième partie l'Aquitaine, en lui conser-
« vant le même nom. sous lequel César l'avait fait
« connaître, si ce n'est qu'il en recule les limites en
« y ajoutant les cantons de dix (quatorze) peuples
« situés entre la Garonne et la Loire. «
"5°. « Quant au reste de la Gaule, il le divise en
« deux parties : l'une s'étend jusqu'au Rhin , il la met
« sous la dépendance de Lyon. » C'est la Celtique.
4°. « Il assigne l'autre aux Belges. » C'est la Bel-
gique.
On volt par-là qu'Auguste ne fit d'autres change-
« Gaulois le nom de Celtes, que par la célébrité de ce dernier peu-
« pie : le voisinage des Marseillais peut y avoir aussi contribué. » En
effet , le nom de Celtes a dû être donné d'abord par les Grecs aux
habitans de la côte qu'ils avaient découverte en premier, et la signi-
fication de ce nom s'est étendue à proportion du progrès des décou-
vertes; il s'ensuit que le basque a plus de titres pour être considéré
comme l'ancienne langue celtique que le dialecte de la Basse-Bre-
tagne, contrée entièrement inconnue aux premiers auteurs qui ont
parlé des Celtes.
' Strabo, lib. iv, p. 177 (268), edit. Alm. ; tom. n, p. 3, trad. fr.
PARTIE II, CHAP. IV. 165
inens considérables à la division établie dans les
Gaules , lors de la conquête de César, que d'agrandir
l'Aquitaine , de changer le nom de la Province ro-
maine, et d'établir comme capitales, pour deux pro-
vinces , la Narbonnaise et la Celtique, deux villes
d'origine récente , fondées et peuplées principale-
ment par des Romains, savoir : Narbonne et Ljon.
Cependant on trouve dans Pline ' et dans Ptolé-
mée ' que le vaste territoire des Sequani y et celui
des Lingones , faisaient de leur temps partie de la
Belgique; or, comme il est bien certain que du temps
de César les Sequani et les Lùigones appartenaient à la
Celtique^ presque tous les auteurs modernes, y com-
pris d'Anville et Valois , ont attribué aussi ce chan-
gement à Auguste, et ont dit qu'il avait réuni les
Sequani et les Lingones à la Belgique : mais com-
ment Strabon , qui détaille avec tant de soin les re-
trancheraens faits à la Celtique par Auguste , au-
rait-il oublié le plus important de tous? Auguste qui
voulait favoriser l'accroissement de Lyon , où il
réunit une assemblée des députés des différens peuples
de la Gaule % après avoir ôté à la Celtique ou à la
partie de la Gaule dont Lyon était la capitale , la
moitié de son ancien territoire , pour le réunir à
l'Aquitaine, aurait-il encore retranché les Sequani
pour les annexer aux Belges? les Sequani ^ le peuple
le plus voisin de Lyon ! Aurait-il tout à coup rendu
la Celtique la plus petite division de la Gaule, tan-
' Plin., lib. IV, cap. 3i (17), tom. 11, p, 364, edit,. Lem.
' Ptolemseus, lib. 11 , cap. 4, p. 5o (54), edit. Bert.
' Strabo , lib. iv, p. 192 (292), edit. Alm. ; tom. 11, p. 4^, de la
trad. franc. — Tit. Liv., Epitomc, lib. cxxxvit. — Sueton., in Tiber.
Cîaud. Cœsare, cap. 2, tom. 11, p. 80, edit. Lem.
166 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES. GAULES,
dis qu'auparavant elle se trouvait de beaucoup la
plus étendue? Non seulement Strabon garde le
silence sur ce grand changement, mais son texte dit
précisément le contraire; car il a bien soin d'observer
que la Celtique s'étend jusqu'au Rhin ' : donc les
Sequani s'j trouvaient compris ; donc la Celtique
conservait de ce côté les limites qu'elle avait du
temps de César.
Ceux qui ont soutenu le contraire ont été obligés
de rejeter l'autorité de Strabon , qui est ici la plus
décisive. Le savant Sclioepflin , qui a bien compris
l'importance de ce que dit ici Strabon, est tombé
dans un excès contraire , et , rejetant le témoignage
réuni de Pline et de Ptolémée, il a nié que les Se-
quani et les Lingones eussent jamais été réunis à la
Belgique : ils l'ont certainement été, mais à une
époque postérieure à celle dont nous traitons. Au-
guste ne changea rien à la Belgique de César. En
effet, Pomponius Mêla % qui vivait sous Claude,
semble ne pas s'écarter de la division de César, et dit
que les Celtes s'étendaient jusqu'à la Seine. Tacite,
en racontant les événemens qui eurent lieu après la
mort d'Auguste, dit ^ que (c Germanicus fit prêter,
a en faveur de Tibère , le serment aux Belges, et aux
« Sequani qui en étaient voisins ; » preuve évidente
qu'après la raiort d'Auguste les Sequani ne faisaient
pas partie de la Belgique. Le même autem-, en ra-
contant la révolte des ^duens et de Sacrovir, dit
' Strabo, lib. iv, p. ijy ; trad. fr., tom. ii, p. 5.
' Mêla, lib. m, cap. 2 : « Ab eo (Aquitani) ad Sequanam Celtae. »
'Tacit. , Annal., lib. i, cap. 54, tom. i, p. 78, édit. Lemaire :
« Sequanos proximos et Belgarum civitates in verba ejus adigit. «
PARTIE II, CHAP. IV. 167
que le général romain SIlius dévasta les cantons des
Sequaniy limitrophes des yË'c/ai , qui s'étaient alliés
avec ces derniers, et avaient aussi pris les armes ; or
Tacite ' nous apprend peu auparavant que ce furent
les Andecavi et les Turonii que Sacrovir entraîna les
premiers dans sa révolte ; c'est-à-dire les Celtes ,
Gaulois, ou peuples de la province lyonnaise d'Au-
guste. Il nous dit aussi que Florus avait de son côté
fait révolter les Belges , tandis que Sacrovir « avait
« soulevé les Gaulois les plus voisins des Belges *. » 11
est évident que, par ces derniers, l'historien désigne
précisément les Sequani. On ne saurait fournir de
plus forte preuve qu'alors, c'est-à-dire vingt et un ans
après la naissance de J.-C, les S equajii n'étaient
pas encore réunis aux Belges.
Après avoir déterminé les grandes divisions de la
Gaule sous Auguste, il ne nous reste plus qu'à passer
en revue les peuples qui faisaient partie de chacune
de ces divisions, en nous arrêtant seulement à ceux
dont nous n'avons pas eu occasion de faire connaître
l'étendue et les limites.
I. Gallia narhonensis on Narbonensis pro(^incia,
précédemment nommée proi^inciaRomana ou Gallia
braccata.
Deux peuples paraissent avoir été enlevés par Au-
guste à la Province romaine pour agrandir l'Aqui-
taine ; ce sont les Convenœ ou une partie des Conso-
rajini, ou les habitans du diocèse de Saint-Bertrand-
de-Comminges et les Helm, dont la capitale était
' Tacit., Annal., lib. m, cap. 45, loni. i, p. 545, edit. Lem.
* Tacit., Annal., lib. m, cap. lo, tora. i, p. 54o, ëdit. Lemaire ;
« Florus Belgas, Sacrovir propiores Gallos concire. »
168 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
ALhaHehiorum , Apt. Ces derniers furent ensuite
restitués à la Province romaine; car Pline ' et Pto-
lémée ' les y placent; ce qui a fait croire qu'ils n'en
avaient jamais été détachés. Mais je ne vois aucune
raison pour accuser ici d'erreur Strabon : il com-
mence précisément son énumération des peuples
réunis à l'Aquitaine par les Helvii ■', et, ainsi que je
l'ai déjà dit, il est le seul auteur ancien qui nous ait
fourni des détails circonstanciés sur ce partage fait
par Auguste. J'observe que Strabon dit d'abord
qu'Auguste avait réuni dix peuples à l'Aquitaine; et
lorsqu'il en vient à cette description de la Gaule, il
porte ce nombre à quatorze, mais il oublie évidem-
ment les Bituriges mvisci , qu'il dit lui-même un
peu auparavant avoir été étrangers à l'Aquitaine ; il
s'ensuit que les Helvii sont nécessaires pour jus-
tifier ce nombre de quatorze, que Strabon comprend
dans son énumération. Ainsi que nous l'avons dé-
montré "* , les Elicoci de Ptolémée sont le même
peuple que les Helvii des autres auteurs. Ptolémée
nomme leur capitale Alhaugusta, et Pline Alha
Helvioruni et Alba hehia; il nous apprend que son
canton était célèbre pour une espèce particulière de
vigne ^.
Dans le nombre des peuples réunis à l'Aquitaine,
Strabon nomme les Ruteni ^; mais il s'élève la ques-
' Plin., lib. III, cap. 5 (4), tosî. ii, p. 6i, edit. Lem.
' Ptolem., lib. u, cap. 5, p. 5i (55), Albaugusta Elicoci.
' Strabo, lib. iv, p. igo; tom. ii, p. 4i, de la trad. franc.
■* Voyez ci-dessus, part, ii, ch. 2, tom. i, p. 2^5 à 2y6, et Strabo,
lib. IV, p. lyy et 189; tom. 11, p. 5 et 38, de la trad. franc.
* Plin., lib. XIV, cap. 4 (3)» tom. v, p. 297, edit. Lem.
^ Strabon, lib. iv, p. 190; trad. franc., tom. 11, p. 4i'
PARTIE II, CHAP. IV. 169
tlon de savoir si les Ruteni prouîncîales ou ceux du
diocèse d'Albi, qui antérieurement à cette époque
faisaient, ainsi que nous l'avons dit ', partie de la
Province romaine, furent aussi réunis à l'Aquitaine.
Si on en croit Pline, ils continuèrent à rester en-
clavés dans la Province romaine; car cet auteur
nomme des Ruteni dans la Narbonnaise, mais il les
nomme aussi au nombre des peuples de l'Aquitaine.
Mais si l'on remarque que les Ruteni provinciales
étaient au nord des Cévennes; que ni Ptolémée, ni
aucun autre auteur, ne font plus mention des Ru-
teni dans la Narbonnaise, mais que tous les placent
unanimement dans l'Aquitaine,* qu'Albi ou civitas
Alhiensium y capitale des Ruteni provinciales , fait
aussi partie de l'Aquitaine, dans la Notice de l'Em-
pire, on demeure persuadé que Pline % entraîné par
la rapidité de son énumération , a fait un double
emploi, et que l'ancienne existence des Ruteni pro-
vinciales dans la Narbonnaise a causé son erreur,
d'autant plus que Pline mêle souvent, dans la des-
cription de la Gaule, la division du temps de César
avec celle du temps d'Auguste, et qu'il semble flotter
entre les deux. Pline offre, d'ailleurs, une répétition
semblable relativement aux Canibolectri , qu'il place
aussi dans la Province romaine et dans l'Aquitaine.
Ainsi , en retranchant de la Province romaine , au
temps de César, les Helvii et les Convenœ , compre-
nant une partie des Consoranni , on a les limites de
' Voyez part, i, ch. 8, tom. i , p. igo; et part, n, ch. 2, tom. 1 ,
p. 25o et 358.
' Plia,, 111, 5; IV, 53; xix, 2, tom. n, p. &b et SjS, et tom. vi,
p. 36o, edit. Lem.
170 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
la promicia Narbonensis telles qu'Auguste les dé-
termina.
Nous avons vu que la prospérité de Narbonne
avait amené quelques changemens dans les limites
respectives des Volcœ tectosages et des Volcœ
arecornici : examinons donc de quelle manière ces
peuples se trouvent décrits dans Strabon, Pline et
Ptolémée '. Ce dernier nous dit :
(( T^olcœ tectosages , dont les villes sont dans
« l'intérieur des terres :
c( Illiberris ; » cette ville fut depuis nommée He-
lena, aujourd'hui Elne.
a Rhuscihum y » Castel-Roussillon.
Voilà toutes les villes mentionnées par Ptolémée
qui, à l'époque dont nous traitons, appartenaient
aux Tectosages : à la vérité, il leur donne encore
Tolosa colonia , Toulouse; Carcaso , Carcassonne;
Cessero, Saint -Thyberj; Betirœ , Béziers ; Narbo
colonia, Narbonne; et sur le rivage, Agatha, Agde;
mais, ainsi que nous l'avons observé, plusieurs de
ces villes formaient un district séparé qui composait
le territoire de Narbonne.
Pline % Mêla ^ et Festus Avienus '^, nous font con-
naître, comme une subdivision de cette grande divi-
sion de Ptolémée , les Sordones dont nous avons
déjà eu occasion de parler ^ . Il faut leur attribuer
Illiberris ou TIelena, qui paraît être la même ville
' Ptolemaeus, lib. ii, cap. 5, p. 5i i^^)-, edit. Bert.
" Plin. , Hist. nat., lib. m, cap. 5 (4), tora. ii, p. 5-2, edit. Leni.
' Mêla, lib. n, cap. 5, totn. i, p. 65, edit. Tzschuck.
* Festus Avienus, Ora marit., vers. 568, 570, 574, toiii. v, p. 472 ,
edit. Leni.
* Voyez ci-dessus, part, i, ch. iv et vi , p. 108, log et i3i.
PARTIE II, CHAP. IV. 171
que Festus Avlenus nomme Pyrene. On ne voit pas
pomxjuoi tous les éditeurs de Pline se sont obstinés
à écrire Sardonura, au lieu de Sordonum que por-
tent les meilleurs manuscrits , ainsi que l'avoue le
père Hardouin. Dans les meilleurs manuscrits de
Mêla , le plus ancien auteur qui ait fait mention de
ce peuple, il y a aussi Sordonum , et c'est la leçon
que le dernier et savant éditeur a choisie ' ; c'est
aussi sous le nom de Sordi que Festus Avienus
désigne ce peuple. Enfin Julien de Tolède fait men-
tion d'un château nommé Sordonum ^ entre Clau-
suras et Narbonne , qui est peut-être Sournia,
dans le district de Prades '. Tant d'autorités réunies
auraient bien dû empêcher d'Anville, et plusieurs
autres, de défigurer le nom des Sordoiws. Mêla ^ a
clairement indiqué la position de ce peuple sur le
rivage ; mais comme Ptolémée n'en a point fait men-
tion, il est douteux qu'il s'étendît autant dans l'in-
térieur, et occupât un territoire aussi considérable
que celui que d'Anville lui attribue dans sa Carte de
l'ancienne Gaule ; du temps de Mêla , c'est-à-dire
sous l'empereur Claude , Illiherri , si célèbre dès le
' Tzschuck, édit. de Mêla, tom. ii, p. 4o6.
" Ce district des Soi'dones subsista jusqu'à la fin du xv' siècle. Je
trouve dans le procès-verbal manuscrit des états - généraux tenus
sous Charles VIII, en i485 (Bibliothèque du Roi, collection de
Dupuy, n° 52i, folio 17) , la Laiiguc-d' Oc et les provinces adjacentes
désignées ainsi : « Quinta fuit portionum Lingua occitana cum suis
« senescalliis, eique adhserentes fuerunt Delfinatua provincia, Rus-
(t silio et Sardinia. » Sardinia est évidemment une faute de copiste,
et est mis pour Sardonia ou Sordonia.
^ Mêla, lib. 1, cap. 5; tom. i, p. 3o5, édit. de Tzschuck : « Inde a
« Salsutae fonte est ora Sordonum, et parva flumina Tetis et Tichis
« ubique accrevere persœva. »
172 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
temps d'Annibal, et autrefois une grande \ille, n'était
plus qu'un simple village. « Viens Illiherri ', magnœ
« quondam urbis et magnarum opum tenue vesti-
ii gium. » Pline s'exprime, à ce sujet, en termes si
semblables^ qu'il paraît avoir copié JNIela dans cet
endroit; la position ai Illiherri , Elneya ou Elne, est
démontrée par les mesures de la route romaine qui
y passe, et qui se rattachent d'une part à Narho ,
Narbonne , et de l'autre à Empinia , Empurias.
Le nom dUHelena fut donné à Illiherri lorsque
Helena, mère de Constantin , la rétablit. C'est sous
ce nom que cette ville est mentionnée dans l'Epi-
tome d'Aurelius Victor ^ , dans Eutrope , Saint-
Jérôme, Orose^ et Zosjme '^. D'Anville a donc tort de
croire qu'elle conserva toujours son ancien nom
d^ Illiherri y parce qu'elle est ainsi nommée dans la
Table théodosienne. Il aurait dû se rappeler que
l'auteur de cette carte nomme presque toutes les
capitales des peuples par l'ancien nom qu'elles por-
taient non seulement avant Constantin , mais quel-
quefois avant Auguste; soit par système, pour mon-
trer son érudition, soit que réellement cette partie
de sa carte ait été puisée dans des ouvrages antérieurs
à ces deux empereurs.
' Mêla, lib. ii , cap. 6, tom. i, p. 65, edit. Tzsch. Les meilleurs
manuscrits de Mêla et de Pline portent Illiherri; on doit donc bien
se garder de latiniser ce nom qui est national, puisque, encore au-
jourd'hui, le mot berri, en langue basc[ue, signifie ville. — Voyez
encore Tit. Liv., lib. xxxi, §. 22, — Strabo, lib. iv, p. 182.
' Aurelius Victor, de Vita et morib. imperat., cap. lii, p. 576,
edit. Arntz.
' Paul. Oros., lib. vu, cap. 29, p. 543, edit. Havers. — Eutrop.,
lib. X, cap. 9 (5).
^ Zosyni., lib. 11, cap. 42, p. T72.
PARTIE II, CHAP. IV. 173
L'Itinéraire d'Antonin fait mention de Ruscino ',
et la mesure porte juste à Castel-Roussillon , où l'on
sait qu'était cette ville , qui fut détruite par les Nor-
mands peu de temps après Louis-le-Débonnaire. Pline
dit': H Ruscino LatinoruTïiy » cest-li-dire Ruscino
jouissant des droits des villes latines; et cependant
on trouve dans Mêla colonia Ruscino % ce qui
prouve que Ruscino avait reçu une colonie romaine.
On ne doit donc pas s'étonner de voir souvent dans
des inscriptions des villes qualifiées de colonies qui ,
dans Pline , ne figurent que comme villes latines.
Une inscription qui a été rapportée par P. de Marca,
et qu'on a trouvée à Perpignan, semble nous ap-
prendre que cette ville , qui a succédé à Ruscino ,
était connue des Romains sous le nom de Flavium
Ebusum.^. Ménard conjecture^ qiiEbusum prit le
nom de Flavium, en reconnaissance de quelques
bienfaits reçus de Vespasien ; mais Muratori ^ observe
très bien que cette inscription a pu être apportée
d'Ebusus insula ou de l'île d'Iviza à Perpignan.
Ce qu'il y a de certain , c'est que l'histoire ne nous
fournit aucun document relatif à Perpignan, anté-
rieurement au commencement du xi* siècle.
Le Cervaria locus , que Mêla ' indique chez les
Sordones j devait être situé près de Cervera qui en
' Yoyez Wesseling, Itiner., p. Sgy, et V Analyse des Itinéraires ,
lom. III de cet ouvrage.
' Plin., lib. III, cap. 5 (4).
^ Mêla, lib. ii, cap. 5, tom. i, p. 65, edit. Tzschuck.
* Marca, Marca hispanica, p. 20.
° IMenard, Me'moires de l'Acad. des Inscript., toni. xxv, p. 77.
^ Muratori, Inscript., n° 1107.
' Mêla, lib. n, cap. 5, lom. 11, p. 65.
174 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
conserve encore le nom; c'était à la fois l'extrémité
méridionale de la Gaule et celle des Sordones. Le
portus Veneris y du même auteur, aussi mentionné
par Ptolémée, est Port- Vendre.
On doit regarder encore comme une sous-di\ision
renfermée dans les limites des Tectosages les Tas-
ct)«ï que Pline' indique près de l'Aquitaine, et dont
le nom se retrouve dans celui d'une petite rivière
nommée Tescon et TascGjium, en latin, ainsi qu'il
est écrit dans la Vie de saint Théodard, archevêque
de Montauban , publiée par Catel. Cette petite rivière
en reçoit une autre nommée Tesconnet, laquelle se
rend dans le Tarn , près de Montauban '.
Quant aux Taracunonienses , ou, selon d'autres
éditions, les Zûjrw.yco/îïV/î.jej' du même auteur, d' An-
ville les place, avec quelque degré de vraisemblance ,
dans le comté de Foix , aux environs d'un lieu nommé
dans les titres du moyen âge castram Tarasco ^ .
Alors ils formaient un petit canton à l'extrémité
méridionale des Tectosages , et près des frontières,
et anticipant même sur le territoire des Consoraniii.
Ces derniers, comme je l'ai déjà dit, sont mentionnés
dans Pline comme appartenant à l'Aquitaine, ainsi
que dans la description de la Narbonnaise. P. de
Marca et Astruc ont voulu distinguer les Consuarani
des Consoranni , mais leur opinion n'a aucune base
solide, et ils ont été bien réfutés par d'Anville,
qui observe qu'on ne saurait considérer ces peuples
' Plia., lib. III, cap. 5 (4), tom. ii, p. 64, cdit. Lem. — Hardouin
cite cinq manuscrits pour cette leçon.
" D'Anville, Notice de la Gaule, p. 655.
' Plin., lib. m, cap. 5 (4), tom. ii, p. 64- — D'Anville, Notice
de l ancienne Gaule , p. 654-
PARTIE IT, CHAP. IV. 175
comme étant renfermés dans l'Aquitaine avant l'ar-
rangement fait par Auguste, et qu'une partie même
de leur territoire a du rester à la Narbonnaise.
L'ancienne capitale des Tolcœ tectosages ^ était
Tolosa , Toulouse, ville dont la juridiction était,
par cette raison, fort étendue; c'est ce qui a porté
Pline à considérer encore comme une sous-division
des Tectosages le territoire de cette ville : u Tolo-
'.( sani Teciosagum, Aquitaniœ conterinini ; )) mais
il ne faut pas oublier que les Tolosani ne sont que la
partie principale des Tectosages ; qu'ils ne forment
point un peuple distinct; tandis que les Sordones ,
qui sont dans l'intérieur des montagnes, paraissent
avoir eu une origine différente, et qu'ils ont peut-
être précédé dans ce pays les Voicce tectosages.
On ne sait où placer les JJmhranici-, dont le nom
paraît pour la première fois dans Pline ', et dont l'exis-
tence est confirmée par la Table de Peutinger % où
on lit XJmhranicia. D'Anville, d'après de très légers
indices, leur attribue la partie méridionale du dio-
cèse d'Albi. Cette position serait probable si on pou-
vait s'en rapporter à l'indication de la Table; mais
comme presque tous les autres peuples dont elle fait
mention sont hors de leurs places, il en résulte que
cette indication contribue faiblement à diminuer nos
incertitudes ^.
IjC district de Narbonne, ou des Atacini, se trouve
représenté par la province ecclésiastique de Nar-
' Plin., lib. m, cap. 5 (4), toni. ii, p. 65, edit. Lein.
' Tabula peutinger., §. i. F.
* C'est aussi le sentiment de d'Anville ; voyez Notice de l'ancienne
Gaule, p. yi'i.
176 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
JDonne , et renfermait les villes suivantes , selon
Ptolémée ' :
Carcaso , Carcassonne.
Betirœ, Béziers".
Narbon colojiia , Narbonne.
Agatha , Agde.
Cette division ne se trouve pas précisément expri-
mée dans Ptolémée, ni même dans Pline et dans
Strabon; mais elle est indiquée par Mela^, et elle
résulte nécessairement de la trop grande extension
que Strabon donne au territoire des Arecomici ,
auxquels il adjuge ce district àç,sAtacim^ , tandis que
Pline et Ptolémée ^ le donnent aux Teciosnges. La
position de toutes les villes ici mentionnées se
trouve démontrée par les mesm^es des Itinéraires
et par les monumens de Thistoire.
Nous avons déjà eu occasion de parler de Nar-
bonne ^ ; nous observerons seulement ici que Strabon
a raison de dire que « Narbonne est située au-dessus
del'embouchure de l'Ataxetdel'étangNarbonnais; »
alors le cours de l'Aude était différent de ce qu'il
' Ptolem., lib. ii, cap. lo, p. 5i {55).
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. iio.
^Mela, Geogi-., lib. ii , cap. 5. — Cette division du district de
IVarbonne me paraît aussi clairement désignée par Asinius PoUion,
qui, en écrivant à Cicéron (Cicero, Epist. , lib. x, epist. 53), se sert
du mot Narbone pour exprimer tout le district de Narbonne; et
par Cicéron {Epist., lib. x, epist. 26), qui, écrivant à Furnius, se
sert du mot Narbonenses , non pour désigner les habitans de Nar-
bonne seule, mais tous ceux du district de Narbonne. — Voyez
Blandajors, Hist. critique de la Gaule narhonnaise, p. l^-jb.
* Voyez ci-dessus, tom. i, p. i4o, 192 et igS.
' Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. u, p. 54, edit. Lem. — Ptolem.,
lib. II, cap. 10, p. 5i {55); lib. viii, p. 192 (225).
" Voyez ci-dessus, tom. i, p. 109, i4o, 197.
PARTIE II, CHAP. IV. 177
est aujourd'hui. Ce fleuve traversait le Rubresus
laciis de Mêla et de Pline, qui est l'étang Narbon-
nais de Strabon et d'Etienne de Bjzance. L'ancien
cours de l'Aude se trouve représenté par le cours
d'eau que l'on nomme le canal de la Roubine, qui
se rend dans les étangs de Gruissan, de Bages ou de
Sigean , et dont l'entrée est encore fort resserrée,
comme du temps de Mêla. Sur la grande Carte du
diocèse de Narbonne , comme sur celle de Cassini ,
on mesure exactement, depuis cette entrée jusqu'à
Narbonne, 12 milles romains de 760 toises chacun;
ce qui s'accorde avec Pline, qui dit que Narbonne
est à 12 mille pas de la mer : la mesure doit être
prise du fort de La Nouvelle, où était l'embouchure de
l'Aude du temps des Romains. On a découvert les
restes d'un canal et de deux fortes levées en pierres
qu'ils avaient construits '. Le Rubresus lacus est
donc l'étang de Sigean ' ou de Bages ; ceci prouve
que depuis les anciens il n'y a pas eu d'atterrissemens
de ce côté , tandis qu'il y en a eu d'assez considéra-
bles à l'orient du golfe, depuis Agde jusqu'au Rhône.
Tous les étangs de cette côte faisaient autrefois partie
de la mer. Stiabon observe aussi, avec raison, que
VAtax , l'Aude, VObrisy l'Orbe, et le Rauraris ou
Arauris , l'Hérault, sont trois fleuves qui viennent
des Cévennes, et se jettent dans la mer; que VOrobis,
rOrbe, passe à Bœterray Béziers, place forte; et
que YArauiis arrose la ville d'Agde. Les Romains
avaient assuré, par la construction d'un canal large
' Mémoires de l'Académie des Inscriptions, tom. 11, p. 68.
' On doit écrire Sigean j le nom latin du village de Sigean, dans
le moyen âge, est Signa.
II. 12
178 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
d'environ loo pas et long de 2,000 ', dont on a
retrouvé les vestiges , la navigation de l'Aude de-
puis la ville de Narbonne jusqu'à la mer. Le ter-
ritoire d'Agde s'étendait jusque sur les bords de
l'étang de Tau, où Mêla mentionne un lieu nommé
Mesua , qu'un capitulaire de Charles -le -Chauve
nomme castriun de Mesoa in pago Agathense. Ce
lieu n'a jamais formé une ile , comme le prétend
d'AnvîUe, d'après Astruc \ Le passage de Mêla est
mal ponctué dans toutes les éditions, même dans
celle de Tzschuck % et a été mal interprété. Le mot
collis doit être détaché de Mesua, et ne s'y rap-
porte pas comme on l'a cru; on doit lire : u ZTltra
(( sunt stagna T^olcarum ; Ledunijlumen ; castellwii
(( Latera; Mesua ^ coUis incinctus mari pœne un-
(( dique , ac , nisi quod angusio aggere continent i
(f adnectitur, insula. n Cette collis incinctus, si bien
décrite par Mêla, est le Setius mojis dont parlent
aussi Strabon et Ptolémée, qui est nommé Sita dans
un diplôme de Louis-le-Débonnaire, de l'an SSy ; c'est
aujourd'hui Sete. Cette colline, qui a donné son nom
à la ville de Cette, bâtie en 1666, formait à l'orient
la limite du territoire de Narbonne ; le castelhun
Latera était entièrement chez les J^olcœ arecomici.
Pline dif* : Agatha, quondam Massiliensium ,
Agde , appartenant autrefois aux Marseillais, En
■ Sb'abon, lib. iv, p. 182 (276), tom. 11, p. 17, de la trad. frauç.
— Georgest, Mémoire sur la Salubrité de la ville de Narbonne
dans les temps anciens, p. 9 et lo.
' D'Anville, Notice, p. 459. — Astruc, Hist. nat. du Languedoc .
p. 56.
^Voyez Mêla, lib. it, cap. 5, p 64, édit. de Tzschuck.
*Plin., lib. m, cap. 5 (4), toni. 11, p. 54, edit. Lem.
PARTIE II, CHAP. IV. 179
effet, parmi les villes qu'ils avaient fondées sur toute
l'étendue de ce rivage, Strabon nomme Rhode (le
Rhoda Rhodiorum de Pline), Agatha , Tauroen-
tium, Antipolis et Nicœa. Mais César dépouilla les
Marseillais d'une partie de la jurisdiclion que le sénat
romain leur avait laissée sur ces antiques colonies,
parce qu'ils s'étaient déclarés du parti de Pompée '.
Scymnus de Chio fait aussi mention ^Agathe '. Le
lieu nommé Piscenœ , dans Pline, doit être évidem-
ment placé à Pesenas, et fait partie du district inter-
médiaire qui se trouvait placé entre les Tectosages
et les Arecomici. Pesenas est un lieu ancien qui, dans
les titres du mojen âge, est nommé Pesenatium. La
petite rivière qui coule à Pesenas se nomme Pesne,
et prend sa source près d'un lieu nommé Pezène;
dans ce dernier lieu on trouve encore cette espèce
de laine qui ressemble à du poil, dont parle Pline,
qui ajoute qu'elle se trouve aussi en Istrie et en
Liburnie ^ C'est à une époque postérieure à celle
dont nous traitons , et dans les lettres de Sidoine
Apollinaire '^y qu'il est fait mention de Liviana, situé
dans ce district, dont les mesures des Itinéraires dé-
terminent la position à Cassendou ^ .
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 180 ("272) ; tom. 11, p. 1 1, ti-ad. fr.
. ' Voyez ci-dessus, part, i, ch. 2, tom. 1, p. 27. — Scymn. Cli.,
Perieg., v. 207, tom. ir, p. i3 , des Geogr. min., éd. Hudson. — Au
tom. I, p. 28, note 4, j'ai cité d'Anville, sans avertir qu'il cite à
tort, pour Agde, Denys-le-Périégète, qui n'a point parlé de cette
ville.
' Plin , lib. ni, cap. 5 (4); li^- ^'"'» cap. j3 (48), tora. 11, p. 64,
et tom. III, p. SuS, edit. Lem.
'' Sidou. ApoUin., lib. vni, epistol. 5.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
180 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Volcœ arecomici, province ecclésiastique de Nî-
mes. Ptolémée ' ne nomme dans ce district que deux
villes, T^indoînagus et Nemaiisus.
Je place par conjecture Tindornagus à Vendé-
miase , à 8 kilomètres de Gigna , département de
l'Hérault. Cette position me paraît préférable à toutes
celles que l'on a proposées jusqu'à présent "".
Quant à Nemausus, sa position à Nîmes moderne
non seulement se trouve prouvée par l'histoire et
par les Itinéraires de la route qui part à' Arelate ,
Arles, et qui aboutit à Narho, Narbonne, mais nulle
autre ville en France, excepté peut-être Arles, ne
conserve des restes aussi magnifiques de la grandeur
romaine \ Les immenses travaux exécutés par les
Romains , pour amener les eaux des sources de
l'Airan et de l'Eure, sont démontrés par ce pro-
digieux aqueduc , encore subsistant , qu'on nomme
le pont du Gard : cette majestueuse construction
frappe d'admiration tous ceux qui visitent le solitaire
vallon où elle est placée. L'ancien nom de la source de
' Ptolemaeus, Geogr., lib. ii, cap. lo, p. 5o(55), edit. Bert.
' Jean Poldo d'Albenas, antiquités rie Nîmes, veut placer Vindo-
mngus à Saint-Thibery, qui est bien certainement Cessero. — Catel,
Mémoires sur l'histoire du Languedoc , p. 3i, place Vindomagus à
Yigan, et d'Anville a adopté son sentiment; mais Catel et Hadrien
de Valois ont aussi proposé Saint-Gilles ou Usez, — Astruc veut que
ce soit la ville de Sausse ; voyez Mémoires sur l'histoire naturelle du
Languedoc. — D'Anville, Notice, p. 708 , place ce lieu à Vigan, qui
se nommait Vicanus dans le moyen âge. — ■ Menard, Hist. de Nîmes,
tom. 1, p. 17, place Yindomagus au village de Londres. — D. Vais-
sette rapporte Findomagus à Vindargius, à deux lieues de Mont-
pellier. {Hist. ge'ne'rale du Languedoc, tom. v, p. 662.)
' Conférez Clerisseau, dans l'ouvrage intitulé : Antiquités de la
France, in-folio; Paris, 1778. — J.-C. Vincent, Topographie de
Nîmes, in-4° ; 1802 , p. 8.
PARTIE II, CHAP. IV. 181
l'Eure, Urœjons, nous est donné par un aulel dédié
aux lares d'Auguste; cette inscription, ainsi que les
vestiges des conduits qu'on a trouvés, prouvent que
c'est cette source qui, après avoir reçu celle d'Airan,
versait ses eaux dans l'aquéduc du Gard ', d'où elles
étaient conduites jusqu'à Nîmes par d'autres aque-
ducs, en faisant, à partir des sources, un trajet de
sept lieues, à cause des détours nécessités par les acci-
dens du terrain. Avant d'arriver au pont du Gard,
ces aqueducs passaient par le village de Saint-Maxi-
min, près d'Usez; par celui de Vers; et après, par
le pont du Gard; par Saint-Bonnet; ensuite près de
Fargnac , entre les villages de Besousse et de Saint-
Gervasi ; et enfin sur les collines où l'on a bâti les
aqueducs de Saint-Gervasi '. Les médailles de Nîmes %
les nombreuses inscriptions et les monumens trouvés
dans cette ville , ceux qui y subsistent encore , sont
connus de tout le monde, et ont été souvent gravés,
quoique toujours imparfaitement ou mal '^. Pline et
Strabon nous apprennent que Nîmes, qui avait le
titre de colonie, dominait sui^ vingt-quatre villes ou
bourgades qui jouissaient du droit de villes latines.
' Lettre de M. M. Artaud à M. Miilia, Magasin eiicjclope'dique ,
juiD 1818.
'Menard, Hist. de Nîmes, tom. vu, p. i52.
' Mionnet, Descripl. des Médailles, tom. i, p. 77. — Supplément,
tom. I, p. i44-
'' Il faut cependant excepter l'ouvrage de Clerisseau sur la Maison -
Carrée, Antiquités de Nîmes ; 1778, in-folio. — Conférez encore
Caylus, Antiquités , tom. m, PI. 90, 91 et 9a, p. 332; et tom. v,
PI. 98, p. 273. — Muratori, Inscript., tom. u, p. 1062; p. 1112,
n°8. — Gruter, Inscript. , p. 325, 6; 467, 3.— Millin, f^ojages,
tom. IV, p. 212 à 25o; et tom. i et vu de VHist. de Nime^ , ])ar
Menavd, — Vincent, Topogr, de Nîmes, in-4''; 1802, p. 8.
182 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Nous allons tâcher, d'après les auteurs et les mônu-
raens, d'en retrouver au moins une partie.
Le castellum Latera , mentionné par Mêla' comme
un lieu situé sur le rivage , devait être de ce nombre.
Son nom se retrouve dans le castrum de Lotis y
du xiii" siècle, nommé depuis tour des Lates; il est
aussi appelé dans les titres du moyen âge , castrum
de Palude , et était situé près de l'embouchure de
l'étang de Lez, dans l'étang de Maguelonne ou de
Perols. L'étang voisin est le stagniim Latera de
Pline % qu'il indique bien dans la province Narbon-
naise et dans le district de Nimes : selon lui, les
hommes, dans ce merveilleux étang, péchaient des
poissons en société avec les dauphins. Mais la ville
la plus considérable , après l^indomagus et Ne-
mausus , a dû être Luteifa^ qui, depuis, a formé
un évêché particulier, et qui , de tout temps , a dû
appartenir aux Volcœ areconiici. Pline, suivant son
usage, en fait mention par son ethnique au pluriel.
Une route de la Table , qui conduit ai Jgatha, Agde,
à Sigodunum, Rhodez, détermine la position de
Luteva à Lodève moderne *. Pline dit : Lutevani, qui
et Foroneronienses . Astruc a cru qu'il était ici ques-
tion au Joruni Neronis des Merrdni, mentionné par
Ptolémée, ce qui n'est guère présumable. Au reste,
si on doit rapporter ces deux lieux à une même posi-
tion qui ne soit ni Carpentoracte , ni Luteva ^ cette
position est entièrement inconnue. Une inscription
■ Mêla, lib. ii, cap. 5, p. 64, edit. Tzschuck.
' Plin., lib. IX, cap. 9, tom. iv, p. 22, edit. Lem.
' Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. 11, p. 64, edit. Lem. — Voyez
\ Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 183
trouvée à Ledemon , près de Nîmes, semble indiquer
dans cet emplacement l'existence d'ufie petite cité
dite des Lettinones ' .
Une autre inscription romaine trouvée à An-
duse% qui paraît avoir été une sorte d'Itinéraire
gravé sur une borne milliaire % non seulement nous
indique dans cet endroit même un lieu romain nommé
j/indusia , mais nous révèle encore les noms de neuf
autres lieux qui étaient dans la dépendance des
Arecomici. 11 est encore question ai jlndusia dans
une charte du ix" siècle '. Dans cette inscription
figurent, en plus gros caractères et au génitif, Ugerni
et Ucetiœ. Les mesures des Itinéraires, aussi bien
que l'histoire , démontrent la position ^Ugernum
à Beaucaire, et ^Ucetia h Uzez ^ ; cette dernière
ville se trouve aussi mentionnée dans la Notice de la
Gaule, quoiqu'elle ne soit qualifiée que de castriim;
elle est cependant devenue le siège d'un évéché.
La position de Sextantio aux ruines romaines près
de Castelnau, non loin de Montpellier, et nommées
Sostentio, se trouve fixée par les monumens de l'his-
toire et par les mesures des Itinéraires : ce lieu est
■ Orelli, Inscript, sélect., tom. i , p. loo. — SpoQ, MiscelL, p. 80,
17; Reines., j). 1007, 2.
* Menard, Histoire de Nîmes, tom. i , p. i-i , notes.
' Cette conjecture devient bien vraisemblable depuis la découverte
de la pierre de Tongres, en 1817, qui contient un pareil Itinéraire.
* Astruc, Hist. nat. du Languedoc , tom. i , p. 55. — On a, dil-on,
découvert près de Narbonne et d'Auch des inscriptions qui sont des
e.r XH^to à Hercule , avec le surnom iX'Aiulosso et ({'Andosc. — Voyez
les Me'in. de la Socie'lc nrclie'olos^iqur du midi de In France ; i834,
in-4°, p. "^86.
^ Voyez X Analyse des Ilinc'rnircs. tom. m de cet ouvrage.
184 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
aussi mentionne dans cette inscription ' . Brugetiaj
qu'on j trouve aussi , me parait devoir être placé à
Brugnière, dans le diocèse d'Usez, nommé Brugeria
dans les titres du xiv^ siècle \ Le nom de Tedusia,
qui suit immédiatement celui de Brugetia, se re-
trouve dans celui de la Tede ou la Taida , près
Saint-Jean-de-Gardonenque, où l'on a découvert des
antiquités. Vatrute est peut-être Valleraugue , à
l'ouest d'Anduze. Briginn est fixé par Menard ^ à
Brignon , sur le Gardon , à quatre petites lieues à
l'occident d'Uzez ^ ; ce lieu est nommé Brienne ou
Brinnonus dans les titres du xiv^ siècle. On y a trouvé
d'ailleurs des médailles, des statues et des inscriptions
romaines^. Le nom et la position de Statumœ me pa-
raissent se retrouver dans Sumènes moderne, au midi
de Valleraugue, et un peu au nord de G anges. Le nom
de T^irinn se reproduit pareillement avec peu d'altéra-
tion dans la petite rivière de Virinque ou Virenque ,
qui forme la limite moderne du district de Vigan (dé-
partement du Gard), et de celui de Lodève (départe-
ment de l'Hérault). L'ancien Virinn doit avoir été
Luc ou Vissée, situés sur cette rivière. Je ne puis
retrouver Seguston qui se trouve à la suite ô^Ucetiœ,
mais je crois que ce lieu , renfermé comme les autres
dans le territoire de Nîmes, n'a point de rapport
avec Segusterone ou Sisteron, qui est beaucoup trop
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. —
Menard, Histoire de Nîmes, tom. i, p. 4 et 8, et p. 22 des notes.
' Menard, Histoire de Nîmes, tom. vu, p. 227; et tom. m, p.,
p. 82, col. 2.
^ Menard, Hist. de Nîmes, tom. 1 , p. 24 ; et tom. vu, p. 228.
* Tout près de Boucairan.
* Menard, tom. m, Preuves, p. 82.
PARTIE II, CHAP. IV. 185
éloigné : peut-être ce lieu est-il Sagriers, au midi
d'Usez '. Trevidon , dont il est fait mention dans
Sidoine Apollinaire ', était, ainsi que nous l'avons
dit^, à Saint-Laurent-de-Trèves , canton de Florac ,
chez les Gabali; mais les deux autres maisons de
plaisance que le même auteur nomme dans le même
passage paraissent avoir été situées sur les bords du
Gardon ou Vardo , et se trouvaient par cons'iquent
chez les Volcœ arecomici. On place, avec beaucoup
de vraisemblance , la première , nommée Vorincus ,
à Brocen, le Brocincus des titres du moyen âge;
c'est aujourd'hui une paroisse inhabitée à 200 pas
d'Alais : la seconde , Prusianum , seroit un lieu
nommé Bresium dans le moyen âge, aujourd'hui
Bresis : ces deux positions sont proches l'une de
' D'Anville n'a fait emploi , ni dans sa Notice , ni dans sa Carte ,
d'aucun des lieux mentionnés dans cette curieuse inscription, si ce
n'est d'Andusia. Voici comme les noms se suivent dans l'inscription :
Andusia.
Brugctia.
Tedusia.
Vairute.
•Ugerni.
Sextantio.
Briginn.
Statumœ.
Virinn.
.UCKTI.C
Seguston.
— Menard rapporte Seguston à Sostelle, près d'Alais, Vatrute à
Cruviers, Virinn à Vesenobre, Brugetia à Brugnière, Tedusia à
Thesiers, et cela sur les seuls rapports des noms : il n'y a que les
deux derniers où ces rapports existent. Voyez Menard, Hist. de
Nîmes, tom. vu, p. 6&j.
" Sidonius ApoUinaris, Carmen 24. — Hist. de Fr., p. 814.
' Vovcz ci-dessus, part. 11, ch. 2, tom i, p. 35o.
186 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
l'autre, ainsi que le veut le texte de Sidoine Apol-
linaire '.
Ce qui restait des Volcœ areconiici , après en
avoir retranché le district de Narbonne, avait, du
temps d'Auguste, la faculté de se gouverner par ses
propres lois; Nîmes et les vingt-quatre bourgades qui
en dépendaient n'étaient point soumises aux gouvei'-
neurs envoyés de Rome , et formaient une enclave
dans la Province romaine. Cette particularité, qui
nous est enseignée par Strabon % démontre l'exacti-
tude de la classification que nous avons établie; mais
continuons l'examen du texte de Ptolémée \
Les Anatili , aux embouchures du Rhône.
Leurs villes sont :
Maritima colonia, à l'embouchure du Rhône, dit
le Vieux-Rhône.
Cœni flui>. ostia. — Le texte grec signifie nou-
velle embouchure du Rhône; par-là Ptolémée, ainsi
que le prouvent ses mesures, désignait le canal ou
l'étang de Ligagnan, le Gras-de-Foz. Les traducteurs
latins en ont fait le Cœnus fliwius '*; mais, ainsi que
je l'ai déjà remarqué ^, la découverte d'une médaille
publiée par M. le marquis deLagoy*^ semble justifier
' Mandajors, Mémoires de l'Acad, des Inscript., toni. m, p ■l'èo.
' Strabon, lib. iv, p. i86 et 187 (285); tom. 11, p. 5o, de la trad.
' Ptoleniaeus, lib. 11, cap. 10, p. 55.
* Je croyais être le seul qui eût fait cette remarque; mais le sens
de cette pbrase de Ptolémée n'avait échappé ni à Monet, ni à Honoré
Bouche; voyez Choros^rapliic de Provence, in-folio, tom. 1, p. 166.
' Voyez ci-dessus, t. i, p. 281, et dans le t. m de cet ouvrage,
V Analyse des côtes méridionales de la Gaule., par M. Gossellin.
^ Descriptions de qucUiues Médailles inédites de Massilia , de
(ilaniim, des Ccniccnscs cl des Awtci ; Aix, i834, in-4", par M. le
marquis de Lagoy.
PARTIE II, CHAP. IV. 187
le texte latin de Ptolémce, qui est peut-être plus
ancien que les textes grecs que nous possédons, et
ce texte nous révèle l'existence d'une cité ou d'un
peuple nommé KMNlKHTfiN , qui a pu se trouver
dans les environs du fleuve Cœnus , et qu'on peut
rapporter aux Cenicenses ou Cœnicenses ' de Pline
ou aux Secoani d'Artéraidore, donnés par cet auteur
comme une nation qui habitait les bords du fleuve
Secoojius, et qui était dans la dépendance des Mar-
seillais'. Cette médaille, trouvée parmi beaucoup
d'autres de Marseille, porte une tête jeune de Bacchus,
à droite, avec une corne de bélier près de l'oreille
et des pampres dans les cheveux. Au revers, Kaïni-
ketouj une hyène ou un loup rugissant, à droite, la
queue entre les jambes : sous le ventre, un mono-
gramme. Cette médaille justifie en partie l'opinion
d'Hardouin , rejetée par d'Anville , qui tend à placer
les Cenicenses à cette embouchure du Rhône qui
portait le nom de Cœnus.
Les mesures de Ptolémée ^ pour Maritima colonia
fixent donc les Anatili (dont cette ville était la ca-
pitale) entre les embouchures du Rhône. Pline '^
parle aussi d'une région des Jnatili , et son énumé-
ration rapide lui assigne le même emplacement que
Ptolémée attribue h ce peuple; en effet, après avoir
' Plin., Hist. tiat., lib. m, cap. 5 (4), 6; tom. i, p. 65, de l'édit.
de Lemaire.
' Stephanus Byzant. , edit. Berkelii; 1694, in-folio, p. 665 : edit.
Pinedo ; 1678 , p. 594. — Lagoy» P- ^5 à 29.
^ Voyez Gossellin, Analyse des côtes méridionales de la Gaule ,
tom. m de cet ouvrage.
' Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. 11, p. 5^, edit. Leni. — Mêla,
lib. 11, cap. 5, p. 65, edit, Tzschuck.
188 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
mentionné les ccimpi Lapidei ou la plaine de la Craii,
en procédant de l'orient à l'occident, Pline ajoute :
Regio Anatiliorimij et intus Desu^fiatium, Cavarum-
que; ce qui prouve que les jénatili étaient k l'ouest de
la branche orientale du Rhin et près du rivage. Ptolé-
mée ' qui, au contraire, procède d'occident en orient,
dit : (( Après le Rhône , et sur le rivage de la mer,
« sont les Anaiili et leur ville, Maritima colonia. »
Il s'accorde donc avec Pline pour placer les Anatili à
l'ouest de la branche principale du Rhône. Mais il se
présente ici une difficulté : Pline attribue Maritima
colonia à un peuple particulier, nommé Avatici, dont
Ptolémée ne fait pas mention : Oppidum Maiitima
Avaticorum ; et Mêla s'accorde avec Pline , et fixe
même l'emplacement de Maritima avec précision ;
car , après voir parlé de Marseille , il dit : « Entre
u cette ville et le Rhône est Maritima , sur les bords
(( de l'étang des Avatici. )) C'est d'après cette indi-
cation de Mêla que d'Anville % dans sa Notice de la
Gaule, a placé Maritima à Martigues, guidé par le
rapport du nom ancien et du nom moderne; mais
on n'a jamais trouvé dans ce lieu le moindre débris
d'antiquités. Honoré Bouche, dans sa Chorographic
de Provence, a proposé Berre ou Marignane * ; Papou
veut que ce soit Cap-d'OEil '^, entre l'cmbouchuie de
l'Arc et de la Durance, où ou a trouvé un grand
nombre d'antiquités ^. La circulation de la route de
l'Itinéraire à l'entour de l'étang de Bcrre et le beau
• Ptolemaeus, lib. ii, cap. lo, p. 5o [55), cdit. Bert.
" D'Anville, Notice, p. 65.
' Bouche, C/iorogrnphie de Provence-
'< Papon, Histoire générale de Provence, loin, i , p. 87.
- Vovez ci-dessus, loni. i, p. 118.
PARTIE II, CHAP. IV. 189
monument qui existe au passage de la Touloubre ',
près Saint-Chamas, viennent aussi à l'appui de l'opi-
nion qui veut reconnaître une ville dans cet empla-
cement; mais il est certain que, d'après Mêla et
Festus Avienus, Mastramela, autre ville, que Pline
nomme Astromela , doit aussi avoir été située sur
les bords de l'étang de Berre ; et puisqu'on a trouvé
à Citis ou Saint-Biaise, sur les bords de ce même
étang, une inscription relative au curator Maritimœ
Avaticorum , qui détermine dans cet emplacement
Maritiina Avaticorum de Pline, c'est à Cap-d'OEil
qu'il convient, ainsi que nous l'avons dit, de placer
Mastramela d'Artémidore ou \ Astromela de Pline.
Maridnia colonia de Ptolémée nous paraît diffé-
rente de Maritima Açaticorum de Pline ', puisque
cet auteur distingue les deux peuples ou cités, ou
les nomme toutes deux : il nous semble donc qu'il
ne reste plus sur cette côte, où les villes étaient très
voisines les unes des autres, h cause du grand com-
merce qui s'y faisait, qu'à nous confier aux me-
sures que Ptolémée nous donne pour Maritima
colonia y et à distinguer, à l'exemple des anciens,
deux ports : l'un, colonie romaine, ou port des Ana-
tili; l'autre, le port des Avatici. Quant à l'inscrip-
tion relative aux Anatili, trouvée h Saint-Gilles, et
sur laquelle d'Anville^ s'étend si complaisamment,
elle a depuis long-temps été prouvée fausse par les
savans ''. Au reste, 11 me paraît évident, d'après cette
• Marquis de Caumont , Mém. de ï Acad. des Inscriyt. , Hist. ,
tom. xu, p. a53, et Y Analyse des Itine'r., tom. m de cet ouvrage.
' Conférez ci-dessus, tom i, p. ii8 ; et Statistique des Bouches-
du-Rhône, tom. ii, p. i88, 225 et 296, et Steph. Byzant., p. 54o.
' D'Anville, Notice, p. 65.
^ Voyez Durandi, dcll'Antico stato d'Italia, p. 211.
190 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
discussion, que nous devons attribuer aux Ânatili
tout l'espace compris dans le delta du Rhône, depuis
son embouchure occidentale , qui était à Aigues-
Mortes, jusqu'au canal de Marins ou le Graz-de-Foz,
et qu'il faut donner aux Açatici les environs de
l'étang de Berre. Soit que l'on admette ou non de
ce côté deux villes avec le surnom de Maritima,
je serais assez porté à croire que la Maritima colonia
de Ptolémée est l'ancienne ville ai Heraclea , que
Pline dit avoir existé à l'embouchure du Rhône ,
et qui, entre le temps de Pline et de Ptolémée, aura
reçu une colonie romaine; de sorte que la cité des
Anatili aura éclipsé celle des Açatici par l'impor-
tance de son commerce, et reçu comme elle le nom
de Maritima , comme étant le port principal de cette
côte. J'ai déjà parlé de Rodanusia ou Rhoda, dont
Scjmnus de Chio, Strabon et Etienne de Bjzance
font mention ', ainsi que Pline, qui nous dit qu'elle
était détruite de son temps; j'ai observé qu'il ne
restait plus d'autre emplacement pour cette ville que
l'embouchure la plus occidentale du Rhône, selon
Ptolémée, à Aigues-Mortes.
Ptolémée % en continuant sa description des rivages
de la Gaule, nous fait connaître une autre grande
division ; c'est celle des
Commoni y dont les villes sont, suivant lui :
Massilia , Marseille;
Tauroentium y Taurenti (ruines);
Olhia, qu'à l'exemple de d'Anville j'ai placé pré-
cédemment à Eoube , mais que les mesures de la
■ Voyez ci-dessus, tom. i, p. aS, 27, ii8 et 220. — Plin., lib. m,
cap. 5 (4)i tom. II, p. 54, edit. Lem. — Steph. Byzaut., p. 654-
^ Ptolemaeus, lib. 11, cap. 10, p. 5i (55), edit. Bert.
PARTIE II, CHAP. IV. 191
Carte do Ptoléraée mettent à Saint-Vincent-de-Car-
(juairanne, et toujours dans le voisinage de Hyères '.
Forum JuliuTYi colonia , Fréjus.
Comme on ne connaît les Commoni que par la
mention qu'en a faite Ptolémée, on a voulu corriger
Ceiiomani, que Caton , au rapport de Pline ', disait
avoir habité près de Marseille et chez les Volcœ :
mais rien ne peut autoriser à faire ce changement.
D'Anville, en admettant les Commoni sur sa Carte
de l'ancienne Gaule, ne leur a point donné toute
l'extension qu'ils doivent avoir. Le district des Com-
moni me paraît être synonyme de celui de Grœcia
(Gretia) , donné dans la Table de Peutinger % et de-
voir être appliqué à toute la côte voisine de Mar-
seille; parce qu'en eifet elle se trouvait peuplée par
des Grecs '^.
Dans cet espace se trouve comprise la regio Ca-
m-atidlicorum de Pline, c[ue l'on place à Ramatuelle,
et les Bormanni ^ du même auteur, dont la position
à Bormes moderne n'est de même basée que sur la
ressemblance des noms ^. Parmi les villes que Ptolé-
mée indique dans le district des Commoni^ Massilia,
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 24, 27, 184, 186, et ci -après, V Ana-
lyse des côtes méridionales de In Gaule , par M. Gossellin, tom. m
tic cet ouvrage.
' Cato, apud Plinium, lib. m, c. 20 (ig), t. 11, p. 187, edit. Lem.
' Voyez Tabula Peutinger., §. 2, D.
^ Voyez ci-dessus, part. 11, ch. 2 , tom. i, p. 24 et 279.
' Plin , lib. III, cap. 5 (4J, p- 5g.
*D'Anville, Notice, p. 171 et ig4. — Je trouve dans Honoré
lîouche, tom. 1, p. 54o , cpie dans l'énumération des lieux du dio-
cèse de Toulon, faite en 1200, il est question du castrum de Borma
ou de Bormctta dans la viguerie d'Hyères.
192 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Marseille, çX forum Julii, Fréjus, ont déjà été sufli-
samment signalées comme des positions déterminées
par les mesures des Itinéraires, par l'histoire, et par
les antiquités romaines qui s'y trouvent encore.
Strabon, après avoir décrit, très en détail, la consti-
tution de Marseille , nous apprend que de son temps ,
c'est-à-dire du temps d'Auguste et de Tibère, les
Marseillais avaient conservé leurs anciennes lois; u de
« manière , dit-il ', que ni Marseille ni les villes qui
« en dépendent ne sont soumises aux gouverneur»
« que Rome envoie dans la Narbonnaise. » Et Stra-
bon nous apprend ailleurs que les villes bâties par
les Marseillais étaient Rhoda, à l'embouchure du
Rhône , ^dgatha , Agde , Tauroentium , Taurenti ,
Olbia, Saint -Vincent- de -Carquairanne, près de
Hjères. Ainsi les territoires de ces villes formaient,
au siècle d'Auguste et antérieurement , autant de
petits districts particuliers , qui ressortissaient à la
juridiction de Marseille. Je ne nomme point ici
Antipolis, Antibes ', quoique Strabon l'ait mise au
nombre des villes bâties par les Marseillais, parce
que lui-même observe peu après « q\i Antipolis avait
« été mise au nombre des villes italiennes, et affran-
(( chie de la domination des Marseillais par un juge-
ce ment rendu contre eux ^. » Mais il paraîtrait,
d'après Pline, qu'il faut ajouter à la liste de Strabon
Atlienopolisy puisque Pline dit : « Athenopolis Mas-
' Strabo, Gengr.. lib. iv, p. i8i (274)) edit. Alm., tom. 11, p. i5,
de la trad. franc.
" Voyez ci-dessus, part, i, ch. 8, tom. 1, p. i85.
^ Strabo, Geogr., lib. iv, p. 184 (281), edit. Alm.; tom. u, p. 23,
de la trad. franc.
PARTIE II, CHAP. IV. 193
siliensiuDi ' ; et que d'un autre côté , du temps du
naturaliste romain, A^atha, Agde, de même i\<£ An-
tipolis, avaient été enlevées à la juridiction des Mar-
seillais , puisqu'il dit : a Agatha, quondani Massi-
« liensiiun. » Nous apprenons par Mêla que le port de
Marseille se distinguait par le nom particulier de
Lacfdon; ce qui est confirmé par Eustathe, dans
ses Commentaires sur Denjs-le-Périégète , et par les
médailles. Strabon remarque l'entrée de ce port tour-
née au midi ', tandis que l'ouvertm^e du port mo-
derne est à louest ^. La vieille ville paraît répondre à
la description de Strabon. Mêla, aussi bien que Pline,
font mention à'Athenopolis ^^ que nous avons placée
précédemment à Saint-Tropez. Quant à Olbia et
Tauroentium *, leurs positions se trouvent déter-
minées par les mesures de Ptolémée et de l'Itinéraire
maritime ^ : l'une , à Saint-Vincent-de-Carquairanne
ou à Giens, près Hjères; l'autre, aux ruines dites
Taurenti. Mêla fait mention d' Olbia, mais non pas de
Tauroentum; quoiqu'on trouve ce nom, ou celui de
Glanum, dans plusieurs des éditions de cet auteur, il
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 198, et Plin., ILb. ni, cap. 5 (4);
tom. Il, p. 5g, edit. Lem.
' Strabo, lib. iv, p. 179 (270) , edit. Alm. ; tom. 11, p. 9, de la trad.
franc., et ci-dessus, tom. i, p. 277. — Statistique des Bouches-du-
Rhône , tom. 11, p. Q08.
' Voyez ci-dessus, tom. 1, p. 9.5, 186, et 277 à 279.
* Le port d'Agai , appelé Agathon dans le récit du martyre de
saint Porcaire , abbé de Lei'ins , en 700, ne correspond pas à la posi-
tion indiquée pour Athenopolis, ainsi que le veulent d'Anville et
Papou , tom. I, p. 79. — Voyez ci-dessus, tom. i , p. i55.
* Voyez ci-dessus, tom. i, p. i85, 186, 188, 189, 279.
^ Analyse des côtes méridionales de la Gaule , par M. Gossellin ,
et V Analyse des Itinéraires maritimes, tom. m de cet ouvrage.
II. i3
194 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
n'a fait mention ni de l'un ni de l'autre de ces lieux;
il y a Laurion ou Laureon dans tous les manuscrits de
cet ancien. « Après Athenopolis , dit Mêla, et Olhia,
« et Laurion (ou Laureon), et Cytharisten, est Lacy-
« don, port de Marseille '. » Les commentateurs * et
les éditeurs ont substitué les uns Glanum, les autres
Tauroin : on n'a pas fait attention que Strabon fait
aussi mention de Laurion^ en décrivant la Ligjstique
ou Ligurie, et les limites du pays des Salyes. « A tout
« ce pays, dit Strabon, appartenant aux Marseillais,
« les anciens Grecs donnèrent le nom de Ligystique,
<f et aux Salyes celui de Ligyes. Dans la suite, ils les
« nommèrent Celtoligfes , et leur assignèrent toute
(( la plaine qui s'étend jusqu'à Louerion et jusqu'au
{( Rhône \ )) Les commentateurs et les éditeurs de
Strabon ont aussi voulu substituer Douerion à Loue-
rion ^ ; mais il résulte évidemment des passages de
Mêla et de Strabon rapprochés, qu'il existait sur les
côtes de la Provence moderne un lieu ancien nommé
Louerion ou Laurion; et comme sur cette côte les
positions se pressent, en quelque sorte, on aperçoit
d'abord qu'il ne reste que Toulon, ou ses environs,
pour l'emplacement du Louerion de Strabon, ou du
Laurion de Mêla. Or je trouve précisément à 3,ooo
toises, ou à une lieue et demie de Toulon au nord,
un lieu nommé Lauron. entre les monts Faron et
' n Tura post Athenopolim, et Olbiam, et Laurion (sive Laureon),
« et Citharisten, est Lacydon Massiliensium portus, et in eo ipsa
« Massilia. » Mêla.
' Voyez Tzschuck, dans Mêla, vol. ii, part, «i, p. 38i.
^ Strabo, Geogr., lib. iv, p. ao3 (3i i); tora. ii, p. 89, trad. franc.
* Mannert ( (ïeogj-. der Ali., tom. 1, p. 85) propose de lire
Avenion.
PARTIE II, CHAP. IV. 195
Caounii ' : c'est là, suivant nous, qu'il faut placer
l'ancienne Laurion. Il est probable que le port de
cette ville était Toulon ,* car ce n'est que long-temps
après Strabon et Mêla, dans l'Itinéraire maritime et
la Notice de l'Empire, que l'on trouve la première
mention de Telo martius ou Toulon. Or, est-il pro-
bable que l'on eût négligé jusqu'alors la position la
plus sûre et la plus avantageuse de toute cette côte?
Il résulte aussi de ce passage de Strabon que les Salyes
ou Sallimi occupaient primitivement tout le pays
situé entre le Rhône, la Durance et la côte, depuis
l'embouchure orientale du Rhône jusqu'à Telo mar-
tius ou Toulon : ce qui est d'accord avec toutes les
indications de l'antiquité sur ce peuple.
Quant à Tauroentium ou Tauroentum, le Tauroïs
de Scyranus de Chio " , nous avons déterminé sa
position à Tarento. Le peu de grandeur des ruines et
des constructions qu'on y a découvertes n'est pas une
objection suffisante contre l'exactitude des mesures,
qui est confirmée par la ressemblance du nom actuel :
d'ailleurs César ^ nous apprend que, de son temps,
Tauroenta n'était qu'un simple castellum, et rien
n'indique ensuite qu'il ait acquis plus d'importance ^.
' Voyez la carte intitulée : Geometrical survey of the environs qf
Toulon. Cette carte est très rare, et a été publiée par les Anglais,
qui l'ont prise dans les archives de Toulon. Elle est sur une plus
grande échelle et plus exacte que la feuille de la Carte de Cassini qui
concerne Toulon, laquelle paraît avoir été faite, à dessein, d'une
manière inexacte.
' Voyez ci -dessus, tom. i, p. 27, 186 et 277. — Scymn., v. 214.
Cccsar, de Btllo civili, lib. 11, cap. 4, tom. 11, p. 12g, edit. Lem.
* Voyez, sur les ruines de ce lieu, Millin, Foyage, tom. m,
p. 067. — Thibaudeau, tom. m des Mémoires de l'Académie de
Marseille. — Marin, Mémoire sur l'ancienne ville de Tauroentum.
— Id., Journal des savans ; 1782, tom. i, p. 34 et suiv.
196 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Citharistes promontorium. Nous avons placé le
port nommé Citharisten, dans Mêla, à la Ciotat, près
de Ceireste; mais le promontoire de ce nom men-
tionné par Ptolémée est le cap Cepet , à l'entrée de
la £»rande rade de Toulon, ainsi que le prouvent les
mesures de l'Itinéraire maritime '.
Nous avons déjà eu occasion de parler de Forum
Juin ou de Fréjus ; Pline ' le nomme Forum Julii
octai^anoruvfi colonia, quœ Pacensis appellatur clas-
sica. Nous voyons par-là que la huitième légion y
avait établi une colonie , et Mêla ^ confirme ce sur-
nom ai octavanorum colonia. Strabon ^ donne à
Forum Julii le nom de port d'Auguste; il dit que
cette ville est située entre Olhia et Antipolis, à la
distance d'environ 600 stades de Marseille. La dis-
tance en ligne directe de Fréjus à Marseille est en
effet juste de 60 milles géographiques, ou 600 stades
olympiques ^ .
D'Anville, conduit par la ressemblance du nom,
place, avec quelque degré de vraisemblance, Pergan-
tium, ville des Ligures selon Etienne de Byzance^, à
Breganson , petite île avec un château , qui est sépa-
' Voyez Mêla, lib. 11, cap. 5. — Ptolem., lib. ii, cap. 5, p. 5o (55),
et Marin, Hist. de Vilbt de dotai; Avignon, 1782, p. 174 * 181.
' Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. 11, p. 59, edit. Lem.
^ Mêla, lib. 11, cap. 5, tom. i, p. 63, edit. Tzschuck.
* Strabo, lib. iv, p. 289 (184), edit. Alm. ; tom, 11, p. 22, de la
trad. franc.
* Pour les antiquités romaines trouvées à Fréjus, voyez Girardin,
Histoire de la ville de Fréjus, i vol. in-12; 1779. — Millin, F'oyage
dans les de'partcmcns méridionaux de la France, tom. 11, p. 477- —
MafFei, Galliœ anliquitates , p. i53. — Muratori, tom. i, p. 461,
n° 3 ; p. 642 , n" 6. — Bouche , Chorogr. de Provence , tom. i, p. 247 •
* Steph. Byzant., p. 656, edit. Berkel., ou p. 542, edit. Pinedo.
— D'Anville, Notice, p. 5 14.
PARTIE II, CHAP. IV. 197
i-ée par un canal étroit d'une pointe du continent qui
regarde Mèse et Port-Croz , l'une des Stœchades ou
des îles d'Hières. Si la \ille des Gaules nommée Jon-
tora dans un fragment de Diodore de Sicile ' doit
être, comme je le crois, placé à Jonquières, près de
Brignole, département du Var, elle faisait aussi partie
des Commoni.
Au nord des Communi et des Camatullici , Pline
indique les Sueltri , qu'il ne faut pas confondre avec
les Suetriy que le même auteur nomme quelques
lignes après, et qu'il mentionne une seconde fois
dans l'inscription du trophée des Alpes. Ces derniers
sont, ainsi que je l'ai dit, les Suetni de Ptolémée,
qui les place en Italie; ils font partie des peuples des
Alpes. Nous avons déjà déterminé l'emplacement des
Suelteri dans le district de l'Esterel ^. (( Dein Suelteri,
«dit Pline ^, supraque P errucini. n Les ferrucini
étaient donc immédiatement au nord des Suelteri; ils
ont dû occuper les bords du Verdon et les environs
de Castellane et de Senez. C'est à tort , ainsi que je
l'ai déjà observé, qu'en altérant le texte d'Etienne
de Bjzance , on a voulu transporter en Gaule le
Trœzenida regio, qu'il place en Italie. Le Massalia
dont il est question dans ce passage est Marsallia ,
près de Bobbio, mentionné aussi par Poljbe; le
Trœzenida regio est donc le district même de Bob-
bio'*. Tretz, où l'on a voulu placer le Trœzenida
regio, était connu des Romains sous le nom de
' Diodore de Sicile, toni. m , p. 607. — Peut-être pourrait-on placer
Jontora à Jort, département du Tarn, district de Castres.
" Voyez ci-dessus, tom. i , p. 62 et 255, et tom. 11, p. 45.
' Plin., lib. m, cap. 5 (4), tom. 11, p. 59, edit. Leni.
< Voyez ci-dessus, part, i, ch. 5, tom. i, p. 128.
198 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Trittia ou Trittis , ainsi que le prouve une inscrip-
tion publiée par Spon ' .
Mais continuons la description du rivage de la
Gaule. Nous avons déjà vu qu'à l'orient de Fréjus les
peuples de l'intérieur des terres faisaient, du temps
d'Auguste, et postérieurement, partie des peuples des
Alpes , et étaient censés appartenir plutôt à l'Italie
qu'à la Gaule, mais que tout le bord de la mer jus-
qu'au Var appartenait à cette dernière contrée; aussi
tout le district maritime situé entre Fréjus et le Var,
Ptolémée l'attribue aux
Dédales , et il leur donne pour capitale ,
Antipolis , Antibes.
La position à' Antipolis à Antibes est démontrée
par les mesures et par l'histoire '. Nous avons déjà
vu que Pline et Strabon , ainsi que Polybe, placent
concurremment sur cette côte les Deciates et les
Oxfbii : les premiers à l'orient , les seconds à l'oc-
cident d' Antipolis , depuis les hauteurs de Grasse
jusqu'à Agaye , qui est , ainsi que nous l'avons
dit, VEgftnopolis de Poljbe; de même qu'Oppio
est VOxjbiiun civilas d'Etienne de Byzance^. Au-
dessus de la regio Oxybiorum , c'est-à-dire dans les
environs de Saint- Vallier, Pline '♦ place les Ligauni.
J'ai parlé des Albiœci et de leur ancienne capitale
' Voyez Papon, Hi.st. de Provence, tom. i. — Le monument où
se trouve cette inscription a été retrouvé en 1819. Voyez Toulouzan,
Statistique des Bouches-du-Iihône , tom. n, p. 253 et 209.
' Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage. — Sur
les monumens trouvés à Antibes, voyez Muratori , Inscript., tom. 11 ,
p. 1025, n° 5; et Honoré Bouche, tom. i, p. 288. — Millin, Foyage
dans les departemens méridionaux de la France, p. Sog et 5i i .
' Voyez ci-dessus, tom. 1, p. 182, 186.
*Plin., lib. ni, cap. 5 (4), tom. 11, p. 60, edit. Lem.
PARTIE II, CHAP. IV. 199
Albiosc, ainsi que de leur nouvelle, Reii, Rez; j'ai
aussi fait mention des Nerusiiy dont la capitale était
Vintium , Vence '. J'ai pareillement fixé la position
des autres peuples des Alpes de ce côté, qui, à
l'époque dont nous traitons, formaient une division
à part ou étaient compris dans l'Italie \ Le Ligirrus
paguSy où était situé le dwus Navalis , selon une
inscription publiée par Spon % a été placé dans les
environs de R^.yrolles, où l'on trouve des collines
qui portent , dit-on , le nom de Ljgourets ^ , et cette
position rattachait le viens Navalu à la Gaule
transalpine; mais il est bien plus probable que le
vicus Navalis est le même lieu dont il est fait
mention dans la Table ^, sous le nom de Navalia,
et dont les mesures de la Table déterminent la po-
sition à Noli moderne : c'est donc dans les environs
de Noli, au sud de Savone et dans la Gaule cisalpine,
qu'il faut placer le Ligirrus, ou plutôt Ligyris
pagus, dont le territoire devait se terminer à Finale,
nom qui indique une ancienne limite.
Les 2>icom qui touchent aux peuples des Alpes ,
et qui même sont rangés parmi ces derniers par
Strabon, doivent de nouveau nous arrêter. Nous
avons déjà vu que la route d'Annibal , telle qu'elle est
décrite par Tite Live ^, plaçait les Tricorii au midi
de l'énorme montagne nommée Devoluy, et dans
le val Goldemard. Strabon ', qui place les Tricorii
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. i83.
" Voyez ci-dessus, tom. i, p. 256 à 258.
' Spon, Miscellanea erudit., p. igi.
* Toulouzan, Statistique des £ouches-du-RJiône, tom. ii, p. iç\{.
Voyez V Analyse des Itinéraires anciens, t. m de cet ouvrage.
* Voyez ci-dessus , part, i, ch. 7, tom. i, p. iSjct i58.
' Strabon, lib. iv, p. i85 , 2o5 (282, 3i2), edit. Alm.
200 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
au nord des Vocontii et en se dirigeant vers les
Medulli , ou la Maurienne, s'accorde parfaitement
avec cette position. Strabon mentionne deux fois
les Tricorii , mais la première fois • , selon un ordre
parfaitement géographique. « Au-dessus des Ca-
V ares y dit- il, on trouve les Vocontii, les Tri-
corii j les Iconii et les Medulli , » et ensuite ' ,
« après les Vocontii , viennent les Iconii , les
Tricorii et les Medulli, » Un tel concours d'au-
torités ne peut être troublé par une expression
ambiguë ^ de Pline, qui nous force à placer, sur de
légers indices , les Tricolli qu'il mentionne à la suite
des Tricorii. Comme Segustero , Sisteron, n'est at-
tribuée à aucun peuple, et qu'il se trouve près de là
un lieu nommé Treschoux, j'y placerais les Tricolli
de Pline, faute d'une indication plus précise.
Nous avons déjà déterminé les limites des Vo-
contii et des Allobroges ^y celles des divers peuples
situés sur la rive orientale du Rhône demandent
une discussion particulière : ces peuples sont les
C avares , les Segalauni et les Tricastini.
J'ai déjà observé ^ que, dans la Province romaine
' Strabo, lib. iv, p. i85 (282), edit. Aliu.
"" Id., lib. IV, p. 2o5 (3i2) , edit. Alm.
^ M. Menard, dans les Me'm. de l'Acad. des Belles-LcUres, t. xxvu,
p. 129, prétend que ces expressions de Pline : rursus a mari, signi-
fient plus loin de la mer ; c'est le sens contraire qu'on leur attribue
ordinaii'ement. Je crois en effet que cela est ainsi, mais qu'il y a
un mot omis par les copistes ; alors la position respective des Tri-
corii et des Tricolli se trouve d'accord avec le texte de Pline, lib. u ,
cap. 5 (4), tom. u, p. 58, edit. Lem., ainsi interprété : « Rursus a
« mari Tricorium et intus Tricollorum , Vocontiorum , et Segau-
(f vellanorum , mox AUobrogura. «
* Voyez ci-dessus, tom. i, p. 258 à 275.
* Voyez ci-dessus, tom. i, p. 240.
PARTIE II, CHAP. IV. 201
de même que dans la Cisalpine, les Romains, ayant
éprouvé de grandes difficultés dans la conquête,
s'étaient comportés en vainqueurs. Ils envoyèrent
dans cette contrée de nombreuses colonies; et dans
leurs lois comme dans leurs divisions administratives,
ils respectèrent peu les droits des peuples et l'intégrité
de leur territoire. De sorte que les anciens diocèses
ne nous représentent qu'imparfaitement les nations
primitives de cette portion de la Gaule, et nous indi-
quent peu exactement l'étendue de leur territoire, et
les villes qui lem- appartiennent. L'Itinéraire et la
Table sont des monumens romains, qui nous four-
nissent avec le plus grand degré de certitude le
plus de noms de lieux ; mais seuls ils ne peuvent
être d'aucun secours, parce qu'ils ne disent point à
quel peuple, mais seulement à quelle route, appar-
tiennent les noms des villes et des lieux dont ils
font mention. C'est Ptolémée ' , qui donne à cet égard
les renseignemens les plus détaillés, et qui les pré-
sente dans le meilleur ordre. Voici son texte :
(( Ensuite , à l'orient du Rhône , sont les Allo-
hrygesy dont la ville est V^ienna, Vienne;
« Et sous eux, et plus vers l'occident, sont les Sega-
launiy dont la ville est Valentia colonia, Valence. »
11 résulte de ceci que Ptolémée, qui oriente les
peuples d'après les capitales, a su que Valentia,
Valence, était un peu plus à l'occident que la ville
de Vienne. La position de Valentiay à Valence mo-
derne , est démontrée par les mesures des Itinéraires
romains , pour les routes qui se rattachent à
' Ptoleraœus, lib. ii, cap. 5, p. 5i [^^), cdit Berl.
202 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Viennay Vienne^ At^enio ^ Avignon, etDiay Die '.
Elle l'est encore par les monumens de l'histoire : le
diocèse de Valence , qui n'a point subi d'altération ,
parait même représenter dans toute son intégrité
l'ancien territoire des Segalauni ' : ce peuple est
aussi mentionné dans Pline ^, sous le nom de Sego-
i^ellauni; mais il n'est pas certain que cet auteur
attribue T^ale?itia aux Cavares, comme on pourrait
le croire d'après ses éditeurs. Et on peut croire qu'il
y a , ainsi que l'a très bien observé avant moi d' An-
ville '* , un défaut de ponctuation dans le texte im-
primé de Pline, et qu'on doit placer la virgule immé-
diatement avant Kalentia , et lire : Arausio secun-
danorwn in agro Cai^aram, Valentia, etc. Ammien
Marcellin % et la Notice de l'Empire, font aussi
mention de Valentia : mais continuons l'examen du
texte de Ptolémée. Après Valentia colonia, il dit :
« Plus à l'orient sont les Tricastini, dont la ville
est Nœomagus. »
Ici se présente une difficulté qu'il est important de
résoudre.
Aucun auteur n'a hésité à placer les Tricastini
' Voyez VAnalj$e des Itin&'raires , tom. m de cet ouvrage. —
Wesseling, p. 558, Tabula Peut., §. ii, D.
* Ptolemaeus, lib. ii, cap. lo, p. 5i [55).
^ Plin., lib. iii, cap. 5 (4), tom. n, p. 56, edit. Lem.
* D'Anville, Notice de la Gaule, p. 669; je ti'ouve que Cellarius,
que d'Anville n'a point cité, avait aussi fait cette remarque avant lui ;
mais il est possible cependant de justifier, à cet égard , les éditeurs
de Pline. Voyez ci-après, p. 219.
* Ammian. Marcell., lib. xiv, cap. 10, et lib. xv, cap. 11. — Papou,
Leonis Epist. , Hist. de Fr., p. 777. — Prosper Tiro , Chron. hist
de Fr., tom. 1 , p. 658.
* Voyez ci- dessus, tom. i, p. 272.
PARTIE II, CHAP. IV. 203
dans le Trlcastin moderne ', sans autre preuve que
l'identité du nom ancien et du nom moderne, et
comme le chef-lieu de ce district est Saint-Paul-Trois-
Châteaux, on l'a considéré comme le Nœoniagus
de Ptolémée : d'un autre côté , comme Pline nomme
Aiigusta Tricastinorum y la capitale des Tricastini ,
on a dit aussi que Saint-Paul-Trois-Châteaux était Au-
gusta Tricastinorum. Cependant Valois était trop
instruit sur l'histoire et la géographie de son pays,
pour ignorer l'illustration moderne, et postérieure à
l'âge romain, de Saint-Paul-Trois-Châteaux'. Il savait
qu'il n'y a aucun monument historique qui constate
que cette ville ait jamais été appelée ni Augusta ,
ni Noemagus. D'Anville , pour donner à cette po-
sition l'appui des mesures , a supposé que le lieu
nommé Senomagus dans la Table était le même
que le Nœomagus de Ptolémée ^. On ne pouvait être
plus malheureux dans le choix de sa preuve; car
c'est précisément l'analyse de cette partie de la
Table qui démontre que non seulement Nœo-
magus n'est pas la même ville que Senom,agus ,
mais que la voie romaine ne passait pas par Saint-
Paul-Trois-Châteaux. Nous renvoyons à cet égard
le lecteur à notre analyse des Itinéraires , qui se
trouve dans le tome m de cet ouvrage ; mais
nous croyons, pour que l'ensemble des preuves sur
ce sujet important se trouve réuni ici, devoir pré-
senter un extrait de cet Itinéraire, concernant la
route àe, Arausio , Orange, à Valentiay Valence.
' Conférez ci-dessus, tom. i, p. i38 et 255.
» Voyez Valesii Notitia Galliœ, p. 60.
' D'Anville, Notice de la Gaule, p. lao. Par cette vaison , Seno-
magus se trouve supprimé de son Dictionnaire et de sa Carte.
204 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
TABLE DE PEOTINGER.
MILLES
ROMAINS.
CARIES DE CASSINI,
NOS 8(), go, 92, 120 et 122.
MILLES
ROMAINS.
Arciusionc ■ ....
i5
18
12
19
Oran<''e
i5
18
12
19
Senomagus
Acunum
Saint-Pierre-de-Senos. . .
Ancône : jonction de la
route d' Ancône à Mon-
Batiana
Bancs , vis-à-vis Baix. . .
Valence
Valentia
Ainsi la position de Senomagus , qui jusqu'ici
était restée inconnue ' , est déterminée avec pré-
cision ; et comme toutes les mesures , qui sont
presqu'en lignes droites, se trouveraient dérangées
si l'on passait par Saint-Paul-Trois-Cliâteaux , il
s'ensuit bien évidemment que jamais la route ro-
maine n'a passé par cette ville : donc ce n'était point
une capitale du temps des Romains, et elle ne peut
être ni V Âugusta Tricastinorum de Pline , ni le
Nœomagus de Ptolémée.
\Jj4ugusta Tricastinorum de Pline est la ville
nommée aussi Augusta dans l'Itinéraire et dans la
Table, et les m.esures anciennes en déterminent la
position à Aoste , sur la route de Die à Valence.
' Il est vraiment étonnant que , dans le grand nombre d'auteurs
c|ui ont écrit sur le comtat d'Avignon et pays voisins, et qui ont
cherché à en éclaircir la géographie ancienne, il n'y en ait aucun
qui ait trouvé cette position par le seul rapprochement des noms
Sonos, Scno-magus. Je les ai en vain tous feuilletés avec attention.
PARTIE II, CHAP. IV. 205
On sait que le nom ôHAoste, à'Aoust oucVjéugst,
est celui àAugustus, différemment abrégé ' . Ainsi la
capitale des Tricastini était dans le district moderne
de Crest, et non dans celui qu'on nomme aujour-
d'hui Tricastin, et elle porte encore le nom qu'elle
avait autrefois. Si Augusta n'est pas la même ville
que Nœomagus de Ptolémée, alors l'existence très
ancienne d'un évôché à Saint-Paul-Trois-Châteaux,
les vestiges d'antiquités qu'on y a trouvés , pour-
raient nous autoriser à y placer le Nœomagus de Pto-
lémée, et nous donner à penser qu'entre le temps
de Pline et celui de Ptolémée, la capitale des Tji-
castini avait changé d'emplacement ; mais non seu-
lement , au temps de Pline , les Tricastini n'occu-
paient point le Tricastin moderne, mais le dis-
trict de Crest est le seul qui, dans le moyen âge,
ait porté le nom de Tricastinum j mal à propos
appliqué depuis au district de Trois-Châteaux , qui
se nommait Tricastrum. J'en tire la preuve de la
Chronique de Robert, qui, à la lin du xii"" siècle %
' M. Ai'taud a vu à Aoste, qui n'est qu'un bourg, une inscription
romaine, qu'il rapporte. Voyez F'oyage à Die, dans le Magasin,
cncjclop- pour 1818, tom. i, p. 178.
' Le manuscrit de cette Chronique de Robert existe encore dans
la bibliothèque publique d'Auxerre (voyez Alillin, F'ojage dans les
départ, du Midi, tom. i, p. 164). On nomme ordinairement l'auteur
Robert de Saint-Mai'ien , parce qu'il est l'auteur de la chronique
de ce nom. Son nom de famille était Abolniiz; il était chanoine et
lecteur de Saint-Étienne d'Auxerre ; il vivait vers la fin du xu' siècle
et le commencement du xiii^ (voyez Lebeuf, Mémoires concernant
l'histoire ecclésiastique et civile d' Auxerre , tom. ir, p. 490 )• Abo-
lanz était très instruit pour le temps où il a vécuj il avait une des
plus belles bibliothèques alors existantes, et formée par Milon, abbé
do Saint-Marien , dont il a dit : « Insignem confecit bibliothecam ,
« quaesitis undecunque voluniinibus cumulatam. » Lebeuf, dans ses
206 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
attribue cwitatem Tricastinum à la province de
Vienne , et un lieu nommé Tricastrum à la province
d'Arles. Ainsi le Tricastina urhs des lettres de
Sidoine Apollinaire ' <ist bien véritablement X Au-
gusta de l'Itinéraire , comme l'avait dit Savaron ,
que Valois critique à tort à ce sujet; et il est très
étonnant que Valois , qui a connu ce passage de
Robert ' , et qui le cite, se soit contenté d'accuser
d'erreur son auteur, et n'ait pas été éclairé par une
distinction aussi lumineuse , aussi précise. 11 est
bien évident en efFet que le civitas Tricastinum de
Robert est \Augusta de Pline; c'est Aoste, la capitale
des Tricastins , qui se trouvait située dans le diocèse
de Vienne , tandis que le lieu nommé Tricastrum ,
ou Saint-Paul-Trois-Châteaux, était aloi's un des
quatre évéchcs de la province d'Arles. Une monnaie
des évêques de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui a été
publiée par M. Saint-Vincent, et porte Tricastrini,
et non Tricastini , confirme encore le passage de la
Chronique de Robert ^ .
Preuves de l'histoire d' Auxerre , tom. ii, p. 36, a donné le testa-
ment de ce Robert.
' Sidonins Apollinaris, lib. vi, epist. 12. J'observerai que Durandi,
dans son Stato antico d'Italia, p. 218 et 21g, se trompe beaucoup
lorsqu'il veut faire considérer l'Augusta de Pline comme la même
ville que l'Alba Augusta.
' Valesii Notifia, p. 60 : « Robertus in Chronico civitatem Tri-
« castinum provinciae Viennensi attribuit, et iterum Arelatensi pro-
« vinciœ Tricastrum, ita ut ex una duas urbes Tricastinum et Tri-
« castrum facere videatur. »
* Lorsque l'examen attentif des indications qu'on trouve dans les
monumens de l'antiquité eut formé mon opinion sur l'emplacement
des Tricastini, j'ignorais que cette même opinion avait été proposée,
plutôt que prouvée, par les hommes qui avaient le plus approfondi
l'histoire ancienne du Dauphiné. « Les géographes ( dit Longuerue ,
PARTIE II, CHAP. IV. 207
Actuellement qu'il est prouvé que les Tricastini
occupaient les environs d'Aoust ou d'Aoste en Diais,
qu'il me soit permis de revenir sur un passage de Tite
« Descript. hist. de la France anc. et moderne, tom. i, p. 334) veu-
« lent communément que cette ancienne ville , Augusta , soit la
« même que celle de Saint-Paul-Trois-Châteaux. D'autres, qui ont
« recherché en Dauphine' les antiquités du pays, ne veulent pas
« que Saint-Paul soit une ville si ancienne , soutenant qu'elle doit
« son origine à l'église où est le tombeau de saint Paul , évêque des
« Tricastins. Chorier veut, dans l'Histoii'e du Dauphine, (\\i^ Augusta
« soit la même bourgade qu'Aoste près de Crest , se fondant sur ce
« que ce mot Aoste signifie la même chose qu'^ wg«^/a Mais ces
« conjectures ne sont pas des démonstrations ; et ce qui rend celle
« de Chorier absurde, c'est qu'Aoste a toujours été du diocèse de
" Die , et fait par conséquent partie des Voconticns , distingués des
« Tricastins. » Nous venons de voir que c'est précisément parce
que Aoste est du diocèse de Die, ou de la province ecclésiastique de
Vienne, qu'il est démontré que c'est la civitatem Tricastinum dont
parle Atolanz, et VAugusta Tricastinorum de Pline. Jamais les
Tricastins, dans quelque lieu qu'on les place, et d'après les limites
assignées aux peuples qui les environnent, n'ont pu être un peuple
fort étendu : jamais ils n'ont pu former un diocèse particulier. Les
Vocontiens s'étant trouvé divisés en deux diocèses, pour égaler à
l'autre celui de Die, qui a été le dernier formé, on conçoit qu'on a
dû être naturellement porté à y adjoindre le petit peuple des Tri-
castini. Cependant Saint-Paul-Trois-Châteaux, d'après l'histoire de
son évêché, doit remonter aux derniers temps de l'âge romain. Denys
de Sainte-Marthe, dans le Gallia christiana, tom. i, p. 704, indique
des ruines et des restes d'antiquités qui démontrent que c'était une
ville romaine. Voici comment il s'exprime : « Urbs Tricastinorum
« olim fuit ampla et celeberiima , cujus antiquitatem demonstrant
« rudera amphitheatri, circi formarum, hoc est aquae-ductum, nec
'( non statuse, numismata, ui'na?, et alia similia, quae olira et nuper
« quoque eruta sunt et effossa. In urbe adhuc duse sunt portae quarum
« unavocaturde Fan-Jou a fano Jovishac in parte urbis olim condito,
« altéra Puy-Jou quasi dicerelur podium Jovis. » ■ — Il est singulier,
d'après des assertions aussi positives et aussi détaillées, que je n'aie
pu trouver aucune mention de ces antiquités dans les descriptions
de France les plus amples, telles que celles de Piganiol de La Force,
en i5 vol. in-12. Voici ce que dit Louis Anselme Royer de Sainte-
208 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Live qui a toujours paru inexplicable. Cet historien,
en racontant le retour d'Annibal après son expédi-
tion chez les Allobroges , dit : « Il prit sur la gauche
(c et entra chez les Tricastins , il marcha ensuite
u à l'extrémité du territoire du pays des Vocon-
(( tiens, et parvint à la Durance , qui prend sa source
« dans les Alpes '. )) Tout cela s'accorde parfaite-
ment avec la position que nous venons d'assigner
aux Tricastini y ainsi qu'avec la marche précédente
du général carthaginois , qui retourna au midi , et
conduisit son armée le long du Rhône. En faisant
un détour , « pour éviter, dit Tite Live, de passer
(( sur le territoire des Allobroges. » Mais ce passage
de Tite Live devient inexplicable , si l'on place les
Tricastini dans le Tricastin moderne. Plutarque et
Silius Italiens ' font aussi mention des Tricastini
à propos de la route d'Annibal. Le Tricastin mo-
derne ou le district de Saint-Paul-Trois-Châteaux
appartenait aux Cavares, ainsi que je vais bientôt le
démontrer.
Marthe, dans l'Histoire de l'église cathédrale de Saint-Paul-Trois-
Châteaux; Avignon, in-4°, 1710 : « On ne peut rien dii-e de cer-
« tain là- dessus; ce que nous sçavons, et qu'on voyait il n'y a pas
« long -temps, c'est quelque vieux reste d'un amphithéâtre assez
« proche du palais épiscopal , et quelques masures d'un cirque qui
'( paraissent encore au quartier qu'on appelle Saint-Jean. Mais ce
« qui fait mieux connaître l'ancienne splendeur de cette cité, est
« qu'en creusant la terre on a trouvé, et on trouve encore de temps
« en temps, des statues de bronze et de marbre, des urnes et des
« tombeaux, des aqueducs et des lampes, des inscriptions et des
« médailles de tout métail et de tous les empereurs, plusieurs grands
« pavés à la mosaïque. »
' Titus Livius, lib. xxi, c. 3i. — Amm. Marcell., lib. xv, c. 10.
^ Silius Italiens, Punicor., lib. m, vers. 466, tom. i, p. 201,
edit. Lem.
PARTIE ir, CHAP. IV. 209
Quoique , dans les Tables de Ptolémée , les Tri-
castini se trouvent placés beaucoup trop au nord-
est, cependant ils sont, comme la description de cet
auteur le dit, à l'orient des Segalauni. L'emplace-
ment que nous assignons aux Tricastini est conforme
au texte de Ptolémée ; la position de Saint-Paul-
Trois-Châteaux y est tout-à-fait contraire. Conti-
nuons de transcrire ce texte '.
« Sous les Segalauni y dit Ptolémée, sont les Ca-
vares, dont les villes dans l'intérieur des terres sont :
(( Aciisiorum colonia; » c'est V Acusiensis ecclesia
du moyen âge, ou Notre -Dame -d'Aigu, près de
Montélimart.
a Aveniorum colonia y Avignon.
« Arausio , Orange.
« Gabellio colonia j » Cavaillon *.
Aucun itinéraire , aucun auteur ou monument
ancien, excepté Ptolémée, ne fait mention de civitas
Acusorimn. Lucas Holstenius et d'Anville^ veulent
confondi-e cette ville avec VAcunum de l'Itinéraire
et de la Table, que les mesures anciennes nous
apprennent avoir été situé à Anconne. Cette con-
jecture n'est appuyée que sur la ressemblance des
noms , et il est d'autant plus étonnant que d'Anville
l'ait adoptée, qu'elle contrarie la position qu'il assi-
gnait aux Tricastini.
La position de cii>itas Acusiorum de Ptolémée
se démontre par les monumens du moyen âge. Je
fus informé, par une lettre de M. Faujas de Saint-
' Ptolemaeus, lib. u, cap. lo, p. 5i {55).
' Voyez ci-dessus, sur Cabellio, tom. i, p. 187.
^ D'Anville, Notice, p. 5i. — Holsten., Annot. in Ortel., p. 5.
II. i4
210 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Fond ', qu'il existait à l'ancien greffe de Montélimart,
sa ville natale, une inscription sur une grande pierre
portant donation d'une rente de la part de François,
duc de Lesdiguières, en faveur de l'église de Monté-
limart. Cette église j est qualifiée à' ecclesiam Acu-
siensem, et paraît bien évidemment la même que
celle dont on voit encore les ruines, « à cent pas du
(( nouveau pont, dans la partie au-delà du Roubion
(c et du Jabron , en se dirigeant vers Orange , sur une
« éminence, à 35o pas hors de la ville. » Cette église,
dont les débris sont connus sous le nom de Notre-
Dame -d'Aigu, existait encore au xii" siècle; en
fouillant dans ses ruines on trouva, d'une seule fois,
un très grand nombre de médailles impériales en
moyen et petit bronze, depuis Gallien jusqu'aux
enfans de Constantin; des tombeaux romains, des
fragmens d'inscriptions, des urnes sépulcrales. Avant
que je fusse instruit de ces curieuses particularités ,
l'analyse des Itinéraires m'avait démontré que la
route ancienne passait par Montélimart. « On voit,
(c dit M. Faujas, à la poste de La Paillasse, la pierre
u milliaire marquée vi , qui fut découverte en con-
u struisant la nouvelle route '.... Or la ligne droite
« de cette route se dirige sur Montélimart, où était
(( une autre pierre milliaire contre l'angle du jardin
(( des anciens récollets ; elle a été transportée auclief-
' Faujas de Saint-Fond , Lettres en date du \" et 2 mai 1810.
" CeUe pierre fut découverte en 1757, ainsi que nous l'apprend
QAyÏMS { Antiquités , tom. m, p. 555), à 800 toises de la poste de
Paillasse. Du côté de Valence, la voie romaine est encore connue
sous le nom de P^icmagne. Nous avons parcouru toute cette route
en i855, vérifié, et reconnu exactes, toutes les informations don-
nées par M. Faujas. — Voy. Chalieu, Mc'm. sur la Drôme, p. 86.
PARTIE II, CHAP. IV. 211
fc lieu du département de la Drôme. En jetant les
« fondations de plusieurs maisons dans la rue prin-
(( cipale qui traverse en entier la ville de Monté-
« limart , on a retrouvé des portions de la voie
(( romaine, des médailles antiques, des poteries, etc.
« La porte ancienne de la ville actuelle, qui a été
(( démolie pour en refaire une moderne , portait
« comme elle porte encore aujourd'hui, en langue
« provençale, le nom d'aigu. »
Il est facile de voir combien la position que nous
avons assignée aux Tricastini , s'accorde avec le texte
de Ptolémée , qui attribue ^cusiorum colonia, aux
Cavares. Cette ville, située à Montélimart, eût été
séparée des Cavares, par toute l'étendue du terri-
toire des Tricastini y si ces derniers avaient occupé
le district de Saint-Paul-Trois-Châteaux; et il en eût
été de même si Acusioriun colonia avait été Acunum
ou Anconne , comme le voulait d'Anville, dont
l'opinion se trouvait ainsi directement contraire à
Ptolémée, seul auteur cependant qui ait parlé d'^^cz^-
siorum colonia; et comme ce géographe nous ap-
prend que les Cavares étaient situés immédiatement
sous les Segalauni y les Tricastini ne peuvent trou-
ver de place entre ces deux peuples : tout confirme
donc la position que nous leur avons assignée.
Avenio , dont la position à Avignon moderne est
démontrée par les monumens de l'histoire et par les
mesures de la route ancienne de Kalentia à Are-
laie ' , est mise au nombre des villes latines par
Pline , quoique Ptolémée lui donne le titre de colo-
nie. Etienne de Byzance l'attribue aux Marseillais ,
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
212 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
ainsi que Cahallio , et il y a peu de doute, en effet,
que dans le temps de leur puissance et de leur indé-
pendance , ils n'occupassent ces villes et plusieurs au-
tres qui leur servaient d'entrepôts le long du Rhône ' .
Avenio est du nombre des villes dont nous avons des
médailles '.
Arausio est aussi mentionnée par Strabon ^ ,
Pline'* et Mela^. Ces deux derniers auteurs lui don-
nent l'épithète de secundanorum , surnom qu'elle
doit à quelques milices romaines qui y faisaient leur
résidence. C'est ainsi que l'épithète de sextanorum
est jointe à Arles , et celle de septimanorum à
Beterrœ. Une inscription trouvée à Orange semble
prouver que cette ville avait le surnom de colonia
Julia secundanorum ^. Menard conjecture, avec
beaucoup de vraisemblance, que ce surnom de Julia
vient de Jules César, lorsque ce conquérant, de retour
à Rome, après avoir formé de ses nouvelles conquêtes
la province des Gaules , en donna le gouvernement
à Claude Tibère Néron, père de l'empereur Tibère ^
Jules César avait donné ordre à Claude Tibère de
" Caylus, Antiquités , tom. vu, p. 268, a publié une inscription
relative à Avennio. — Voyez encore Millin, Voyage dans les départ,
méridionaux, tom. iv, cap. 112, p. 255.
' Mionnet, Descript. des Me'd., tom. i, p. Q5 , et Supplément ,
tom. I, p. ibi.
3 Strabo, lib. iv, p. i85 (283), edit. Bert. ; tom. 11, p. 26, de la
trad. franc.
* Plin., lib. m, cap. 5 (4), tom. 11, p. 61, edit. Lem.
' Mêla, lib. u, cap. 5, tom. i, p. 62, edit, Tzschuck.
« Maffei, Galliœ antiquitates, in-4.°, 1733, p. 142 et 157.— Menard,
Me'm. de T Acade'm. , tom. xxvi, p. 345 et 349.
^ Voyez Sueton. , in Tiher., cap. 4, tom. i, p. 56o, édit. Hase. —
Voyez ci-dessus, tom. 1 , p. 278.
PARTIE II, CHAP. IV. • 2l3
conduire en même temps diverses colonies dans les
Gaules; Narbonne, et Arles qui fut nommée Julia^ en
reçurent ; il est probable qu'à cette époque Araitsio
en reçut une aussi , et de là sera provenu le surnom
de Julia qui lui fut donné. L'arc de triomphe qui
subsiste encore à Orange a été souvent décrit ' ; mais
les ruines de son théâtre , quoique moins connues ,
méritent encore plus l'attention des archéologues ' ; les
mesures de la Table et de l'Itinéraire de Jérusalem
constatent d'une manière plus certaine l'identité de
position d'Orange moderne et de l'antique Arausio.
Les mesures de la route romaine- qui conduisait
à'Apta Julia à Arelate , Arles, déterminent aussi la
position de Cabellio à Cavaillon moderne ^, où l'on
a trouvé aussi de beaux restes d'antiquités romaines.
Pline met Cabellio , déjà connu au temps d'Arté-
midore , au nombre des villes latines ; Strabon et
Etienne de Bjzance nomment aussi cette ville.
Strabon'*, Pline ^, ApoUodore ^ et Etienne de
Bjzance font mention ô^Aeria comme d'une ville
des CavareSj et nous avons déjà observé que l'opinion
qui place ce lieu au château de Lers, près duquel
se trouve un lieu nommé Auriac, est celle qui s'ac-
' Menard, Mtm. de l'Académ., tom. xxvi, p. 345-349- — Millin,
Voyage dans les de'partemens méridionaux, tom. ii, p. i3i, cli. 45,
PL 29, fig. 3.
' INous les avons visitées en i853; le théâtre a été bien décrit par
Maffei, Galliœ antiquitates , p. i4o, PI. 8 et 9.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage, et
Strabo, lib. iv, p. i85 (282). — Plin., lib. m, cap. 5 (4). — Steph.
Byzant., p. 434. — Voyez ci-dessus, tom. i, p. lyS et 187, et ci-
après, tom. 11, p. 219,
* /fi., lib. IV, p. i85 (283) ; tom, 11, p. 26, de la trad. franc.
* Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 5 (4), tom. !i, p. 62, edit. Lem
® Apollod., lib. IV, in Steph. Byzant., p. 3g.
214 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
corde le mieux avec le peu d'indications que les an-
ciens nous ont laissées à ce sujet \
Ptolémée , conservant toujours le même ordre
géographique, mentionne les Saljes, qu'il nomme
Salices , après les Cavares.
« Sous les Cavares se trouvent, dit-il, les Salices,
dont les villes sont :
« Taruscum , Tarascon.
« Glanum, Saint-Remy.
« Arelatuni colonia , Arles.
w Aqiice Sextiœ colonia, Aix.
« Ernaginum , Saint-Gabriel. «
Strabon fait aussi mention de Tarascon ; l'iden-
tité de nom et les monumens historiques ne laissent
aucun doute sur la position de ce lieu ancien à Ta-
rascon moderne , malgré les erreurs de mesures
qu'offre dans cet endroit le texte de Strabon ".
La position de Glaniun à mille toises au midi du
village actuel de Sain t- Rem j, près de l'endroit où
existent encore parfaitement conservés un mausolée
et un arc de triomphe antiques des Romains, se trouve
démontrée par les mesures des Itinéraires ^, dont les
' Conférez ci-dessus, tom. i, p. 187, et Fortia d'Urban, Hist.
d'Avignon, p. 200. — Voyez ci-dessus, tom. i, p. 187.
* Ptolera., lib. 11, c. 10, p. 5i (55). — Strabo, lib. iv, p. 178 (270),
edit. Alm.; tom. 11, p. 7, de la trad. franc. — La mesure générale de
Strabon est juste dans son ensemble , mais inexacte dans le détail
particulier des lieux, ainsi que je l'ai démontré dans un Mémoire
particulier.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. — Le
mausolée et l'arc de triomphe, que nous avons visités en i853, sont
gravés dans divers ouvrages, voyez Mc'ni. de l'Acad., tom. vu,
p. 260. — M. Millin, dans son F'oyage dans les de'partem. méridio-
naux, tom. 111, p. 094, PI. 65, fig. I, a décrit et figuré ce mausolée.
PARTIE II, CHAP. IV. 215
résultats sont encore confirmés par une inscription
qu'on y a trouvée, qui porte le nom de Glanum \
Pline donne à ce lieu le surnom de Lwii ( Glanum
Lmi). Menard prouve assez bien que ce surnom est
dû à Livius Drusus , qui, vers l'an j5o de Rome,
établit dans ce lieu une colonie '.
La position diErnaginum à Saint - Gabriel est
aussi démontrée par les mesures des Itinéraires de la
route qui est relative à Glanum, et qui conduit
ai Apta Julia, Apt, h. Arelatense , Arles. Ces me-
sures se trouvent encore confirmées par une inscrip-
tion qu'on y a trouvée, et sur laquelle on lit le nom
à' Ernaginenses . Ernaginum est aussi évidemment le
locus Arnaginensis mentionné dans la Vie de saint
Césaire ^
Dans le petit district qui se trouve au confluent
du Rhône et de la Durance , et qui comprenait ces
trois villes, Tarasco , Glanum et Ernaginum,
Pline "^ paraît placer les Desuviates , qui étaient par
conséquent enclavés dans le territoire des Salyes ,
et formaient comme une sous-division de ces peuples.
Pline, au reste, ne fait que les indiquer au-dessus
des Anatilii : u regio Anatiliorum , et intus De-
suviatium, Cavarumque. n Oi', com.meAi'eîiWj, Avi-
li indique comme la meilleure Ggure celle de l'abbé Lamy, 1787, et
ensuite celle de Montfaucon, Antiq. expliquée , tom. v, part, i,
p. i52 , et SiippL, tom. iv, p. 34.
' Caylus, Antiquités, t. vu, p. 265, et IMillin, F'oyage, t. m, p. 407.
' Menard, Méni. de VAcad., édit. iu-4°, tom. xxxu, p. 600, et dans
l'édit. in-i2, tom. ux, p. 242.
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 281 , pour ce qui concerne les
Samnages, et Statistique des Bouches-du-Rhôtic , tom. 11.
* Plia., lib. IV, cap. 5 (4), tom. 11, p. 57, edit. Lem. — Honoré
Bouche, Chowgraphie de Provence, 1. 1. — Gruter, p. 4j5> n° 4-
216 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
gnon, apppartenait aux Cavares , il ne reste aux
Desuviates que l'emplacement qu'on leur assigne.
Le détail des villes attribuées par Ptolémée aux
SafyeSj Salliwii ou Salices, détermine avec assez de
précision les limites de ces peuples, et elles s'accordent
avec celles que nous avons assignées aux Coniinoni ,
aux Suelteri ou Reiij aux Cavares et autres peuples
environnans ; mais lorsque le nom des Saljes fut
tombé en désuétude , on lui substitua celui de la
ville principale, Arelate , Arles, et tout le territoire
autrefois attribué aux Saljes fut regardé comme
une dépendance de cette ville. Ceci se prouve par
une inscription rapportée dans Gruter ' et antérieure
au temps où l'on a distingué une province d'Arles ,
dans le même sens qu'on distinguait la Narbonnaise
et la Viennaise avant qu'on eût érigé ces districts
en provinces distinctes. On lit dans cette inscription:
pronncia Arelatensis y et à Guarguiez , paroisse de
Gemenos, au-delà d'Aubagne , à l'égard de Marseille ,
on a trouvé une inscription romaine où ce lieu est
nommé lociis Gargarius ' et est indiqué comme
situé i?i finibiis Arelatensiiuiiy sur les frontières
d'Arles. Il n'y pas de doute que les Arelatenses ne
remplacent ici les Salyes , et la découverte du
lociis Gargarius nous donne une position qui dé-
termine de ce côté les limites respectives des Salyes
' Gruter, p. 426, n° 6, et p. 495, n» 4. — Voyez encore pour
d'autres inscriptions relatives à Arles , Muratori, Insaipt., tom. 11,
p. iiog, n° 9. — Caylus, Antiquités , tom. m, pi. 89, n° 16. —
Honoré Bouche, tom. i, p. 007 et 55o. — Voyez tome i, p. 62, 191.
' Spon, p. 164, Statistique des Bouclies-du-Rliône , tom. xxiii,
et 297. — Papon, Hist. de Provence, tom. i. — Bouche, Chorogi:
de Prov., tom. i, p. 354. — Sirmond., Concil. galliœ , tom. i, p. 27.
— Recueil des Hist, de Fiance , tom. i , p. 775.
PARTIE II, CHAP. IV. 217
et des Commoni. Un cippe de pierre trouvé au
pied du mont de Sainte-Victoire, à deux lieues à
l'orient d'Aix % et sur lequel était fin. arel. (Fines
^relatentium), détermine de même les limites du
district des Saljes de ce côté ; et on ne doit pas
s'étonner de trouver sur le même cippe et du côté
d'Aix AQ. FINES (^Aquensium Fines); car Aix,
comme colonie romaine , a du avoir un territoire
particulier ' qui avait aussi ses limites, et qui for-
mait comme une enclave dans le grand district des
Arelatenses ou des Saljes. On conçoit sans peine
que la même pierre pouvait servir à déterminer
la limite de la division générale des Arelatenses , et
aussi celle plus particulière des Aquenses, ou habi-
tans d'Aix, que Ptolémée a inscrits parmi les Salyes
ou Arelatenses . Arles, dans les derniers temps de la
puissance romaine , devint tellement considérable
que le poète Ausone l'appelle la Rome gauloise.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le remarquer,
d'après une conjecture assez probable de Papon,
relativement à une inscription contenant l'ex-voto
d'un certain Vibius Longus, \ la déesse Trittia, le
lieu nommé Tretz existait du temps des Romains,
sous le nom de cette déesse. Ce village est nommé
Triais dans les titres du xi® siècle. Près de là est
une montagne nommée Olympe, et en provençal
Oljsse ^. Tretz est situé entre Saint-Maximin et Aix.
" Voyez Papon, Ilisl. de Provence, tom. i.
' Voyez Muratori, Inscript., tom. ii , n" i. — Bochat, Hist. anc.
de la Suisse, tom. ii, p. 479- — Gruter, Inscript., p. 356, n° 5,
p. 4o3, no5, p. 4i3, n" 4, p. 469, n'' i. Ibid, n° 5, et 546, n° 6.
^ Papon, Hist. ge'ne'r. de Provence, tom. i, p. 96. — Millin ,
Voyage en France, tom. iii, p. ii5.— Statistique du département
des Bouches-du-Rhônc , tom. n, p. 235, et ci-dessus, p. 197.
218 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Les autres peuples que Ptolémée nomme dans
la Narbonnaise , sont les Mimeni, les Vocontii , les
Elicocii (ou Helvii) et les Sentii : mais l'ordre
géographique, si bien conservé jusque-là, se trouve
bouleversé dans le reste de sa description , puisqu'il
place les Elicoci et les Helvii chez les Vocontii :
nous devons donc ne nous attacher qu'aux villes
capitales pour retrouver la position de ces peuples.
Ptolémée attribue forum A^eronis slux Mimeni^, et
comme lui seul fait mention de ce lieu, nous n'avons
aucun mojen pour en déterminer la situation ; car
les longitudes et les latitudes qu'il donne pour l'inté-
rieur sont toutes erronées, et on n'a jusqu'ici aucun
moyen de les rectifier. Un faux rapport de nom a fait
placer /brwm Neronis à Forcalquier, mais l'étymo-
logie de ce dernier nom n'a point de rapport avec
celui àe. forum Neronis '; cette position contrarierait
les documens plus certains que nous donne sur ce
peuple Pline, qui dit ' Carpentoracte Mimenorum :
donc les Mimeni habitaient les environs de Carpen-
tras , et à l'orient de cette ville est un lieu appelé
Metamis, dont le nom a une forte ressemblance avec
celui de Mimeni. Qu'on ne dise pas , avec d' An-
ville ^^ que cette position des 7l/mz^7Zi resserrerait trop
le territoire des Cavares ; car il est prouvé, ainsi
que nous l'avons observé, que les Cathares avaient
sous leur dépendance tous les peuples compris
entre le Rhône , les Allobroges et les Voconces ,
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. i85. — Ptolem., lib. n, cap. lo,
p. 5i [55)^ edit. Bert.
' Plin., Hist. nat., lib. m, cap. 5 [Q , tom. ii, p. 65, edit. Lem.,
et lib. xvm, cap. 20 (8), tom. vi, p. 2i5, edit. Lem.
' D'Anville, Notice, p. 2o5et 457, au mot Carpentoracte.
PARTIE II, CHAP. IV. * 219
c'est-à-dire les Segalauni , les Tricastini et les
Mimeni. « Au-dessus des Saliens, dit Strabon, on
(( traverse la Durance avec un bac pour se rendre
(( a. Cavaillon, où commence le territoire des Cavares,
(( qui s'étend jusqu'à la jonction du Rhône et de
« l'Isère ' . n Donc Strabon comprenait aussi les
Segalauni dans les Cavares , et c'est peut-être par
cette raison que Pline dit in agro Cavarum Vd-'
lentia '. Alors les éditions de cet auteur seraient
exactes , et il ne faudrait pas les corriger en plaçant
le point avant Valentia, ainsi que nous l'avons
proposé plus haut^. Pline est le seul auteur ancien
qui fasse mention de Carpentoracte y mais il est
prouvé que, l'an 5i8, cette ville portait en effet le
nom que lui donne Pline , et on y trouve encore
de beaux raonumens romains ^. Quant à forum
Neronis y la conjecture qui tend à placer ce lieu
ancien à Mornas nous paraît encore préférable à
celle qui le met à Forcalquier ^ .
Pline, se conformant à l'ordre géographique, men-
tionne après Carpentoracte les Cenicenses , qu'un
de ses commentateurs, d'après la seule ressemblance
' Strabo, lib. iv, p. 184, et tom. 11, p. 24, de la trad. franc.
' Plin., lib. m, cap. 5 (4).
^ D'après Cellarius et d'Anville, voyez p. 202.
* Yoyez Menard, Mémoires de l'Acad., tom. xxxïi, p. ^Sg. —
Les ruines de Vénasques, qui est à deux lieues au midi de Car-
pentras, paraissent être les restes tl'un temple dédié à Vénus. Ibid,
tom. xxxii , p. 779. — Sur d'auti'es antiquités trouvées à Carpen-
tras, voyez Caylus, tom. viii, p. 252, PI. 72.
* Voyez ci- dessus , tom. i, p. 281 , et tom. 11, p. 35. — De La-
goy, Descript. de quelques Médailles inédites ; Aix, i854, in-4°,
p. 58. — Calvet, dans les LeUres inédites de plusieurs personnages
célèbres, p. 338. — Voyez ci-dessus, tom. 11, p. 45.
220 "GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
de nom , veut placer à Salnt-Cerni ; mais déjà nous
avons remarqué que les Cenicenses, dont l'existence
paraît démontrée par les médailles antiques , de-
vaient se placer vers l'embouchure du Rhône nom-
mée Cœnus fliwius \ Pline nomme ensuite les Cam-
bolectrij qu'un lieu nommé Camhonujn , dans l'Iti-
néraire de Jérusalem, fixé par les mesures de la route
de Dea^ Die, à Vapincuni , Gap, me porte à pla-
cer dans les environs de Lacombe '. Pline donne à
ces Camholectri le surnom àH Atlantici pour les dis-
tinguer d'autres Camholectri qui se trouvaient dans
l'Aquitaine, peuple distinct des AgesinateS:, auxquels
on a voulu les joindre. De ce que Festus Avienus
désigne les embouchures du Rhône par cette même
épithète poétique Ôl Atlanticos ^ , dom Martin ^ a
voulu y voir une allusion aux Cainholectri , et les
placer à l'embouchure du Rhône; mais il ne fait pas
attention que Pline a déjà mis dans cet endroit les
Anatili , en décrivant les côtes, et qu'il s'occupe ici
* de l'intérieur. Les Cambolectri , d'après la position
que je leur assigne , se trouvent placés entre les
T^oconces et les Tricorii.
Pline ^ détermine avec précision la position des
Vulgientes , lorsqu'il nous apprend c^'Apta Julia
était leur capitale. Les mesures des Itinéraires ro-
mains pour la route qui conduit de Segustero ,
' Plin., lib. m, cap. 5 (4), tom. ii, p. 65. — Voyez tom. i, p. 281.
" Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Festus Avienus, Ora marit., v. 678, tom. iv, p. 18, des Geogr.
gr. min. Huds. , ou v. ô-jG, tom. v, p. 487, des Poetœ latin, min.,
edit. Lem.
* Dom J. Martin, Hisl. des Gaules, tom. 11, p. i56.
Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. 11, p. 61, edit. Lera.
PARTIE II, CHAP. lY. m
Slsteron, h Arelate, Arles, fixent la position de cette
dernière yille à Apt, où l'on a trouvé, d'ailleuis,
des inscriptions avec le nom ^Apta ', qui, d'accord
avec Sidoine Apollinaire % lui donnent le titre de
colonie % tandis que Pline ne la met qu'au nombre
des villes latines : ainsi la viguerie d'Apt paraît devoir
nous représenter l'étendue et les limites des Kul-
gientes ; car ces divisions en vigueries ou vicariats ,
qui existaient en Provence avant les divisions par
départemens, remontent à une très haute antiquité.
Une inscription trouvée à Apt constate aussi l'exis-
tence d'une ville ou d'un peuple nommé Vordenses ^f
que l'on place avec assez de vraisemblance à Gordes,
dans le diocèse de Cavaillon , du côté d'Apt. D' An-
ville ^ observe avec raison que le changement du V
en G est commun dans ces cantons : ainsi de T^ardo
on a fait Gardon, et de F apinciun , Gap. Papon^ a
aussi rapporté une inscription trouvée à Cadenet ,
qui, si elle est authentique, nous révèle dans ce lieu
l'existence et la position d'un peuple nommé Cau-
dellenses j sur les rives de la Durance, qui avait
au midi les Salyes , à l'est les Reii ^ à l'ouest les
CavareSj et au nord les Vulgientes .
J'ai déjà déterminé la position et les limites des
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 27g.
' Sidon. Apollia, ix, Epist. g. — Muratori , Inscript., tom. 11,
p. iiog, n" 5. — Caylus, Antiquités , tom. vu, p. 63.
' Millin, Voyages, tom. m, p. 8g. — Orelli, Inscript., tom. i,
p. 100. — Papon, Hist. de Provence , tom. i, p, 67.
* Spon, Miscell. erud. antiq., p. 164.
* D'Anville, Notice sur la Gaule, p. 71g.
"* Papon, Hist. de Provence, tom. i, p. 128. — Journal des Sa-
vons, mois d'août 1770. — Voyez ci-dessus, tom. 11, p. 45.
222 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Elicoci ou des HeLvii ' et des Vocontii^; j'observerai
seulement que Pline ^ indique un Heu de la Province
romaine nommée Coniaciiia , qne je crois avoir été
placé sur les rives de la petite rivière Comane, et
par conséquent chez les Koconces.
En attribuant D'inia , Digne, aux Sentii , Ptolé-
mée semble contrarier Pline, qui donne cette ville
aux Avantici et aux Bodiontici qu'il place dans
la Narbonnaise. D'Anville observe que Ptolémée
d'un autre côté accorde Cemenelium , Cimiers ,
aux Vediantii, et qu'il paraît étendre beaucoup trop
à l'ouest les limites de ce peuple, qu'il place en
Italie. D'Anville ne fait pas attention qu'en
plaçant les Suetri ou Suetrii en Italie, Ptolémée a
prouvé qu'il étendait au moins jusqu'à Senez les
limites de cette contrée. D'Anville dit que Sanitium
est Senez , et cela parait exacf* ; mais il ne s'ensuit
pas de là, comme d'Anville le prétend, que Sanitium
doive être , contre le texte même de l'auteur qui seul
en a fait mention, attribué aux Sejitii , et enlevé
aux J^edianti. Il faudrait pour cela supposer que*
Ptolémée aurait parlé du peuple dans sa description
de la Gaule , et ensuite qu'il aurait transporté sa
capitale, non seulement chez un autre peuple, mais
dans une autre contrée, c'est-à-dire en Italie ^. C'est
prêter à cet auteur deux erreurs bien grossières : on
n'a pas encore, je crois, remarqué qu'il existe, sous
un point de vue, une exacte conformité entre le texte
' Yoyez ci-dessus, tom. i, p. l'jS et 2j6. — Ptol., ii, lo, p. 5o.
' Yoyez ci-dessus , tom. i , p. 258 à 261 , et p. 272.
' Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. 11, p. 63, edit. Lem.
« D'Anville, Notice, p. 475.
' Ptolem., lib. ir, cap. 10, p. 5i (56); lib. m, cap. i, p. 64 (6g).
PARTIE II, CHAP. IV. 223
de Ptoléraée et celui de Pline pour cette partie. En
effet, Pline ' termine sa description de la Narbon-
naise par un peuple auquel il attribue Dinia, Digne,
et Ptolémée termine de même sa description de la
Narbonnaise par mi peuple auquel il attribue Dinia;
donc les Avantici et les Bodiontici de Pline, dont
les uns possédaient Digne et les autres Sejne, se
trouvent remplacés dans Ptolémée par les Sentii ,
et le nom de ces derniers se retrouve avec un peu
d'altération dans celui de Seyne, qui est du diocèse
de Digne, et après Digne le lieu le plus considérable :
il ne s'agit donc que de distinguer les époques,
et on peut bien présumer que Sentii, nom d'une des
capitales des Avantici et des Bodiontici , aura suc-
cédé , du temps de Ptolémée, aux noms de ces deux
peuples en usage du temps de Pline.
Quant au diocèse de Senez, il représente les J^e-
diantii de Ptolémée % qui leur donne Cenieneliuniy
Cimiers près Nice, et Saniiium. Le nom de civitas
Sanitiensiwn se retrouve dans la Notice. Valois re-
marque qu'on a écrit Sanesium dans le moyen âge,
c'est ce qui aura fait introduire le nom de Sanagiense
dans le texte de Pline ^, qu'on a cru reconnaître dans
\e?> Sanitiensiwn de la Notice^; mais l'édition prin-
ceps, justifiée par une médaille trouvée à Saint-Remy,
prouve que, dans un autre endroit de Pline, il est
question d'une ville nommée Samnages dans le ter-
ritoire des Salluvii. Le texte de Pline, au sujet des
' Plin., Uist. nat., lib. m, cap. 5 (4), tom. ii, p. 66^ edit. Lem.
' Ptolem., Geogr., lib. m, c. i, p. 64 (70), de l'édit. de Beitius.
^ Plin., lib. III, cap. 5 (4), tom. 11, p. 65, edit. Lem.
< Guérai-d, Essai, p. 53. — Hist. de Fr., tom. i, p. 12a, — Con-
férez ci-dessus, p. 42, et tom. 1, p. ■2^-?., 555.
224 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Vediantii, s'accorde d'autant mieux avec le texte de
Ptolémée, que tous deux leur attribuent Cemenelium,
Cimiers, et que si Ptolémée place en Italie Cemene-
liiun et Sanitium , Pline de son côté place dans la
Narbonnalse et aussi dans l'Italie les Suetri , quand
il donne la liste des peuples du Trophée des Alpes.
La capitale de ces peuples était, ainsi que nous l'a-
vons déjà dit, Salinœ y Salernes , au midi d'Apt'.
De tous temps , dans les hautes montagnes , les li-
mites des contrées ont été plus ou moins indécises ,
par la difficulté qu'on éprouve h les déterminer avec
précision ; cependant il résulte clairement des textes
combinés de Pline et de Ptolémée, qu'avant que les
peuples de cette partie des Alpes eussent été réunis à
la Gaule, pour former une province particulière sous
le nom. d'Alpes maritimes, les diocèses de Digne et de
Senez, qui depuis firent partie de cette province, ap-
partenaient auparavant à la Narbonnaise, et reculaient
vers l'orient , de toute l'étendue de leur territoire,
les limites de cette province. Observons seulement
qu'à l'époque dont nous traitons, on doit placer les
Avantici , les Bodiontici et Sanitium , mais qu'il
n'est pas encore question des Sentii , connus seule-
ment au temps de Ptolémée. J'ai déjà observé qu'une
inscription qui se trouve à Saint-Geniez, au nord-
est de Sisteron , nous révèle l'existence et la position
d'un lieu nommé Theopolis. Il n'existe que l'empla-
cement de ce lieu ancien, mais cet emplacement porte
encore aujourd'hui le nom de Théon ". Quant aux
' Voyez ci-dessus, p. 6Q et io5.
* Millin , Voyages dans les departemens méridionaux , tom. lu,
p. 67 et 70.
PARTIE II, CHAP. IV 225
Samnages de Pline ' , nous avons fixé leur position
à Senas '.
Avant de passer à l'Aquitaine, je crois devoir dire
un mot sur les petites iles semées sur les côtes méri-
dionales de la Gaule. D'Anville me paraît avoir mal
appliqué ce que les anciens ont dit sur ce sujet.
Strabon ^ est le premier auteur ancien, parmi ceux
qui nous restent, qui ait fait mention de ces îles; il ,
les nomme Stoechades , et les distingue en grandes
et petites. Etienne de Bjzance leur donne le surnom
àtLigfstideSf Liguriennes^. Agathémère, géographe
grec, qui écrivait deux siècles après Strabon, dit ^ :
« Les Stoechades, ainsi nommées parce qu'elles sont
« rangées sur une même ligne. Elles sont vis-à-vis
(( les villes possédées par les Marseillais; il y en a
(("trois grandes et deux petites : ces deux dernières
(( sont proches de la ville de Marseille. » On voit sur-
le-champ, en jetant les yeux sur une carte de France,
que les grandes Stoechades sont les îles d'Hyères, et
les petites Stoechades les îles qui sont vis-à-vis Mar-
seille. Ptolémée, avant Agathémère , outre l'île Lero
qu'il indique à l'embouchure du Var, fait aussi men-
tion de cinq îles Stoechades, qu'il place sous le pro-
montoire Citharistes , qui est le cap Cepet^. Ce cap
est en effet intermédiaire entre les grandes et les
' Plin., é(Jit. priaceps de 1469, Hist.^ lib. m, v (iv), 6. Dansl'édit.
de 1490» on a substitué Santia^enscs , et dans les édit. postérieures
Sanagenses , pour en faire Senez. — De Lagoy, Méd. ine'd., p. 38.
^ Voyez ci-dessus, tom. i, p. 282.
' Strabo, lib. iv, p. 184 ("281), edit. Alm., et tom. 11, p. 24, de
la trad. franc.
" Stephan. Byzant., p. 680.
* Agathem., Geogr. grœc. min., c. 5, tom. 11, p. i3, edit. Huds.
® Ptolem., Gcngr., lib. 11, cap. 10, p. 5i (55), edit. Bert.
II. i5
226 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
petites Stœchades . A la suite des Stœchades Strabon
nomme les îles Lero et Planasia.
Mais Pline est l'autem^ qui s'explique sur cet ar-
ticle avec le plus de détail , et celui par conséquent
auquel nous devons nous attacher de préférence. Il
ne connaît que trois îles Stœchades proprement
dites , et nous donne les noms de chacune d'elles :
il nomme ensuite deux autres îles Lero et Lerina ,
vis'à-vis Antipolis. Voici comment il s'exprime ' :
(( Il y a plusieurs îles sur les rivages de la Gaule ; à
(( l'embouchure du Rhône , est Metina; ensuite
« celle qu'on nomme Blascon; puis les trois Stœ-
« chades , ainsi appelées des Marseillais qui en sont
(( voisins , à cause qu'elles sont rangées par ordre * ;
« mais ces mêmes Marseillais donnent à chacune
M d'elle les noms particuliers, de Proten, de Mesen,
(( ( que l'on appelle aussi Pompeiana ) ; la troi-
« sième se nomme Hjpea / après les Stœchades ,
(( sont Sturium, Phenice et Phila ; et enfin, vis-à-vis
« Antipolis , sont les îles Lero et L^erina ; dans
i< cette dernière se trouve la ville nommée Ver-
« soanum ^ . »
Je pense d'abord, avec Astruc ^ , que Metina in-
sula n'est autre que celle qu'on voit aujourd'hui à
• Plin., Hist. liât., lib. m, cap. ii, p. 112, edit. Leni.
* « A viciais Massiliensibus dictae propter ordinem; » le mot
c-Tor;toç, en grec, a cette signification.
^ « Galliae autem ora, in Rhodani ostio Metina : mox quae Blascon
« vocatur : très Stœchades a vicinis Massiliensibus dictae propter or-
« dineni, quas item nominant singulis vocabulis, Proten et Mesen
.f quae et Pompeiana vocatur : tertia Hypea. Ab his Sturium, Phœ-
<( nice, Pbila : Lero et Lerina adversum Anlipolim, in qua Vergoani
« oppidi memoria. » Plin., lib. m, c. 11, tom, 11, p. 1 12, edit. Lem.
^ Astruc, Hist. tiat. du Languedoc.
PARTIE II, CHAP. IV. 227
l'embouchure du Rhône , qui se trouve divisé en
deux, et qu'on nomme Tey-de-Bericle sur le grand
plan des Bouches-du-Fihôné de la Compagnie de la
Camargue '.
La position de Blascon insula à Brescou est par-
faitement bien démontrée par Strabon % qui en fait
mention, et qui la place près du mont Sitium, c'est-
à-dire le promontoire de Sette. Festus Avienus ^
décrit aussi très bien la forme ronde de cet îlot :
« Blasco insula est, teretique forma cespes editiir
(( salo. » Ptolémée'^ indique encore de ce côté une
autre île près de Brescou sous le nom ^ Agalha,
Agde, avec une ville du même nom; mais c'est un
double emploi d'autant plus évident, que cette ville
est sous le même méridien que Blascon j et en effet
la ville d'Agde, la véritable Agatha , est aussi sous
le même méridien que Brescou.
Il paraît aussi évident, d'après le texte de Pline,
que les noms des trois Stœchades s'appliquent aux
îles qui sont vis-à-vis Marseille, et qui forment un
petit groupe, au nombre de trois. Il est très facile de
concevoir qu'Agathémère aura négligé la plus petite
et n'en n'aura compté que deux. C'est à tort qu'on a
changé, dans le texte de Pline, le nom de Pompeiana
en celui de Pomponiana , parce qu'on a trouvé un
port nommé Pompoiiianis dans l'Itinéraire mari-
' Sur d'autres cartes ces deux îles sont nommées Tines ou Tignes.
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. i8i (274), edit. Alm. ; tom. 11, p. i5,
de la trad. franc.
' Festus Avienus, Ora maritima, vers. 600, 601, tom. iv, p. 16,
des Geogr. min., edit.Huds.; tom. v, vers. 699 et 600, dans les Poet.
latin, min., edit. Lem.
*■ Ptolem., lib. 11, cap. 10, p. 5i (56), edit. de Bert.
228 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
tlme ' , lieu qui se trouve fixé par les mesures à la
presqu'île de Gien , qu'on a convertie en île pour y
appliquer le nom de Pômponiana insula. Les plus
anciens manuscrits de Pline portent Pompeiana,
et il est évident que ce nom aura été appliqué par
les Marseillais à une des Stœchades y en l'honneur
de Pompée qui fut leur bienfaiteur, et dont ils embras-
sèrent le parti. Mesen était alors l'ancien nom grec
de l'île, et Pompeiana un surnom latin nouveau. On
en retrouve des traces dans le nom de Pomègue ' que
porte une des lies que j'ai désignées, et quelquefois
ce nom de Pomègue a été appliqué à tout le groupe,
qui , sur plusieurs cartes , se trouve désigné sous
le nom d'îles Pomègues. Pomègue paraît donc être
Pompeiana ou Mese. On peut rapporter Hypea a
l'île d'Yf ; alors la troisième île, qui se nomme Rato-
neau sur nos cartes modernes, sera nécessairement
Proten.
Quant aux trois autres îles mentionnées par Pline,
nous les retrouvons facilement dans les trois gran-
des Stœchades d' Agathémère ; et si Pline a conservé
dans son énumération l'ordre géographique, Stiirium
sera Porquerolles , Phenice^ Porteroz , et Phila ,
l'île du Vent ou l'île du Titan. Il est assez singulier
que d'Anville % qui critique si vivement Valois,
ne fasse pas dans sa Notice la moindre mention de
ces trois dernières îles , quoiqu'il se livre à ce sujet
a une longue discussion.
' Itiner. maritim.^ p. io5, edit. Wessel.
' Valois a fait la même conjecture sur Pomègue. — Valesii ,
Notifia Calliœ, p. 535.
^ D'Anville, Notice de la Gaiil^. p. 617.
PARTIE II, CHAP. IV. 229
Les petites îles intermédiaires entre les petites et
les grandes Stœchades ont évidemment été né-
gligées, toutes les fois qu'il a été question de décrire
les groupes particuliers, ou de donner des noms in-
dividuels ; mais ces îles intermédiaires sont cause
que Mêla et d'autres anciens parlent des Stœchades
sans fixer leur nombre, et qu'ils les représentent
comme semées sur les côtes de la Ligurie jusqu'à
Marseille '. Or il y a sur cette côte plus de qua-
rante petites îles ou îlots.
Cependant la plupart des auteurs anciens s'accor-
dent avec Pline pour désigner , sous le nom de
Stœchades plus particulièrement, les Stœchades voi-
sines de Marseille , ou les petites Stœchades d'Aga-
tlîémère. jEthicus ou Orosius '^ (car on ne sait lequel
est le plagiaire ) dit : « Les Stœchades sont situées
« près de l'embouchure du Rhône. » Tacite^ donne
les Stœchades aux Marseillais : « Stœchadas , Mas-
siliensiuTïi insulas.» Suétone'^, en parlant du voyage
de l'empereur Claude dans la Grande-Bretagne, dit
que <■( cet empereur fut poussé par un vent violent
« près de la Ligurie jusqu'à la côte des îles Stœ~
« chades , et que c'est par cette raison qu'il aborda
(( à Marseille, et qu'il continua entièrement sa route
« par terre jusqu'à Gesoriacuin. » Lucain^ s'exprime
encore d'une manière plus précise en parlant de
' Mêla, Geogr., lib. ii, cap. -j, tom. i, p. yS, edit. Tzschuck ;
( In Gallia, solœ sunt Stœchades, ab ora Ligurum ad Massiliain
<' usque dispersae. » ^
' Orosius, lib. i, cap. 2, p. 25, edit. Haverc.
3 Tacit., Hist., lib. m, cap. 43, tom. 111, p. 5i5, edit. Leni.
* Suetonius, in Claudio, cap. 17, tom. i, p. 104, edit. Hase.
' Lucanus, lib. tu, vers. 5i6, tom. 1, p. 5i5, edit, Lcni.
230 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Brutus, préfet de la flotte de César, qui, ayant fait
descendre le Rhône à des vaisseaux construits à Arles,
prit position dans les îles Stœchades pour assiéger
Marseille.
JEt jam , turrigeram Bruti comitata carinani ,
Vtnerat injluctus, Rliodani cum gurgite cîassis ,
Stoechados arva tenens.
C'est-à-dire qu'il s'empara d'une des îles Stœchades
pour assiéger Marseille. Donc Lucain désigne, de
même que Pline, sous le nom de Stœchades y les
îles qui sont vis-à-vis Marseille, et non les îles
d'Hyères. Les Mémoires de César confirment le ré-
cit du poète : a Ceux que commandait Brutus ,
« dit César *, prirent station à l'île qui est vis-à-vis
a Marseille. » Il est vraisemblable que le voisinage
de Marseille aura donné aux petites Stœchades une
plus grande célébrité, et que ce fut par cette raison
que le nom de Stœchades , qui d'abord était gé-
néral pour toutes les îles de la côte, fut restreint
aux seules Stœchades voisines de Marseille. Je crois
du moins avoir bien démontré, contre le sentiment
de d'Anville, que les noms des trois Stœchades
de Pline ne peuvent en aucune manière s'appliquer
aux îles d'Hyères. Martien Capella , qui ordinai-
rement, dans son mince Traité de géographie, se
contente de copier Pline, diffère cependant avec lui
pour le nom qu'il donne à la première des Stœchades,
qui, chez lui, ne se nomme ^^s Proten, mais The-
mista. Mais il paraît que toutes ces îles avaient un
double nom , et que Themista était le prénom de
Proten y comme Pompeiana, de Mesen. Du reste,
' Csesar, de Bello civili, lib. i, cap. 56, toni. i, p. 85, edit, Lem.
PARTIE II, CHAP. IV. 231
Martien Capella n'indique que trois Stœcliades
proprement dites; mais il en nomme cependant
d'autres plus petites vers Antibes. « Très Stœchades
a quarum hœc sunt nomina singularum : prima
« Themistay secunda Pompeiana, tertia Hfpea, cœ-
« terasque exiguas adi^ersumu4ntipoli?n.)) Ces petitea
îles qu'indique Martien Capella vis-à-vis Antibes
sont évidemment l'île Lero de Pline, ou Lerone de
Ptolémëe, Sainte-Marguerite, etLerma^ ou Planasia
de Strabon, Saint-Honorat, où était la ville nommée
V^ergoanum '.
Gallia comata (Gaule chevelue).
Dans Mêla et dans Pline % le reste de la Gaule est
décrit sous le nom de Gallia comata, ou Gaule che-
velue , séparément de la Narbonnaise, et après l'Es-
pagne. Strabon et Ptolémée ^ n'établissent pas cette
distinction, et décrivent de suite les quatre portions
de la Gaule. Parmi les trois portions qui nous restent
encore à faire connaître, la première dont nous de-
vions nous occuper est l'Aquitaine.
Aquitania (l'Aquitaine).
Pour connaître l'étendue de l'Aquitaine au temp&
d'Auguste , il faut d'abord observer que cet empe-
reur, après avoir soumis en entier ce pays , s'atta-
cha ensuite à dompter les peuples des Pyrénées. Les
Pyrénées forment une limite naturelle entre la Gaule
■ ATartian. Capella, lib. vi, p. 206. — Ptol., lib. 11, c. 10, p. 5i {S&)t
' Mêla, lib. m, cap. 2, tom. i, p. 85, edit. Tzschuck. — Plin.,
Hist. nat., lib. iv, cap. 3i (17), tom. 11, p. 358, edit. Lem.
' Su-abon, lib. iv. — Ptolem., lib. ii, cap. 7, 8, 9 et 10, p. 45 à 5i
(46 à 56), edit. Bert. — Conférez ci-dessus, tom. i, p. 282.
232 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
et l'Espagne, et projettent, à leur extrémité orien-
tale , le cap Creuz , promontorium Pyreneum, qui ,
dans tous les temps, a dû être regardé comme la limite
entre les deux pays; mais du côté de l'occident les
Pjrénées, au lieu de continuer jusqu'au golfe de Fon-
tarabie, où la côte semble déterminer par son resser-
rement les limites naturelles de la péninsule Hispa--
nique, abaissent leurs sommets et disparaissent, au
contraire, dans cet endroit, pour se diriger ensuite
parallèlement à la côte d'Espagne, en traversant la
Biscaye et les Asturies. Il paraît démontré que, du
moins après la soumission entière de l'Aquitaine et
des peuples des Pyrénées, sous Auguste, les limites
de la Gaule furent, à l'occident de même qu'à l'orient,
déterminées sur la côte au promontoire le plus
avancé, et non dans le point le plus enfoncé des
deux golfes voisins des Pyrénées. Nous avons déjà
vu que l'extension du diocèse de Bayonne jusqu'à
Saint- Sébastien prouve que les limites de la Gaule
franchissaient sur la côte le détour du golfe et l'ali-
gnement de la grande chaîne des Pyrénées. Ptolémée
fait commencer la Gaule à V OEaso promontorium ,
que ses mesures font correspondre au cap Machi-
caco', près duquel se trouve encore aujourd'hui un
lieu nommé Ea. Cette position s'accorde parfaite-
ment avec le texte de Mêla, qui place un lieu nommé
OEaso bien avant les Pyrénées ; cependant ces mon-
tagnes sont considérées par lui, et par tous les anciens,
sous un point de vue général, comme la limite de la.
Gaule et de l'Espagne. Mais il résulte évidemment
' Voyez Gossellin, Recherches sur la Géographie s-ystc'matiquc
cl positive des Anciens , tom. iv, p. i56 et iSy.
PARTIE II, CHAP. IV. 233
de tout ce que nous avons dit, que les limites de la
Gaule étaient les mêmes que celles de l'ancien diocèse
de Bayonne, c'est-à-dire qu'elles s'étendaient jusqu'à
Saint-Sébastien \
Dans l'intérieur, les limites de l'Aquitaine éprou-
vèrent encore, sous Auguste , des changemens bien
plus considérables , puisque cet empereur y incor-
pora une grande partie des peuples de la Celtique de
César. Strabon estl'auteur qui a parlé le plus en détail
de cette nouvelle division.
(( Les peuples situés entre la Garonne et la Loire ,
(f dit-il, qu'on a réunis à l'Aquitaine, sont les
(( Hehii , qui commencent au Rhône. Après eux ,
« sont les Vellaï (ou Villaoi) , qui autrefois fai-
« saient partie des Arvemi , mais qui, aujourd'hui ,
(c forment un peuple séparé. Viennent ensuite ces
K mêmes Jrvemi , les Lemonces et les Petrocorii ;
« les Nitiobriges y les Cadiirci et les Bituriges , sur-
it nommés Cubi. Le long de l'Océan , on trouve les
« Santones et les Pictones , ceux-ci près de la Loire ,
((et ceux-là près de la Garonne , ainsi que je l'ai
K déjà dit ; et enfin , dans le voisinage de la Nar-
(( bonnaise , sont les Ruteni et les Gabali ".
Ce passage de Strabon nous prouve que , pour ce
qui concerne l'Aquitaine, cet auteur avait puisé dans
des matériaux authentiques et récens, à l'époque où
il écrivait ; et comme il était contemporain d'Au-
guste, il mérite ici la plus grande confiance. On ne doit
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 599, et Oïhenart, Nolitia Vasconiœ ,
p. 172 et 1^5.
^ Strabo, Gcns^r., lib, iv, p. 190 (289), cdit. Alm.; toin. ir, p. /(i ,
de la trad. tVanc.
234 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
donc pas supposer qu'il se soit trompé en nommant
les Helçii au nombre des peuples réunis à l'Aqui-
taine ; d'autant plus que c'est par-là qu'il commence
son énumération , et qu'au lieu de se contenter de
nommer simplement ces Hehii , il remarque aussi
leur situation au bord du Rhône; enfin il ajoute qu'ils
étaient limitrophes des J^ellaïow. Veliavi. D'un antre
côté, comme nous savons par César que les Helvii
faisaient partie de la Province romaine, et que nous
les voyons encore faire partie de la Narbonnaise dans
Pline et dans Ptolémée, nous ne devons pas douter
qu'après avoir été enlevés à la Province romaine,
ils ne lui aient été ensuite restitués. Si l'on fait atten-
tion que , de ce côté , les Arverni se prolongent
jusque sur les bords du Rhône, on concevra facile-
ment comment des considérations fondées sur la
géographie naturelle et sur la clarté des limites
ont fait comprendre les Helvii tantôt dans la Pro-
vince romaine , et tantôt dans l'Aquitaine. D'ail-
leurs Auguste , qui céda la Narbonnaise au sénat et
au peuple romain , put avoir des raisons politiques
pour restreindre les limites de cette province , et en
retrancher le Vivarais. 11 suffisait pour cela qu'il eût
besoin d'y tenir des troupes en station , afin de con-
tenir les montagnards ; il ne cédait au peuple romain
que les provinces entièrement pacifiées , et qui n'a-
vaient plus besoin, pour rester en paix, de la force
militaire '.
' Voyez Dio, lib. i.iii, cap. 22, p. 717, et lib. liv, cap. 4, P- 7^5,
edit. Reim. — Mandajois, Hist. critique de la Gaule narbonnaise ;
Paris, in-i2, 1735, p. 084. — Conférez ci-dessus, toni. 1, p. 275 et
274 de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 235
Comme Strabon ne parle ici que des peuples situés
entre la Loire et la Garonne , il ne nomme ni les
Çonvenœ ni les Bituriges mvisci , qui furent aussi
réunis à l'Aquitaine par Auguste, et qui complè-
tent le nombre de quatorze, auquel Strabon lui-
même nous apprend que se montait la totalité des
peuples réunis à l'Aquitaine.
Strabon a dû d'autant plus ne pas rappeler ici les
noms de ces deux peuples qu'il venait d'en parler
peu auparavant. nYiç^s, Bituriges josci, dit-il, sont
<( le seul peuple étranger qui habite parmi les Aqui-
u tains sans en faire partie. Leur place de commerce
(c est Burdigala, ville située sur une espèce d'anse
a formée par les embouchures de la Garonne ' . )) Le
surnom de Josci , que Strabon donne à ces Bitu-
riges, est évidemment une corruption de celui de
Vihisciy dont on doit accuser les copistes de cet au-
teur. Ausone ' et une inscription romaine % trouvée à
Bordeaux, constatent la véritable leçon de ce surnom :
ces autorités se trouvent d'accord avec l'ancienne
traduction latine de Ptolémée. Strabon est le pre-
mier auteur ancien qui fasse mention de Burdigala ,
capitale des Bituriges vivisci. La position de cette
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 190, tom. 11, p. 09 delatrad. franc.;
et ci-dessus, part. , 11, cli. 2, tom. i, p. 5o4 et 36o de cet ouvrage.
— Ausone, Mos., 18. — Clar., Urb., i4- — Paulin., Epist., 4» 9>
p. 299, 225, 440 et 460, de l'édit. ad usum Delph., \n-^°. — Amni.
Marcell. , xv, 11. — Eutrop., ix, 10, p. 66g, edit. Tzschuck. —
P. 457, edit. Verheyk.
* Ausone : « Vivisca duceiis ah origine gentem. w In Mosell. ,
V. 558, p. 35o. — Ptolem., Gcogr., lib. 11, cap. 7, p. 46 (5o), edit,
Berkel.
•■' Venuti, Dissertations sur les anciens nionuin. de la ville de
Bordeaux , p. 9.
236 rxÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
ville ancienne à Bordeaux moderne est prouvée par
les mesures des routes de la Table et de l'Itinéraire ,
qui partent de Mediolanum , Saintes, Vesuna, Péri-
gueux, Aginnum, Agen, Elusa, Eause, aquœ Tarbel-
licœ, Aqs ' . Les monumens romains qu'on a trouvés
à Bordeaux, et les belles ruines antiques de l'édifice dit
Palais-Gallien, confirment encore l'exactitude des
mesures. 11 est étonnant qu'un aussi savant homme
que Valois ' ait prétendu rompre l'accord des mo-
numens historiques avec les mesures anciennes , et
les vestiges encore subsistans d'antiquités, en insi-
nuant que Bordeaux peut avoir changé de place et
avoir été situé au nord de la Garonne. Les deux passa-
ges de Grégoire de Tours et de l'appendice de la Chro-
nique de Frédégaire, qu'il rapporte , ne fournissent
pas du tout la conséquence qu'il veut en tirer. Quoi
qu'il en soit, l'infatigable abbé Lebeuf fit , en 1749 y
un voyage exprès à Bordeaux, pour examiner sur
les lieux cette opinion de Valois, qui, de la part
d'un autre, eût à peine mérité une réfutation. L'abbé
Lebeuf, aidé de tous les secours de l'autorité, ne put
découvrir sur l'autre rive la moindre trace ni le
moindre vestige d'antiquité; il fit, pour réfuter l'er-
reur de Valois, un Mémoire qui a été publié par
extrait dans ceux de l'Académie des Inscriptions ^
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
=" Valesii Notitia Gallice, p. 88.
' Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Mémoires, t. xxvii,
p. 145. — Elie Vinet est, je crois, le premier qui, dans divers ou-
vrages particuliers, et dans son Commentaire latin sur Aiisone ,
nous ait fait connaître les antiquités romaines de Bordeaux. Dans
le discours préliminaire des Annales de Bordeaux , par M. Ber-
nardau ( Bordeaux i8o8 ), on trouvera une Notice siu" tous ceux qui
PARTIE II, CHAP. IV. 237
Les limites de l'ancien diocèse de Bordeaux nous
représentent donc, avec exactitude, celles des anciens
Bituriges vwisci', dont le territoire, en partie situé
au nord de la Garonne, n'était point, par cette
raison, compris en entier dans l'Aquitaine de César,
et n'y fut réuni que sous Auguste. Comme, d'un
autre côté , la capitale de ces peuples, Burdigala ,
était placée, avec une autre portion de leur territoire,
au midi de la Garonne, Strabon ne les a point com-
pris au nombre des peuples celtes réunis à l'Aqui-
taine, situés entre la Garonne et la Loire.
Indépendamment de Burdigala , Ptolémée donne
encore aux Bitiiriges vwisci une ville qu'il nomme
JVoç'îomagus . On n'a aucun moyen de déterminer la
position de cette ville, dont Ptolémée seul a parlé.
D'Anville , pour ne pas l'omettre sur sa Carte, l'a
mise à Castelnau de Médoc , qui paraît avoir été
aussi le chef- lieu d'un peuple particulier, connu
sous le nom de Medidi '. D'autres ont posé Novio-
magus à la pointe de Graves ^. Nous reviendrons
ont spécialement écrit sur l'histoire de Bordeaux ; mais, dans sa lon-
gue nomenclature , il a cependant oublié les Mémoires de l'Acad.
des Inscript, et Belles-Lettres. Or, outre le Mémoire déjà cité,
on trouve, tom. ni, p. 260, et xii , p. 259 des Mémoires inté-
ressaus sur les antiquités de Bordeaux. Dans ces derniers temps,
M. Jouannet a ajouté d'importans documens à ceux que l'on pos-
sédait. Voyez Dissertations sur quelques antiquités de'com'ertes à
Bordeaux, en 1828, petite rue de l'Intendance. Recueil académ.,
séance du i4mai 1828, p. i et suiv. Conférez Cayla, Magas. encycl.,
XI, 2, i56. • — Millin, Voyage en France, tom. iv, p. 608 à 662. —
Quant aux trop fameuses Inscriptions de Nérac, publiées par 31. Du-
mége et autres antiquaires, on sait qu'elles sont toutes fausses.
■ Voyez Denys de Sainte-3Iartlie, GalL, Christ, tom. 11, p. ySj.
" D'Anville, Notice, p. 449 et 4g4.
^ Duniége, Statisliquc des Pyrénées, tom. 11, p. 7, expose
toutes les opinions «mises jusqu'ici sur Noviomagus.
238 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
sur les 3Ieduli y dont il est fait mention par Ausone
à une époque très postérieure à celle dont nous trai-
tons. Il en est de même des villa nommées Luca-
niacus et Pauliacus dans Ausone ' , qu'on place à
Lugagnac et à Pauliac.
Nous avons déjà assigné la position des Convenœ ,
et nous avons observé qu'avant l'entière soumission
de l'Aquitaine et même des autres parties de la Gaule,
ils faisaient partie des possessions romaines dans la
Gaule, et qu'ils étaient renfermés, quoique Aquitains,
dans la Province romaine. Auguste ne fit en quelque
sorte que les restituer à l'Aquitaine, dont ils se
trouvaient détachés depuis que Pompée les avait
soumis.
En décrivant la Celtique de César , nous avons
parlé en détail des quatorze peuples situés entre la
Loire et la Garonne, que Strabon nous apprend avoir
été réunis à l'Aquitaine; nous avons fait connaître
leurs positions, les limites de leurs territoires, ainsi
que l'emplacement de leurs villes capitales '.
Il nous reste à faire mention de petits peuples de
l'Aquitaine , mentionnés par Pline, dont les capitales
ne sont point connues, et dont l'emplacement ne peut
être déterminé que par des conjectures plus ou moins
probables. La conquête des cantons les plus vantés
de l'Aquitaine par Messala , les fréquens passages
des Romains dans les Pyrénées pour se rendre en
' Ausonius, Epistol. 3, 4 et 5, p. 4ôg, 45o, 45^ et 1^6^, de l'édit. ad
iisum Delph., et dom Bouquet, Recueil des Hist. de France, tom. i,
p. 74i- — Variétés bordelaises , tom. ii, p. 114.
' Strabo, Geogr., lib. iv, p. 189 et 190 (288 et 289); tom. 11,
p. 4i? de la ti'ad. franc., et ci-dessus, tom. 1, p. 282 à 5o6 de cet
ouvrnsre.
PARTIE II, CHAP. IV. 239
Espagne , avaient multiplié les relations sur les lia-
bitans des diverses vallées de cette vaste chaîne; et
comme il arrive toujours pour les pays très fréquen-
tés, les descriptions géographiques avaient été con-
verties en topographies minutieuses.
Mais avant de passer à Pline, observons que Stra-
bon ' nous parle des beaux Thermes des Onesii , chez
les Conçenœ : le nom et la position de cette cité se
retrouvent dans le lieu moderne nommé Ozon, près
de Tournay, et non loin de Bagnères-en-Bigorre sur
l'Adour, dans le département des Hautes-Pyrénées,
et Bagncres paraît être les Thermes des Onesii dont
Strabon a fait mention. Bagnères-en-Bigorre fut
un lieu célèbre dès le temps d'Auguste par ses sources
thermales, ainsi que le prouve la belle inscription
qui s'y trouve encore, et que nous y avons vue. Les
mesures anciennes nous démontrent que Bagnères est
aussi Vaqius Coiv^enarum de l'Itinéraire d'Antonin '^ :
on peut présumer que ce surnom de Con^>ena-
rum n'a été donné à ces aquœ par le rédacteur
d'Antonin , que parce qu'il les confondait avec d'au-
tres aquœ j qui sont à Bagnères -de- Luchon et à
Capbern , plus rapprochées de la vallée où est Saint-
Bertrand-de-Comm i nges, ou Lugdunum Convenaruni^
que le Bagnères dans la vallée de Campan , qui ap-
partient à la Bigorre. L'inscription de Bagnères-de-
Bigorre ne fait aucune mention du surnom de Conve-
' Strabo, lib. iv, p. 190 (290); tom. 11, p. 4i, de la trad. franc.
' Voyez V^nalyse des Itinéraires, tom. m, et tom. 1, p. 5o6, de
cet ouvrage. — D'Anville s'est fortement trompé dans l'application
des mesures anciennes pour cette partie, et ne veut pas reconnaître
aquae Convenarum dans Bagnères-eii-Bigorre.
240 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
narum. Nous nous sommes convaincu, par l'examen
que nous en avons fait sur les lieux, que la route
ancienne ne circulait pas comme aujourd'hui par
Coarraze, par le village de Saint-Pé et Lestelle, ni par
Lourdes; mais qu'elle allait en droite et directe ligne
de Nay à Bagnères, en passant par Adé, puis ensuite à
Labarthe-de-Nesle, et de là à Saint-Bertrand-de-Com-
minges. Au-delà de Adé on découvre les vestiges d'une
autre route antique qui s'embranchait avec celle-ci,
et se dirigeait sur Capbern ; mais aucun monu-
ment ancien ne prouve d'une manière certaine ,
comme l'inscription que j'ai citée pour Bagnères-de-
Bigorre , que ni Capbern , ni Bagnères-de-Luchon ,
aient été célèbres chez les anciens pour leurs eaux
thermales. Quelques marbres antiques ont été
trouvés à Bagnères-de-Luchon , en 1 766 , et nous
avons vu nous-mêmes , dans le cabinet de l'abbé de
Tersan , l'inscription portant : ilixoni deo fab.
FESTA. V. s. L. M. '. Ce qui donnerait, dans le nom
d'une divinité locale, l'étjmologie du nom moderne,
et un lieu ancien à placer à Bagnères-de-Luchon;
mais cela ne prouve pas l'existence d'un établisse-
ment thermal antique dans cet endroit.
Les Tomates de Pline " doivent être placés à Tour-
naj, que je viens de mentionner.
C'est encore près de là, et dans le canton connu sous
le nom de Nébousan, que d'Anville, avec raison,
place les Onobrisates de Pline. D'Anville se fonde sur
• Celte inscription a été gravée pai' M. Chaudruc de Crazannes,
p. 54, de son ouvrage sur la Novempopulanie. — Voyez le Diction-
naire^ tom. m de cet ouvrage.
' Plin., lib. IV, cap. 55 (19), tom. 11, p. 570, edit. Lem., et tom. 1,
p. 5o6, de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 241
Un petit lieu nommé Cioutat , entre l'Adour et la
Nesle; et comme ce nom de Cioutat est le même que
le mot de cùntas , ville, il considère ce lieu comme
la capitale d'un ancien peuple. Ensuite il corrige le
n\otà^ Onobrisates y en celui d'Ono^w^^!^^^, pour faire
ressembler davantage ce nom h celui de Nebousan ;
mais il est évident que cette terminaison de brisâtes
est le mot celtique briva , corrompu par les Ro-
mains de tant de manières. Aussi les manuscrits
s'accordent-ils tous sur cette terminaison , et ils ne
diffèrent que par les deux premières syllabes : au lieu
à'Onobrisaies, on lit dans quelques uns Olobrisates.
Sous cette dernière forme, ce nom n'a plus que peu de
rapport avec celui de Nebousan, et peut-être pour-
rait-on se hasarder à placer les Olobrisates à Oleac ,
arrondissement de Tarbes , canton de Tournay . Au
reste, cette position s'éloigne peu de celle qu'a don-
née d'Anville. Mais comme ce pays n'a d'autre ville
que Saint - Gaudens , il est plus naturel de penser
que cette ville, avant d'avoir pris le nom du saint
qu'elle porte aujourd'hui, avait le nom du peuple,
Onobrisates '.
Les Sediboniates de Pline '^ doivent être placés h
Sebi, dans le département des Basses-Pyrénées, ar-
rondissement d'Orthez , canton d'Arsac.
On retrouve le nom des Bercorates dans celui de
Bercouats, que portent encore aujourd'hui les habi-
tans d'un lieu anciennement nommé Barcou, main-
tenant Jouanon , dans la paroisse de Bias et dans le
' Dumége, Statistique du département des Pyrénées, tora. u,
p. 36. — Froideur, Mémoires du pays et Etat de Nebousan.
' Plia., lib. IV, cap. 55 (ig), tom. ii, p. 5^1, cdit. Leiii.
II. i6
242 GÉOfrRÂPHÏE ANCIENNE DES GAULES,
canton de Born , diocèse de Bordeaux, département
de la Gironde '.
Les Penpedunni "" doivent être placés au port
Pinède.
Les Lassunni ^ , sur les bords de la rivière nommée
Lassanaïco-Erreca, dans les vallées de Baïgorry et
des Aldades.
Les Succases , à Succos, dans le département des
Basses-Pyrénées, canton de Saint-Palais sur la Pa-
dagoy. — Plusieurs auteurs veulent placer ce petit
peuple dans la paroisse de Saucats, près de Buch,
diocèse de Bordeaux ; mais ils seraient trop près de
Bordeaux '^.
Les Vassei de Pline ne peuvent être les mêmes
que les Vasarii de Ptolémée; car ces derniers sont
JDlen certainement les V^asates , ou ceux de Basas.
Les Vassei doivent être placés aux environs de la
montagne de Vassia, dans les Hautes-Pyrénées, près
de Bagni, dans la vallée de Bastan.
Les Cambolectri ^ doivent être séparés des Agesi-
liâtes. Leur réunion dans le texte de Pline n'est
qu'une conjecture de Hardouin ; il est évident aussi
que ces Cambolectri ne sont pas les mêmes que le
peuple du même nom dans la Province romaine ",
puisque, ainsi que nous l'avons déjà vu, Pline dé-
' Baurein, Variétés bordelaises , tom. iv, p. 19 et 20.
" Selon les meilleurs maonscrits, et non pas Bipedimui, comme
portent les éditions.
5 Selon les meilleurs manuscrits, et non pas Sassumini, comme
dans beaucoup d'éditions.
'' Baurein , p. 19. — Yalesii Not., p. 624.
* Plin., loco citalo, lib. iv, c. 55 (19), tom. 11, p. 575, edit. Lem.
* Plin., lib. m, cap. 5 (4), tom. 11, p. 65, edit Lem.
PARTIE II, CHAP. IV. 243
msne ces derniers par le surnom de Atlanticij pour
les distinguer des autres. Le nom des Cambolectri de
l'Aquitaine parait se retrouver dans celui de Cambo,
arrondissement de Bayonne, canton d'Espelette, lieu
célèbre aujourd'hui par ses eaux minérales.
Les Sennates habitaient les environs de Sennac,
dans les Hautes-Pyrénées, arrondissement deTarbes,
canton de Rabsteins '.
Les Sihyllaies sont placés par d'Anville, avec assez
de probabilité, dans la vallée de Soûle : cette vallée
est nommée vallis Subola dans Frédégaire. Ce nom
de Subola, suivant Oïhenart% désigne un pays cou-
vert de bois. ou sauvage; par contraction, on a dit
Sola, qu'on a traduit par le mot Soûle; il ne faut
pas confondre ce peuple avec les Sibutzates de César
ou ceux de Sobusse ^.
Les Osquidates niontani , dont le nom précède
celui des Sybillaies , occupaient la vallée d'Ossau *♦.
\jÇ.s Anagnutes étaient probablement situésàAgnos,
département des Basses-Pyrénées, canton de Sainte-
Marie, près la Miellé. On ne doit pas les confondre
avec les Agnotes de la Celtique mentionnés par Arté-
midore, et dont nous avons déjà parlé.
Valois ^ a très bien observé que le nom des Be-
lindi de Pline se retrouvait presque sans altération
' Pliu., lib. IV, cap. 35 (19), tom. 11, p 575, edit. Leni.
" Oïhenart, Notitia Vasconiœ, p. 402.
' Voyez ci-dessus, part. 11, ch. 2, tom. i, p. 5o3.
< C'est une singulière idée que celle de Valois, qui veut écrire
Ossidates, et faire de ce peuple les Datii de Ptolémée. Voyez Va-
lesii Notitia, p. 3i , et ci-après.
' jYniitin GnUiœ , p. 5'j4- — Voyez ci-dessus, loni. i. p. ôoO".
244 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
dans le bourg des Landes nommé Belin , qui existe
sur la route de Bordeaux à Bayonne. Ce lieu est du
diocèse de Bordeaux, et son nom, dans quelques
titres, est Belinum. Le passage de la rivière de Leyre
à Belin est appelé pons Belini dans ces mêmes
titres.
Le nom des Monesi se reconnaît aussi très facile-
ment dans celui de Moneins, entre Pons et Navar-
reins. On a retrouvé, dit-on , d'anciens ouvrages de
castramétation près de Moneins, qui remontent au
temps des Romains ', et l'Edrisi parle de ce lieu '.
Guidé par la seule analogie des noms , on a placé
aussi assez heureusement les Caniponi dans la vallée
de Campan ^ Mais il est difficile d'assigner les posi-
tions de certains peuples nommés sans aucun ordre
par Pline ^ : ses Ambilatri ^ qu'il ne faut pas con-
fondre avec les Amhiliates de César , occupaient ,
suivant nous , les environs de Mirebeau et de Châ-
telleraut, où l'on trouve Amberre et Saint-Genest-
d'Ambierre, près de Lanclolstre; les Vellates nous
semblent avoir occupé les environs de La Valette,
au sud d'Angouléme; et les T^enami , le canton de
Benanges, dont Cadillac est la capitale.
Nous avons déjà remarqué précédemment qu'il
était très probable que les Consoranni , dont la po-
sition dans le Couserans est prouvée par les monu-
mens historiques, et dont Pline fait mention comme
' Dumége, Statistique des Monts Pyrénéens , tom. ii, p. 5o.
^ Edrisi , sive, Geogr. Nubiens,, parsii, cliniatis quint., p. 220.
3 D'Auville, Notice, p. ig6.
■« Plinius, lib. iv, cap. 55 (19), lom. 11, p. 56g. — Vojez ci-dessns,
p. 280, 284, 291, 292, 5o5, 5o5 et 5oG.
PARTIE II, CHAl>. IV. 245
étant situés dans l'Aquitaine, étaient les mêmes que
les Consuaranni placés , dans le même auteur, tout
auprès des Consoranni , dans la description de la
province Narbonnaise; et nous avons développé les
raisons qui nous ont porté à partager ce peuple entre
la Narbonnaise et l'Aquitaine '. Nous ajouterons seu'
lement ici qu'un passage d'une vie manuscrite de
Glycerus ou Lycerius, Saint-Lizier, semble prouver
que, dans le moyen âge, Saint-Lizier, la capitale des
Consoranni, avant de prendre le nom. du peuple,
et ensuite celui de l'évêque Liziers , portait celui
diAustria; mais ce nom existait- il du temps des
Romains? C'est ce que l'on ignore ".
D'autres peuples mentionnés par Pline appartien-*
nent à cette portion de la Celtique qui fut réunie à
l'Aquitaine par Auguste.
Celui qui le premier réclame notre attention ,
parce qu'il est possible d'en déterminer la position
avec quelque degré de certitude , ce sont les Age-
sinates , que Pline nous indique lui-même comme
renfermés dans le territoire des Pictones. « Agesi-
nates Pictonibus juncti. » D'Anville a très bien
observé que le nom de ce peuple se retrouve dans
celui d'Aisenai , un des trois archidiaconés qui com-
posaient le diocèse de Lucon. Dans les bulles d'érec-
tion de ce diocèse, par Jean XXII, au commence-^
ment du xiv^ siècle, il est fait mention de ce doyenné
sous le nom d'AsianensiSj et dans d'anciens titres il
est question du prieuré même d'Aisenai.
La difficulté de placer les Antobjvges , que Pline
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. ig6.
' Voyez d'Aiiville, Notice, p. i/^i , et Valois, p. i55.
246 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
dit être dans l'Aquitaine , limitrophes de la province
Narbonnaise , a déterminé plusieurs auteurs à con-
fondre ces peuples avec les Nidobriges ; mais ce-
pendant Hardouin, qui penchait pour cette opinion,
dit que tous les manuscrits portent Antobroges. Le
texte de Pline est ainsi : a Rursus Narbonensi pro-
« ç'inciœ contermini Ruteni, Cadurci, Antobroges y
H Tarneque amne discreti a Tolosanis Petrocori
« Maria circa oram. » Ce qui contient une erreur
évidente; car \esPetrocorii sont séparés des Tolosani
par les Cadurci et par les Nitiobriges. Il faut donc
lire, avec un manuscrit : (c Cadurci , Antobroges
u Tame amne discreti a Tolosanis; Petrocori* ,
u Maria circa oram. » Le texte, ainsi rétabli, porte
les Antobroges au nord du Tarn et des Tascojii ,
dans la partie méridionale du diocèse de Cahors,
aux environs d'un lieu nommé Antonin , et dans le
diocèse de Montauban.
Dans tous les manuscrits de Pline , on lit Latu-
sates ' et non Tarusates, qu'on j a substitué pour
se conformer au texte de César. Cependant comme
Pline nomme un assez grand nombre de petits
peuples dans l'Aquitaine , dont César n'a point fait
mention , et dont les noms ne se retrouvent dans
aucun autre auteur, on ne doit pas se permettre
de changer ici son texte , d'autant plus que le nom
des Latusates se retrouve dans un lieu nommé Latus,
' Joseph Scaliger, dans ses notes sur Ausone, lib. ii, cap. lo, a
proposé une correction semblable ; mais , comme il substituait Ni-
tiobriges à Antobroges, d'Anville {Notice, p. Siy), se refuse avec
raison à admettre cette correction. — Plin., lib. iv, cap. 55 (19).
' Yoyez Plin , lib. iv, cap. 53 (ig), tom. 11, p. 370, edit. Lem.
PARTIE II, CIIAP. IV. 247
département de la Vienne, arrondissemeiit et canton
de Montraorillon, à deux lieues trois-quarts de cette
ville, où sont des antiquités célèbres.
Nous avons déterminé ailleurs les positions des
autres petits peuples des Pyrénées et de l'Aquitaine
dont Pline a fait mention ' ; occupons-nous actuel-
lement de Ptolémée.
Si on excepte les Helvii qu'il place dans la
Narbonnaise , Ptolémée s'accorde avec Strabon
pour le dénombrement des peuples de l'Aquitaine ,
à la réserve d'un seul, dont le nom, ainsi que celui
de leur capitale, ne se retrouve nulle part ailleurs.
Ce peuple sont les Datii , et leur capitale est Tasta.
Il est extrêmement remarquable que le nom de
ce peuple et celui de sa capitale ne varie dans aucune
des nombreuses éditions que l'on a faites de sa
géographie, quoiqu'elles offrent, pour presque tous
les autres noms , des variantes plus ou moins con-
sidérables. Sanson a voulu placer le^ Z?a^«à Aqs;
mais comme il est bien démontré par les mesures
des Itinéraires que ce lieu est aquœ Tarbellicœ , et
la capitale des Tarhelli de Ptolémée , l'opinion de
Sanson ne saurait se soutenir. D'Anville, dans sa
Carte de la Gaule au temps de César, dressée en i <^l^S
pour l'histoire romaine de Crevier, avait placé les
Datii dans la partie méridionale des Lemo<^ices
sans autre raison que le vide offert dans cette partie
de fancienne Gaule par le défaut de positions ro-
maines. Les Datii n'avaient point de rapports né-
cessaires avec une carte de la Gaule au temps de
' Yovcz ci-dessus, toni. i, p. -iga , 3o5 , 5o5 et 5o6.
248 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
César; mais il semble que dans une carte générale
de la Gaule ancienne , un peuple indiqué dans
Ptolémée, avec sa capitale, ne pouvait être omis
sans nécessité. Il faut que d'Anville ait reconnu
l'impossibilité de former sur ce point une conjec-
ture _, puisqu'il n'a pas jugé à propos d'insérer ce
peuple sur sa carte, et qu'il déclare dans sa Notice '
que sa position est totalement inconnue.
Cependant Ptolémée " fournit quelques indica-
tions, et dit :
(( Sous les Gahaliy sont les Datii , et leur capi-
(f taie Tasta.
(c Sous ceux-ci, sont les Auscii. »
Ainsi donc les /?«;?« se trouvaient immédiatement
au midi des Gahali, et plus au nord que les Ausci.
11 ne faut pas chercher une indication plus précise
dans les cartes de Ptolémée ; car les longitudes et les
latitudes des positions intérieures , fondées sur la
combinaison d'Itinéraires mélangés , sont presque
toutes erronées. J'observerai en outre que les Datii,
n'étant mentionnés par aucun autre auteur, étaient
évidemment un de ces petits peuples enclavés dans les
limites d'un autre peuple, plus considérable, dont ils
tiraient leur origine, et sous la dépendance duquel
ils se trouvaient.
Or , immédiatement au midi des Gahali , dont
la capitale était Anderituni , Anterrieux^ sont les
Ruteni, et dans la partie septentrionale du territoire
de ce peuple, qui touchait aux Gahali , je trouve
une rivière nommée Daze, dans le département de
' D'Auville, Notice, p. 70.
' Ptoleni., Geogr., lib. 11, cap. 7, p. 46 (5o), edit. Bcrk.
PARTIE II, CHAP. IV. 249
l'Aveyroii , arrondissement de Rhodez ; sa source
est près de Lunel-Salnt-Félix , et elle se rend dans
la Dourdon , près d'un endroit nommé Conque ,
probablement un ancien Condate. Non loin de cette
rivière Daze , au midi , est un lieu nommé Testet ' .
D'après la conformité qui se trouve entre la position
indiquée par Ptolémée , entre les noms anciens
et les noms modernes , je crois pouvoir placer les
Datii ou Dacii dans la partie nord du territoire
des Ruteni ^ entre le Lot et l'Aveyron , et dans ce
qui formait en 1790 le district de Saint - Albin '.
J'observerai qu'au défaut d'autre preuve, celle que
je tire de la ressemblance des noms est ici d'autant
plus forte, qu'il ne se trouve pas dans toute l'étendue
de la France une seule rivière, une seule montagne,
un seul lieu tel petit qu'il soit, qui approche autant
des noms àe Datii et de Tasta. Les noms de Daze et
de Testet, uniques dans la géographie de la France,
se trouvent précisément répondre par leur position
aux indications données par le géographe grec pour
le peuple qu'il nomme Datii , et pour Tasta sa
capitale.
Je terminerai ce qui concerne l'Aquitaine en
observant que l'île d'Oléron qu'on doit considérer
comme une dépendance des Santones , est pour la
première fois mentionnée par Pline sous le nom
ôi'Uliarius ^ ; Sidoine Apollinaire surnomme les
lièvres de cette île Olarionenses ^. Quant à l'île
' Voyez la grande Carte de France, dite de Cassini, n° 16,
feuille i44-
' Ce district a été changé depuis, et réuni à celui de Rliodcz.
^ Pliu., lib. IV, cap. 55 (19), tom. 11, ]>. 574, cdit. Lcin.
* Sidon. Apoll., lib. vm, cp. fi. — Coll. des Ilist. de Fr.. t. 1, p. bj.
250 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
de Ré , il n'en est parlé dans aucun auteur ancien ,
mais le géographe de Ravenne * copiait sans doute
un ancien , lorsqu'il ajoute le nom de Ratis ou de
Radis à la suite de celui à'Ollarione.
De la Celtique ou Lyonnaise.
Nous a^ons prouvé , contre le sentiment de la
plupart des auteurs qui ont écrit sur la Gaule , que
la Celtique, dans la période de temps dont nous
traitons, conserva le pays des Sequani , des Hel-
vetii et des Lingones. Ainsi donc , en retranchant
de la Celtique de César tous les peuples qui furent
réunis à l'Aquitaine par Auguste , et dont nous
venons de donner les noms , on aura la Celtique
d'Auguste ; mais cette époque fournit quelques
détails de plus sur les peuples qui habitaient cette
portion de la Gaule.
Il faut observer d'abord qu'elle changea de nom,
et qu'elle fut appelée Lyonnaise (^Lugdunensis) j
du nom de Lyon, l'une de ses villes, qui prit en peu
de temps un accroissement rapide, et que Strabon
nous décrit comme la ville la plus considérable
et la plus peuplée des Gaules, après Narbonne. Ainsi
Lugdunum , colonie romaine , devint non seule-
ment la capitale du petit peuple des Segusini y
mais encore celle de toute la Lyonnaise ou Celtique ,
et la principale ville de la Gallia comata, ou Gaule
chevelue. On doit observer cependant que le même
Strabon nous dit que les gouverneurs romains fai-
saient leur résidence h Duricortora , Reims " .
' Anonyrai Ravennatis , Gcogr., lib. v, p. 5ii, edit. Percher.
' Sliabc, lib. IV, p. 194 (^97); toni. m, p, 56, de la trad. franc;.
PARTIE II, CHAP. IV. 251
Nous avons vu que César ' et aussi Strabon ' ne
connaissent d'autres peuples que les Lexovii , entre
la Seine (au nord de laquelle étaient les Caleti) et
les Unelli ou J^eneli , qui étaient dans le Cotentin.
A une époque bien postérieure à ces deux auteurs,
Ptolémée ^ n'indique pas non plus d'autre peuple que
les Lexuhii sur toute cette côte : cependant nous
allons prouver que les Bodiocasses et les Viducasses
de Pline '^ en occupaient une partie : il en résulte
donc que, du moins selon l'opinion des géographes
que nous avons cités, ils étaient compris dans les
limites des Lexovii , et qu'ils ne formaient qu'une
sous -division de ces peuples.
Dans la Notice de la Gaule ^ on trouve, au nombre
des cités de la Celtique, cwitas Baiocassium; et quoi-
que les Itinéraires des routes romaines de cette
partie de la Gaule ne soient point venus jusqu'à
nous , on ne peut douter que le chef-lieu de ce
peuple n'ait été Bayeux , qui a conservé le nom de
Bajocœ en latin ; il est évident aussi que les Bodio-
casses de Pline, que quelques manuscrits nomment
aussi T^adiocasses , sont les mêmes que les Baio-
casses de la Notice ; et un canton du diocèse de
Bayeux a toujours conservé le nom du peuple, et a
été appelé ^<7^?/^ Bagasinus, en français, le Bessin.
Cependant les Baiocasses ne formèrent que tard, et
long-temps après l'extinction de la puissance romaine
' Caesar, de Bello gallico, lib. m, cap. 9, 17; lib. vu, cap. yS.
" Strabo, lib. iv, p. igô. — Voyez ci-dessus, t. 1, p. 584 et 5g4.
^ Ptolem., lib. 11, cap. 8, p. 47 (5o).
'' Plin., lib. IV, cap. 32 (18), tom. 11, p. 568.
' Notitia provinc, Gnlliœ. — Collect. des Ifisl. de. Fiance, loin. 1»
p. I2Q, etGuérard, h'ssm, p. i5 et 14.').
252 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
dans les Gaules, un diocèse particulier : l'antiquité
du diocèse de Bayeux ne remonte pas au-delà du
commencement du vi*' siècle. Ceci explique pourquoi
tant d'auteurs anciens ont fait mention des Lexoi>ii
sans parler des Baiocasses, qui n'en étaient qu'une
subdivision. Les mesures des Itinéraires anciens ',
ainsi que je l'ai dit, démontrent que le nom romain
de la capitale de Baiocasses , avant qu'elle eût pris
celui du peuple, était Augustodurus ,
Avant qu'on eût découvert les restes considé-
rables d'une ville ancienne dans le village de Vieux ,
près de Caen , on croyait que les Viducasses y qui
dans Pline se trouvent nommés h côté des Bo-
dlocasses , étaient le même peuple que ces derniers ,
et n'en étaient qu'une répétition. Le père Hardouin
le décide ainsi, tout en convenant qu'il n'a point
trouvé de variantes dans les manuscrits h cet égard.
Cependant une inscription romaine gravée sur
marbre, depuis long-temps connue, qui se trou-
vait au château de Thorigny^ où elle avait été
transportée de Vieux , du temps de François \" , par
les soins de Joachim de Matignon , constatant l'exis-
tence des Viducasses % semblait devoir protéger
le texte de Pline contre l'ignorance des modernes;
et les restes d'une ville romaine antique, découverts
à Vieux, près de Caen, par l'intendant Foucault,
en 1704, ont achevé de rendre aux paroles de cet
ancien l'autorité qu'elles n'auraient pas dû perdre,
en déterminant avec certitude la position de clvitas
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. Sgj, 097, et V Analyse des Itiné-
raires, tom. m de cet ouvrage.
" Voyez Me'ni. de I Acad. des Inscr., loin. 1, p. 29T, et tom. xxi,
)). 4i>9. - jVc'm. des ylntiij. de France, tom. vu, p. u8g.
PARTIE II, CHAP. IV. 253
Vlducasses \\ Yieux moderne. Le rapport des
noms, et les monumens historiques ;, viennent ici
à l'appui de cette découverte. Les titres de l'abbaje
de Fontenay, qui n'est séparée de Vieux que par
la rivière d'Orne, font mention de Vieux sous le
nom de Videocœ. Il est donc bien constaté que
les Viducasses étaient situés dans les limites du
diocèse de Bayeux , et que le centre de leur terri-
toire était Vieux : mais comme ces peuples n'ont
jamais formé un diocèse particulier, il est impos-
sible de déterminer exactement leurs limites. Il
me paraît seulement démontré que d'Anville ' leur
attribue un territoire trop étendu en leur donnant
presque la moitié du diocèse de Bayeux ,• mais cet
habile géographe observe , avec beaucoup de saga-
cité , qu'un lieu nommé Fins , entre les paroisses
de Villi et de Saint- Vaast , au nord de Villiers-le-
Bocage , marque évidemment de ce côté les limites
des Viducasses et des Baiocasses j sauf cette in-
dication , les Viducasses doivent être inscrits aux
environs de Vieux et de Caen comme une sous-divi-
sion des BaiocasseSj et sans limites particulières.
De nombreux vestiges de routes antiques , encore
existans, qui aboutissent à Vieux ou y tendent, dé-
montrent cependant l'ancienne importance de cette
cité : il reste des portions de ces routes entre Vieux et
Eximes (Oxiniwii) ,ç.wIvq, Vieux etBngneux, et entre
Vieux et Lizieux : ces constructions antiques ajou-
tent aux preuves que les mesures des Itinéraires nous
donnent pour fixer la position de Noviomagus à Li-
' D'Anville, Notice, p. 701, et Caylus, Ant., tom. v, p. 5og,
Pi. lîo. — Recueil des Hist. de France, tom. i, p. 146. — Mafteï,
Gdll. Ant., p. ']■!.
254 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
sieux, et celle à'jdrœgenuœlx Ari^entan '. A tous ceux
qui se sont appliqués à éclaircir cette partie difficile
de la géographie ancienne de la Gaule, sans pouvoir
j réussir, il faut ajouter l'illustre Fréret, qui l'a si
peu comprise, et a fait à cette occasion une méprise
si grossière, qu'on ne peut concevoir comment elle a
, pu échapper à un aussi savant homme et à l'illustre
Compagnie qui entendit la lecture de son Mémoire,
et en admit l'extrait dans son recueil '.
La fausse application des mesures des Itinéraires,
et les erreurs qui en ont été la suite, ont, comme
conséquence nécessaire, produit une interprétation
erronée du texte de Ptolémée. D'An ville et Belley,
qui ont fait le plus d'efforts pour éclaircir ce point
de géographie, quoique différens d'opinion, se réu-
nissent pour supposer que les Biducesii de Ptolémée
sont les mêmes que les Kiducasses de Pline. Or il
fallait avoir un grand mépris pour le texte de Pto-
lémée , ou l'examiner avec bien peu d'attention ,
pour faire une pareille supposition. On sait que cet
auteur, dans la description des côtes, suit un ordre
entièrement géographique. Sa marche est tellement
méthodique, que la place qu'il assigne diuyiBiducesii
dans l'ordre de son énumération , suffira seule pour
nous faire retrouver leur position. Après le Gobœum
promontoriuin , ou la pointe de la rade de Gobestan,
près le Bec-du-Raz, Ptolémée^ nomme le Stalio-
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage , et ci-
dessus, tom. I, p. 595 et 596.
'Fréret, Me'm. de l'Acad. des Inscript, et Belles - Lettres ,
tom. XIV, p. 168. Il prend un petit lieu du Calvados nommé Hamars
pourFaniars, et confond ce Januin Mariis avec le Famars de la
Belgique !
^ Ptolem., lib. 11, cap. 8, p. 4^ (5o).
PARTIE II, CHAP. IV. 255
canus portas, ensuite le Têtus flavius , les Biducesii,
\ Argents jliw . ostia, les Veneli, et le port de la ville
de Crociatonum ; l'embouchure du fleuve Olina ,
les Lexuhii, et chez eux Nœomagus; les Caleti, et
l'embouchure de la Seine. Ptolémée reprend sur-le-
champ cette description en sens inverse, et il dit :
(( Les Caletœ , et après eux les Lexuhii , ensuite les
« Teneli, \ts Biducesii ; et enfin, en dernier, sont les
« Osismiij jusqu'au promontoire Gobœum. » La posi-
tion des Veneli ou Unelli, et des Osismii, se trouvant
déjà déterminée précédemment, il devient évident
([ue Ptolémée, qui ne connaît point les Curiosolites de
César, ou les Cariosvelites de Pline, donne toute la
côte nord de la Bretagne aux Biducesii , et les place
entre ceux du Cotentin à l'est, et les Osismii à l'ouest.
Quoique la capitale de ce dernier peuple se trouve
rejetée, par les chiffres des Tables de Ptolémée, loin
dans l'intérieur et hors de la position qu'elle occu-
pait, cependant nous voyons que ce géographe, par
l'ordre de son énumération, place, de même que
tous les autres auteurs de l'antiquité, les Osismii à
l'extrémité de la Bretagne et dans le département
actuel du Finistère. Ainsi donc les Biducesii occu-
paient le diocèse de Saint-Brieux; et en effet, le chef-
lieu de ce diocèse avait conservé l'ancien nom du
peuple dont il avait été la capitale : avant de prendre
le nom du saint qu'elle porte aujourd'hui, cette ville
se nommait Bidué ', et le nom des Curiosolites se
retrouve pareillement dans celui du village moderne
de Corseult.
' Piganiel de La Yovcc.Descript. de In France, toni. viii, p. 412,
dil : « Saint-Bricux était un village iioninié Bidué, lorsqu'on y éta-
« blit un siège épiscopal. » — Yoyez ci-dessus, ton». 1, p. 58 1.
256 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
II reste donc démontré, par ce rapprochement,
que le diocèse de Saint-Brieux nous représente en
partie les limites des Biducesii ; et puisqu'ils sont
devenus après un diocèse particulier, ils paraissent
avoir surpassé en importance, du temps de Ptolémée,
les Curiosoliies, qui ne formaient plus à cette époque
qu'une sous -division, et dont cet auteur n'a pas
fait mention. D'un autre côté César ^ et Pline % qui
nomment les Curiosolites , ne parlent pas des Bidu-
cesii, parce que, de leur temps, cette dernière cité
le cédait en importance à la première , et se trouvait
renfermée dans ses limites. Quant à Strabon, il ne
donne presque aucun détail sur la Celtique.
Les mesures données pom- cette partie de la côte
des Gaules par Ptolémée , présentent une lacune qui
offre des diflicultés presque inextricables ^, et qui
démontrent le mélange de plusieurs périples mal
combinés entre eux. Un de ces périples porte \%Nœo-
magus limen, ou port des Lexovii, à Neville, près
Port-en-Bessin, dans les limites des Lexovii de Pto-
lémée, qui, on doit se le rappeler, occupaient toute
la côte du département moderne duCalvados \ Argents
Jluv., à la rivière de Saint-Brieux; Têtus fluvius, à
la rivière de Tréguier ; Staliocanus, à la rivière de
Morlaix, près de laquelle se trouve un lieu nommé
la Tour-Blanche, ou, en celtique, Liocan. Mais selon
le texte des Tables latines, Nœomagus serait reporté
encore plus à l'est, et correspondrait à Neville, près
' Caesar, lib. ii , cap. 54; Hb. iir, cap. 7 ; lib. vu, cap. 74-
' Plin., lib. IV, c. 5'i (18). — On lit dans Pline Cariosvelites ; mais,
lie même que César, il les nomme avec les Unelli , et les Cariosve-
liles sont évidemment les Curiosolitcs de ce dernier auteui'.
^ Voyez Gossellin, lîcchcrches , tom. iv, p. 78 à i58.
PARTIE II, CHAP. IV. 257
Barfleur, et Crociaionorum portas au port de Bar-
neville.
De toutes ces combinaisons que donnent les Tables
de Ptolémëe, il résulte qu'exact dans son ensemble,
le périple employé par cet ancien pour la construc-
tion de sa Carte reportait, par l'erreur peut-être
d'un seul chiffre, toutes les positions beaucoup trop
à l'ouest, puisqu'elles ne font point correspondre
Y Olina Jluçius à la rivière de l'Orne, ni les autres
positions anciennes aux lieux où nous les font re-
trouver les Itinéraires anciens et les monumens his-
toriques : d'où il résulte que, pour faire usage des
mesures de Ptolémée pour cette partie de sa Carte ,
il faut partir d'un point certain, tel que VOUna
fluvius , qui est bien certainement l'Orne, puisque
Olina est le nom que portait ce fleuve dans tous les
monumens du moyen âge; c'est par ce moyen que
nous avons cru pouvoir fixer le port de la ville des
Lexoviens, le Nœomagus limen de Ptolémée, à l'em-
bouchure de la Rille, près Conteville ', où se trouve,
sur la Carte du diocèse de Lisieux, par d'Anville,
un petit lieu nommé Neuville. Mais d'après tous ces
rapprochemens, on voit que, selon les époques, on a
considéré comme peuple dominant, dans les diocèses
de Saint-Brieux et de Saint-Malo , les Biducesii ou
les Ciiriosolitœ de César, ou Cariosvelites de Pline,
qui paraissent cependant y avoir existé simultané-
ment; et nous avons déjà observé qu'un lieu nommé
■ Voyez ci-dessus, tom. i, p. 597. — Gossellin, Recherches, t. iv,
p. 77 , 80 , 85 et i58. — La différence des textes grecs et des textes
latins de Ptolémée, démontre ce mélange de périples dont j'ai parlé,
et le raisonnement de M. Gossellin sur Olina et Na'onui^us repose,
suivant: nous, sur une pétition de principe.
II. 17
258 (iÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Finiac, non loin de Saint-Biieux, dénotait les limites
de leur territoire respectif' ; sans doute à l'époque où
nous sommes, et antérieurement à la formation du
diocèse de Saint-Brieux, les Curiosolitœ , ou ceux de
Corseult, étaient considérés comme le peuple prin-
cipal. L'Itinéraire et la Table ne nous fournissent
aucune mesure pour déterminer la position de civitas
Biducesionmi , à Saint-Brieux, ni de ciçitas Curio-
solitœ à Corseult; et ces deux positions reposent uni-
quement sur les preuves que nous avons développées.
Mais la Table vient à notre secours pour For^aniuni^
capitale des Osismii, et les mesures qu'elle nous four-
nit portent ce lieu à Concarneau ''. La Table nous
donne aussi Cronciaconiun ; et dans Ptolémée, Cro-
ciatonorwn portiis , placé par lui chez les Teneli ou
Unelliy paraît être le port de Cronciaconnum de la
Table ^ D'après les mesures, on doit placer ce port à
celui d'Audouville, sur la côte orientale du Cotentln.
Ainsi que je l'ai déjà dit , les mesures des Itiné-
raires et de la Table qu'on avait crues discordantes
entre elles, et qui ne le sont pas, démontrent^ que
Cronciaconnum est Turqueville,* que Cosedia est un
lieu tout différent de Constantia ; que Legedia
vient se placer auprès de Saint-Léi^er et de Lezeau;
i^a^élauna était située aux ruines de l'ancienne ville
romaine qui se trouvent dans la paroisse d'Alaume,
' Voyez ci -dessus, tom. i, p. 58 1, et CaBsar, de Bello ^nUico,
lib. !i, cap. 54- — Plin., lib. iv, cap. 53 (i8).
' Voyez ci-dessus, toni. i, p. 585, et \ Analyse des Itinéraires,
tom. III de cet ouvrage. — Ptolem., lib. ii, cap. y, p. 47 (5o et 5i),
cdit. Bert.
^ Voyez ci-dessus, tom. i , p. 585 , 595 , 3g5 , 596 et 597.
'' Voyez Vyliinlysc drs Itiite'rnircs, lom. in de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 259
à Valogne ', et qu'enfin Coriallum est le port de
Clierboui'g , où il a été trouvé des antiquités ro-
maines, et dont il est question dans le ix^ siècle,
sous le nom de pagus Coriovallensis. Outre que les
auteurs qui m'ont précédé n'ont pas connu les véri-
tables mesures de l'Itinéraire qui se trouvaient dans
les plus anciens manuscrits, et qu'ils ont supposé
que les Viducasses étaient les mêmes que les Bidu-
cesii , plusieurs ont aussi cru voir une identité
parfaite entre Cosedia de la Table et de l'Itinéraire,
et le civitas Constantia de la Notice; cependant il
était facile d'observer que Cosedia se trouvant
écrit de même dans l'Itinéraire et dans la Table, qui
ne sont pas toujours parfaitement d'accord pour l'or-
thographe des noms , il en résultait nécessairement
que Cosedia n'était pas le même lieu que Constantia^
Coutances : à la vérité, dans la Table, Cosedia se
trouvait accompagné de l'édifice qu'on a consacré
aux capitales; on a conclu de là que ce lieu ne
pouvait être autre que Constantia , chef-lieu du
diocèse, dans le moyen âge. L'abbé Bellej ^ est celui
<^[ui a le plus appuyé sur cet argument; mais il n'a
pas observé qu'il existe plusieurs noms de villes
dans la Table, accompagnés de cet édifice, qui n'ont
jamais été des capitales, tandis que d'autres qui l'ont
été en sont dépourvues ; soit que ces aberrations se
trouvassent dans la carte primitive, soit qu'on en
soit redevable au copiste de cet ancien monument.
' Voyez, Mercure de France, février 1740, p. 5ii, la lettre du
chevalier de La Roque. Voyez aussi le plan de ces antiquités dans
Caylus, tom. vu, p. 5i4, PI. go et 91.
^ Voyez Belley, Acad. des I user., tom. xxvin, p. 475, et loni. xr.i,
p. 56?\., édit. in-4", ou tom. xi.vni et i.xxxi de l'édit. in-r,>.
260 GÏ:OGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Poiu" ne point sortir de la Gaule, je ne citerai que
Teterihus , Buderich, simple station militaire sur les
bords du Rhin , qui est accompagnée de l'édifice
consacré aux capitales, et Luietia, Paris, capitale
des Parisii, qui en est dépourvue.
Une autre cause d'erreur et de difliculté, pour
celte partie de la géographie ancienne de la Gaule,
a été la ressemblance Açs noms de \ Argenjluvius de
Ptolémée, avec la ville à' Àrœgenuœ, donnée comme
capitale dans la Table, et enfin la ressemblance du
nom dilngena, capitale des Ahrigcatui , selon Pto-
lémée ', avec ceux ^ Arœgenuœ et à'Argen. Il en est
résulté qu'on a cru qa/ngeiia ou Avranches était
Arœgenuœ , et que le fleuve Argen devait être la
rivière qui coule à Arœgenuœ ; mais la direction des
routes, dans la Table, ne pouvait s'accorder avec
cette supposition , et malheureusement les textes des
Tables latines et grecques, dans Ptolémée, présen-
tent pour cette partie des chiffres et des combi-
naisons différentes. Nous savons i^n Arœgenuœ ne
peut être Avranches, et est Argentan ; et comme le
fleuve qui coule à Argentan est l'Orne, que Ptolémée
connaît sous le nom à^Olina, X Argen fluvius de Pto-
lémée n'a point de rapport avec la position d^ Arœ-
genuœ ni avec son fleuve, et il faut chercher ce fleuve
ailleurs. Dans les résultats que nous présentent les
Tables de Ptolémée, nous pouvons regarder comme
certains ceux où les textes latins et grecs sont d'ac-
cord, et ne sont pas contredits par d'autres monu-
mens anciens; considérer comme incertains ceux où
ces textes diffèrent, et présentent pour les mêmes po-
' Ptolein., lil). II, cap. 8, p. 47 (5i). — Tnh. peut., §. i, B.
PARTIE II, CHAP. IV. 261
sltions anciennes des positions modernes différentes.
Pour les positions des côtes, dont nous nous occu-
pons , Titus fluvius , et Staliocanus portas , sont
dans le premier cas; le texte latin, comme le texte
grec, concourent à placer Têtus flavius à la rivière de
Tréguier, et Staliocanus portas à Liocan, à Tem-
bouchure de la rivière de Morlaix; mais Argenfiuv.
ostia est, par les combinaisons que présentent les
Tables grecques de Ptolémée, placé^i Agan, près de
Saint-Brieux, ou h Agon, près de Coùtances; et, selon
le texte des Tables latines, à l'embouchure de l'Ardée
ou de la Selum, près de laquelle est un lieu nommé
Argennes , un peu au sud d'Avranches '. Nous
croyons que cette dernière combinaison est la seule
qui donne la véritable solution ; mais enfin la chose
est moins certaine que pour les deux autres posi-
tions. Quant à X Ingena de Ptolémée, on ne peut
douter que cette dernière ville ne soit la civitas
Ahrincatui de la Notice de la Gaule , et que ce
peuple ne soit représenté par le diocèse moderne
d'Avranches. Cela se trouve démontré par une suite
non interrompue de monumens historiques qui re-
montent au commencement du vi^ siècle '. Pline
est le premier qui fasse mention des Ahrincatui^-,
mais Ptolémée est le seul des anciens qui ait parlé de
leur capitale, et qui ait donné quelques renseigne-
mens sur leur situation. Après avoir mentionné les
Aulerci cennomani, il dit : « Après ceux-ci sont les
' Conférez Gossellin , Recherches, toni. iv, p. 78, 79, 80, 81,
85, 84, i58, et ci-dessus, tom. i, p. 385, 386, SgO et 097.
' Voyez Gallia christiana , tom. ir, p. 467-
' Pliu., lib. IV, cap. 32 (18), tom. 11, p. 56(), edit. Lem.
262 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
(( Namnetœ , dont la capitale est Condwicnum ^ et
((ensuite jusqu'à la Seine, les Ahrigcatid , dont
« la capitale est Ingena , 21° 45' long. 5o° 3o' lat. »
Or, d'après la position assignée ici par Ptolémée
aux Ahrigcatui , non seulement ils se trouveraient
rejetés dans l'intérieur, mais ils seraient sur les
bords de la Seine, et toucheraient cependant aux
Namnetes où à ceux de Nantes ' . Nous observerons
que le texte de-^tolémée offre dans cet endroit une
répétition évidente; car un peu plus haut, après
avoir parlé des Veneti ou de ceux de Vannes, il
dit : (f Sous ceux-ci sont les Samnitœ , proche la
« Loire. » On ne peut méconnaître dans ces Sam-
nitœ y dont il n'est question dans aucun autre
auteui^, les Namnetes ou ceux de Nantes , qui se
trouvaient sur la côte, et qui, ici, bien placés mais
mal nommés , sont encore mentionnés une seconde
fois dans la description de l'intérieur, et, pour cette
fois, très bien nommés, mais très mal placés. Ces
doubles emplois proviennent de ce que Ptolémée
ou Marin de Tjr, dont la Carte a servi à Ptolémée
pour dresser ses Tables , formaient leurs descrip-
tions des côtes d'après des matériaux, ou des auteurs,
différens de ceux qu'ils employaient pour décrire
l'intérieur; c'est ce que Ptolémée lui-même nous
apprend dans ses Prolégomènes. Les Ahrigcatui ne
sont pas, à la A'érité, mentionnés par Ptolémée sur
la côte; mais une des combinaisons de ses Tables con-
duit, ainsi que nous venons de le dire pour Argen
jluv. ostia , à l'embouchure de la Sélune, chez, les
' Voyez ci-dessus, totn. i, p. 576, 077 et 079. — Ptolem., lib. 11,
cap. 8, p. 47 (5i), edit. Bert.
PARTIE H, CHAP. IV. 263
Abrigcatiii '; et il est probable que si, dans Ptolémée,
ils se trouvent omis dans cet endroit, c'est pour éviter
la répétition qui résultait de la position du même
peuple, dans l'intérieur, d'après d'autres documens.
On voit encore des traces de ce combat d'élémens
différens dans ce que Ptolémée dit des Osismii :
d'une part, il les place près du Gobœum promon-
toriuni; et de l'autre, la position qu'il assigne à
Vorganium , leur capitale , les éloigne beaucoup de
ce promontoire. Il en serait absolument de même
pour les Ahrigcatui si on adoptait l'ingénieuse cor-
rection de Valois", et, si au lieu de Sekoana , on
lisait Senoana dans le texte de Ptolémée ; alors il
serait question de la Senuna , ou Sélune, petite
rivière qui se décharge dans la mer près d' Avranches ,
et à l'embouchure de laquelle les combinaisons des
mesures du texte latin de Ptolémée nous portent
pour Argenfluv. osila. Alors Ptolémée aurait placé,
d'une part, les Abrigcatui sur la côte, tandis que
la position assignée à leur capitale les transporte-
rait dans l'intérieur. Quoiqu'il en soit, on aura pu
observer ici la ressemblance qui existe entre ces noms
Ingena et Argen, et il est extrêmement lemarquable
que le texte latin de Ptolémée fait un fleuve à' Argen,
tandis que le texte grec nous laisse incertain de savoir
si c'est une ville ou un fleuve.
Mais comme les mesures entre les deux textes don-
nent des résultats entièrement dissemblables, il nous
' \oycz Gosscllin, Recherches, toin. iv, p. 80, 84.
" \alcsii, Notitia Galliar., p. i.
' Senuna est le nom que cette rivière porte dans divers écrits du
moyen âi,'o.
264 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
paraît probable que le texte grec qui nous porte à
Agon, près Saint-Brieux, à l'embouchure de la ri-
vière de Saint-Brieux, sur les bords de laquelle est
un lieu nommé Argantel, nous donne le nom et la
position à' Argen, port des Biducesii , et peut-être
l'ancien nom de leur capitale, avant qu'elle eût pris
le nom du peuple représenté dans le moyen âge par
le nom de Bidué , nom effacé depuis par le nom plus
moderne de Saint-Brieux. Dans cette hypothèse, il
faudrait distinguer dans Ptolémée VArgenfluv. ostiay
la Sélune, ^ Argenus ^ ville, qui serait Saint-Brieux,
deux positions toutes différentes cependant de XArœ-
genuœ de la Table, qui est Argentan, et dHIngena,
qui est Avranches '.Les Tables de Ptolémée paraissent
avoir été singulièrement altérées dans cet endroit,
et présentent de nombreuses variantes. La variante
qui conduit, pour Argenis, à l'embouchure de la ri-
vière d'Agon % nous fait reconnaître le nom d'Argen,
répété plusieurs fois sur cette côte , qui paraît avoir
été la cause de ces erreurs. En effet je trouve que,
dans les diverses chartes du xi*^ siècle, il est plusieurs
fois fait mention d'un lieu près d'Agon homme
ArgenceiOy et depuis, Archanchy. La position de
ce lieu est clairement indiquée dans ces chartes, près
de inons Catonis ou Montchaton, deVaussleux, et
de La Feuillée.
Terminons ce qui concerne la Celtique d'Auguste,
par observer que les Tricasses et les Meldi qui , du
temps de César, étaient réunis aux Senones y parais-
■ Voyez Gosselliii, Recherches , tom. \v , p. 78 à 84, et i58 et les
Cartes n°' 8, 9 et 10.
' Gallia christiana , tom. 11, 226, 235 et 248, Iiistvumentn.
PARTIE II, CHAP. IV. 265
sent en avoir été détachés du temps d'Auguste, pour
former des divisions distinctes ; cependant Strabon
ne fait pas mention des Tricasses , mais il parle des
Meldi , et la séparation de ces deux peuples a dû
avoir lieu en même temps ' . Nous avons précédem-
ment traité de la position et des limites de ces peu-
ples, quand il a fallu déterminer celle des Senones \
Quant au diocèse d'Auxerre, cwitas Autissiodurinn ,
il ne fut détaché des Senones qu'à une époque très
postérieure à celle dont nous traitons. Il en est de
même des Aureliani, qui ne paraissent avoir été dis-
tingués des Carnutes que sous l'empereur Aurélien.
La colonie établie chez les Rauraci j et qui prit
le nom d'Auguste ( dont il est question dans le mo-
nument trouvé à Gaëte déjà cité), paraît y avoir
été transplantée quatorze ans avant J.-C. , ainsi qu'il
résulte du rapprochement d'un passage de Dion et
d'une inscription j et, dès lors, on a dû commencer à
considérer les Rauraci comme une division distincte
et séparée des Sequani ^.
Il est fait mention dans les anciens de quelques
îles sur les côtes de la Celtique. Pline '^ est le premier
qui, en parlant des Vénètes, nomme les Veneticœ
insulœ qui en dépendent. Il est évident que cette
dénomination générale comprend les îles de Belle-Ile,
de Houat, d'Hédic, de Groa ou Grouais. On a appli-
qué le nom d'une île nommée Vindilis , dans l'Iti-
' Strabo, lib. iv, tom. i, p. 194 (297), edit. Alm. ; tom. 11, p. 56,
de la trad. franc.
" Voyez ci-dessus, tom. i, p. 4o6 à 4i5.
' Schœpflin, Alsat. illuslr., et ci-dessus, tom. 1, p. 3'i2. — Plin.,
lib. IV, cap. 3i (17), tom. 11, p. 564, cdit. Lem.
* Plin., lib. IV, cap. 55 (19), tom. 11 , p. 074 , cdit. Lcm.
2G6 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
néralre maritime, à Belle-Ile, nommé Guedel dans
le moyen âge , et celui de Siata, nommé dans le
même Itinéraire, h l'île de Houat'. UxantiSy ou l'île
d'Ouessant , dans la dépendance des Osismii , est
célèbre comme étant la même que VUxisama de
Pjthéas. Pline, en racontant les découvertes de ce cé-
lèbre navigateur % la désigne sous le nom ai Axantos;
son nom plus moderne, dans Aimoin ', est Osa; et
dans Guillaumc-le-Breton , elle est nommée Ossa.
Mêla ^ désigne bien clairement l'île de Sein, lorsqu'il
place Sena dans l'Océan britannique , vis-à-vis le
rivage des Osismii. On se rappelle à ce sujet son
singulier récit sur les neuf vierges, vrais types de
nos fées bretonnes ^ qui s'y étaient réfugiées. Pline
nomme cette île Siambis , et quelques unes de nos
Cartes modernes écrivent Seim. Quant à Cœsarea et
Sariiia, mentionnées seulement dans l'Itinéraire ma-
ritime, on les rapporte avec raison, ce me semble, à
Gersey, et Gernesey moderne, et cela est certain, du
moins pour la première. L'île d'Aurigny, qui est
auprès , doit nécessairement représenter l'île B.i-
duna du même Itinéraire maritime, et toutes trois
peuvent être considérées comme dans la dépendance
des Unelli ou T^eneli. Au reste, si on excepte les îles
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 378. — Peut-être Siata est l'île de
Gers, dont le village est nommé Sark sur la Carte de Cassini.
' Plin., lib. IV, cap. 3o (16), tom. 11, p. SSj, edit. Lem.
3 Aimoin, de Mir. S. Benedict., lib. 11, c. 11. — Valesii Notifia,
p. 625.
^ Mêla, lib. m, cap. 6, p. 92, edit. Tzschuck.
' Conférez nos lettres sur l'Oz/gme de la Fc'crie, et notre Disser-
tation sur les Contes de Fées atlribncs à Perrault , dans l'édition
de ces contes donnée par le bibliopbilc Jacob, in-8°.
PARTIE II, CHAP. IV. 267
d'Ouessant et de Sein , aucune des îles dont nous
venons de parler ne se trouve mentionnée par des
auteurs antérieurs à l'époque dont nous traitons.
Belgique.
Dans la Belgique, Pline', selon son usage, nomme
quelques côtes particulières enclavées dans le terri-
toire de peuples déjà connus : tels sont les Oromar-
saci qui sont joints au pagus Gesoriacus et les
Britanni. Comme Pline procède ici à partir de
l'Escaut, on peut placer, ainsi que nous l'avons dit
avec d'Anville % les Oromars aci , chez les Morini ,
dans le district situé entre Calais et Gravelines , qui
est appelé terre de Merk ou Mark, et est voisine
du Boulonais, ou du Gesoriacus pagus. Les Bri-
tanni, qui sont nommés à côté des Amhiani, peu-
vent être placés h l'embouchure de la Somme , mais
plus près de la côte, et en tirant davantage vers
Gesoriacwiiy que ne l'a fait d'Anville. On doit
observer cependant que ces positions ne sont basées
que sur des conjectures, qui ne sont pas même ap-
puyées sur la ressemblance d'aucun nom moderne.
Pline nous montre, de ce côté, Gessoriacus , comme
le port principal, et en nous disant que la distance
de ce port au rivage le plus prochain de l'Angle-
terre est de 5o milles (distance très exacte) , il nous
fait voir par-là que c'était le port le plus fréquenté
de son temps , et celui où l'on s'embarquait pour la
Bretagne. Mais le portus Morinorum Britannicus ,
' Plin., lib. IV, cap. 3i (17), tom. 11, p. 558, edit. Lem.
' Strabo, lib. iv, p. 194, trad. franc., tom. ri, p. SÇ>.
^ Voyez ci-dessus, loin, i, p. 441 ç\ ^-i. — Malebrancq, p, 47J.
268 GÉOGRAPHIE ANCIEN^iE DES GAULES,
dont il est fait mention à la fin de sa description de
l'Europe ' , n'est point Gesoriacum comme on l'a
cru; c'est le portas Itius de César ou Wissant. En
effet, Pline voulant interpréter et corriger la mesure
de Poljhe , entre l'extrémité de l'Italie et l'Océan ,
évalue cette distance à 1168 m. p. Cette mesure,
qui donne i5°55', prise sur la Carte de la partie
occidentale de l'empire romain, par d'Anville, nous
porte, à partir du promontoire Japygie, juste à
liiiis portus y ou Wissant, et elle serait fausse pour
Gesoriacum f ou Boulogne : elle est probablement
basée sur la Carte d'Agrippa , et elle se trouve un peu
plus grande que celle de Polybe, parce que celui-ci,
comme le dit Pline lui-même , conduisait sa mesm^e
jusqu'à l'endroit le plus proche sur la côte de l'Océan,
c'est-à-dire sur le point le plus enfoncé de cette côte,
qui est la Canche; Agrippa, au contraire, prolongeait
la sienne jusqu'au point le plus saillant. Lorsque Pline
veut parler de Gessoriacus, il le mentionne toujours
par son nom, et il n'aurait pas employé cette seule fois
une aussi longue périphrase. D'ailleurs on aperçoit
sur-le-champ la raison de cette périphrase ; il y avait
deux ports chez les Morini, Gesoriacum, Boulogne ,
et Itius portas j Wissant; comme ce dernier était le
plus i^approché des côtes de Bretagne , on le désignait
par le surnom de Britannique, poitus Morinoriwi
Britannicus. Entre Terruanna , Terrouenne , et
Itius portas , Wissant, il existe encore une chaussée
de construction romaine que INIalebrancq appelle
chemin Leulin"ue '.
' Plin., llisl. nat., lib. iv, c. 57 (25), loin. 11, p. 094, cdil. LcJii.
' Voyez Henry, Essai sur le Boidonais, p. 85.
PARTIE II, CHAP. IV. 269
Les flassi ou Bassi se trouvent mentionnés seu-
Jement dans quelques éditions de Pline ' . D'Anville,
d'après la seule ressemLlance des noms, les a placés
dans un canton du diocèse de Beauvais , dont le
nom est Haiz ou Hez , et qui contient une forêt qui
conserve ce même nom. Au milieu de cette forêt
Saint-Louis avait une maison, nommée La Neuville-
en-Hez ; mais l'existence de ce peuple nous paraît
douteuse; et le savant Hardouin pense que la leçon
Hassi ou Bassi y ne se trouvant pas dans les manu-
scrits, mais seulement dans les éditions de Parme et
de Froben, il convient d'effacer ce mot, dû à la ré-
pétition des dernières syllabes du mot Bello(^aci du
texte de Pline, i ajouterai que dans les monumens
du moyen âge on n'a découvert jusqu'ici , dans la
civitas Belçacensis, aucun pagus dont le nom ait
dé l'analogie avec Bassi ou Hassi '. Toutefois nous
pensons, avec d'Anville, que l'existence du nom de
Haiz dans ce pays doit, dans le doute, empêcher de
supprimer ce peuple.
Ptolémée ' est le seul auteur qui ait fait mention
des J^adicassii, et il les place dans la Celtique, et non
dans la Belgique. Ils ne formèrent point un diocèse
particulier, et cette seule circonstance suffit pour
nous démontrer que c'était un de ces peuples subor-
donnés , enclavés dans le territoire d'un autre peuple
plus considérable. Ptolémée nomme les T'adicassii
' Voyez Plin., in-folio, édit. Hardouin, toni. i, p. 208. — D'An-
ville, Notice , p. 565, et Mcm. sur les côtes de la Gaule, p. 9.
' Guérard, Essai sur le système des divisions territoriales de la
Gaule , p. 1 49.
^ Plolcni., lib. n, cap. 8, p. 48 {5-2).
270 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
à côté des Meldi ; il dit qu'ils sont proches de la
Belgique, et il leur donne pour capitale un lieu
nommé Nœomagus. Du reste, les monumens histo-
riques et les mesures nous manquent également pour
déterminer la position de ce peuple. Nous sommes
donc réduits aux conjectures , et d'après les indica-
tions données par Ptolémée, la meilleure est sans
contredit, celle qui place les Vadicassii dans le
duché de Valois , et qui assigne à Nœomagus la po-
sition de Vez, dont le nom paraît dérivé de celui de
Vadicasses. Tel est le sentiment de d'Anville et de
Valois. Vez est l'ancienne capitale du Valois, qui,
dans les capitulaires de nos rois et dans Flodoard,
est nommée pagus J^adensis et Kadisus ' ,• mais les
T'adicasses , ainsi placés , se trouvent faire partie
du territoire des Sylvanectes , des Suessones et des
Meldiy puisque leur territoire se trouve partagé entre
ces trois diocèses ; ils appartenaient donc , si toute-
fois il n'y a pas erreur sur leur position, à la Bel-
gique, et non à la Celtique : c'est ce qui a fait penser
à quelques auteurs que les Fadicassii de Ptolémée
étaient les mêmes que les Bodiocasses de Pline,
nommés P^adicasses dans quelques éditions de cet
auteur, ou les Baiocasses de la Notice des provinces
de la Gaule, et que Nœomagus était Bajeux, dont
le nom antérieur à celui à' Ausustodurus nous est
o
inconnu; mais alors les Padicassii de Ptolémée ne
seraient plus, comme il l'indique, ad Belgicarn^
près de la Belgique, ni à côté des Meldi.
Il j a dans Ptolémée un peuple nommé Subanecii
' Carlier, fli.sL du Diichc de Valois, toni. i, p. 5, 160 et lin.
' Plin., lih, IV, cap. 5-2 (18), tom. 11, p. 068, cdil. Lcm.
PARTIE II, CHAP. IV. 271
dans le texte actuel de cet auteur, et, dans les manu-
scrits latins, Uhanecti , ainsi que sur les anciennes
cartes jointes à ces manuscrits. Le nom de ce peuple
manquait dans la plupart des manuscrits grecs, et il
n'a été suppléé que par le manuscrit palatin, qui porte
Soumanektoï ' . Ptolémée nomme ce peuple avec les
Nervii, les T'eromandid et les Suessones ; il appelle
sa capitale i?/i«^07?2«^ta. On a, avec beaucoup de vrai-
semblance, considéré ce peuple comme le même que
les Sjhanectes de la Notice des Gaules. Des monu-
mens historiques non interrompus ' prouvent que ci-
vitas SjU>anectensiura est Senlis; et par conséquent
que le diocèse de ce nom nous donne la position ,
l'étendue et les limites des t^^a/?ec^f de Ptolémée; mais
comme l'Itinéraire, dans la route de Ccesaromagus ,
Beauvais, à Suessonas, Soissons, offre une position
qui a le nom di Augustomagus , on a pensé cjue ce nom
ne pouvait avoir été porté que par une ville capitale,
et on l'a appliqué à Senlis. Les conjectures coûtent
pcm, lorsqu'on se i-end peu difficile sur les raisons qui
peuvent leur donner quelque degré de probabilité.
On a dit qu'il j avait erreur dans Ptolémée pour le
nom de la capitale des Uhanecti , et qu'il fallait lire
Aiigustomagus au lieu de Rhatomagus . Pour dé-
montrer combien cette erreur, quoique universelle,
est manifeste, il suffira d'observer que Senlis ne se
trouve pas sur la route de Cœsaromagas, Beauvais,
à Suessonas, Soissons; que toutes les mesures entre
Cœsaromagus et Augusiomagus sont fausses , si on
les applique h Senlis ,• de même qu'entre Augusto-
' Voyez Ptoleni., lib. ir, cap. 9, p. 49 (55), edit. Bert.
^ Gallin chrisdnna, loin, x, p. 17)^8.
272 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
magus et Suessonas. Ces mesures sont au contraire
parfaitement exactes si , sans aucune supposition
préalable , on suit la route directe de Cœsaro-
niagus , Beauvais , à Suessonas , Soissons ; route
sur laquelle on retrouve encore des vestiges de l'an-
cienne voie romaine. Non seulement de cette ma-
nière les mesures offrent un accord parfait avec le
local , mais le résultat présente des indices non dou-
teux d'exactitude. En voici le tableau , extrait de
l'Itinéraire entier que l'on trouve dans le tome m de
cet ouvrage.
Route de Cœsaromagus , Beaiwais, à Suessonas, Soissons.
ITINERAIRE
WESSBI.ING ,
p. 38o.
Cœsaromagus..
Lilanobriga. . .
^iigustomagus.
Suessonas, . . .
^7f
6
33
66^
CARTES
CE CASSIKI,
n°5 I, 2, 44.
Beauvais.
P'.-S'^-Maxence
Verberie.
Soissons .
i'o
TABLE
de
PF.nTINGER,
§. I, C.
= 'S
si
60
■i i
^ 2
CARTES
de
CÀSSIHI,
n°» I et 2.
Cœsaromagus..
Beauvais.
27
6
33
Âugustomagus.
"
33
Verberie.
33
66
On doit observer que la ville de Sainte-Maxence
était désignée par le nom de Pont , avant qu'on y eût
ajouté celui de la sainte, qui la distingue aujour-
d'hui; et que, dès le vii^ siècle, il est question de ce
Heu dans les monumens de notre histoire , comme
important pour le passage de l'Oise '. Le nom de
' Lebeuf, Dissertations , toni. i, p. 55o.
PARTIE II, CHAP. IV. 273
Pont, est le même que le mot celtique Briga , qui
termine le nom latin correspondant. Il est question
de /^ermeriaj, Verberie, dès le commencement du
ix" siècle. A cette époque cette ville très ancienne fut
détruite, et, comme elle changea de nom, elle changea
aussi d'emplacement. On a retrouvé les ruines de l'an-
cienne ville vers la Borde, au-delà du chemin nommé
la Chaussée-Brunehauld, et dans l'endroit appelé
Malassise. On a de tout temps déterré dans ce lieu des
débris d'antiquités et des restes d'aquéduc, qui an-
noncent évidemment une ville romaine. On suit les
vestiges de l'ancienne route depuis la montagne jusqu'à
Faj, et dans la vallée, depuis Rhuys jusqu'à Sain-^
tines '. Enfin peut-être n'est-il pas inutile d'observer
que la petite rivière qui arrose Verberie conserve,
dans le nom d' Autone, des vestiges de celui ôH Augusto-
magus. Quoi qu'il en soit de ce rapprochement, on
doit avoir d'autant plus de confiance aux mesures de
l'Itinéraire pour Àugustomagus , qu'elles présentent
en deux stations la même distance que la Table
nous donne en une seule. Ceux qui, comme d' An-
ville, conduisent la route à Senlis, placent Litano-
hriga à Creil. Or il n'y a, de ce lieu à Cœsaroma-
gus , Beauvais, que aS milles romains, au lieu de 27
que demandent les Itinéraires; entre Senlis et Sois-
sons il y a 58 milles romains, au lieu de 55 qu'il
faudrait; et entre Creil et Senlis il y a y milles ro-
mains, au lieu de 6. Il fallait que d'Anville pensât
lui-même que cette combinaison de mesures était
tout-à-fait inadmissible ; car je trouve que neuf ans
■ Carlier, ffisl. du Duché de Valois, toni. i, p. 6 et 7, et Le
Moine, Hist.de Soissons ,\o\n. i, p. 55.
II. 18
274 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
après la publication de sa Notice de la Gaule, il a
consigné cette note dans la Table des matières de sa
Géographie ancienne ', au mot Litanohriga : « Creil,
si ce n'est Pont-Sainte-Maxence. » Ptolémée vient
encore à l'appui du résultat fourni parles mesures;
seul il nous donne le nom de la capitale des Ubanecti
ou S ubanecti y à l'orient de la rivière Sequana ou
la Seine , qui sont bien les Sylvanectes de la Notice
de la Gaule % et tous ses manuscrits s'accordent
à nommer cette capitale Rhatomagus . C'est ainsi
qu'elle a dû être appelée avant d'avoir pris le nom
du peuple, d'où est dérivé celui de Senlis. On doit
donc placer Aiigustomagus à Verberie, sur le ter-
ritoire des Suessones y mais sur les confins des Bel-
loçaci , des Sflvanectes et des T^adicasses.
Quant aux Ulmanetes mentionnés par Pline % le
nom de ce peuple, sur l'orthographe duquel tous
les manuscrits sont d'accord , n'a que peu de rap-
port avec celui des SylvanecîeSj auquel on a voulu
le rapporter. J'observe sur les bords du Rhin un
district qui fut retranché des Treveri y entre g/y?
Ubiorum , Rigomagus ou Rimagen , et Bingium ,
Bingen, qui n'est attribué à aucun peuple, et je
trouve dans ce district , assez resserré , plusieurs
noms qui ont un rapport évident avec celui de l'an-
cien peuple dont nous cherchons à découvrir l'em-
placement : telestUlmen , arrondissement de Bonn -,
' D'Anville, Ge'ogr. anc, p. a55, édit. in-folio ; tom. m, p. 179,
édit. in-12; tom. Il, p. 709, des OEuvres in-4°.
' Ptolémée, lib. 11, c. 9, p. 49 (55), edit. Bert. — Notit. Gallinr.
— Guérai'd, Essai , p. 18. — Voyez ci-dessus, tom. i, p. 5 12.
' Plin., lib. IV, cap. 5i (17), tom. 11, p. 565, edit. Lem.
PARTIE II, CHAP. IV. 275
Ulmersbach , arrondissement de Coblentz , et Ulmet
dans le département de la Sarre, arrondissement de
Birkenfeld. Comme nous n'avons point d'autre in-
dication pour placer ce peuple que la ressemblance
des noms , il convient d'autant mieux de les inscrire
dans cet endroit, qu'ils remplissent un vuide dans
la Carte de la Gaule ancienne. Cette position s'ac-
corde aussi parfaitement avec le texte de Pline^ qui
nomme les Ulmanetes à côté des Tungri et des Sunici,
dont en effet ils étaient voisins. Il est probable que
les Ulmanetes , auxquels Pline donne l'épithète de
liheri, nation germanique, furent transportés sur
la rive gauche du Rhin à la même époque que les Ca-
racates, les Vangiones et Xt^Nemetes, ce qui n'avait
pas encore eu lieu au commencement du règne d'Au-
guste. Alors les Tre(^eri y aussi bien que les Medio-
matrici, étendaient leurs limites jusqu'au Rhin ; mais
les MediomatricL avaient déjà reçu sur leur territoire
les Triboci, dans le diocèse moderne de Strasbourg, et
entre le Rhin et les Vosges, u Parmi les Mediomatrici,
a dit Strabon, sont les Trihoci, qui vinrent s'établir
cf chez eux après avoir quitté la Germanie '. » Mais
on voit que du temps de Strabon on commençait déjà
à considérer ces deux peuples séparément; car il dit
quelques lignes plus bas : (( Après les Mediomatrici
« et les Triboci , on trouve le long du Rhin les
« Trevevi. » Il n'était donc pas encore question alors,
sur la gauche du Rhin, des Vangiones et des Ne-
metes; car, s'ils avaient été dès lors établis dans la
Gaule, Strabon n'aurait pas manqué d'en faire men-
tion , puisqu'il n'oublie pas la transmigration des
' Stralx) , lib. IV, p. 190, et ibid , toin. 11, p. 5.J, li'ad. franc.
276 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Ubii et des Triboci. Il observe aussi que les Menapii
occupaient les deux rives du fleuve, ce qui prouve
qu'ils n'étaient pas encore resserrés par les colonies
de Germains qu'Auguste transplanta depuis sur leur
territoire '.
Par suite des liaisons amicales qui s'établirent
ainsi entre les Romains gaulois et les Germains ha-
bitant les bords du Rhin , on construisit sous Au-
guste un pont en pierre , entre Coblentz et Ander-
nach , près de Cunostein-Engers , dont les restes
subsistent encore aujourd'hui , et ont été examinés
et décrits, dans le dernier siècle, par le jésuite
Reienberg et M. de Hontheim * ; et il paraît même
que les Romains, pour empêcher que ce pont ne
fût fatale à la sûreté de la province, avaient con-
struit un fort près de l»î , sur la rive droite du
Rhin. On a découvert les ruines de ce fort à une demi-
lieue de Neuwied, par des fouilles faites depuis 1791
jusqu'en 1801 . On a trouvé dans ces ruines des mé-
dailles, des statues, des ustensiles; et dans les en-
virons, des vestiges de routes qui y conduisaient ^.
Tout porte donc h penser que la transplantation
des Pangiones et des Nemetes n'eut lieu qu'après la
' Voyez ci-dessus, tom. 1, p. 458, 464 > 5 12, 5i8, 5-i6, Sig.
" Hontheim, Podr., p. 200; Tacite parle de ce pont, Annal.,
lib. I , c. 6g.
^ Minola, Kwze Ubersichte desscn, was sich unter dcn Rœniern
seif Jul. Cœsar, bis auf die JSi'oberung Galliens durch die Franken
nm Jîheinstrome merkwurdiges ereignete, in- 12 thaï; Ehrenbreis-
tein, in-i2, 1804, p. 175, 184 et suiv. — Conférez Mathiae, Recueil
des Me'moii'es et Actes de la Société des Sciences et Arts du dépar-
tement du Mont-Tonnerre, tom. i, et Hoffmann, dans Niederrliei-
nisch- fFcstphœlischc Blœtter , par Aschenberg , tom. i, cah. 2,
p. 5.^5; Ilertzrodt, Notice sur les anc. Trc\>irois, p. 45.
PARTIE II, CHAP. IV. 277
victoire que Noniiis Galliis remporta, l'an 27 avant
J.-C, sur les Treveri révoltés ', que l'on punit alors
par la perte d'une partie de leur territoire. Les Mo-
rini s'étaient probablement joints à cette révolte,
puisqu'ils furent aussi domptés de nouveau, cette
même année, par C. Carinas, qui mit en dé-
route les Suèves, lesquels, à la faveur de cette cir-
constance, avaient passé le Rhin \ Nous voyons,
d'après le récit de Tacite ^, que d'abord les Vangiones
et les Nemetes habitaient la rive droite du Rhin ,
aux environs du mont Taunus , que l'on croit être
celui d'Hejrich près de Mayence '*. J'ai déjà observé
que les Nemetes ^ avaient pour capitale Noviomagus
ou Nemetes y Spire , et les Vangiones , Worms , et
j'ai montré que le nom de ces peuples était transposé
dans Ptolémée. C'est une chose très remarquable
que tous les peuples qui parlent la langue escla-
vonne , appellent encore aujourd'hui les Allemands
Nèmec ou Niniz, oiiNiamz^. La position de Borbeto-
m,agus à Worms est démontrée par les Itinéraires '.
Au nord des Kangiones , et dans les environs de
Mayence, on doit placer les Caracates de Tacite ^ .
On trouve en effet dans les environs les noms de
" Dio, lib. Li, cap. 20, p. Ç>S'x (458), edit. Reim.
' Dio, lib. Li, cap. 21, p. 653 (459), edit. Reim.
' Tacit., Annal., xii, 27. — Hist., iv, ^o. — Germ., 28.
•* Scbaepflin , Alsatia illustrata, tom. i, p. i56 et 562.
' Voyez ci-dessus , tom. i, p. 5 18 et 522.
** En bohémien, on dit Nèracc; en polonais, Nieniec; en lelte ,
Nimz ; dans le dialecte de la Carniole, Niemc ; dans celui de la Va-
lachie INiamz. — Voyez Ewers, Voji Ursprunge der 7'usscschcn Slna-
ten , in-S", 1808; Riga et Leipzig : imprime à IMittau.
-Voyez V Analyse des Ilinc'raires , tom. m de cet ouvrage.
* ïacile, Hist., iv, jo.
278 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Karbach , Karlick, Karweiler, Karthauser. Mogon-
tiacuin a dû être la capitale de ce peuple , et la po-
sition de cette ville à Mayence moderne est prouvée
non seulement par l'histoire, mais encore par les
mesures de la route romaine qui suivait le cours
du Rhin , depuis Brigantium, Bregenz, jusqu'à Lug-
duniun, Leyde. Bonconica , dont la position à Op-
penheim est démontrée par tous les Itinéraires, était
dans les limites de leur territoire '. -
Les Veruni ou les Ferodunenses " ne commen-
cèrent probablement à être séparés, aussi bien que
les Triboci , de la grande cité des Mediomatrici,
qu'à l'époque dont nous traitons. Pline est le pre-
mier auteur qui en fasse mention comme peuple de
la Gaule.
Les Catelauni , s'ils ne sont pas les mêmes que les
Castologi de Pline, sont pour la première fois men-
tionnés comme peuple distinct des i?^mî dans Eumène
et dans Ammien Marcellin, ensuite dans Eutrope
et la Notice des Gaules ^ ; mais cependant, je le répète,
il est probable qu'Auguste, lorsqu'il régla, l'an 27 de
J.-C, l'administration des Gaules, morcela en autant
de divisions particulières les peuples qui étaient réunis
en un seul corps de nation, par des considérations
politiques, ou à cause de leur commune origine.
Les Ubii furent, dès le commencement du siècle
d'xAuguste , transplantés en entier dans la Gaule :
' Voyez V Analyse des Itlne'raires , tom. m de cet ouvrage.
' Ce sont les Varni de Ptoléraée, lib. vi, cap. 10, p. i5g (i85). —
\oyez ci-dessus, lom. j, p. 524-
^ \^oyez ci-dessus, tom. 1, p. 488. — Conférez Eumen., Gvat
act. consL, cap. 4- — Eutrop., lib. ix, cap. i5, p. 677, edit. Tzschuck.
— Ammian. Marcell., lib. xv, cap. ii. — Guérard, Essai, p. iB.
PARTIE II, CHAP. 1\^. 279
c'est Strabon ' qui nous apprend ce fait curieux : il
eut lieu l'an Sy aVant J.-C; mais ce ne fut qu'après
la victoire remportée en l'an i6 avant J.-C. ' sur les
Germains, et après avoir vaincu les Sicambres huit
ans après , c'est-à-dire l'an 8 avant J.-C, qu'une
portion des Suèves et des Sicambres s'établirent
dans la Gaule ^ Suétone nous apprend que ces peu-
ples furent transportés sur les bords du Rhin, les plus
voisins des lieux qu'ils habitaient ^ ; et comme les
Sicambres demeuraient sur la rive orientale du Rhin,
il est évident qu'on les transplanta sur la rive occi-
dentale, entre le Rhin et l'Escaut, et que, par con-
séquent , sous le nom de Gugerni ^ , ils occupaient
tout le terrain qui s'étend d'un côté , depuis Ru-
remonde jusqu'à Cuyclc; et de l'autre côté, depuis
Ordinghen , jusqu'à l'endroit où le Rhin se divise à
Schanckenschantz.
Quant aux Sueviy leur emplacement se trouve dé-
terminé avec assez de certitude par nos anciennes
chroniques. Dado, dans la Vie de saint Éloi *', dit
' Strabo, lib. iv, p. 194 ('^i5), et lom. 11, p. 55, de la trad. franc.
— Tacit., Gcrin., cap. uS.
' Dio Cass., \ïh. liv, p. 534-
'' Strabo, lib. vu, p. 290 (4i4)î edit. Alm. ; t. m, p. ig, trad- IV.
— Sueton., in Oct. Cœs. Augusiivita, c. 21, et in Tiberio , c g.
* rt Ex Germants Suevos et Sicambros dedentes sese in Galliam
« traduxit atque in proximis Rheno agris coUocavit. » (Sueton.,
loco citato. ) — Voyez encore Tacit., Ann., lib. xii, cap. 3g. —
Aiirelius Victor de Moribus itnperat., cap. i. — Eutropius, lib. vu,
cap. 9, p. 5i4, edit. Verheyck, et p. 457, edit. Tzschuck. — Eutrope
dit qu'Auguste fit transporter sur l'autre rive du Rbin quatre mille
captifs. Mais d'après Suétone, il faut corrigei-, quarante mille. Sue-
ton., in Tiberio, cap. 9, tom. i, p. 367, edit. Hase.
' Plin., IV, 3. Tacit., Hist., iv, 26; v, 16, 18, et la l'emarque de
VVt'Sscl., Itincv., p. 575. — Bvilaiinia lomaiia. lib 11, cli. 5.
" Dado, lib. 11, cap. 5.
280 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
que ce saint, a non seulement parcourait les villes
« et les municipes qui lui étaient confiés ; mais qu'il
((Convertit des Flandrenses , des Anversais , des
u Frisii, des Suei^i , et d'autres Barbares habitant
(( les parties les plus reculées du rivage de la mer, et
(( qui jamais n'avaient entendu parler du saint Évan-
(c gile. » A l'époque où écrivait l'auteur , dans le
ix" siècle , les Frisones occupaient en effet le rivage
jusqu'à l'Escaut occidental '. \-iÇ,% Suevi , d'après le
passage que nous venons de citer, doivent être si-
tués près d'eux , et comme eux cependant occuper
les bords de la mer. Ils sont ici , et dans le cha-
pitre VIII de la même Vie de saint Éloi, désignés
comme voisins des Anversais; ils doivent donc néces-
sairement avoir été placés dans la Belgique seconde,
et non dans la Germanie : ils étaient à l'ouest et au
midi de l'Escaut, et sur la côte occidentale qui en
est voisine , c'est-à-dire dans le territoire , dont
L'Ecluse, Gand, Termonde, Anvers et Axel, forment
les limites. Ce qui confirme encore la position que
je leur assigne, c'est qu'ils se trouvent nommés ici
avec les Flandrenses , qui occupaient le^cr^M^ Flan-
drensis ou les environs de Bruges. J'ai précédem-
ment prouvé que le nom des Menapii , autrefois si
étendu lors des transmigrations qui eurent lieu sous
Auguste , fut restreint à tout le pays renfermé à
l'occident de l'Escaut, depuis ce fleuve jusqu'au Ta-
buda Jlumen. D'après cela on voit que les Sue^i
faisaient en quelque sorte partie des Menapii j ou
du moins qu'ils habitaient sur leur territoire. Aussi
' Meuso- Alting. , part, ii, tab. i , DescniH. Frisiœ , in-folio,
1701.
PARTIE II, CHÂP. IV. 381
lisons-nous dans la Chronique intitulée de Gestis
Normanorum , pour les années 825 à ^iS , que les
Normands, après avoir passé l'hiver à Courtray, se
jetèrent ensuite sur les Menapii et les Suevi , dont
ils firent un grand carnage '. Tout confirme donc la
position que j'assigne aux Suevi ; et ne se trouvant
séparés du Wahal ou du Rhin que par les îles de
la Zélande et par les embouchures de l'Escaut, ils ne
s'éloignent pas des lieux indiqués par Suétone, c'est-
à-dire de la contrée voisine du Rhin. «.Juxtaque ri-
« pam Rheni sedibus assignatis collocavit. » Enfin,
peut-être n'est-il pas inutile de remarquer que dans le
milieu du district où je reconnais l'emplacement des
Sueifij, au nord-est de Gand, se trouve un lieu, Seve-
necke, dont le nom a beaucoup de rapport avec celui
de cet ancien peuple.
Ces colonisations de Germains , fruits d'une sage
politique , se continuèrent pendant tout le règne
d'Auguste, et même après lui sous Tibère. Les
Tungri peuplèrent le territoire désert des Eburo-
nes j et plus dans l'intérieur , et sur les confins des
Nerni, se fixèrent les Toxandri et les Betasii, in-
connus à César.
Il est impossible de déterminer avec précision les
limites de ces peuples , que les Romains adminis-
trèrent militairement , et qui par conséquent ne
formèrent pas de cités, ou de diocèses particuliers,
comme les autres peuples de l'intérieur de la Gaule
belgique.
Les Vhii resserraient à l'est l'ancien territoire
' Voyez Valcsii Nolilia galliar., p. 527; il a Uanscrit les lexles.
282 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
des Ehurones ' : après leur transmlgralion ' qui eul
lieu par la protection d'Agrippa , ils bâtirent une
\'ille qui fut d'abord nommée oppidum Ubiorum;
cette ville ayant obtenu par la protection d'Agrip-
pine, fille de Germanicus, une colonie de vétérans ,
fut nommée colonia Agrippina ^ . La position de
colonia Agrippina à Cologne moderne est démon-
trée par l'histoire , par de nombreux vestiges d'an-
tiquités trouvés en différens temps '^, et enfin par les
mesures des Itinéraires et de la Table et celles de la
colonne de Tongres , pour les routes qui partent
diAtuatuca, Tongres , de Lugdunum Bata<^orum ,
Lejde, et Argentoratum ^ Strasbourg^. Ces mêmes
mesures démontrent la position de Bonna h Bonn,
mentionné d'abord par Tacite, et ensuite par Pto-
lémée ^ ; il en est de même de Rigornagus , qui est
Rimagen ", et dont Ammien Marcellin a parlé ; de
Gelduha, aujourd'hui Gelb ouGeloub, dont Pline fait
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 5o4, 5o5 et oi4-
' Ce fut Marcus Agrippa, gouverneur de la Belgique, qui leur
accorda ua refuge dans la Gaule, lorsqu'ils furent pressés par les
Cattes. — Voyez Strabon, lib. iv, p. 194 (iiS); et c'est à Agrippa
que Tacite fait allusion, lorsqu'il dit [de Germ., cap. 28), que les
Ubii aimaient à être appelés x\grippinenses, du nom de leur fon-
dateur. Ce n'était cependant pas d'après lui qu'ils étaient ainsi
nommés , ainsi que nous l'apprend Tacite lui-même : aussi Juste
Lipse voulait corriger, Agrippenses.
' Tacit., Ann., lib. xii, cap. 27.
'^ Voyez Murator., Inscript., tom. u , p. 1020.
« Voyez V Analyse des Itinéraires, ainsi que pour les lieux sui
vans, tom. ni de cet ouvrage.
' Tacit. , jy/5/., IV, 19, 20, 25, 62, 70, 77; v, 22. — Ptolem., lib. 11,
cap. 9, p. 49 (53), edit. Bert.
" Anun. Mai-ccll. , lib. XVI, cap- 4-
PARTIE II, CHAP. IV. 283
mention comme d'une forteresse ' ; de mêmeNovesium
de Tacite est Nujs '; mais Gesonia, que d'Anville a
inséré sur sa Carte de la Gaule ancienne , n'a jamais
existé que dans l'imagination des commentateurs de
Florus. Le Marcodurus de Tacite est le même lieu
que le Marcomagus de l'Itinéraire, et les mesures
anciennes en déterminent la position à Marmagen.
Le Colbiacum ou Calbiacum de Tacite, considéré
comme Tolbiacum de l'Itinéraire, est devenu cé-
lèbre par la victoire de Clovis. Tacite ^ place ce lieu
sur les confins des Agrippinenses, et l'Itinéraire dit
que c'était l'un des vici d'un petit peuple nommé
Siipemi : les mesures , appliquées avec exactitude
sur la Carte , nous portent en effet à Suernich pour
le chef-lieu des Superni : ce lieu est à 2^100 toises
au nord de Zulpich ou Zolpich, où l'on s'accorde
à placer Tolbiacum. Une mesure donnée par Tacite
détermine avec précision la position d'ara Libiorum
Il God-Dorff ou village de Dieu, près d'un lieu
nommé Vislingen , qui rappelle le nom de la vice-
sima legio qui y fut long-temps stationnée, et à
60 mille romains de distance de Prêtera, qui est
Buderich , conformément à ce que nous dit Tacite ^
et aux mesures des Itinéraires romains.
Les Gugerjii j^esserraient à l'est les Toxandri , et
ils avaient les Batavi au nord et les Ubii au midi :
le petit nombre de positions que renfermait leur
' Plin., lib. XIX, cap. 4-
' Ammien iVIarcellin fait aussi mention de Novesiutn.
^ Tacit, Hist.^ lib. iv, ca]!. 79, lom. 11, p. 488, eclit. Lein.
* Voyez VAnalysc des Itinéraires , toin. m do cet ouvrage. -^
Tacit., Annal. ^ lil). i, rap. 5f), Sy.
284 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
étroit territoire ont été, comme beaucoup d'autres
des bords du Rhin, illustrées par la plume de Tacite.
Tel est AscihurgiuTYi, Asbourg, que les habitans pré-
tendaient avoir été fondé par Ulysse; colonia Tra-
janay qui est Kelln, près de Clèves; Tricesima, qui
portait aussi le surnom à^UIpia, d'après le surnom
semblable de l'empereur Trajan , et qui , par cette
raison , se trouve confondu dans l'Itinéraire avec
colonia Trajana, mais qui est un lieu essentiellement
différent que les mesures portent à Alpen , près de
Veteris ou Vetera , qui est Buderich. Les mesures
de la route qui suivait les bords du Rhin , et qui est
détaillée dans la Table, démontrent avec la plus grande
certitude la position de ces différens lieux '.
Le pays des Eburones se trouvant désert et dépeu-
plé par la conquête sanglante de César , Auguste
le concéda aux Germains nommés Tangri, qui , avec
les Uhii , devinrent par la suite le peuple domina-
teur dans toute l'étendue du vaste pays compris au
nord de la forêt des Ardennes , entre l'Escaut et le
Rhin ". Je trouve une première preuve de ce fait ,
dans la disparition des Eburones , peuple Germain
d'origine , ainsi que nous l'apprenons dans César ,
et la substitution de ce nom de Tiingri à celui des
Eburones, ce qui fait dire à Tacite : (( Les premiers
(( qui passèrent le Rhin , autrefois appelés Gennani,
« aujourd'hui désignés par le nom de Tungri, expul-
« sèrent les Gaulois du territoire qu'ils occupaient \ »
Une seconde preuve , plus formelle , se tire d'un
' Voyez M Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Voyez ci-dessns, tom. i, p. 5o4, 5o5 et5i4.
^ Tacit , Gcrman., cap. -j..
PARTIE IJ, CHAP. IV. 285
passage curieux de Procope , sur l'invasion des
Francs, qui a été bien traduit et bien commenté
par Gibert '. Procope, en décrivant les nations
voisines des Francs, qui avaient passé le Rhin et
s'étaient établies autrefois dans la Gaule , dit : « A
(( l'orient des Arhoruches étaient les Thoringiens ,
(( qui occupaient des terres qu'Auguste, le premier
f( des empereurs, leur avait concédées". » Sans m'ar-
réter aux Arhoruches , dont l'établissement dans
les Gaules est postérieur à l'époque qui fait l'objet
de cet ouvrage , et qui a occasioné tant de discus-
sions , je me contenterai d'observer qu'il est bien
évident que Procope désigne Ici sous le nom de Tho-
ringii les Tungri de Tacite et des auteurs latins.
Cluverius reproche à tort à Procope de ne s'être pas
servi de ce dernier nom. Nous voyons dans Gré-
goire de Tours % qui a écrit en latin , le nom de
Thuringii employé pour désigner les Tongri , et ce
dernier mot ne paraît même être qu'une abréviation
ou une corruption du premier ^. Il est impossible
de déterminer les limites précises des Tungri; on sait,
d'après la Notice des provinces des Gaules, que leur
capitale et celle des Ubii ou Agrippinenses avalent la
suprématie dans toute l'étendue de la Germanie in-
férieure^. Atuatiica ou Atuatucum j cette unique
' Gibert, Me'm. pour servir à l'Histoire des Gaules, p. 248.
' Procope, de Bello go'hico, lib. i.
' Gregor. Turon. , lib. 11 , ch. 9. t— D. Bouquet, Hisl. de France,
lom. Il, p. 166.
'' L'abbé Dubos, Ilist. critique de l'établissement de la monar-
chie française , toni. I , p. 4'28 , édit. in-12 , cite même un ma-
nuscrit de Grégoire de Tours, où il est écrit: « Dispargum quod
est in termiiio Thoringorum vel Tongrorum. »
' A oy. Notilia pivi'. Gnll. — Recueil des Ilist. de France, p. i23.
286 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
forteresse des Ehurones, du temps de César, devint
la capitale des Tungri, ainsi que nous l'apprennent
Ptolémée, l'Itinéraire, la Table de Peutinger et la
colonne de Tongres : les mesures déterminent la
position di Atuatuca au village de Tongres, par trois
routes qui se rattachent à colonia Àgrippina, Co-
logne, Bagacmn, Bavay, et Noviomagus , N.imègue.
Ammien Marcellin fait mention de cette ville sous
le nom du peuple , et l'appelle par conséquent
Timgri ^ . J)h& l'an 585, cette ville fut saccagée et
ruinée par les Huns, et ne se rétablit jamais. La
forteresse que les Romains opposaient aux Francs
dans ce canton était Lagium, près de Tongres,
dont parle la Notice de l'Empire , et que l'on fixe
avec quelque degré de vraisemblance à Luaige,
simple village sur le Jecker'. Le siège épiscopal du
diocèse de Tongres fut par la suite transféré de
Tongres à Maestricht , et ensuite de Maestriclit à
Liège ; il comprenait aussi le diocèse de Namur, dé-
taché dans les temps modernes de celui de Liège par
Paul IV. Malines , qui est une métropole qui date
de la même époque, reconnaissait la juridiction des
évêques dont le siège primitif était Tongres. Une
lettre de saint Rémi prouve que le diocèse de
Tongres étendait son territoire jusqu'aux frontières
de celui de Rheims. C'est près de Tongres que l'on
a trouvé, en i8[7, cette pierre milliaire octogone
que nous avons si souvent citée, ou sont détaillées
■ Amm. Marcellin, lib. xvii. — Voyez ci-dessus, tom. i, p. 5o2,
5o4, 5o5 et 5i4- — Ptolem., lib. ii, cap. g, p. 49 (53).
' Bûcher., Bcl^. rom., p. 492, et Wastelain, Gaule belgiqitc ,
p. 45 et 194.
PARTIE II, CIIAP. IV. 287
les routes qui conduisaient d'.^^t^«^«crt aux principales
villes des Gaules, dans huit directions dilFéren tes ' .
Au nord des Tiingri , et dans la Campine des
modernes, habitaient les Toxandri , dans le pays
nommé Taxandrie dans le moyen âge. Pline ' est le
premier auteur qui fasse mention des Toxandri.
Amimien Marcellin parle de Toxiandria locus , qui
a du être leur capitale, et que quelques auteurs
judicieux s'accordent h placer à Tessender-Loo,
d'après les rapports de nom et de situation; car on
n'a aucune mesure ni aucun monument historique
qui puisse déterminer la position de ce lieu d'une
manière certaine. La Taxandrie, dans le moyen âge,
était bornée au nord par les comtés de Teisterbant
et de Masgauw; à l'orient, par le Masgauw ; à l'oc-
cidentj par le Brabant et les pays de Rien et de
Striën : ce pays représentait presque tout l'ancien
territoire des Menapii ^. Ainsi les Menapii, déjà res-
serrés par les Giigeimi à l'est, et par les Toxandri au
midi , se trouvent entièrement confinés h l'occident
de l'Escaut; c'est ce que Pline exprime très bien en
disant : (( Près de l'Escaut sont les Toxandri , qui
renferment plusieurs cités, et ensuite les Menapii. »
Pline mentionne les Betasii avec les Siinici et
les Tungri ^ ; Tacite ^ les joint dans ses récits aux Ner-
ni et aux Tungrii : toutes ces indications confirment
" Yoyez rjfinljse des Itinéraires , loin, m de cet ouvrage, et
Henncquin, Dissertntio inauguralis de origine et natura principatus
iirbis Trajecti ad Mosam, p. i3; Louvanii, 1829, in-S".
' Plin., lib. IV, cap. 5i, tom. u, p. 56o, cdit. Lem.
^ Desroches , Mem. sur les dix-sept Provi?ices , p. 54, et Notil.
cccles. Belg., cap. 26.
^ Plin., Hist. nat., lib. iv, cap. 5i, toni. n, p. 5Go.
' Tacit., lib. iv , sect. 56 et 66.
'2SS GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
]a conjecture d'im géographe qui, avant Ortelius,
avait proposé de reconnaître le nom des Betasii
dans celui de Beetz, situé sur la rive gauche de la
Cette , au midi de Haalen. J'y ajoute le nom de Biez,
qui se trouve près de Bruxelles, dans le même can-
ton. Gruter rapporte une inscription où il est ques-
tion des cives Betasii , ce qui indique évidemment
les habitans de la ville des Betasii : ainsi ce petit
peuple conserva long-temps son nom, qui cependant
disparut dans le moyen âge. Un autel en marbre blanc,
trouvé près de Hoogstrate, à côté de la nouvelle route
qui conduit d'Anvers àBreda, dans un lieu nommé
Sundert, fait mention de la déesse Sandraudiga '.
La marche de Civilis contre les Tongres place les
Siinici entre la Koer et la Meuse, ou entre Aix-la-
Chapelle et Maestricht, où était le pons Mosœ , dont
il est fait mention dans le récit de Tacite.
Dans l'île des Bataves à peine connue de César,
Pline et Tacite ' placent les Batavi et les Cannine-
fates; j'ai déjà précédemment déterminé l'étendue
de l'île des Bataves, beaucoup trop resserrée par Clu-
verius etd'Anville\ a Les Canninefates, dit Tacite,
« habitent une partie de l'île des Bataves , et ils ont
M la même origine , la même langue , le même cou-
« rage , mais ils sont inférieurs en nombre. » Il est
évident, d'après cela, que les Canninefates n'étaient
qu'une division des Batavi , et comme le nom de
Betuwe, dérivé de celui de Batavia , est resté atta-
ché à l'extrémité orientale de l'île, Menso-Alting,
' Bast, second Supplément nu Recueil d' Antiquités romaines et
gauloises, iQ-4°) P 248;Gand, i8i5.
^ Tacit., Hist., lib. iv, cap. 66. — Plin., cap. 5i (17).
^ Voyez ci-de.ssus, tom. i, p. 4q4 -i 5oo.
PARTIE II, CHAP. IV. 289
et d'après lui d'Aiiville, ont eu raison de placer les
Canninefates à l'extrémité occidentale de l'île, dans
le Rhjnland, le Delftland et le Scliieland; mais il
faut étendre ces peuples un peu plus vers le nord
que ne l'ont fait Alting et d'Anville , puisque les
mesures données par Ptolémée prouvent que l'em-
bouchure du Rhin , qui détermine les limites des
Bataves, était plus au nord que Lejde, et au lieu
aujourd'hui nommé Zandvs^oort '. Cette extension de
territoire s'accorde aussi mieux avec les récils de
Tacite qui font des Cannanefates, une nation assez
redoutable. Il ne faut pas oïd^lier d'observer que le
nom de ce peuple est Canninefates y d'après une
inscription rapportée par Gruter; il est probable
que les Canninefates ou Cannanefates s'étendaient
un peu au-delà de l'Ile Batave proprement dite,
puisque Velleius les place dans la Germanie : ils
furent domptés par Tibère, mais sous le règne d'Au-
guste, et vers l'an 4 c^e Jésus-Christ.
Dans le commencement du règne d'Auguste, on ne
connaissait rien au-delà de l'île des Bataves , à peine
soumise ; mais lorsque Drusus, douze ans avant l'ère
chrétienne , eut pénétré dans l'intérieur du pays
de ces redoutables Germains ; lorsqu'il se fut avancé
jusqu'à \ Aniisius ou l'Ems; lorsque l'année suivante
il fut parvenu jusqu'au Weser, et trois ans après
jusqu'à i'Elbej alors les Romains, qui jusqu'à cette
époque s'étaient contentés de lepousser les Germains
sur leur territoire , ou n'avaient fait chez eux
que de légères incursions, firent avancer leurs armées
' Voyez Gossellin, Recherches, tom. iv, p. gi , 98 et iSg, p. lot
à lao.
II. 19
290 GÉOGRAPHIE ANClEiSNE DES GAULES,
jusque dans le centre de la Germanie. Tibère porta
le premier les aigles romaines victorieuses jusque
sui' les bords de l'Elbe ' ; alors non seulement on
fortifia par des positions militaires , par des villes
et des colonies, les rivages Gaulois du Rhin, mais
presque partout on forma des établissemens sur
la ri\e opposée , afin d'être entièrement maître
de la navigation. Ces positions furent singulière-
ment multipliées sur les bords de l'île des Bataves ,
parce que cette portion de l'Empire, entrecoupée par
des marais et des lagunes, présentait plus de facilité
aux Barbares pour la défense et pour l'attaque , et
parceque les habitans, plus féroces et moins civilisés ,
avaient aussi plus besoin d'être contenus. Drusus
fit agrandir le lit du Rhin à l'endroit ou il détache
le bras le plus oriental qui se rend à la mer , ce qui
forma le canal qui porta le nom de son auteur. Ce
canal se trouve aujourd'hui représenté par cette
partie de l'Yssel qui s'étend d'Arnheim k Doesburg.
Par la Drusus facilita, ou plutôt établit, la navigation
jusqu'au lac Flevo et jusqu'à la mer : il opposa une
nouvelle barrière aux Germains; il agrandit de ce
côté le territoire de l'Empire; il recula les limites
de la Gaule jusqu'aux rives de la branche orientale
du Rhin de Ptolémée, le Fle<;us fliwius , l'Yssel. La
branche occidentale du Rhin de Ptolémée, presque
anéantie par la rivière artificielle nommée le Leck,
que l'on creusa dans le vu*" siècle, fut augmentée par
une digue que Drusus avait fait construire pour rete-
' Dio Cassius, liv. liv, §. 55, p. 765; liv. lv, §. i", p. 770 et 771.
— Yclleius Paterculus , lib. 11, cap. 106, p. 5i7 et 5i8. — Dio
Cassius, lil). lv , cap. 28. p. 801 et 802.
PARTIE II, CHAP. IV. 291
11 ir les eaux qui tendaient à s'échapper au midi. Cette
digue resserrait le lit du Rhin vis-à-vis Wikby-Duûr-
stode ', afin de rendre l'écoulement des eaux moins
rapide et d'en faire refluer une partie dans le Rhin
oriental, ou le nouveau canal. Drusus ne termina pas
entièrement ce grand ouvrage. Soixante-trois ans
après, Paullinus Pompeius le fit achever; et la manière
dont Tacite s'exprime à ce sujet prouve que cette digue
n'était point en travers du fleuve, comme quelques
auteurs modernes l'ont cru, mais qu'elle en suivait
les rives et en resserrait le lit \ Cette digue nous
explique pourquoi Pline a dit, en parlant de ce bras
du Rhin , inodicum alveum , et Tacite , ser^atque
nomen et violentiani cursus. Il n'y a point, comme
on l'a cru, de contradiction entre ces deux auteurs,
et on conçoit facilement comment une rivière peut
êlre à la fois étroite et rapide.
L'extension que prit de ce côté la Gaule, du temps
d'Auguste , se trouve encore prouvée par Ptolémée ,
qui de son temps termine cette contrée à l'embou-
chure orientale du Rhin. Les mesures démontrent
que l'embouchure orientale du Rhin, dans Ptolémée,
est celle que l'on connait aujourd'hui sous le nom
de Flie-Stroom , entre les îles de Flieland et de
Schelling, qui représente l'ancienne embouchure du
Flevum ou de l'Yssel, avant que la grande inondation
' Measo-Alting, p. 54, Carte v, Descript. agrî Frisii ; NotitiaBa-
laviœ etFi'isiœ, 1698, in-folio. — ÇtOS^eWin , Recherches , tom. iv,
p. 92 à 10 r, Cartes 9 et 10.
' «Ne tanieu segneni niiiitcm attinerent, ilie (Paullinus) inclioa-
« tum ante 1res et sexaginta annos à Druso aggereni cocvcendo
« liheno aLsolvit. « — Tacit., Annal., lih. xiii, cap. 53. — IbUL .
lib. ir, cap. G. — Plin., lib iv, cnp. -ic) (i5).
292 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
qui eut lieu dans le xiii" siècle eut converti en une
vaste lagune le Fleço lacus des tems anciens ; qu'il
eût détaché du continent les îles de Schelllng et
d'Araeland , et englouti sous les eaux les nombreux
villages du pays de Stavero '.
Ces mesures de Ptolémée se trouvent d'accord avec
celles d' Agrippa, gendre d'Auguste. «Elles portaient,
« dit M. Gossellln, la longueur des rivages, depuis les
(f Pyrénées jusqu'au Rhin, à 1,800 m. p., c'est-à-dire
« à la valeur de 1 ,44<^ minutes de dégrés % ou de 480
(( de nos lieues marines. On trouve à ces mêmes côtes,
u depuis le cap Machicaco ou OEaso promontor. ,
(( où commençait la Gaule, jusqu'à l'embouchure du
« Rhin appelée le passage de Vlie, 1,47^*' 5o'', ce qui
(( représente 49^ ^^ "O^ lieues : la diirérencc est de
(( 10 lieues, et se perd dans de petites sinuosités
« que les anciens auront négligées, n
Enfin les mesures de la route tracée dans l'Itiné-
raire et dans la Table, entre colonia Jgrippina,
Cologne, et Lugdunura , Leyde, confirment celles
de Ptolémée. Ces mesures, dont jusqu'ici on n'a pas
reconnu l'exactitude, et qu'on n'a pas su appliquer
sur le terrain, démontrent ^ que plusieurs des villes,
villages et postes militaires, que les Romains avaient
multipliés sur cette extrême frontière de leur empire,
étalent situés au nord du bras du Rhin qui bornait
l'île des Bataves; bras qui, dans Ptolémée, est appelé
' Conférez le Mc'm. sur les dix-sept Provinces, par Desroches,
et VHistoire des Pays-Bas , de Guichardin.
' Agrippa, apud Plitiium, lib. iv, cap. 5i. Ce passage est mal
ponctué dans l'édition d'Hardouin. — Gossellin , Recherches,,
tom. IV, p. 64.
' Voyez VÂnalyse des Itinéraires , toni. m de cet ouvrage.
PARTIE II, CHAP. IV. 21)3
Rhin du milieu; qui, dans Pline et dans d'autres
auteurs, était le Rhin proprement dit. En effet, quoi-
que le Rhin, dans une partie de son cours, eut été en
quelque sorte déclaré la limite de l'empire romain ,
cependant il est facile de prouver que les Romains
formèrent des établissemens au-delà de ce fleuve , et
qu'ils en occupèrent successivement les deux rives,
en s'étendant, pour certains endroits, à une assez
grande distance dans l'intérieur des terres, à l'orient
du fleuve , ou dans la Germanie. Je ne parle pas
du cours du Rhin vers les lieux voisins de sa source,
lorsque, se dirigeant de l'est à l'ouest, il coulait
comme au sein même de la domination romaine , et
qu'il divisait l'Helvétie de la Rhétie, et de la Vindé-
licie; mais je ne considère ici que cette partie prin-
cipale du cours de ce fleuve à partir des environs
de Baie, où, se tournant vers le nord, il formait
réellement la limite de la Gaule et de l'empire ro-
main. Nous voyons en descendant ses rives que
tout le grand-duché de Baie des modernes, à l'orient
du Rhin, était occupé par les Romains, puisque
des colonnes milliaires trouvées sur les lieux dé-
montrent l'existence d'une voie romaine, qui péné-
trait dans la Germanie , et qui , partant à' Argento-
ratum , Strasbourg, aboutissait à Aquce, qui est
Baden moderne, ville bâtie et habitée par des Ro-
mains ' . Plus vers le nord , Ammien Marcellin nous
apprend ' que Valentinien fit construire diverses for-
' Voyez Scliaepflin, Alsalia illustrnln, tom. i, où ces colonnes
sont gravées ; plusieurs se trouvent réunies à la source principale
tle Baden-Baden, où nous les avons vues en i853.
' Amni. Murcellia, lih. xxxviii, cap. 2, p. 5-io, cdil. A'ales.
294 GÉOGRAPHIE ANCIEJNWE DES GAULES,
teresses qui étendaient les limites de la Gaule de ce'
côté.
C'est au confluent du Rhin et du Mayn , et non
dans le duché de Bade, comme le dit d'Anville,
qu'une foule de Gaulois romains cultivèrent ces ter-
rains vagues, A'oisins des Catti ' , qui furent sur-
nommés decumates , parce qu'ils payaient la dîme
de leur fruit : ces terrains étaient entourés d'un
rempart dont les ruines existent encore, et qui sont
connues sous le noni de Pfahlerahen ' : niox limite
acto, dit Tacite en parlant de ces colonisations, pro-
Tïiotisque prœsidiis, sinus imperii et pars provinciœ
haberetur. Les Mattiaci fontes calidi , de Pline ,
sont placés par plusieurs auteurs à Wisbaden , dans
l'état de Nassau, non sans quelque vraisemblance ^.
Encore plus au nord, et vis-à-vis colonia Jgrip-
pina ou Cologne , sur l'autre rive du Rhin , les
Romains avaient bâti une forteresse dans l'emplace-
ment de Deutz moderne. Ceci est démontré par une
inscription trouvée à Deutz même ^. C'est surtout vers
les embouchures du Rhin que les Romains avaient
' Tacit., Germ., uç).
' Mannert, Gco^r. der Griecheii itnd Jiômcr, tom. m, ch. lo,
p. 280 à 291.
' Plin., lib. XXXI, cap. 17, tom. viii, p. 078, edit. Lem. — Amm.
Marcell., 19. — Schaepflin, Alsatia illustrata , p. 555.
'' Deiiso , mentionné dans la Chronique de Jérôme, à l'année B^ô,
« Saxones caesi Deusone in regione Francorum, » était près de la
mer, et doit correspondre à Deynse, comme l'a conjecturé Fréret.
— Voyez dom Bouquet, Recueil des Hist. de France, tom. i, p. 61 1.
— Ortelius, Thés. — Bast., Recueil d' Antiquités gauloises, \i\-^°,
1808, p. 5o. — On a trouvé des médailles de Posthume, en bronze
ot en argent, dont le levers représente un Hercule, avec la légende
iiEiu:. nKVSONENSi, — Conférez le Dictionnaire gebgr. des Gaules ,
loin, m de cet ouvrage.
PARTIE II, CIIAP. IV. 295
cherché à étendre le plus loin possible leur domina-
tion à l'orient de ce fleuve : aussi voyons-nous au-
delà de l'île Balave, et principalement sur la côte, se
continuer la chaîne des positions romaines. Tel était
le Flemm castellum, forteresse que les Romains
avaient bâtie à l'embouchure du lac Flevo, proba-
blement dans l'île qui aura retenu de ce lieu le nom
de Flieland ou Vlieland , et qui autrefois faisait partie
du continent. Plus loin encore était la ville A'Jmi-
siuj bâtie à l'embouchure de l'Ems. Les vaisseaux
romains, après avoir descendu le Rhin, pénétraient
dans le bras oriental de ce fleuve jusque dans lac
FlevOj et après être entrés dans la mer par l'embou-
chure orientale, ils longeaient la côte et arrivaient
à Aniisia '. Tacite, qui décrit très clairement et en
détail cette navigation des Romains, ne laisse aucun
doute sur l'extension de leur puissance au nord de
l'île des Rataves. Il nous en fournit encore une
preuve plus formelle, lorsqu'il raconte la révolte
des Frisii "*. Nous y voyons ce peuple qui habitait
au nord des Bataves , et entre le Rhin du milieu et
le Rhin oriental , refuser de payer l'impôt et s'in-
surger. (( Le sénat , dit Tacite en terminant son ré-
« cit, fut peu touché qu'on déshonorât les extré-
(( mités de VEmpire. » Donc les extrémités de l'Em-
pire renfermaient les Frisii , et ces peuples faisaient
partie de la Gaule qui se terminait au Rhin orien-
tal. Olennius , général romain, ayant voulu répri-
mer ces Frisii y fut repoussé par eux, s'enfuit et se
léfugia dans le Flevurti castellum , (c où l'on tenait,
' Tacit. , Auji.^ cap., ôS-yo , et lib. iv , cap. 5 et 8.
' IiL, lili. IV, cap. yS et 74 ) tom. i , p. aSi, éilit. de Brotticr.
296 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
(( dit Tacite , un corps assez considérable de légion-
« naires et d'alliés pour défendre cette côte de
« l'Océan '. » Julius Capitolinus ' parle des Frisii
au-delà du Rhin, Frisii transrhenani , ce qui
prouve qu'on les distinguait des Frisii en deçà du
Rhin. Or, comme l'espace de terrain compris entre
le Rhin proprement dit et le Wahal fut de tout
temps occupé par les Bataves , il ne reste aux Frisii
que le terri toii'e renfermé entre le Rhin et l'Yssel :
donc cette dernière rivière était réputée une branche
du Rhin, puisque les peuples qui habitaient au-delà
étaient nommés Transrhénans.
Lorsque Civilis, à la fin du cinquième livre de
l'Histoire de Tacite, demande à conférer avec le gé-
néral romain , l'historien nous apprend que cette
conférence eut lieu, non sur les bords du Rhin,
mais sur ceux du fleuve Nabalia. Or il y a tout lieu
de présumer que le Nabalia flumen ^ est l'Yssel ou
la branche orientale du Rhin. En effet, nous ne
A oyons dans aucun auteur que cette branche jusqu'à
son arrivée dans le lac ait porté le même nom qu'à
son embouchure , qui s'appelait Flevuni lorsqu'elle
sortait du lac dans la mer. Il est probable qu'il
en était de cette branche comme de celle qui se
rendait dans la Meuse , et qui portait dans le com-
mencement le nom de Vahalis ^ pour prendre en-
suite celui de Mosa , et enfin celui à' Hélium; mais
nous voyons dans Ptoiémée ^ une position nommée
Nabalia, qui est la première de la Germanie , et
■ Tacit., Ami., lib. iv, cap. •j-i , toin. i, p. 5oi, edit. Lem.
"" Julius Capitolinus, ]). 81.
' Voyez ci-dessus , tom. i, p. 497- — Tacit., Ilisl., lib. v, cap. 'i6
'' Plolem., (xcogr., lib. 11 , cap. 11, p. 54 (5g).
PARTIE II, CHAP. IV. 297
qui se trouve précisément sur les bords de la bran-
che orientale du Rhin qui est l'Yssel , ainsi que les
mesures le démontrent '. Ceci semble achever de
prouver que l'Yssel, dans une partie de son cours, se
nommait Nabalia y et puisque la conférence eut lieu
sur les bords de ce fleuve, il est évident qu'il for-
mait alors la limite de l'empire romain et de la
Gaule. Cette limite parait avoir été tracée par le ca-
nal de Drusus ou l'Yssel moderne , depuis Arnheim
jusqu'à Doesburg, et ensuite par le Nabalia ou
Nat^alia, nom qui provenait peut-être des vaisseaux,
na{>es , que les Romains y tenaient en station pour
les besoins de la navigation , ou pour la défense des
frontières. Ainsi le Navalia , l'Yssel, jusqu'à son
entrée dans le lac Flevo, ensuite la rive orientale de
ce lac, et le Flevus jlui>>ius , depuis sa sortie du lac
Flei^o jusqu'à l'embouchure orientale du Rhin, nom-
mée Fleviim ostium, terminaient la limite.
Il suffit de jeter les yeux sur une carte détaillée
de ce pays, pour apercevoir les motifs qui empêchè-
rent les Romains de multiplier leurs positions trop
loin au nord de l'ile des Bataves, et pour leur ôter
toute idée de tracer une route dans un pays tout
entrecoupé de marais. Il leur suffisait d'être maîtres
de la côte et de la navigation du fleuve; ils n'avaient
pas besoin de placer des postes militaires dans un
pays que la nature défendait suffisamment : ils ne
cherchèrent donc jamais à défricher par eux-mêmes
un sol ingrat , presque noyé sous les eaux : il leur
suffisait d'avoir assujetti à payer l'impôt les habitans
demi-barbares de cette humide et froide contrée.
' Voyez Gossellin, Recherches, loni. iv, p. (34, 69,. Qï» 101 et i5g.
298 GÏ^OGRÂPIIIE ANCIENNE DES GAULES.
Cependant, avant que les Romains eussent pénciré
si loin vers le nord, avant qu'ils eussent pratiqué
la voie romaine qui conduisait droit à Lugdunum ,
Leyde, ou près de l'embouchure occidentale du
Rhin , route qui tantôt se dirigeait au nord et tantôt
au midi du fleuve ' , les limites de la Gaule et de
l'empire romain se terminaient h la branche du
Rhin qui cerne au nord l'ile des Bataves. Et comme
cette branche du Rhin conservait spécialement le
nom. de ce fleuve , tandis que celle qui se rendait
dans la Meuse portait celui de Vahalis , et que celle
qui était la plus orientale était encore désignée sous
un autre nom , il en résulta quelque confusion dans
les écrits des géographes de l'antiquité. Cette con-
fusion fut encore augmentée par les travaux faits à
la branche orientale du Rhin par Drusus, qui, de-
puis cette époque, fut mieux connue, mais qui tantôt
fut considérée comme un bras du fleuve, et tantôt
comme un canal de communication avec la mer.
Le peu d'habitations romaines qui existaient entre le
Rhin proprement dit, et sa branche orientale, le peu
de connaissance détaillée et précise que l'on avait de
ce pays ingrat, le peu d'intérêt qu'on y prenait,
contribuaient encore à entretenir cette confusion.
Ainsi, quoique César eût dit, dès le principe, que
le Rhin se perdait dans la mer par plusieui's embou-
climes % Asinius, qui écrivait au commencement du
règne d'Auguste ou un peu avant, ne voulait recon-
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. iii de cet ouvrage. —
IVAnville a tout placé au midi du Rliiii, et il a dérangé toutes les
mesures.
^ Mal lis cnpitihus in Occanuni injluil , Cœsar, de liclio Ç,tdl.y
\\\i. IV, cap. 20. — Voyez ci-dcssiis, tom. i, p. 495.
PARTIE II, CHAP. IV. 299
naître que deux bras du Rhin , et reprend ceux qui
lui en donnaient davantage '. Strabon parait avoir
puisé dans Asinius la mesure des côtes septentrio-
nales de la Gaule , qu'il applique à tort a toutes les
cotes de l'ibérie et de la Gaule baignées par l'Océan.
Cette mesure, qui est de 5,ooo stades, répond juste
en stades de 5oo h la distance du cap Saint-Mahé, à
l'ancienne embouchure du Rhin : ce qui prouve en-
core que, du temps d' Asinius, la Gaule se terminait
à l'embouchure du bras occidental , limite de l'île
Batave \ Virgile dit Rhenusque bicornis ^ : donc
l'opinion dominante de son temps était que le Rhin
n'avait que deux bras principaux. Cette opinion pou-
vait provenir de ce que l'on considérait le Wahal
non comme bras du Rhin, mais comme appartenant
aussi bien à la Meuse qu'à ce fleuve, et de ce qu'on
appliquait le nom de canal de Drusus à tout le cours
de l'Yssel, ou à tout le bras oriental du Rhin ; car
je ne dois pas oublier d'observer que Ptolémée seul
a fait mention de l'embouchure moj^enne du Rhin,
que ses mesures portent à Bakkum ^. Le bras qui
formait cette embouchure est celui qui, encore au-
jourd'hui, se détache du Rhin à Duîirstede, en con-
servant le nom de Kromme-Rhyn , Rhin bicorne ,
' Asinius, apud Strab., lib. iv, p. igS (294); tom. 11, p. 5o, de la
trad. franc.
* Voyez Gossellin, Recherches, toni. iv , p. gi à i56, et les
Cartes n"' 9 et 10. — Tacit., Hist. ,.\ih. v,.cap. i5, 19.
^ Virgil., Mn., viii, vers. 727. — Claudien, xxi, vers. 199, nomme
région bifide, hifidos tractiis , l'île des Bataves; et viii, vers. ()5:>.,
fait mention des cornes du Rhin , cornua Rhciii . il faut voir le con-
tre-sens singulier riuo fait à ce sujel son traducteur français.
^ Ptolem., \\\). Il, cap. 9, p. 5-). (48), edit. Ik-rt.
300 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
qui se bifurque de nouveau à Utreclit, pénètre dans
le Pampus, sous le nom de Vecht, en ressort sous
le nom de Zaan , et se perd ensuite dans les sables
près de Bakkum. L'origine de cette branche était trop
près de la mer et formait un cours d'eau trop peu
étendu, pour qu'elle put être considérée comme dif-
férente de celle dont elle dérivait, par des auteurs
qui ne décrivaient pas les rivages , comme Ptolémce,
mais le cours du Rhin dans l'intérieur des terres, et
les principaux embranchemens qu'il forme lorsqu'il
se décharge dans la mer.
L'examen des difFérens auteurs qui ont parlé du
Rhin confirme ce que je viens d'avancer.
Ainsi, quoiqueTacite connût parfaitement la bran-
che orientale du Rhin , qui communiquait avec le
Rhin proprement dit par le canal de Drusus , il ne
donne cependant que deux branches au Rhin , et à
l'exemple de César il conserve à celle qui est au nord
le nom de Rhin, et nomme l'autre V^ahalis. Aussi
nomme-t-il les Frisii, dont une partie du moins étaient
renfermés entre le Rhin et l'Yssel, un peuple au-
delà du Rhin' ; mais cependant dans la suite de son
récit , ainsi que nous l'avons remarqué tout à
l'heure, il considère les Frisii (du moins en par-
tie) comme étant sous la domination des Romains.
Mêla eut connaissance de la branche la plus orien-
tale du Rhin; mais comme il ne mentionne pas le
Wahal, il ne donne au Rhin que deux bras, l'un qui
coule à gauche, auquel il conserve le nom de Rhin
proprement dit (c'est le bras occidental de Ptoléméc,
' ïacit., Jnn., lib. ii, cap. (i. — JIisl., lib. v, cap. 7.6.
PARTIE II, CHAP. IV. 301
dont l'embouchure était à Zandwoort), l'autre à
droite, qui, selon sa description, s'épanchait en for-
mant le lac Flevo , et entourait l'iie du même nom,
puis resserrait de nouveau ses rives, et se prolongeait
jusqu'à la mer sous la forme d'un fleuve. On sait
en effet qu'avant les grandes inondations du xiii^ siè-
cle , le Flie était si peu large entre Enckhujsen et
Staveren , qu'en 1 2o5 on allait encore h pied et à
cheval de l'une à l'autre de ses rives ' : ce qui s'ac-
corde très bien avec la description de Mêla *. Son
Venetus lacus est évidemment le Boden-See , ou lac
Constance, et son Acronium lacus est le Zeller-See,
qui communique au lac Constance par un canal
étroit et court ^
Pline donne au Rhin trois embouchures, et quoi-
qu'il intervertisse l'ordre géographique dans son
énumération, en rapprochant son texte de la des-
cription si détaillée de Mêla , il devient évident que
\ Hélium, ostium est l'embouchure du Wahal et de
la Meuse réunis, que c'est Vimmensum Mosœ os de
Tacite : l'ancienne dénomination se conserve dans
celle de Hel-Boet et de Bri-Hel , que portent en-
core les deux canaux de la Meuse, séparés par l'île
de Rosenburg , près de son entrée dans l'Océan .
Pline nomme FLevuni l'embouchure la plus orien-
tale , et conserve au bras intermédiaire, qui bornait
l'île des Bataves, le nom de Rhin. Malgré ces notions
si exactes et si complètes, Pline '^j arrêté par ce nom
de Rhin, que porte le bras intermédiaire, semble in-
' Voyez Desroches, Méin. sur les dix-sept Provinces, p. g.
' Mcla, lib. Il, cap. 2, toni. i, p. 84, édit. de Tzsclinck.
^ Voyez Leicbtlen, Scliwabcn unter den Rom., charte n" 3.
Plia., lib. IV, cap. 9.9 (i5), toni. 11, p. 555, odit. Lcm.
302 GËOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
décis s'il doit donner les embouchures du Rhin à la
Germanie ou à la Gaule, et il prend le singulier
parti de les donner successivement à toutes deux.
En effet , à la suite de la description de la Germa-
nie , il place la description du pays renfermé entre
les différens bras du Rhin, sans omettre l'île des Ba-
taves. Dans le chapitre suivant, il décrit la Grande-
Bretagne et les îles qui sont au nord , telles que
Scandia, ISerigon ' ;, Tliule. Ensuite il passe à la
Gaule, en commençant par la Belgique; et parmi
les peuples qui en font partie, il nomme encore les
Frisiahones , dont il a déjà fait mention dans la
description de la Germanie. Enfin il termine sa des-
cription de la Belgique en nommant de nouveau les
Bataçi. Puis, il ajoute : (( Et les peuples que j'ai
(( déjà nommés dans les îles du Rhin, et qiios in in-
(( sulis Rheni diximus y » c'est-à-dire les Frisii , les
Chaiici , les Sturii , les Marsatii , qu'il a précédem-
ment nommés dans les îles que l'on trouve entre
\ Hélium et le Flevinn , les deux embouchures du
Rhin les plus éloignées : ces îles étaient formées par
des rivières, des marais et des lagunes. De même Ta-
cite place les Canninefaies dans la Gaule, tandis que
Velleius Paterculus ' en fait un peuple de la Germa-
nie, parce qu'ils s'étendaient au nord de ce bras du
fleuve qui avait conservé le nom de Rhin, et qu'on
' Plin., lib. IV, cap. 3o (i6), tom. ii, p. 558, edit. Lem. — C'est
bien à tort que l'on a voulu appliquer ces noms à la Norwége et à
la Suède. C'est dans les Hébudes, dans les îles Orcades et en Irlande,
qu'il faut les chercher. Scanda est probablement Sanda dans les
Orcades, et je soupçonne que Nerigon est l'île de Lewis, dans la-
quelle on tiouvc nu promontoire nommé Néry.
^ Tacit., lib. iv, cap. i5. — Vdleius, lib. Ji, cap. i5.
PARTIE II, CHAP. IV. 303
avait été habitué h considérer long-lcmps comme la
limite de la Gaule.
Les /^miV mentionnés par Pline, Tacite, Ptolémée,
l'auteur de la Table de Peutinger et ./Ethicus, pa-
raissent avoir été le peuple principal de toute la con-
trée au nord des Bataves. Ce sont eux qui ont donné
leur nom h une partie de ce pays, qui est nommé
Fjiseus , dans une ancienne inscription'. Tacite
confirme la position que Pline leur assigne, lorsqu'il
dit que les Frisii entourent le lac immense de Flevo;
mais ils s'étendaient aussi au-delà de la branche orien-
tale du Rhin, et ne faisaient plus alors partie de la
Gaule. Aussi Tacite les distingue très bien en deux
portions : les Frisii majores, qui se trouvaient h l'est
du Zujder-Zee, dans les seigneuries de Frise, de Gro-
ningue et d'Over-Yssel, et les Frisii minores % qui
paraissent être les Marsatii de Pline, et qui occu-
paient la West-Frise, la Nord-Hollande et la sei-
gneurie d'TJtrecht.
Les Sturii on dû se trouver à l'orient du lac Flevo.
Les Chauci, qui habitaient de même, ainsi que nous
l'indique Tacite , entre l'Ems et le Weser, ont dû
occuper l'extrémité nord-est du lac Flevo, dans le
comté de Drent.
Quoi qu'il en soit delà position de ces différens
peuples, sur laquelle on ne peut faire que des con-
jectures plus ou moins vagues, il est évident que le
texte de Pline , d'accord avec celui de Ptolémée ,
prouve que l'île, ou les îles, comprises entre le Rhin
■ Menso- Alting., Noliiia Gcim. infevioris antiqiiœ , p. 72. —
Td., Dcscr.Frisiœ, p. 60. — Mannert, Geogr. derJUcn., t. m, p 5oo.
" Tacit., Ami , lib. xiii , cap. 2.
304 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
proprement dit et l'Yssel, c'est-à-dire les provinces
de Hollande, d'TJtrecht et d'Arnheim, faisaient aussi
partie de la Gaule , dont les limites étaient la bran-
che orientale du Rhin, ou l'Yssel, la côte septentrio-
nale du Zuyder-Zee , et le canal du Zuyder-Zee ,
connu sous le nom de Flie-Slroom.
Cependant plusieurs savans , ne faisant point at-
tention au témoignage formel de Ptolémée et au ré-
cit de Tacite, ni aux mesures des Itinéraires, ont
pris partie poiu* l'un ou pour l'autre des chapitres
de Pline, où le territoire situé entre les bouches du
Rhin se trouve successivement attribué à la Gaule
et à la Germanie.
D'après le chapitre sur la Germanie, Junius a voulu
enlever à la Gaule l'île des Bataves % tandis que Pon-
tanus et Cellarius, frappés de l'idée que l'île des Ba-
taves était le dernier pays de la Gaule, vers le nord,
et sachant bien que la Gaule se terminait à la bran-
che orientale du Rhin, qui est l'Yssel, ont agrandi
cette île des Bataves, et lui ont aussi attribué tout
le territoire situé entre l'Yssel ou le Rhin oriental, et
le Rhin proprement dit : ce qui contredit le témoi-
gnage de tous les auteurs de l'antiquité , et notam-
ment de Pline, qui nous donne la mesure de l'île
des Bataves avec la plus exacte précision, et qui
dans les deux chapitres dont il est question, après
avoir mentionné cette île , nous dit expressément
qu'il y a encore d'autres îles entre \ Hélium et le
Flevuni , ou entre les deux branches extrêmes du
' Pline et Ptolémée placent Tîle des Bataves dans la Belgique , et
Tacite dit en termes exprès : Batavi e.rigua Galliarum pnrtio. • —
Tacit., Hisf., lib. iv, cap. 52.
PARTIE II, CHAP. IV. 305
Rhin. D'un autre côté, Cluvier, Menso-Alting et
d'Anville, qui restreignent l'île des Bataves dans ses
justes limites, mais qui considèrent le bras du Rhin,
renfermant au nord les Batavi , comme l'extrême
frontière de la Gaule, ne s'accordent ni avec Pline,
ni avec Tacite, ni avec Ptolémée; ils ont donné h la
Gaule ancienne moins d'étendue qu'elle n'en a eu
réellement : tous les géographes qui les ont suivis,
Wastelain ', Mannert et autres, ont embrassé cette
erreur.
Cette erreur , comme c'est l'ordinaire , en a en-
traîné plusieurs autres. Persuadés que le bras inter-
médiaire était la limite de l'empire romain , et que
toutes les positions de lieux devaient être au midi
de ce bras, et non au nord, Cluverius, d'Anville et
autres, les ont presque tous mal placées. Tacite, dans
le cinquième livre de son Histoire, relativement à la
guerre de Civilis en Batavie, mentionne un grand
nombre de ces lieux; et comme les commentateurs
et les traducteurs de ce grand historien ne pouvaient
bien comprendre, sans le secours de cartes géogra-
phiques, les marches des armées décrites dans cette
partie de son ouvrage , ils ont eu recours à Cluverius
et à d'Anville. Dans l'impossibilité cependant où ils
se sont trouvés de concilier avec les cartes de ces
deux auteurs les récits de Tacite , ils ont , dans
leurs traductions, défiguré le texte par des contre-
sens manifestes, où l'ont obscurci et embrouillé,
dans leurs commentaires, par leurs étranges intei-
' L'ouvrage de Wastelain a été public une année plus tard(i^6i),
que la Notice de la Gaule de d'Anville; mais il n'a pas eu connais-
sance de son ouvrage. Il aura suivi Cluvier.
II. 20
30G GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
prétations '. Comme il y a dans la route romaine
({iii conduit à Lugdiinum, Leyde, une portion des
distances indiquées dans l'Itinéraire en milles ro-
mains , et une autre portion en lieues gauloises ',
d'Anville n'a pu les appliquer avec exactitude sur le
local, parce qu'il n'a pas aperçu ce mélange de deux
inesures différentes, qui a eu Heu dans quelques par-
ties de l'Itinéraire, quoique rarement. Voilà pourquoi
il a contourné cette route d'une manière si étrange,
pour pouvoir aboutir aux lieux que des recherches
antérieures, et des analogies évidentes dans les noms,
avaient déterminés d'avance. Il en résulte que les me-
sures des Itinéraires sont devenues inutiles à d'An-
ville pour retrouver les positions qu'on ne pouvait
découvrir que par ce moyen. Aussi, avec sa Carte
aussi bien qu'avec celle de Cluverius, on comprend
mal les récits de Tacite. Le dernier, et peut-être le
plus ingénieux commentateur de cet historien ^ ,
celui qui parait l'avoir étudié avec le plus de téna-
cité, s'est bien aperçu de l'insuffisance de la Carte
de d'Anville et de celle de Cluverius, et il n'a trouvé
d'autre moyen, pour expliquer son auteur, que de
placer les noms des lieux dans une situation à peu
près semblable à celle où le texte de Tacite les exige,
mais sans aucun égard aux mesures des Itinéraires,
à la configuration actuelle du terrain, et aux textes
des autres auteurs qui ont parlé de ces même lieux.
' Voyez les notes de Brottier, et celles de Dotteville et de Du-
i^eaudeLa Malle.
* Yoyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Edme Ferlet, Observations littéraires, critiques, politiques et
militaires sur les Histoires de Tacite, 'x vol. in-8°, tom. ii, p. 184.
PARTIE II, CHAP. IV. 307
Il a ainsi construit une Carte imaginaire , qui ne peut
remplir aucun but, et qui surtout ne jette aucune
lumière sur le texte qu'elle est chargée d'éclaircir,
puisqu'elle ne dit rien de plus que le texte même
d'après lequel elle a été dressée. J'ai développé tout
cela dans un Mémoire particulier ' : il me suffit dans
cet ouvrage d'avoir mis le lecteur sur la voie. Je me
contenterai d'ajouter qu'en plaçant Lugdunum à
Leyde; T^ada, à Wageningen; castra Herculis , à
Hervelt ; Arenatio, à Arth , près d'Herwen ; Burgi-
natio, à Schankenschantz, ou au point de séparation
du Wahal ou du Rhin; Carvone , à Rheenen; Grin-
nibus j à Warich et à Bochstein ; Tahlis, à Ablas;
Batavodurum , à Wykby-Duûrstede, ainsi que le
prouvent les mesures anciennes confirmées sur plu-
sieurs points par des monumens historiques, on verra
s'évanouir toutes les difficultés qu'on a cru trouver
dans cette partie de l'ouvrage de Tacite, et dispa-
raître les prétendues contradictions qu'il présente
avec les autres auteurs qui ont parlé de ces lieux.
Les conquêtes des Romains avaient changé les
idées des anciens, et particulièrement des Grecs, sur
la Celtique. Selon un fragment important de Denjs
d'Halicarnasse , dont nous devons la découverte à
M. Angelo Maio % les Grecs , comme au temps d'É-
phore, faisaient sous Auguste commencer la Celti-
que au Zephyros, ou au couchant équinoxial; mais ils
' Mem. geograph. sur la Guerre de Civilis en Batavie, ms., et
ci-après, Analyse des Itinéraires , toni. m de cet ouvrage.
• Dionys. Halicara., lib. xii à xx, ch. 26 et 27, apud Scriptor.
veter. nov. collect. ex Vatican. Codic. editœ ab Angelo Maio, tonr. 11,
p. 486.
308 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
étendaient cette contrée vers l'orient, jusqu'au méri-
dien qui passe par le pôle boréal, lui attribuant,
non pas le quart du monde habitable, mais presque
le quart de l'Europe '. Cette contrée, selon eux, for-
mait un carré. A l'orient, les Alpes; à l'occident, la
mer; au sud, les Pyrénées et la Méditerranée, compo-
saient, sur trois de ses quatre côtés, ses bornes et ses
limites naturelles : le quatrième côté, ou le côté sep-
tentrional, était formé par les frontières des Scythes
et des Thraces, que l'on ne connaissait pas bien,
et par VIster ou le Danube. Mais il est important de
remarquer que, dans ce vaste carré de la Celtique, on
comprenait non seulement la Gaule , mais encore la
Germanie. Le Rhin, considéré comme le plus grand
fleuve d'Europe après VIster ^ le Danube, coupait
en deux la Celtique ; et par conséquent , selon les
idées systématiques des géographes grecs de cette
époque, il coulait de l'est à l'ouest , et avait au sud
la Gaule, et au nord la Germanie : la Gaule, qui
s'étendait depuis le Rhin jusqu'aux Pyrénées ; la
Germanie, qui, depuis la forêt d'IIercynie, se pro-
longeait jusqu'aux monts Riphées , et jusqu'aux li-
mites des Scythes et des Thraces. De ces deux parties
de la Celtique, la Gaule était considérée comme fer-
tile, abondante en fruits, et très propre à la nour-
riture des bestiaux. Selon les uns, un géant nommé
Celtus, qui y avait régné, avait donné son nom à
toute la Celtique ; selon les autres , un fleuve qui
descend des Pyrénées, nommé Celtus (la Garonne),
de la contrée qu'il arrosait, fournissait la véritable
' Voyez ci-dessus, lom. i, p. 20g.
PARTIE II, CHAP. IV. 309
ctjmologie de ce mot. Comme ce fut le premier
Heuve considérable que les Grecs découvrirent et
rencontrèrent, en longeant les côtes de l'Océan atlan-
tique, ils se servirent du nom qu'il portait pour
désigner la plus occidentale des quatre grandes por-
tions du monde habitable. Enfin , selon d'autres, les
Grecs, dans leurs premières navigations dans ce pays,
ayant trouvé dans le golfe gaulois, le golfe de Gas-
cogne, des habitans plus civilisés que ceux qu'ils
avaient rencontrés jusque-là , nommèrent ce pays
pour cette raison KîKo-ÏKtiv , et ce mot, par le chan-
gement d'une seule lettre, a produit le mot de Cel-
tica. Tel est l'exposé de Denys d'Halicarnasse.
TROISIÈME PARTIE.
DEPUIS LA FIN DU RÈGNE d' AUGUSTE, OU l'eNTIÈRE CONQUETE
DE LA GAULE TRANSALPINE ET LA SOUMISSION DES PEUPLES
DES ALPES, jusqu'à LA CHUTE DE l'eMPIRE d'oCCIDENT,
CHAPITRE I.
Depuis la fin du règne d'Auguste jusqu'à la fin du règne de
Vespasien, ou depuis l'an i4 de J.-C, jusqu'à l'an 79 de J.-C.
A. — De la Gaule transalpine.
Les deux Gaules sont décrites : il ne nous reste
plus qu'à faire connaître les changemens successifs
qu'elles éprouvèrent dans leurs subdivisions en pro-
vinces, et les lieux dont la fondation, ou l'appa-
rition dans l'histoire , paraît postérieure au siècle
d'Auguste.
Les Romains avaient succombé dans le projet qu'ils
avaient formé de soumettre à leur joug les peuples
de la Germanie : le sang des légions de Varus avait
cimenté la liberté de cette contrée'. Les empereurs
qui succédèrent à Auguste se contentèrent de con-
tenir ces nations belliqueuses par des légions qu'ils
entretenaient le long du Rhin , par des forts qu'ils
y construisirent, ainsi que par des camps fortifiés,
toujours garnis des meilleures troupes de l'Empire.
L'organisation militaire de cette frontière pro-
' Dio Casstus, lib. lvi , c. 19 et 20, p. 820 et 821, edit. Keini.
PARTIE m, CHAP. I. 311
duisit une division en quelque sorte toute militaire.
La subdivision qu'elle opéra commença dans la Bel-
gique, plus que toute autre province exposée aux
incursions des Barbares. Tacite nous fait connaître
une Belgique proprement dite, une Germanie in-
férieure et une Germanie supérieure '. C'est par une
suite de cette distinction que Pline dit que la Bel-
gique s'étend de la Seine à l'Escaut. « yl Scaldi ad
« sequanam Belgica , » ce qui n'était vrai qu'en sé-
parant la Belgique de la Germanie inférieure de
Tacite , qui écrivit peu de temps près Pline. Ce der-
nier indique même encore assez clairement ces deux
divisions ou provinces', lorsqu'en faisant l'énumé-
ration des divers habitans de la Belgique, il men-
tionne à part, et comme nation germanique habitant
sur les bords du Rhin , les Vangiones , les Trihoci et
les Nemetes y trois peuples qui formèrent depuis la
province appelée Germanie supérieure ; cependant
Pline a soin d'observer que ces trois peuples se trou-
vent aussi dans la Belgique in eadem provincial .
Ptolémée ne fait aussi mention des deux Germanies
que comme de sous-divisions de la Belgique'^. Dion
Cassius ^ parle aussi de ces deux sous-divisions : l'une,
supérieure, qui commence aux sources du Rhin;
l'autre, inférieure, qui s'étend jusqu'à l'Océan bri-
' ïacit., Anti., xiii, 55, et Hist., i, g, 12, 58, 5g. — Aitn., m, 4';
IV, ^5 : « Inferioris Gernianiae propvaetori , vexilla legionum c su-
« periore provincia adcivit. » — Voyez LaLarre , Mémoires de
ï Acad. des Inscript., tom. viii, p. 4o4-
' Plin., lib. IV, cap. 01 (17), tom. 11, p 358, cdit. Leni.
' Plin., lib. IV, cap. 5i, (17).
' Ptolnmseus, lib. u, cap. g, p. 49 (53).
' l)io Cassius, lib. 1.111, p. 704, edit. Jxciin.
312 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
tannique, sous le nom de Germanie. Dans chacune
d'elles il y eut un lieutenant militaire qui obéissait au
gouverneur général de toute la Belgique, comme on
le voit à l'égard de Drusus, sous le règne d'Auguste,
et à l'égard de Germanicus , sous celui de Tibère'.
Ces deux Germanies furent principalement com-
posées des peuples germains qui avaient été trans-
plantés dans la Gaule, les Uhii , les Tiingri, les
P^angiones y les Nemetes et les Tribocci. De Marca
a voulu attribuer cette sous-division à Tibère; Sau-
maisc % à Hadrien. Les auteurs de l'histoire de Lan-
guedoc ^ la reportent au temps de Néron , mais de
Labarre a très bien prouvé qu'elle eut lieu dès le règne
d'Auguste.
Le général qui commandait sur toute la frontière,
non seulement avait la suprématie dans toute la
Belgique, mais encore chez les S equani et les Jlel-
i^etii, qui faisaient partie de cette frontière. Par cette
raison on réunit les Sequani, les HeU'etiiy et miéme
les Lingones et les Leuci , à la Belgique. Cette réu-
nion se trouve prouvée par les textes de Pline et
de Ptolémée, qui comprennent dans la Belgique ces
peuples de la Celtique de César, quoiqu'on ne puisse
cependant déterminer l'époque précise de ce chan-
gement. Cette réunion agrandit considérablement la
Belgique, en restreignant d'autant la Celtique, sur
laquelle on avait déjà tant pris pour former la nou-
velle Aquitaine. Cet agrandissement de la Belgique
' Voyez Tacitus, Ann. xiii. — /</., Ann. i. — Labarre, Acad. des
I/iscript., tom. viii, p. 4o4-
' Salm., £^pil. 6.
^ Hist. du Languedoc, lora. i, p. 625.
PARTIE m, GHAP. I. 313
fut le second changement considérable qu'éprouva
la division des Gaules, depuis la conquête faite par les
Romains; l'agrandissement de l'Aquitaine ayant été
le premier. Mais on ne doit pas oublier que la Gaule
transalpine, malgré ce changement, comme au temps
de César, resta toujours divisée en quatre parties : la
Narbonnaise, l'Aquitaine, la Celtique et la Belgique;
seulement les limites de ces divisions furent très
différentes. Les deux Germanies ne doivent être
considérées que comme deux réunions de petits
peuples germaniques nouvellement transplantés dans
la Gaule, et mis par cette raison sous un comman-
dement militaire. Elles ne formaient pas plus , h
l'époque dont nous nous occupons , des provinces
distinctes et séparées , que les autres peuples de la
Gaule contenus dans les quatre divisions générales.
Aussi Ptolémée, qui écrivait sous Hadrien, ne con-
naît encore que quatre divisions , et son texte, com-
biné avec celui de Pline, nous prouve que du temps
de ces deux auteurs, et antérieurement, la Gaule
était divisée de la manière suivante :
i<». Provincia Narbonensis. La Narbonnaise d'Au-
guste.
2°. — Aquitania. L'Aquitaine d'Auguste.
5°. — LuGDUNENSis. La Lyonnaise d'Auguste,
en retranchant les Sequani, les Hel-
vetii, les Lingones : ce qui porte en
général les limites de cette province,
au midi, à la Loire; et, h l'orient, à
la Saône.
314 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
4°. ProvinciaBelgica. La Belgique d'Auguste , plus
les Sequaniy les Hebetii et les Lin-
gones ; mais cette dernière grande
division présentait les subdivisions
suivantes :
(A). La Belgique proprement dite j qui s'étendait
entre la Seine et l'Escaut, et qui , vers l'orient , ren-
fermait aussi dans ses limites les Sequani , les Hel-
çetii et les Lingones.
(B). Germania injerior. La Germanie inférieure
ou seconde, qui s'étendait entre l'Escaut et le Rhin,
et qui, au midi, descendait jusqu'à VOhringa ou
V Obrincus fliwius : mais on ne sait pas bien quelle
est cette rivière, dont Ptolémée seul a parlé; nous
pouvons cependant déterminer les limites de la Ger-
manie seconde ou inférieure d'après les villes que
cet auteur a inscrites dans cette sous-division de la
Belgique. Ces villes sont les suivantes :
B ataç^odurum jYVykhj'Duûrstede; Frétera civitas,
Buderich ; legio trigesima Ulpia, Alpen , confondu
à tort par Ptolémée avec Agrippinensis , Cologne;
Bonna, Bonne; legio prima , ou Trajana legio,
Kellen ; Moguntiacum , Mayence.
J'ai déterminé avec plus d'exactitude qu'on n'avait
fait jusqu'ici les positions de ces différens lieux , par
le moyen des mesures de l'Itinéraire et de la Table ,
pour la route ' romaine qui partait de Milan ou du
centre de l'Italie, qui traversait les Alpes, et qui,
suivant ensuite constamment les rives du Rhin ,
' Vo^ez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. —
Piolem., Geogr., lib. n, cap. g, p. 49 (55).
PARTIE III, CHAP. I. 315
aboutissait à Leyde, Lugdunwn , ou au rivage de
l'Océan. Si le texte de Ptolémée est exact, Mogun-
tiacum , Mayence , qui depuis a été la métropole de
la Germanie supérieure ou première, lorsque ces
subdivisions de la Belgique furent érigées en pro-
vinces particulières , fut d'abord attribuée à la Ger-
manie seconde ou inférieure. On a pensé qu'il y avait
dans cet endroit dérangement ou erreur dans le texte
de Ptolémée; et en donnant aux deux Germanies les
mêmes limites qu'elles ont dans Ammien Marcellin,
et dans la Notice de TEmpire, on a placé VObringa
jiuvius à l'Ahr. Mais si l'on s'en tient au texte de
Ptolémée, VObringa fluvius doit être au midi de
Mayence; nous n'avons aucun moyen de nous dé-
cider entre ces diverses autorités qui se combattent;
nous rappellerons seulement, que c'est l'admission
de ces deux divisions de la Germanie inférieure et de
la Germanie supérieure qui restreignit à l'est les
territoires des Treveri et des Mediomatrici , aupara-
vant limités par le Rhin.
(C). Germania superior. La Germanie supérieure,
ou seconde, renfermait, selon Ptolémée, les peuples
suivans :
Les Nemetes, dont les villes sont : Nœomagus ,
Spire, et Rufiana , qui n'est point Rufac, mais
Nieder-Rœdern près de Seltz. Les Vangiones, dont
les villes sont : Borhetomagus , Worms, et Argen-
toraturriy Strasbourg; mais il y a ici une évidente
transposition dans le texte de Ptolémée. Argento-
ratiim appartient aux peuples nommés immédiate-
ment après, qui sont les Tribocl, auxquels Ptolémée
316 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
tloiiiie pour villes Breucomagus ^ Brumat, et Hel-
cehns y Hell.
Les Rauraci y dont les villes sont : Augusta Rau-
racoruniy Augst, et Argentuaria, Artzenheim.
Nous avons précédemment déterminé l'emplace-
ment, l'étendue et les limites, de ces différens peuples,
ainsi que les positions de leurs villes capitales. Dans
les Notices de l'Empire et les autres monumens
postérieurs à Ptolémée , les Rauraci ne font point
partie de la Germanie supérieure, et se trouvent,
ainsi que les Hehetii , enclavés dans la province
qui depuis prit le nom des Sequani. Ceci semblerait
prouver que les limites des deux Germanies ont
varié, et qu'elles n'étaient point les mêmes, au
temps de Ptolémée , qu'à une époque postérieure ,
lorsqu'elles furent définitivement converties en pro-
vinces : alors Ptolémée aurait eu raison de donner
Moguntiacum , Mayence, à la Germanie inférieure,
et r Obrincus Jluvius serait au midi de cette ville ;
ceci ne souffrirait aucune difficulté si le texte de
Ptolémée ne contenait encore, relativement à cette
même Belgique , avec les autres écrivains de l'anti-
quité, une contradiction manifeste dont il est difficile
de rendre raison. Toutes les éditions de cet auteur
s'accordent à mettre colonia Equestris , qui est
Njon , et AwnticurHy Avenches, dans le territoire
des Sequani; ce qui contredit non seulement César,
et tous les auteurs anciens, sur les limites respectives
des Hehetii et des Sequani , mais ce qui est contraire
aussi au texte même de Ptolémée, qui dit, après avoir
mentionné les Leuci et les Lingones : « Après eux
(( et le mont Jura sont les /leh'etiiy près du Rhin ,
PARTIE III, CHAP. I. 317
(( dont les villes sont Ganodurum et forum Tiherii. »
On n'a pu retrouver avec certitude l'emplacement
de ces deux villes'. Il y a tout lieu cependant de
présumer que \e forum Tiberii est l'île de Reichnau;
car Strabon ', en décrivant le lac Constance, nous
dit qu'il y a une île qui servit de fort et de réceptacle
à Tibère, dans les combats qu'il fut obligé de livrer
avec ses navires aux Kindelici. Or, comme il n'y a
qu'une seule île sur le lac Constance, qui est l'île de
Pteichnau, on ne peut se méprendre à cet égard. Après
la cessation de la guerre , cette île se trouvait admi-
rablement bien située pour devenir l'entrepôt du
commerce entre les Barbares et les flomains , qui ,
entretenant une défiance mutuelle et bien fondée les
uns envers les autres, avaient besoin de communi-
quer ensemble. La célébrité que Tibère avait précé-
demment donnée à ce lieu lui aura fait donner le
nom àe forum, Tiberii ^. On voit évidemment, d'après
le passage de Ptolémée que nous venons de citer ,
que ce géographe , d'accord avec tous les autres au-
teurs anciens , regardait le Jura comme la limite des
Sequani et des Helvetii. Il n'a pu donc , sans erreur,
leur attribuer coloniaEquestris , Nyon , et Aventicum,
Avenches , qui sont à l'est. Nous verrons bientôt
qu'après avoir été donné à la province des Alpes
pennines , Aventicum fut, ainsi que toute l'Helvétie,
' Yoyez ci-dessus, tom. i, p. 3i6 et Siy. — Ptolem., lib. ii, cap. g,
p. 5o (54). ■
" Strabo, lib. vu, p. 443-
' Haller, Helvetien, t. u, p. 107, \\s.ce forum Tiberii a. Zuivach
sur le Rhin , où on a tiouvé des ruines ; lieu un peu à l'ouest de
Kaysersthul, où le plaçait Beatus Rhenanus. M. Leichtlen met
forum Tiberii à Steckborn, ce qui le rapproche de l'île Reichnau.
;m8 géographie ancienne des gaules.
réuni à la grande province des Sequani : mais ce
n'est que par erreur que cette ville a pu être consi-
dérée comme renfermée dans le territoire de ce peu-
ple, dont les limites ne sont nullement les mêmes
que celles de la province qui reçut leur nom. Il est
dit dans Frédégaire iyoL A{>enticum reçut , sous Ves-
pasien, une colonie romaine : de là sans doute le
titre de Flavia qu'elle porte sur plusieurs inscrip-
tions. Si donc le texte de Ptolémée, dans l'état où
les copistes nous l'ont transmis, est convaincu d'er-
reur et de contradiction relativement aux Sequani
et aux Hehetii, il convient de même d'abandonner
ce texte pour le reste de la Belgique lorsqu'il con-
tredit les autres monumens de l'antiquité, et de
rétablir les limites des deux Gerraanies telles que
nous les offrent les textes d'Ammien Marcellin et de la
Notice de l'Empire, quoique ces textes soient posté-
rieurs à celui de Ptolémée ' . Alors, il faudra remon-
ter, vers le nord , les limites de la Germanie supé-
rieure, jusqu'à l'Ahr, qui sera X Ohringa jluvius de
Ptolémée, et retrancher de cette province les Rau-
raci. La frontière méridionale des Trihoci ou du
diocèse de Strasbourg devient alors celle de toute la
Germanie supérieure. Cette opinion paraît d'autant
plus vraisemblable, que nous avons déjà prouvé qu'il
existait une transposition évidente dans le texte de
Ptolémée, relativement aux Pangiones et aux Tri-
hoci , ainsi qu'aux villes qui leur sont attribuées.
Nous devons observer d'ailleurs que Pline nomme
les Rauraci avec les Sequani y et qu'il paraît former
' Amra. Marc; Notifia digniiat. imper. — Voyez ci-après, p. 35o.
^ Grutcr , SyS , n" i. — Spon. Miscell., Erud. antiq., p. i48.
PARTIE III, CHAP. I. 319
une scus-ilivison particulière des Nemetes , des Tri-
bocci et des Van^iones.
J'ai dit que ces trois divisions d'une même pro-
vince, savoir, la Belgique proprement dite et les deux
Germanies, n'avaient qu'un seul chef militaire ; on
le voit par l'exemple de Drusus et celui de Germa-
nicus , qui commandaient en chef dans toute l'éten-
due de la Belgique considérée comme province. De
plus, deux inscriptions rapportées par Gruter et
par Spon prouvent que ces mêmes divisions se
trouvaient aussi réunies pour l'administration civile
et financière. Une de ces inscriptions porte : (( Proc
(( (uratof) a rationibus pro<^finciœ Belgicœ et duarum
<( Germaniarum ; » et l'autre : (( Proc. ration, prwa-
(( tarum per Belgic. et duas Germanias . )) Ces in-
scriptions se rapportent h l'époque dont nous trai-
tons, et au temps où il n'existait encore qu'une
seule Belgique et deux Germanies ; mais ces inscrip-
tions sont de la fin de cette époque , et lorsque les
sous-divisions de la Belgique commençaient déjà à
être considérées comme des provinces distinctes et
à en recevoir le titre. Enfin, vers l'an 58 de J.-C.,
nous voyons la Belgique gouvernée par un légat,
tandis que la Germanie est soumise à des chefs
militaires '.
' Un de ces chefs, Lucius Vêtus, voulut faire construire un canal
pour joindre la Saône, la Moselle et le Rhin; mais iElius Gracilis,
légat de la Belgique, s'y opposa, et le canal n'eut pas lieu : donc leur
juridiction était séparée. Voyez Tacite, Annal. y lib. xni, cap. 53,
tom. n, p. i38, édit. de Brottier; tom. ii, p. 283, edit. Lem. Tacite
parle dans cet endroit de la Germanie et de la Belgique comme de
deux provinces distinctes; et dans son Histoire, lib. i, cap. Sg,
tom. m, p. 88, edit. Lem., il dit aussi : « Valerius Asiaticus, Bel-
« gicae provincise legatus. »
320 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Les limites générales de la Gaule jusqu'à la fin
de l'époque dont nous traitons s'étalent un peu
reculées vers le nord , ainsi que je l'ai prouvé pré-
cédemment; du reste elles ne varièrent pas, puisque ,
ainsi que je l'ai déjà observé , les Alpes grales ,
pennlnes , cottlennes et maritimes, sont mises par
Pline et Ptolémée dans l'Italie : elles n'étaient donc
pas réunies à la Gaule du temps d'Hadrien et d'An-
tonln-le-Pleux, époque à laquelle Ptolémée écrivait.
Jamais peut-être les armes romaines ne furent
plus redoutables aux nations guerrières de la Ger-
manie , que vers la fin du règne de Tibère, l'an 25
de J.-C, après les découvertes de Drusus et de
Germanicus , et lorsque enfin Domitius eut fait fuir
les Barbares jusqu au-delà de l'Elbe qu'il traversa '.
Tacite nous a conservé le détail des légions répar-
ties à cette époque dans les différentes provinces
de l'Empire "; et nous voyons que toutes les Es-
pagnes étaient gardées par trois légions ; l'Afrique
et l'Egypte, chacune par deux; qu'il n'y en avait
que quatre dans tout le vaste pays qui s'étend de-
puis la Syrie jusqu'à l'Euphrate, et qui compre-
nait l'Albanie, l'Ibérie, et d'autres royaumes que
la grandeur romaine protégeait contre les empires
voisins; qu'il n'y en avait que deux dans la Moesie,
sur les rives du Danube , et deux autres dans la
Dalmatie; mais qu'il y en avait huit sur les rives
du Rhin, destinées à contenir également les Ger^
■ Tacitus, Annal., lib. iv, cap. 44 '■ " Post exercitu flumen
« Albim transccndit , longius penetrata Germania quam quisquc
« priorum; easque ob res insignia triumphi adeptus est. »
'' Taciliis, Ânnnl., lib. iv, cap. 5, tom. i, p. /joo, edit. Leni.
PARTIE III, CHAP. II. 337
LUGDUNENSIS SECUNDÀ, Lyonnaise seconde.
Diocèses tle
Metropolis cwit. Rotomagensiuni. Rouen.
Civitas Baiocassium Bayeux.
— Ahrincatum Avranches.
— Ebroicorum, Evreux.
— Sagioj'um Séez.
— Lexovioram Lisieux.
— Constantia Coutances.
— Turonum Tours.
— Cenomannorum Le Mans.
— Redonum Rennes.
— Andicavorum Angers.
— JSamnetum Nantes.
— Coriosopitiim Cornouailles.
— Venelum Vannes.
— Ossismorinn St.-Pol-de-Léon.
— Diahlintum Jubleins.
AQUITJNIA, rAquitaino.
Nous venons d'en exclure cwltas Biliuigiun, qui,
dans la dernière division des Gaules, devint la mé-
tropole de l'Aquitaine première; mais à l'cpoqur
dont nous traitons, l'Aquitaine, non encore divisée,
formait , même après en avoir rctranclié les Bitu-
riges , une très vaste province, el contenait les cité^
suivantes :
Metropolis civitas Burdigalensium. Bordeaux.
Tout porte à croire ([ue Bordeaux , qui , à l'é-
po(|ue dont nous traitons , élail la ville la plus
II. * (2
338 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
considérable de toute l'Aquitaine , portait le
titre de métropole.
Diocèses de
Cwitas Arvernorum Clerraont.
— Kutenorum Rhodez.
— Alhiensium Alby.
— CadurcoruTTi Cahors.
— Lemovicum Limoges.
— Gabalum.. ..*.... Anterrieux.
— Pellavorum Saint-Paul ien.
— Agennensium Agen.
— Ecolismensium Angoulême.
— X Santonum Saintes.
— Pictavorum Poitiers.
— Petrocoriorum Périgueux.
NOFEMPOPULANyJ , !a jVovempopulane.
Metropolis civitas Elusatiiim Eause.
Cwitas Aquensium Acqs.
— Lactoratium Lectoure.
— Convenarum St. - Bertrand-
de-Comence.
— Consorannorum Saint-Lizier.
— Boatium Téte-de-Buch.
— Benarnensium La vieille four,
à l'est de Maslacq.
— Aturensium Aire.
— Vasatica Bazas.
— Turba Tarbes.
— Elloronensium Oloron.
— Ausciorum Aucli.
PARTIE III, CHAP. I. 321
mains et les Gaulois : ainsi les Romains employaient
presque autant de troupes pom- défendre les Gaules
que pour garder toutes les autres provinces de
l'Empire réunies. La plus grande partie de toutes
ces forces devaient se trouver concentrées entre le
Necker et le Majn , entre la Sieg et la Lippe , ou
entre Bonn et Emerick, puisque, comme je l'ai déjà
observé dans les autres parties du cours du Rhin, les
Romains avaient formé des établissemens à l'orient
de ce fleuve.
B. — De la Gaule cisalpine.
La Gaule cisalpine n'éprouva aucun changement
dans ses divisions durant la période de temps dont
nous traitons. Seulement après la mort du roi
Cottius , qui eut lieu sous le règne de Néron , les
États de ce prince furer^ réunis à l'empire Romain '
et à l'Italie. Ils formèrent une province particulière,
qui porta le nom du roi qui l'avait gouvernée ; elle
fut ensuite régie par un président ou un procurateur.
Plusieurs inscriptions confirment ce que les auteurs
anciens nous apprennent sur ce fait : une, entre
autres, rapportée par Gruter ", porte : (( Procuratori
H et prœsidi AlpiuTïi Cotti. » Dans une autre inscrip-
tion, trouvée à Suse en 1782, on voit dénommé un
certain Titus Cassius, prêtre flamine d'Auguste, de
la ville d'Embrun et de la province cottienne. ff Tito
' Voyez Sueton., Nero, i8, tom. ii, p. lyS, edit. Hase. — Aurel.
Victor., de Cœs., cap. 5, p. 026, edit. ad usiini Delph. — Sextus
Rufus, ap. Entrop., edit. Verheyk. — Amm. Marcellin., lih. xv,
cap. 10 et II.
" Gniter, p. 495, n" 7.
ir. 21
322 GÉOGRAPHIE A^CIENNE DES GAULES.
M CassiOy quintumviro civitatis Ehrodunensis , jla-
<( mini Âugustali, provinciœ Cottianœ ' . »
Tacite nous apprend que l'empereur Néron con-
féra le droit de villes latines aux peuples des Alpes
maritimes'. Ce fut sans doute à celte époque, c'est-
à-dire vers les dernières années du règne de Néron ,
qu'on en forma un district ou une province particu-
lière. Tacite, dans son Histoire, en parle comme
d'une province qui avait son procurateur particulier
en l'an 69 de J.-C. ^ a Marius Maturus, dit-il , était
(( alors procurateur des Alpes maritimes. Après avoir
« rassemblé le peuple et surtout la jeunesse , il entre-
« prit de repousser les partisans d'Othon des fron-
ts tières de la province. » Mais, ainsi que je l'ai déjà
observé, cette province et celle des Alpes graiœ ne
furent réunies à la Gaule que postérieurement à
Constantin '*.
' Durandi , Notizia dell antico Ptemonte traspadano , part, i;
Marca di Torino, p. 6&. — Sachetti, Memorie délia chiesa di Susa,
p. 2-4.
' Tacit., Annal. ^ lib. xv, cap. 32; édit. de Brottier, tom. ii,
p. 219; — tom. II, p. 446, edit. Leni.
' Tacit., Hist., lib. 11, cap. 12, edit. de Brottier, tom. m, p. 89;
tom. m, p. i54, edit. Lem. — Id., Hist., lib. iii, cap. 42, tom. m,
p. 3i4, edit. Lem.
* Conférez Histoire générale de Languedoc, tom. i, p. 629,
note 35.
PARTIE IIÎ, CHAP. II. 323
CHAPITRE IL
Depuis l'an 80 de J.-C, époque de la mort de Vespasien, jusqu'à
l'an 3Go après J.-C, époque du séjour de Julien-l'Apostat à Paris.
Division de la Gaule transalpine en onze provinces.
La clI\ision que nous aA^ons indiquée subsista de-
puis le règne de Vespasien jusqu'au règne de Dioclé-
tien ; il n'y eut dans cet intervalle aucun changement
dans la géographie civile ou administrative des
Gaules. Mais la révolte des Bataves, et les guerres
qui eurent lieu avec les Germains, produisirent quel-
ques révolutions physiques , et des altérations con-
sidérables dans le territoire compris entre les em-
bouchures du Rhin, où la terre et l'eau semblent
se combattre, et qui semble avoir été destiné par
la nature à ne jamais rester dans le même état.
Le canal que fit creuser Corbulon , et qui prit par
celte raison le nom defossa Corhulonis^ eut prin-
cipalement pour but de prévenir les inondations :
il dut diminuer considérablement la branche du
Rhin intermédiaire qui conservait plus particuliè-
rement le nom de Rhin. En effet, le terrain qui se
trouve incliné vers le midi a dû produire un verse-
ment partiel des eaux du Rhin, par cette coupure,
dans l'embouchure du Wahal et de la Meuse réunis.
La mesure qui nous est donnée' prouve que ce canal
était peu éloigné du rivage, et qu'il aboutissait,
' Tacit., Annal., xi, cap. 20, tom. 11, p. 43» edit. Lem. — Dio,
lib. tx, p. 968, edit. Reim.
" Dion dit que ce canal avait 170 stades. — Tacit., loco citato, dit
25 milles romains, qui font 174 stades, qui donnent 2i,aPa toises
Cette mesure est exacte entre les deux points indiqués.
324 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
d'une part, à Lugdununi, Leyde, et de l'autre, au
Flenium de la Table, qui est Vlaerdingen. Le bras
du Rhin qui passait à Leyde, ou le Rhin proprement
dit, avait dû être déjà considérablement réduit lors-
que Cwilis eut rompu la digue que Drusus avait
commencée, et qu'avait achevée Paulinus Pompeius,
pour retenir les eaux du fleuve, qui tendaient à
s'écouler vers le raidi dans la Meuse et le Wahal , et
qui alors durent se précipiter de ce côté avec d'au-
tant plus de violence qu'elles étaient retenues par
un moyen factice : aussi ce fut d'abord par ce côté
que les Germains pénétrèrent lorsqu'ils voulurent
s'emparer des Gaules.
J'ai dit que la division tracée dans le chapitre
précédent subsista jusqu'à Dioclétien. En effet,
ainsi que je l'ai déjà observé, Ptolémée , qui vivait
sous Marc-Aurèle Antonin, ne divise la Celto-Ga-
latie, c'est-à-dire la Gaule transalpine, qu'en quatre
cparcliies ' ou provinces; l'Aquitaine, la Lyonnaise,
la Belgique et la Narbonnaise. Cependant il place
comme sous -divisions dans la Belgique les deuv
Germanies. Spartianus * nous rapporte que Didius
Julianus gouverna long-temps, et avec probité, la
Belgique : « Didius Julianus Belgicam sancte ac
u diu rexit. » Il nous dit aussi que Septimius Severus
reçut comme légat le gouvernement de la Lyon-
naise : « Lugdunensem provinciam , legatus , acce-
(( pit ^ . » Eutrope dit que Tetricus, qui vivait vers
' Voyez Ptolem,, lib. u, cap. 7, p. 49 (45). "^
' Spartianus in Didio Jiiliano, cap. i, p. 106, edit. Lipsiae, 1774»
in-8°. — Rec. des Hist. de France, tom. i, p. 556.
' Id-t in Sei'ero, cap. 3, p. ii5, edit. 17741 l'an de J-C. 186. —
Voyez Hist. dr France, toin, i, p. 536.
PARTIE III, CHAP. II. :i2r>
l'an 264 , administrait l'Aquitaine lorsqu'il fut élu
empereur : (( Aquitaniam prœsidis jure adminis-
« trahisse ' . » Tetricus fut défait par Aurélien vers
l'an 273 ; le jurisconsulte Paul , qui vivait à la fin
du II" siècle , met Vienne dans la Narbonnaise : ainsi
donc il est démontré que non seulement sous
Auguste , mais même sous Tibère , sous Julien ,
sous Aurélien et plus tard , il n'y avait qu'une
seule et unique Belgique, qu'une seule et unique
Lyonnaise ou Celtique , qu'une seule Aquitaine ,
qu'une seule Narbonnaise : ce sont ces quatre pro-
vinces que Velleius Paterculus appelle tractuni om-
neni Galliœ provinciarum ; et les trois premières
sont nommées très Galliœ , dans les médailles de
Galba et dans le monument érigé à T^iducasses ,
Vieux , l'an 238 , en l'honneur de Titus Sinnius
Solemnis ".
Il est étonnant, malgré des autorités aussi évi-
dentes, que Scaliger, d'Anville et beaucoup d'autres,
aient persisté à croire que la Gaule se trouvait di-
visée en six provinces sous le règne d'Auguste.
Il paraît que ce fut Dioclétien qui érigea le pre-
mier en autant de provinces séparées quelques sous-
divisioijs de la Gaule, telles que les deux Germanies
et plusieurs peuples principaux ; ceci semble prouvé
par un passage de Lucius Cecilius où il blâme cet
■ Vers l'an 271. Eutrop., lib. ix, cap. 10, p. 669, edit. Tzschuck ;
p. 457, edit. Verheyk. — Ceci se trouve confirmé par Trebellius
PoUio, cap. 24, de Tetrico seniore, p. 347, edit. Lipsiae, 1774, in-8».
— Recueil des Hist. de France, tom. i, p. 559, et par Aurelius
Victor, de Cœsaribus , cap. 55, p. 402, edit. ad usiim Delph.
' Mém. des Antiq. de France, tom. vu, p. 294.
326 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
empereur d'avoir morcelé les provinces : a Provinciœ
quoque infrusta concisœ ' . >>
Une inscription célèbre , relative h la réparation
des murs de Fitodurus % qui est du temps où
régnaient conjointement Dioclétien , Constance-
Chlore, Maximien, Galère, c'est-à-dire vers la fin
du iii^ siècle, constate l'existence de la provincia
Maxima Sequanorum ou de la Grande -Séquanaise
considérée comme province distincte , puisque cette
province s'y trouve mentionné3. Quoique cette in-
scription, qui est, ou était, à Constance, dans la
chapelle de Saint-Biaise , ait été donnée comme sin-
cère par Tschudi, l'un des plus respectables écrivains
de la Suisse, cependant Bochat jette des doutes sur
les trois derniers mots, et il se fonde à cet égard
sur ce qu'Orose, qui écrivait dans le v^ siècle, fait
mention de l'Aquitaine, de la Narbonnaise, de la
Lyonnaise et de la Gaule belgique , sans dire un
mot de la Séquanaise. Schœptlin, qui admet cette
inscription comme vraie, mais qui prétend prouver,
d'après Zosyme, que l'établissement de la province
nommée Maxima Sequanorum n'a eu lieu que dans
le iv^ siècle, en Siy, retranche aussi les trois der-
niers mots PROV. MAX. SEQ. de notre inscription ,
et suppose qu'ils y ont été ajoutés ^ N'ous regar-
' Lucius Cecilius, apud Lactaniium. — Voyez Labarre, Mtm. de
l Académie des Inscript., tom. viii, p. 407.
' Gruter, Inscript., p. 166. — Mémoires de V Académie, toni.viii,
p. 416. — Bochat., Me'm. crit. sur VHistnire ancienne de la Suisse,
tom. I, p. 426. — Haller, Heheiien unter den Rœmcrn , tom. 1^
p. 270.
' Conférez Oiosios, Hist.. lib. xi, cap. 2. — Zosym., Hist. rom.,
lib. m, cap. 54- — Stumpf., Srhn-eizei-Climnik , lib. v, cap. 10. —
PARTIE m, CHAP. II. 327
dons , au contraire , comme très probable qu'une
nouvelle division des Gaules eut lieu sousDioclétlen,
vers l'an 292, lorsqu'il créa deux Césars pour ré-
gner avec lui et avec Maximien, son ancien ami.
Mais aucun monument connu, jusqu'à ce jour, ne
nous indique d'une manière précise en combien de
provinces Dioclétien divisa la Gaule : on doit seule-
ment présumer que cette grande portion de l'Empire
en occident éprouva encore de nouvelles subdivisions
sous Constantin-le-Grand , qui sépara , dans le gou-
vernement des provinces, le pouvoir civil du pouvoir
militaire, et qui parait avoir créé les diocèses.
D'après celte nouvelle division de l'Empire par
Constantin, la Gaule transalpine, l'Espagne et l'île
Britannique, ne formèrent qu'une seule préfecture,
gouvernée par un préfet du prétoire. Le lieu de la
résidence du gouverneur général , que Strabon
nous apprend avoir été de son temps à Durocotorum,
Reims, fut fixé à Augusta Trevirorum y Trêves, qui
dès le temps de Mêla était déjà considérée comme une
des principales villes des Gaules. Après la création des
diocèses, cette ville devint la capitale de la Gaule,
de 1 Espagne et de la Grande-Bretagne réunies '.
Chacune de ces trois divisions formant un diocèse était
gouvernée par un vicaire, sous les ordres du préfet.
Le vicaire particulier des Gaules résidait à A relate ,
Arles : cette dernière ville fut donc dès lors consi-
Plantui, Helvet. antiq. et nova, p. 64 et n^i. — Schaepflin, Alsatia
illustr., tom. i. — Bochat, tom. 1, p. 5Qi. — Haller, Helvttien ,
tom. I, p. ay3.
' Enim., Paiiepjricus in Constantinum , cap. xxji. — D. Bouquet,
fiec. des Hist. de France, tom. i, p. yi6. — Voyez Codex Theodos.,
lom. II, p. 40.8, tom. IV, p. 670.
328 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
dérée comme la capitale particulière du vicariat des
Gaules; mais elle ii'aA^ait que le second rang, et cédait
le premier à Trêves, qui lui était supérieure en qua-
lité de capitale de la préfecture des Gaules, grande
division de l'Empire qui , ainsi que nous venons de
le dire, avec les Gaules , comprenait aussi l'Espagne
et la Grande-Bretagne. Lorsque les peuples germains
eurent envahi Trêves , le préfet du pratoire qui y
faisait son séjour se retira d'abord à Autun , ensuite
à Arles, où l'empereur Honorius, ainsi que nous le
verrons , convoqua les députés des sept provinces des
Gaules qui lui restaient encore : alors Arles se trouva
la seule et unique capitale des Gaules, et, comme
telle, eut le rang sur Vienne, capitale particulière
de la province dans laquelle elle se trouvait située.
Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, dit* :
« Lyon et Vienne, métropoles remarquables de la
(( Gaule. » Ce passage , qui est inexact pour le temps
de Marc-Aurèle, époque des événemens racontés
nar Eusèbe, prouve qu'au temps où écrivait cet his-
torien , sous Constantin, la Viennaise formait une
province séparée de la Narbonnaise; et en effet, dans
le concile d'Arles, l'an SiZjdeJ.-C, l'an g du règne de
Constantin, les villes d'Arles, de Marseille, de Vienne,
de Valson, d'Orange, sont données à la Viennaise.
Vopiscus nous dit que les tyrans Procule et Eonose
avaient attiré dans leur parti les Bretagnes, les Espa-
gnes et les provinces de la Gaule narbonnaise, brac-
catœ Galliœ provincias " : ceci semblerait supposer
' Euseb., lib. v, cap. i, et dans D. Bouquet, Rec. des Hist. de
France, tom. i, p. 5^i.
" Vopiscus, in Probo,CA\\. 18, p. 427, edit. Leipzig, 1774, in-S",
— D. Bouquet, Rec. des Hist. de France, tom. i, 54 1.
PARTIE III, CHAP. II. 329
qu'en 280 la province Narbonnaise se trouvait déjà
divisée en plusieurs provinces, et nous avons prouvé
le contraire. Il est évident qu'ici Vopiscus, de même
qu'Eusèbe, s'exprime avec exactitude pour le temps
où il écrivait , mais non pour celui des événemens
qu'il raconte. *
11 est fait mention de la Lyonnaise première '
dans une loi du Code théodosien , de l'an 5ig.
Saint Hilaire, évéque de Poitiers, dans une lettre
adressée aux évêques de toutes les provinces , en
358 ', est le premier qui nous donne une division
de toute la Gaule en plusieurs provinces, telle qu'elle
fut établie du temps de Constantin , ou peu après ;
l'inscription de cette lettre est ainsi conçue :
(c Dominis et beatissimis fratribus et coepiscopis
« provinciœ Germaniœ I , Germaniœ II ^ et I Bel-
« gicœ , et Belgicœ II , et Lugdunensis I , et Liig-
(( dunensis II , et provincice Aquitanicœ, et provin-
« ciœ Novempopulanœ, et Narbonensisy plebibus,
« et clericis Tolosanis . »
Une inscription rapportée par Gruter, qui est de
l'an 362 , et où Saturnin est nommé président de
l'Aquitaiïie , vient à l'appui de la lettre de saint
Hilaire, et nous prouve qu'il n'y avait à cette époque
' Cod. Theod., toni. iv, p. Sa, edit. i665. Je dis de la Lyonnaise
première, et non pas de la Lyonnaise seconde, comme l'avance à
tort D. Bouquet, Préface des Historiens de France, tom. i, p. xv,
qui rapporte aussi cette loi à l'an 3i2; mais cette dernière erreur
est celle de Godetroy et non la sienne, puisqu'il la corrige dans une
note à la page 746 du même volume.
' Valesii Notitia Galliar. , p. 3oo. — D. Bouquet, Rec. des Hist.
de France, p. xv de la Préface. La lettre s'adresse aussi au clergé
d'Albion, ac provinciarum Britanniarum.
330 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
qu'une seule Aquitaine : mais nous avons démontré
l'existence d'une proifincîa ï^ienneasis ou d'une pro-
vince Viennaise, ainsi que celle d'une Grande-Sé-
quanaise , Maxima Sequanorum. Si , comme il est
probable , ces diverses provinces avaient les mêmes
limites que lors de la Notice de l'Empire, il en ré-
sulte qu'à l'avènement de Julien-l' Apostat à l'empire,
la Gaule se trouvait divisée de la manière suivante :
je préviens que, dans cette énumération, je suivrai
l'ordre de la lettre de saint Hilairef ce qui est très
remarquable , c'est que cet ordre est presque le même
que celui qu'Ammien Marcellin a adopté dans son
énumération des provinc3s de la Gaule, quelques
années après : je détaillerai, d'après la Notice ', les
peuples qui étaient renfermés dans chaque province ,
et par conséquent les limites de ces provinces, puis-
que celles des peuples qui les composent ont été
déterminées précédemment dans cet ouvrage.
GERMANIA PRIMA
Dont la métropole et les cités sont :
Diocèses de
MetropoUs Mogunciacensium. . . . Majence.
Cwitas Argentoratensium. . . . Strasbourg.
— Nemetum Spire.
— Vangionum Worms.
GERMANIA SECUNDA.
MetropoUs cwitas Agrippinensium. Cologne.
— Tungrorum Tongres.
' Voyez Gruter, p. 465. -^ Recueil des Hist. de France, toni. i,
p. 122. — Guérard , Essai, \>. 12 et suiv. — Gronovius, Varia
^eographica , p. 4o.
PARTIE III, CHAP. II. 331
BELGICA PRIMA.
Diocèse» de
Metropolis cwilas Treverorwn. . . . Trêves.
Cwitas Mediomatricorurrij Mettis. Metz.
— Leucorum, Tullo Toul.
— Verodunensium Verdun.
BELGICA SECUNDA.
Metropolis cwitas Bemorum. . . . Reims.
Cii^itas Suessionum Soissons.
— Caiellaunorum Cluilons-sur-
Marne.
— J^eromanduoruTn. . . . St. -Quentin.
— Âtrabatiun Arras.
— Camaracensium Cambray.
— Turnacensium Tournay.
— SiU'anectum Senlis.
— Bellouacorum Beauvais.
— Amhianensium Amiens.
— Morinum Terrouenne.
— Bononensium Boulogne.
Sous Dioclétien , la portion de la Belgique qui
tant de fois avait été repeuplée par des Germains en
reçut encore de nouveaux : parmi eux il y avait des
peuples qui devaient bientôt y entrer en maîtres,
s'emparer de la Gaule entière, et lui imposer un nou-
veau nom. Eumène, dans son Panégyrique de Con-
stance-Chlore, dit que des Chamaçes et des Frisiens
avaient été transplantés dans les Gaules , et étaient
devenus cultivateurs; et qu'enfin, par les ordres de
Maximien, les champs incultes d^s Nerviens et des
332 GÉOGRAPHIE ANCIENÎ^E DES GAULES.
Trénriens , étaient fécondés par des Lètes et des
Francs '. Ces colonies furent d'abord trop peu nom-
breuses pour donner de nouveaux noms aux cantons
qu'elles habitèrent. On doit fixer néanmoins l'éta-
blissement de ces nouvelles colonies des Gaules, trop
peu remarquées, vers l'an 295 et 294; 11 est probable
que ces Lètes étaient une tribu de S armâtes ou de
Sauromates , dont Ausone fait mention dans son
poëme sur la Moselle , et qu'il rencontra au passage
de la rivière Nava, la Nahe, qui coule dans le Rhin
à Bingen.
Arvaque Sauromatum nuper metata colonis '.
Ce seraient alors les colons français qu'on aurait
■ Ex Panegyrico Eumenii in Constantium , cap. ix et xxi. —
Rec. des Hist. de France , tom. i, p. 'ji{.
" Auson., Precatio , v. 3i, p. 292 (SSa). — Id., de Mosella, x,
V. I et g, p. 298 et 299 (554), edit. ad usum Delph., lySo, 10-4°. —
D'après la conjecture ingénieuse de l'abbé Dubos, il semblerait que
le nom de Lœti, dérivé de lœtus, servait à désigner tous les peuples
barbares, enrôlés au service de l'empereur romain, ou qui se trou-
vaient naturalisés ou domiciliés dans l'Empire ; alors on ne doit
plus être étonné de trouver dans différens endroits des Gaules les
Laetes bataves, les Laetes teutons, etc.; cependant Zosyme dit, en
parlant du tyran Magnence (Zosym., Hist., lib. ii, p. i34) : «H était
« d'origine étrangère, et avait vécu parmi les Laetes, nation gau-
« loise. « Ce passage, il faut le dire, l'abbé Dubos le rapporte avec
une grande bonne foi, mais il ne l'explique pas, dans son système,
d'une manière satisfaisante. — Dubos, Hist. critique de l'établis-
sement de la Monarchie française dans la Gaule, tom. i, p. i4^-
Il y a un passage d'Ammien Marcellin qui confirme celui de
Zosyme, et qui démontre que les Lœti étaient un peuple particulier
de la Germanie, puisque cet historien (lib. xvi, cap. 11), dit que
les Laetes barbares surprirent Lugdunum dans la Batavie. « Laeti
« barbari invasere Lugdunum incautam. » D. Bouquet {Rec. des
Hist. de France, tom. i, p. 44^) observe très bien ([ue le mot Laeti
ne peut se prendre ici },our un adjectif.
PARTIE III, CHAP. II. 333
transplantes chez les Nerviens; et c'est en effet chez
les Nerviens, et dans les cités voisines, c'est-à-dire
dans les cités ou les diocèses de Cambraj et de Tour-
na j, que les Francs, attirés et soutenus sans doute par
leurs compatriotes établis dans ces contrées, firent
leurs premières conquêtes.
Un ou deux ans après ces transplantation; des
Francs dans la Gaule , Constance repoussa une trDupe
de cette nation qui avait envahie la Batavie, et il
transporta cette même année différentes tribis de
Francs dans les Gaules pour cultivei' des terres mais
il est probable qu'il leur conféra ces terres, pa^ l'in-
capacité où il se trouvait de se défendre contrôleurs
incursions '.
On voit, ainsi que je l'ai dit précédemment, que le
petit territoire des Morini fut subdivisé er deux
cités. Dans quelques manuscrits de la Notic» il y a
civitas Morinorum, id est Ponticum ou Pontiim. Ce
Ponticum paraît être le Pontibus de l'Itiiéraire,
f[ue les mesures déterminent àPonclies-sur-l'^uthie,
et qui est certainement l'origine du nom de Pcithieu ;
mais ces mots id est Ponticum sont évidemment
une addition faite dans le moyen âge à (uelques
manuscrits de îa INotice \
Civitas TurnacensiuTïi représente ici l'aicien ter-
ritoire des Menapii, et civitas Cameracensum celui
des JServii , dont Bagacum, Bavaie, étit la ville
centrale. Ces deux diocèses étant préciséaent ceux
' Eumen., Prnegyricus in Const. - D. Bouquet, î^c. des Hixt.
(le France, tom. i, p. 716..
' Voyez Gronovius, Far. Qengr., p. 45. — Jiet des Ilisi. de
France, tom. 11, p. •?. et 5.
334 GÉOGRAPHIE ANCIENINE DES GAULES,
dans lesquels furent principalement transportés les
Chamauij les Frisii, les Siievi, les Lœti, les Franci,
ne conservèrent plus, par cette raison, les noms des
anciens peuples qui autrefois y dominaient.
MAXIMA SEQUJNORUM, la Grande-Séquanaise.
Qioique saint Hilaire n'ait pas fait mention dans
sa le.tre de celte province , nous avons prouvé son
existence depuis le rèi^ne de Dioclélien. L'inscrip-
tion lelative aux murs de V ilodurus démontre que le
nord de l'Helvétie appartenait à la Grande-Séqua-
naise ,mais comme Ammien Marcellin ' place Aven-
ticunxA'AWh la province des Alpes pennines, il y a
tout leu de présumer que le raidi de l'Helvétie fut
donné d'abord à cette dernière provii ce. L'Hel-
vétie éail, sous Valens, entièrement réunie à la Sé-
quanaie, puisque Eutrope ", qui écrivait à cette épo-
que, dt en parlant de Jules César : (( 11 dompta les
« Heh'ttii , qu'on appelle aujourd'hui Sequani. Is
« primo vicit HehetioSy qui Sequani appellantur. »
Diocèses de
Metropdis civitas T^esontiensium. Besançon.
Civiles Equestrium, Noiodunus. Nyon.
— Ehitiorum , Aventicus. . Avenche.
— Basiliensium Bâle.
Castrun Vindonissense Windisch.
— Ebredunense Yverdun.
— Hauracense Augst.
Portus ihucini. . Port-sur-Saône.
■ Amm. Ma^ellin., lib. xv, cap. 1 1 , p. io4, edit. Vales., 1671,
in-folio. — D. Bouquet, Rec. des Hist. de France, tom. i, p. 546.
" Eutrope, U. vi, cap. 17, p. ?)64 , edit. Tzschuck.
PARTIE III, CHAP. II. 335
La position de portas Ahucini est prouvée par une
vie manuscrite de saint Urbain, évéque de Langres,
qui porte que saint Valier fut enterré à portum
Bucinum; et saint Valier est précisément le patron
du lieu nommé Port-sur-Saône '.
Les positions de tous les autres lieux ont déjà été
démontrées , et se trouvent toutes prouvées par les
mesures des Itinéraires '.
Dans presque toute l'étendue de la grande pro-
vince des Sequani , la division ecclésiastique ne
donne i\\ie de faibles éclaircissemens sur l'ancienne
topographie et sur les limites des peuples. Lors de
l'établissement de la féodalité , les divisions civiles
se trouvant détruites, les archidiaconés et les dia-
conés furent distribués sur un plan différent de ceux
qui existaient auparavant : les pouillés des diocèses,
dont les plus anciens ne remontent pas au-delà de
quatre siècles, ne nous donnent plus la géographie
de l'âge romain, et il faut s'aider d'autres moyens
pour la retrouver '.
LUGDVNENSIS PRIMJ , Lyonnaise première.
Diocèses de
Metropolis cwitas Lugdunensium. Lyon.
Cwitas JEduoruTti Autun.
— Lingonum Langres.
Castrura Cahillonense Châlons- sur-
Saône.
Dunod , Hist. de Se'quanois , p. 20g, et Valois, Notice, p. 456.
" Voyez V Analyse des Itinéraires, tom. in de cet ouvrage.
' Perreciot, Dissertation historique sur le comté d'Elsgau, dans
TAlmanach du comté de Bourgogne, pour l'an 1789, in-i8,
p. 97 à 198.
336 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Castrum Matisconense Mâcon.
Cwiias Senonum Sens. Nous ne
donnons point ici à Sens le titre de
métropole comme dans la Notice ,
parce que cette ville n'a pu être con-
sidérée comme telle que lorsque les
deux Lyonnaises ont été divisées en
quatre provinces.
— Carnotuni Chartres.
— Autisioduruîïi Auxerre.
. — Tricassium Troyes.
— Aurelianorum Orléans.
— Parisiorum Paris.
— Meldorum Meaux.
— Biturigum Bourges.
J'ajoute cette dernière cité d'après l'autorité d'Am-
raien Marcellin '. A la vérité, la Notice des pro-
vinces de la Gaule, dressée vers l'an ^oi y restitue
les Bituriges à l' Aquitaine ; mais il suffit de jeter
les yeux sur la Carte pour juger que cette dernière
province, avant d'avoir été divisée, se trouvait beau-
coup trop étendue, comparativement aux deux Lyon-
naises. Il est donc bien plus naturel de croire qu'on
aura annexé à une des Lyonnaises , ou Celtiques ,
une des portions de l'Aquitaine, précédemment ôtée
à la Celtique, que de penser qu'Ammien Marcellin,
qui avait résidé long-temps dans les Gaules , ait pu
commettre une erreur aussi grave.
■ Ammian. Marcellin., lib. xa', cap. ii : « Lugdnnensem primam
<f Lugdunus ornât, et Cabillonus, et Senones, et Biturigae, et mœ-
« nium Augustudini magnitudo, vetustas. h
PARTIE III, CHAP. II. 339
PROVINCI A NJRBONENSIS, la Narbonnaise.
Metropolis cwitas Narbonensium . . Narbonne.
Cwitas Tolosalium Toulouse.
— N emausensium Nîmes.
— Lutevensium Lodève.
— Castrum XJceciense Uzès.
Je pense ^a Uceciense , Uzès, quoique qualifié de
simple castrum, était à cette époque, et pendant la
domination romaine , le chef-lieu d'un diocèse qui
renfermait non seulement le diocèse d'Uzès, mais
encore celui d'Alais , et je fonde mon opinion sur
les considérations suivantes. Dans une lettre de
Pascal II, à Bertrand, archevêque de Narbonne, en
date de logg, on lit :
(( Statuimus enim eidem ecclesiœ tuœque frater-
« nitati lias civitates, Tolosam videlicet, Carcasso-
« nam, Elnam, Biterrim, Agatherriy Magalonam. ,
n Nemausum, Euticam, Lugdouvem y dehitamsem-
(i per exhibere obedientiani ' . »
Le savant éditeur de ces lettres, dom Brial, ne
sachant que dire sur Euiica, l'a omis dans son Index
geograpliicus y et on ne trouve point ce lieu dans
Adrien de Valois. Cependant il est évident, d'après
la lettre de Pascal , qiiEutica doit être le chef-lieu
d'un diocèse, de même que Lugdoiwem (Luteva),
Nemausum, etc. En jetant les jeux sur la France
ecclésiastique on aperçoit , mali^ré le peu de res-
semblance du nom, qa Euticam n'est autre chose
qul/cetia, Uzès, ou castrum Ucesiense.
' Recueil des Hist.de France, tom. xv , p. i;;
340 GÉOCxRAPHIE ANCIENiNE DES GAULES.
L'article A'Ucetia , dans le Gallia christiana ', ne
présente pas ce nom sous la forme que lui donne
Pascal II , cependant on y voit que dans le moyen
âge Ucetia se nommait aussi Ucetica.
M. de Mandajors, dans un savant Mémoire sur les
limites de la France et de la Gothie', prouve que
le canton nommé Ucetica comprenait les diocèses
d'Uzès et d'Alais, ou àiAresetmn; que ce dernier
n'est qu'un démembrement du diocèse d'Uzès , et
dans l'intérieur de ce canton ^Ucetica, se trouve
un lieu nommé Euzet-Sainte-Croix, un peu au nord
de Maurice-de-Caze-Vieille , dans le département du
Gard ; on trouve aussi dans le même département,
et dans le canton même d'Uzès , Saint-Michel
d'Euzet. Ceci me fait croire que la leçon TLutica ,
dans les lettres de Pascal, est exacte, et que cette
forme provient de l'ancien nom du canton nommé
Usetica. Pour distinguer les lieux situés dans ce
diocèse, ou canton, des autres qui portaient les mêmes
noms de saints , on a ajouté le nom du canton, et on
a dit Saint-Michel-Eusétique ou Usétique , Sainte-
Croix-dans-l'Eusétique ou l'Usétiqiie. Ceci démontre
qu'on a écrit autrefois Eusetica au lieu à' Usetica.
jyEusetica, par contraction, est dérivé Euiica :
ainsi l'on voit i^' Ucetia et Eutica, qui paraissent
présenter une assez grande différence, sont cepen-
dant les mêmes noms.
Un simple coup d'oeil jeté sur une carte de la
Gaule, lors de sa dernière division en dix-sept pro-
' Gallia christiana , tom. vi,
^ Mandajors, Mc'?n. de l'Acacl. des Inscript, et Belles-Lettres,
,tom. VIII, p. 4^0.
PARTIE III, CHAP. II. 341
vinces , ou telle que l'a représentée d'Anville, suffit
pour démontrer que la Narbonnaise, lorsqu'on en
eut démembré une nouvelle province sous le nom de
Viennaise, ne contenait pas la partie dont on forma
depuis la Narbonnaise seconde, puisque alors elle eût
été beaucoup trop i^rande pour la Viennaise , et
aurait eu son territoire séparé en deux par le ter-
ritoire de cette dernière province. La Narbonnaise
seconde a donc évidemment été démembrée de la
Viennaise, quoiqu'on n'en ait aucune preuve histo-
rique. Cette dernière province renfermait, à l'épo-
que dont nous traitons, les villes ou cités suivantes :
PROVINCIA VIENISENSIS, la Viennaise.
Diocèses de
MetropoUs cwitas V^iennensium.. Vienne.
Cwitas Genai>>ensiu7n Genève.
— Gratiano polit ana. . . Grenoble.
— Helviorum Alps en Vivarais.
— Deensiuni Die.
— Kalentinorum Valence.
— Tricaslinoram Aoste en Diois.
— Vasiensium Vaison.
— Arausicoram Orange.
— Cahellicorum Cavaillon.
— Avennicoriun Avignon.
— Arelatensium Arles.
— Massiliensium Marseille.
— Aquensiuni Aix. Cette ville
n'a pu être érigée en métropole que
lorsqu'on la prit à la Viennaise, avec
toutes celles qui suivent, pour en for-
34-2 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
mer une province distincte sous le nom
de Narbonnaise seconde.
— Aptensium. ..... Apt.
— Eeiensium Riez.
— Foro Juliensium. . . Fréjus.
— J^appincensium. . . . Gap.
— Segesteriorum. . . . Sisteron.
— Antipolitana Antibes.
Ainsi , à la fin de cette période , en l'an 36o , la
Gaule transalpine se trouvait subdivisée en onze pro-
vinces ; et comme, dans le même espace de temps, la
Gaule cisalpine n'offre rien de commun avec la Trans-
alpine, sous le rapport géographique, et ne présente
même rien qui n'eût été déjà traité, si ce n'est l'éclair-
cissement géographique de la table Véleïane, dite de
Trajan, dont il sera question ci-après, nous conti-
nuerons à suivre les changemens qui s'opérèrent
dans les divisions de la Gaule transalpine, jusqu'à la
chute de l'empire romain.
PARTIE III, CHAP. III. a^*?
CHAPITRE III.
Depuis l'an 56o jusqu'à l'an Sôp.
Lorsque Julien vint dans les Gaules, n'étant pas
encore empereur, vers l'an 356 de J.-C. , ce pays était
depuis un sii'cle le théâtre de guerres sanglantes où
les Romains luttaient avec désavantage contre les
Rarbares qui ravageaient et dépeuplaient ces con-
trées, qu'une longue paix, et les bienfaits de la civi-
lisation, avaient rendues si florissantes. Les peuples
belliqueux de la Germanie s'étaient établis dans les
environs des cités qu'ils avaient ruinées. Les mu-
railles de quarante-cinq villes se trouvaient détruites,
et plusieurs autres, 'quoique éloignées de la frontière,
et des incursions des Rarbares, avaient été abandon-
nées par leurs habitans, et étaient restées désertes '.
La chute de l'empire d'Occident fut pendant quelque
temps retardée par la valeur de Julien , et les sages
précautions de Valentinien ' qui, en 565, fit construire
beaucoup de forteresses sur le Rhin, dont les rives
n'étaient plus suffisamment protégées par la terreur
qu'inspirait le courage des légions romaines. Cin-
quante ans plus tard , la domination des empereurs
romains devait être pour jamais anéantie, et les
Francs, les Rourguignons et les Wislgoths, devaient
' Amm. Marcellin, lib. xiv, cap. lo, lib. xv, cap. 5,6,8, et
seq. — Julianus, Epistola ad S. P. Q. Aiheniensem, Juliani inipe-
ratoris Opéra, p. i"]"] ; edit. , Lips., in-folio, 1696. — Ex Veter.
Panegyricis , in Panegyrico Marne rtini , cap. m et iv.
' Zosymi , Hist , lib. iv, cap. n-i-i, p. 284, 299, edit. Heynii ;.
Lipsise, 1784 , in-8''.
344 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
imposer un nouveau nom à cette contrée, et substi-
tuer aux divisions tranquillement établies par les
sénalus-consultes et les décrets impériaux, celles qui
résultaient des nouveaux États qui j furent créés
par la force des armes, et qui, mal cimentés par le
sang, le carnage et la désolation , essuyèrent tant de
variations dans leurs limites, dans leur gouverne-
ment , leurs lois et leurs mœurs.
Cependant c'est pendant ce demi-siècle, qui nous
reste à parcourir, que la Gaule reçut sa dernière
forme, et subit ses dernières divisions. La dernière
de toutes est en dix-sept provinces : elle est détaillée
d'une manière exacte et précise dans la Notice des
provinces de la Gaule, qui fut écrite à l'époque
même de la chute entière de la puissance romaine
dans les Gaules , à laquelle nous devons nous arrêter.
Si cette dernière division , la seule que l'on trace
sur les cartes, et qu'on décrive dans les traités de
géographie de l'ancienne Gaule, est une des moins
utiles pour l'étude de l'histoire, c'est la plus impor-
tante pour les comraencemens de l'histoire moderne,
et surtout pour la longue et ténébreuse série des
siècles du moyen âge; car, ainsi que je l'ai déjà ob-
servé, les dei;nières divisions, et les dernières déno-
minations romaines, ont continué à se propager
jus€[u'à nos jours , dans les diocèses et les divisions
ecclésiastiques. Nous devons donc ne rien négliger
pour présenter d'une manière exacte, et dans tous ses
détails, cette dernière division, ainsi que celles qui
l'ont immédiatement précédée.
Mais non seulement, dans les derniers temps de
la puissance romaine, il s'établit des divisions par-
PARTIE m, CHAP. III. 345
ticulières beaucoup plus nombreuses que celles qui
avaient existé dans les siècles antérieurs, mais on vit
naître des divisions générales auparavant inconnues.
Nous avons déjà eu plusieurs fois occasion d'obser-
ver que les anciens, à commencer par César, par-
lent souvent des Gaules en faisant abstraction de
la Province romaine, ou Narbonnaise, qu'ils re-
gardaient comme une division à part. L'Aquitaine,
qu'ils trouvèrent habitée par un peuple entièrement
différent des Gaulois du centre, avec lesquels les
Belges, au nord, avaient une grande affinité, est
aussi décrite par eux comme une division séparée.
Nous en avons un exemple remarquable dès le temps
de Strabon, qui décrit l'une après l'autre la Nar-
bonnaise et l'Aquitaine, mais qui mêle ensemble la
description des deux autres provinces de la Gaule.
Nous allons voir qu'Ammien Marcellin semble sé-
parer presque entièrement l'Aquitaine du reste de
la Gaule; et, peu d'années après lui, nous verrons
cette même Aquitaine, et la Narbonnaise, former une
division entièrement distincte, qu'on désignait sous
le nom des cinq provinces ou des sept provinces.
Pour faire connaître les divisions de la Gaule à
l'époque dont nous traitons , nous traduirons le
texte même d'Ammien Marcellin , qu'on a trop lé-
gèrement accusé d'erreur. Il avait fait la guerre
dans les Gaules, et il est, après César, l'historien
qui fournit le plus de notions géographiques sur ce
pays.
Mais je dois observer que l'Histoire d'Ammien
Marcellin a été composée dans deux temps différens;
en ciïèt, le début du \xvh« li>re nous prouve que
346 GÉOGRAPHIE ANCIEINNE DES GAULES,
tous les livres qui précèdent ont été terminés avant
l'avènement de Valentinien à l'empire, c'est-à-dire
avant l'an 364- Tous les autres , c'est-à-dire depuis
le xxvii^ livre jusqu'au xxxi^ , sont écrits posté-
rieurement à la mort de Valens , c'est-à-dire après
l'an 58o. La description de la Gaule se trouve dans
le xv^ livre : elle a donc précédé l'an 564-
Voici , selon Ammien Marcellin ', les provinces
que l'on comptait alors dans toute l'étendue des
Gaules :
I . (( La seconde Germanie , qui , bornée à l'ouest
« par la première Germanie, renfermait Cologne, co-
« lonia yëgrippina, et Tongres, Tungri, ainsi qu'un
ff grand nombre de villes fortifiées et bien bâties. »
A l'époque où écrivait Ammien, Toxiandria, Tcs-
sender-Loo, était occupée par les Francs'. Cologne
avait été presque entièrement détruite par les Bar-
bares , c'est lui-même qui nous raconte ce fait , qui
eut lieu vers l'an 556 \ Il n'était resté sur les bords
du Rhin ni villes ni châteaux , excepté une tour près
de Cologne. Ammien mentionne aussi à ce sujet
Rigomagus y Rimagen , et Confluentes , Coblentz,
qui étaient dans la Germanie première, et dans un
autre endroit, Juliacum, Juliers ou Giulick"^. La
position de tous ces lieux est déterminée par les
mesures des Itinéraires ^, ainsi que celle de Trice-
' Amm. Marcellin., lib. xv, c. 8, p. g5, et c. 1 1, p. 102, edit. Vales.
' Id., lib. XVII, cap. 8, p. 170.
^ Id., lib. XVI, cap. 5, p. ïi3.
^ Id., lib. xvii, cap. 2, p. iSy.
'' Voyez Vjdnalyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. — Pour
Rimagen, j'observerai que, dans le moyen âge, Rimagen est nommé
Jiii^mnrh voyez. Valois, p. 477.
PARTIE III, CHAP. III. 347
sima à Alpen ; lieu près duquel Julien défit les Francs
nommés Attuarii '.
2. « La première Germanie , où l'on trouve, outre
K plusieurs municipes , Mayence , Mogontiacus ,
i<. Vangiones , Worras, Nenietœ j Spire, et Stras-
« bourg, Argentoratum , célèbre par la défaite des
(( Barbares ^. »
Nous voyons que Borhetomagus , Worms , et
Noviomagus , Spire, n'étaient plus , dès ce temps,
désignées que par les noms des peuples dont elles
étaient les capitales. Le lieu nommé Très Tahernœ
dans Ammien Marcellin ^ est évidemment le Ta-
hernœ de l'Itinéraire sur la route à' yérgentoratum ,
Strasbourg , à Dwodiirum , Metz'^, lieu que les me-
sures portent, à Elsâss-Zabern, en français Saverne.
Il faut se garder de confondre ce lieu avec le Tahernœ
de la route qui va le long du Rhin , qui est Rhein-Za-
bern, et dont Ammien Marcellin fait aussi mention
dans un autre endroit ^, avec Brocomagus , qui est
Brumpt, et Saletio , Seltz : tous lieux de la Ger-
manie première , dont les positions sont démontrées
par les mesures des Itinéraires ^ .
3. « Après ces provinces vient la Belgique première,
' Voyez Ammian., lib. xx, cap. lo, p. '^54; Hb. xviii, cap. 2,
p. 187.
' Amm. Marcellin, lib. xv, cap. 11, p. io5.
^ Id., lib. XVI, cap. 11, p. 107.
* Voyez \ Analyse des Itinéraires , et toni. m de cet ouvi-age.
' Ammian., lib. xvi, cap. 5, p. H2.
* Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. —
De l'auti'e côté du Rhin et vis-à-vis de Mayence , étaient les Bucci-
nobantes. Voyez Amm. Marcellin, lib. xxiv , cap. 4- — Valenti-
nien avait fait construire une forteresse au confluent du Necker et
du Rhin, voyez lib. xxviii, cap. 2, p. 5uo.
348 GÉOGRAPHIE ANClENîsE DES GAULES.
(( qui comprend Metz, Mediomatricos , et Trêves,
« Trcviros y où les princes font leur résidence '. »
Ces derniers mots font allusion aux préfets du
diocèse des Gaules, dont la résidence était à Trêves,
j'ai déjà observé que le diocèse des Gaules comprenait
la Gaule transalpine, l'Espagne et la Grande-Bre-
tagne réunies. Au livre xvi% Ammien Marcellin
fait mention de Deceni Pagi % qui est Dieuse mo-
derne , ainsi que le démontrent les mesures des
Itinéraires pour la route ai Argentoratum , Stras-
bourgs à Divodurum , ÎNIelz : ce lieu était chez les
Mediomatrici. J'ai déjà dit que Calydona ^ devait
être placé aux ruines près de Thionville et près
de la forêt de Caldnoven ^. Scarpona ^ était sur
les limites des Mediomatrici et des Leuci. Les
mesures des Itinéraires portent la position de
ce lieu à Charpaigne ; il est mentionné par Am-
mien Marcellin et Zosjme , au sujet de la victoire
de Jovinus, en 566. La Moselle a changé de cours,
et en ôtant ce lieu au diocèse de Toul, elle l'a donne
à celui de Metz.
4. La seconde Belgique est limitrophe de la pre^
mière : « Parmi les villes remarquables que l'on
(c y trouve, sont Amiens, Amhiani^ Châlons, Cata-
(( launij, et Rheiras, Reini. » Ammien Marcellin, en
parlant d'Amiens, dit (lib. xv) : Urbs inter alias
ew.inens, ville qui est au nombre des plus éminentes.
• Amni., lib. xv, cap. 11, p. io5.
' Id., lib. XVI, cap. 5, p. iii.
^ Id., lib. xxvH, c. 1, p. 475. — Voyez t. 1, p. 5 16, de cet ouvrage.
^ Id., lib. xxvii, cap. 2, p. 476, ou toni. i, p. 455, de cet ouvrage.
' Benoît, Hist. du diocèse de Toul, p. 11 et 12. — Amm. Marcell.;,
lib XV, cap. Il, p. io5.
PARTIE III, CHAP. HT. 349
Dans l'étendue de cette division , Ammien Mar-
cellin , dans le cours de son Histoire, a plusieurs fois
occasion de mentionner Bononia \ Boulogne,
comme le port où Ton s'embarquait pour la Grande-
Bretagne : le nom de Gesoriacum n'était déjà plus
en usage. Le port de la Grande-Bretagne où l'on
abordait se nommait Rutupiœ, qui est Ricliborough\
5. u Chez les Séquanais sont Besançon, Bisontios,
(( et Augst, RauracoSj, et plusieurs autres villes con-
« sidéra blés. »
C'est à tort que de Mouliiies ^ traduit Raïuacos
par Basic. Ammien Marcellin est précisément le
premier auteur qui fasse mention de Basic sous le
nom de Basilia : ce lieu, peu d'années après, dans
la Notice, porte le titre de ville, tandis que Augusta
Rauracorum'* n'est plus mentionnée que comme
un château , castruni Rauracense ^ : tant étaient
rapides les changemens que les grands mouvemens
des peuples, qui avaient lieu h cette époque mémo-
rable, produisaient sur cette frontière de l'Empire.
Schaepflin donne d'assez bonnes raisons'' pour placer
la forteresse nommée Rohur par Ammien Marcellin,
bâtie en 374 pai' Valentinien , sur le sol qu'occupe
aujourd'hui la cathédrale de Basle, quoique d'autres
auteurs veuillent placer ce lieu sur le sommet du
' Amin. Marcellin, lib sxvii, cap. 8, 494-
" Voy, ci-dessus, t. i, p. 45i-458, et Gossellin, Mech., t. iv, p. 88.
' Amm. Marcellin, ou les dix-huit livres de son Histoire qui
nous sont restés , traduits en français , 3 vol in- iv!. Berlin, 1775,
tom. I, p. 166.
* Voyez ci-dessus, tom. 1, p. 3i4, S'î^ et 523.
'' Voyez Notitia provinc. Galliœ. — Recueil des Hist. de France,
tom. I, p. 122. — Guérard, Essai, p. 21 et 22.
*" Amm., lib. x\\, c. 3. — Schaepflin., Alsat. ilhistr., tom. i, p. 18t.
350 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Jura , ou ailleurs que Bâle , mais de même sur les
bords du Rhin. Argentoriaj à Artzeiiheim, mention-
née aussi par Ammien Marcellin, se trouve déter-
minée par les mesures des Itinéraires, sur les limites
des Sequani et de la Germanie première ' .
Il paraît certain , d'après ce que nous allons lire
à la fin de ce détail des provinces d'Ammien Mar-
cellin , que de son temps la proi^incia Maxima
Seqiianorum ne s'étendait que jusqu'à la chaîne des
Vosges, et qu'on avait compris Aventicum, Avenche,
et presque toute l'Hélvétie , dans la province des
Alpes graies et pennines : ces limites étaient très
conformes à la géographie naturelle '.
6. « La Lyonnaise première est illustrée par les
M villes de Lyon , de Châlons , de Sens et de Bourges
« (^Lugdununiy Cabillonas, Senones et Bituriges^,
« ainsi que par Autun (^Augustodunum), dont les
K murailles attestent encore l'ancienne grandeur. »
J'ai déjà observé qu'on avait à tort accusé Ammien
Marcellin d'erreur, pour avoir mis la ville de
Bourges dans la Lyonnaise première, qui y fut pro-
bablement pendant quelque temps réunie, parce
que l'Aquitaine, ayant été la dernière subdivisée,
se trouvait trop grande proportionnellement aux
autres provinces.
Dans un autre endroit de son ouvrage, Ammien
Marcellin fait encore mention des vastes murailles
d' Autun ruinées par le laps de temps, et en parlant,
' Muller, Schweiz Gesch. , th. i, §. 80. — Ukert , Geogr. der
Griech. iind Jiôm, tom. 11, p. 498.
" Anini. Marcellin, lib. xxsi , cap. 10, p. 656; edit. Valerii. —
Conférez ci-dessus, tom. 1, p. 59.3 et 556, et V^nalyse des Itiné-
raires, toni. III de cet ouvrage.
PARTIE III, CHAP. III. 351
dans le même chapitre , de la marche de Julien , il
mentionne ' successivement Arhor , Sedelaucus et
Cora. Je pense que cet Arhor , qu'il ne faut pas
confondre avec le lieu du même nom situé sur le
lac Constance, mentionné aussi par Ammien Mar-
cellin, peut être rapporté, avec quelque degré de
vraisemblance, à Arbot-sur-Aube, dans le départe-
ment de la Haute-Marne , arrondissement de Lan-
gres. Sedelaucum est évidemment le Sidolocum de
l'Itinéraire, dont les mesures, pour la route à'Au-
gustodunum y Autun , 2i Ahallo , Avallon^ déter-
minent la position à Saulieu moderne'. Pasumot^
a très bien démontré que Cora était situé h la Ville-
Auxerre près Saint-Moré et non à Cure comme le
croyait d'Anville : ainsi les gens du pays indiquaient
deux routes à Julien pour se rendre plus au nord
sur les bord du Rhin, l'une par Sedelaucum et
Cora, c'était la route de Sens; l'autre plus directe,
Y^^v Arhor , Arbot, c'était celle de Langres"^.
7. « La Lyonnaise seconde, où se trouvent Rouen
« ( Rotomagi ) , Tours ( Turini) , Evreux ( Medio-
u lanum) et Troyes ( Tricassini). )>
Dans le cours de son ouvrage , Ammien Marcellin
mentionne encore Parisiis , Paris, lieu chéri par
l'empereur Julien , et qui n'était encore qu'une
très petite ville, Senonas , Sens, Autisiodurwn .
Auxerre, toutes comprises dans cette division.
8. Dans le commencement de sa description gêné-
Amm. Marcellin, lib. x, cap. 11, p. iio.
' Voyez M Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
' Pasumot, Méni. Geogr. sur quelques Antiquités de la Gaule,
Paris, in-12 , 1765 , p. Sj et suiv.
■* Voyez ci-dessus, tom. 1, p. Sa i et 5a8.
352 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
raie des Gaules , Ammleii Marcellin dit : u Les Gau-
« lois nommés Celtes sont encore séparés des Belges
u par la Marne (3'Jairo7ia) et la Seine { Sequana),
H rivières également considérables qui traversent la
«Lyonnaise, se joignent, puis entourent de leurs
c( flots réunis la forteresse des Parisiens nommée
(( Lutèce ( Parisioriim. castelliun Luteciam noniine)^
« et vont se perdre dans la mer près des Camps-
(f de - Constance ( prope castra Constantia fun-
(( duntur in mare^ '. » Cette description est très
exacte ; mais comme il a plu aux modernes de voir
dans les castra Constantia la ville de Coutances,
nommée aussi Constantia , dont il n'est fait men-
tion que dans le commencement du vi^ siècle, ils
n'ont vu, dans ce que dit ici Ammien Marcellin,
qu'ignorance , qu'absurdités et contradictions. Il
était cependant bien facile de se rappeler que Fem-
pereiir Constance, vers l'an i2g6 de J.-C. , dans
une expédition contre l'Angleterre , fit transporter
son armée par une flotte qui descendit la Seine ';
il dut donc , à cette époque, faire construire un fort
à l'embouchure de cette rivière, d'où ses troupes
s'embarquaient, et un port pour contenir sa flotte.
Tout porte à croire que ce fort ou ces castra Con-
stantia étaient sur la côte méridionale de l'embou-
chure de la Seine, où se trouve aujourd'hui Ronfleur.
' Ainm. 3Iarcellin. , lib. xv, cap. ii, p. 102.
' Le préfet du prétoire Asclepiodotus commandait cette armée.
\ oyez Eunienius, Patie^yricus in Constajitium, cap. xv. — Recueil
des Hifit. de France, tom. i, p. 714. « Prior siquidem Gesoriaceno
« littore quamvis fervidum invectus Oceanum , etiam illi exercitui
«tuo, quem Sequana in fluctus evexerat, irrevocabilem injecisti
« mentis ardorem. »
PARTIE III, CHAP. III. 353
En effet, la Table nous fournit au nord une route
qui se termine près de la mer par une position
nommée Carocotinum, peu éloignée du Havre '. Au
midi , l'Itinéraire et la Table s'arrêtent à Breviodu-
rum, Pont-Autou. 11 est difficile de penser que le
détour que fait cette route n'eût pas pour objet de
communiquer avec une autre qui menait à un port
de mer : ceci me porte à placer les castra Con-
stantia d'AmmienMarcellin, près du port des Lexovii
et du Nœomagus de Ptolémée, à Conteville, un peu
à l'ouest d'Honfleur. Ce lieu est nommé Contavilla
dans les titres du moyen âge; il est situé dans le
pagus LismnuSy nommé encore aujourd'hui Lieuvin,
et par conséquent chez les Lexovii '. Quoi qu'il en
soit de cette conjecture , ce que je viens de dire
suffit pour justifier Ammien Marcellin de l'erreur
grossière qu'on lui attribuait.
8. « Les Alpes graies et pennines ont, sans men-
« tionner des villes plus obscures, Avenche, Aven-
i< ticum, déserte à la vérité, mais qui a été autrefois
« assez considérable, ainsi que le prouvent ses édifices
« à demi ruinés ^ »
L'inscription relative à la réparation des murs de
Vitodurus y Ober-Winterthur, dont nous avons parlé,
' Voyez M Analyse, des Itinéraires , tom. ni; et ci-dessus, tom. i,
p. 585 et 096.
' Voyez la Carte du diocèse de Lisieux, par d'Anville; Me'm. de
la Socie'lc des Antiquaires de Normandie, tom. ix, et Longuerue,
Description de la France, tom. i, p. 76.
' Amm. Marcel!., lib. xv, cap. ii, p. 104. — Daus la Germanie
les Lentienses habitaient le nord du lac Constance, et le district
moderne nommé Linzgau. — Amm. Marcell., lib. xv, c 4, et lib. m,
c. 40. — Conférez Leichtlen's, Schwaben , p. 206, et la Carte n° 5.
II. 25
354 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
prouve seulement que du temps de Dioclétien le nord
de l'Helvétie appartenait aux Sequani ; mais nous
voyons par Ammien Marcellin que si l'Helvétie avait
été réunie en entier à la grande province des Séqua-
nais, elle fut ensuite partagée lorsqu'on forma une
nouvelle province des Alpes graies et pennines ,
Alpes gî^aice et penninœ , qu'on réunit à la Gaule.
Cette nouvelle province , qui comprenait une par-
tie de l'Helvétie, a dû être composée des cités sui-
vantes :
Civitas Ehitiorum , Açenticus . . . Avenche.
— Centronum , D avant asia. . Moustier, en
Tarantaise.
— J^allensium , Octoduro. . . Martigny ou
Martinach, en Valais.
Ceux qui ont accusé Ammien Marcellin d'erreur ,
pour avoir attribué à la province des Alpes graies et
pennines une partie de l'Helvétie, n'ont pas fait at-
tention que, si cette nouvelle province avait été
restreinte à la Tarantaise et au Valais , comme elle
le fut peu de temps après, elle eût été ridiculement
petite , comparativement aux autres provinces de
la Gaule, qui n'avaient point été subdivisées, comme
elles le furent depuis. Les limites de la province des
Alpes graies et pennines étaient d'ailleurs , au temps^
d' Ammien Marcellin, très conformes à la géographie
naturelle. Cette province se trouvait séparée, à l'ouest
et au nord-ouest, de la Grande-Séquanaise par la'
chaîne du Jura. Lorsque les Germains se furent empa-
rés du nord de l'Helvétie et y eurent formé des éta-
blissemens, la Séquanaise, rétrécie par cette con-
1
PARTIE III, CHAP. III. 355
quête, fut augmentée de tout le midi de l'Helvétie,
et Aventicunij Avenche , s'y trouva compris. La
Séquanaise formant un commandement militaire cl
une des provinces frontières de l'Empire, ce chan-
gement était nécessaire pour lui conserver le rang
qu'elle occupait, et que n'aurait pu remplir une
province aussi peu étendue, aussi peu peuplée, que
les Alpes graies et pennines, avec des limites aussi
resserrées que celles qu'elle a depuis reçues.
« Telles sont (dit Ammien Marcellin ) les pro-
« vinces et les principales villes des Gaules. »
Ces mots sont remarquables: Amimien Marcellin
a commencé par annoncer qu'il allait décrire les
provinces de toute la Gaule , per oninem amhitum
Galliarum, et il termine ici en disant: « Hœ provin-
ciœ urbesque sunt splendidœ Galliarum : )) puis il
passe ensuite à la description de l'Aquitaine et de
la Narbonnaise , ce qui prouve bien qu'il séparait
ces deux portions du reste de la Gaule, c'est cette
division qui a depuis été désignée tantôt sous le
nom des cinq provinces, et tantôt sous celui des
sept provinces. Ce qui le prouve , c'est que la Notice
de l'Empire termine de même l'énumération des
provinces Gallicanes par celle des Alpes graies et
pennines , et décrit sous le nom des sept provinces
la Viennaise et la Narbonnaise.
« Dans l'Aquitaine , qui est du côté des Pyrénées ,
H et cette partie de l'Océan qui touche à l'Espagne ,
(( on trouve :
9. (( La province Aquitanique , qui renferme de
« grandes et belles cités, parmi lesquelles, sans par-
(f 1er de beaucoup d'auties, Bordeaux, Burdigala ^
356 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
« et Clermont , Aiverni , se font particulièrement
(( remarquer, ainsi que Saintes, Santones , et Pol-
« tiers , PiciM'i.
10. ((La Novempopulane, qui se glorifie d'Auch,
jéusci , et de Bazas, T^asates.
1 1 . « Bans la Narbonnaise se trouvent renfermées
« INarbonne, Narhona, et Toulouse, Tolosa, qui en
« sont les principales villes. »
Ceux qui sont familiarisés avec le latin souvent
barbare d'Ammien Marcellin liront sans difficulté :
(( in Narbonensi clusa est Narhona et Tolosa, prin-
« cipatuni urhium tenentj n ainsi qu'il est écrit dans
les premières éditions de cet auteur et dans les ma-
nuscrits. En substituant Elusa à clusa on a encore
attribué à Ammien une erreur qu'il n'a point com-
mise, puisque ^/ii^a,, Eause, était dans la Novem-
populane , qu'il distingue formellement de la Nar-
bonnaise. Il n'est pas vrai que, dans la Table de
Peutinger , le copiste ait mis Clusa pour Elusa ainsi
qne l'avance, dans sa note, Valois, pour justifier la
correction qu'il fait subir au texte d'Ammien '.
12. (( La Viennaise est décorée par un grand
(( nombre de villes, dont les principales sont Vienne,
« Vienna, Arles, Arelatœ , et Valence, T^alenùa;
(( auxquelles on joint Marseille, Massilia^ dont l'al-
(( liance a souvent été utile aux Romains dans des
« circonstances périlleuses.
H Près de Marseille sont les Salluviens, Salluvii ,
(( Nice, Nicœa, Antibes, Antipolis , et les îles Stoe-
(( chades, insulœ Stœchades. »
' Voyez Amin. ÎMarccllin., lib. xv, cap. ii, p. io4, cdit. Yalesii,
in-folio, 1681, p. 104.
PARTJE III, CHAP. lil. 3ô7
Il semble d'après ces derniers mots que l'on com-
mençait, du temps d'Ammien Marcellin, à joindre à
la Gaule le district montagneux si long-temps réuni
à l'Italie, qui depuis forma une province particulière
sous le nom d'Alpes maritimes. Cependant nous ap-
prenons d'une manière certaine qu'à l'époque où
Ammien écrivait la description qu'on vient de lire,
la Gaule se trouvait seulement divisée en douze
provinces.
Ce fut vers ce temps que l'Allobrogie commença
à perdre son nom antique , pour prendre celui de
Sapaudia y dont on ignore l'étymologie. Ammien
Marcellin est le premier qui en fasse mention; il dit
en décrivant le cours du Rhône : a Per Sapaudiam
njerlur et Sequanos '. » On retrouve ensuite deux
fois le nom de Sapaudia dans la Notice de l'Em-
pire ; et enfin dans le moyen âge cette dénomina-
tion devint si générale, qu'elle fit disparaître celle
d'Allobrogie. La Chronique de Prosper Tyro, sous
l'an 4'^5 ', fait mention de la Sabaudia', et dans le
partage des États de Charlemagne , en 806 , il est
(juestion de la Saboja, qui s'y trouve distinguée de
la Maurienne et de la Tarantaise, et du montCenis \
Mais l'Allobrogie, en prenant le nom de Sapaudia,
au lieu de restreindre ses limites, comme l'ont pensé
Valois et d'Anville, les agrandit encore, si, comme
on n'en peut douter, V Ebrudiinum Sapaudiœ de la
' Amm. Marcellin, lib. xv, cap. 1 1 , p- io5.
* Prosperi Tyronis, Chronicon. — Recueil des Hist. de France ,
loni. !, p. 596, a° 20.
^ Car. M. Chart. divis. iinp., dans Eginharli Fita Caroli Mngni ,
édit. de Bredovv ; Helmslad, in-i2, i8o6, p. i55; et D. Bouquet,,
jRecucH des Hist. de France , tom. v, p. 771.
358 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Notice ' de l'Empire est Iverdun. Alors la Sapaudia^
vers le nord, renfermait cette partie de l'Helvétie,
comprise entre le Jma , le lac Léman et le lac de
Neuf-Châtel. Mais il ne paraît pas que, vers le midi ,
l'Allobrogie, sous le nouveau nom de Sapaudia, eût
rien perdu de son territoire , lorsqu'elle fut cédée
aux Bourguignons en 44^» puisqu'en 52o elle con-
finait encore à la Provence '. Lors du partage de
l'empire de Charlemagne, en 806, la Saboia avait
encore ses anciennes limites , et si elle se trouve
distinguée de la Maurienne et de la Tarantaise , c'est
que les Centrones et les Medulli n'ont jamais fait
partie de l'Allobrogie. D'Anville a donc eu tort de
restreindre ce nom de Sapaiidia à la partie septen-
trionale de l'Allobrogie, et Valois se trompe lors-
qu'il croit que cette ancienne province de Savoie
se léduisait aux limites du duché moderne qui
porte ce nom. Ce n'est que dans le x* siècle qu'on
vit la Sapaudia subdivisée en plusieurs comtés par-
ticuliers, savoir ; la Savoie propre, le Génevais, le
comté de Grenoble , etc.
On n'a point, ce me semble, rendu raison de cette
extension de la Sapaudia au-delà des limites de
l'Allobrogie, et pourquoi cette division empiétait sur
l'Helvétie et la Séquanaise. Cette extension, selon
' Notitia dignitatum imper, roman., sect. 65, p. 121, édit. de
Labbe, in-12, i65i, ou jj. ijg, verso, edit. Paacirol., 1608, in-fol.
'Voyez Durandi , Notizia deW nnlico Picmonte traspadano ,
pai't. 1, p. 66; et les autorités qu'il cite, dont les principales
sont la lettre lxx* d'Avitus , alors évèque de Vienne , à Sigis-
mond, dans Sirniond , Opéra varia, toni. 11, col. 3. — Muratori,
Rerum ital., tom. 1, part. 11, p. 11 5. — La Charte d'Humbert ,
évêque de Vienne, en 991 , dans Salvaing, de l'Usage des fiefs,
ch. 33, p. i^o
PARTIE III, CHAP. III. 359
nous, provient d'une division militaiie qu'on trouve,
dans la Notice de l'Empire, désignée sous le titre
de province, et nommée Gaule riveraine, pronncia
Gallia riparensis. Ce commandement, qui com-
prenait tout le pays à l'occident du Rhône ou toute
la Viennaise , concernait les flottilles stationnées
sur ce fleuve à Arles, à Marseille, sur les lacs de
Genève et d' Yverdun , sur les rivières qui en dépen-
dent ', et sur l'Isère, à Grenoble \ Lorsqu'on vou-
lait parler de la partie nord de* cette division, le mot
d'AUobrogie devenait insuffisant; le nom de Sapau-
dia, qui seul exprimait la chose que l'on voulait
désigner, dut nécessairement prévaloir.
' Notitia dignitatum imperii romani, §. 65, p. i2i, edit. Labbe,
ou p. lyg, verso, edit. Pancirol., 1608, in-folio.
* « Praefectus classis Barcariorum , Ebruduni Sapaudiae. Tribu-
« nus cohortis primae Flaviae, Sapaudiae Calaronae. » [Cularone.]
360 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
CHAPITRE IV.
Depuis l'an 369 jusqu'en 38i après J.-C.
Quatre ou cinq ans après l'époque que nous avons
fixée pour la description d'Aramien Marcellin, Sex-
tus Rufus indique quatorze provinces dans les Gau-
les , au lieu de douze que nous trouvons dans Am-
mien Marcellin. Dans ce court intervalle de temps
on avait divisé l'Aquitaine en deux provinces , en y
réunissant la cité des Bituriges^ Bourges, qui en avait
été détachée, et le district des Alpes maritimes , qui
avait été réuni à la Gaule, et avait formé une pro-
vince nouvelle. Dans son énumération, Sextus Rufus
suit un ordre inverse de celui d'Ammien ; mais on ne
doit pas oublier d'observer qu'il distingue de même
la Gaule de l'Aquitaine. Voici comme il s'exprime :
(( Il y a dans la Gaule (c'est-à-dire dans la pré-
ce fecture des Gaules) , en y comprenant l'Aquitaine,
(f et les Bretagnes , dix- huit provinces. Sunt in
« Gallîa_, cuni Aqidtania et Britanniis , deceni et
« octo provinciœ ' :
I . Alpes maritimce j
1 . Provincia Narbonensis ,
3 . Kiennensis ,
4. Aquitaniœ duce , . . . . i
5 2
• Breviarium Sexti Rufi , dans l'Eutrope de Verheyk, p. 701.
C'est la seule édition savante que je connaisse de ce petit ouvrage
très intéressant pour l'histoire et pour la géographie , qui méri-
terait d'être imprimé à part avec un ample commentaire.
PARTIE III, CHAP. IV. 361
6. Novempopulana y
7. Lugdunenses duce , . . . i
8 2
g. Alpes Graiœ ,
10. Maxima Sequanorum,
1 1 . Germaniœ duœ , i
12 2
i5. Belgicœ duœ 1
14 2 »
L'île de Bretagne ou l'Angleterre moderne est di-
visée en quatre provinces , ce qui forme le nombre
de dix-huit provinces annoncé par Rufus pour ces
deux pays réunis.
Comme il y a tout lieu de présumer que les terri-
toires des Alpes maritimes, et des deux Aquitaines,
étaient les mêmes à l'époque de leur formation
que lorsqu'on dressa, trente ans après, la Notice de
l'Empire , nous donnerons , d'après cette Notice ,
comme nous l'avons fait précédemment pour les au-
tres divisions, la liste des cités qui composaient ces
trois nouvelles provinces : ce qui en déterminera
l'étendue et les limites.
PROriNCIJ JLPIUM MJRITIMARUM.
Diocèses de
Melropolis cwitas Ebrodunensium. Embrun.
Civitas Diniensium Digne.
— Rigomagensium Chorges '.
— Sollinensium Castellane '.
— Sanitiensium Senez.
• Voyez ci-dessus, tom. i , p. 53get54o.
' V. ci-dessus, t. IL, p. io5, et D. Bouquet, Hisl. de Fr., t i, p. 84.
362 GÉOGIUPHIE AJNCIEWJNE DÉS GAULES.
Diocèses de
Civitas Glannatwa Glandève.
— Cemmelenensiuin Cimiez,
— Vintiensium Vence.
AQUITANIA PRIMA.
Metropolis civitas Biturigum. . . . Bourges.
Ci^fitas Arvernorum Clermont.
— Rutenorum Rhodez.
— AlbiensiujYi Alby.
— Cadurcorum Cahors.
— Lemovicum Limoges.
— Gabalum Anterrieux'.
~ Vellavorum St.-Paullen.
AQUITANIA SECUNDA.
Metropolis civitas Burdigalensium. Bordeaux.
Civitas Jgennensium Agen.
— Ecolismensium Angoulème.
— Santonum Saintes.
— Pictavorum Poitiers.
— Petrocoriorium. ... . . Périgueux.
On voit que par ce changement on enleva à la
Lyonnaise première toute la cité de Bourges, portion
de l'ancienne Aquitaine, qu'on lui avait annexée pour
la dédommager des peuples qu'on en avait précédem-
ment retranchés. Si donc on ôte la cité de Bourges
' Sous ce nom sont compris les diocèses de Saint-Flour et de
Mende. — Conférez ci-dessus, tom. i, p. 55o à 355, et mes Re-
cherches sur la Géographie ancienne et sur celle du moyen âge,
1822, in-4°, p. I à 45, ou Hist. et Mém. de l'Institut royal de
France, Acad. des Inscript, et Belles-Lettres, tom. v, p. 386 à ^iS.
PARTIE III, CHAP. IV. 363
(le la liste des cités que nous avons données précé-
demment à la Lyonnaise première, on aura l'étendue
et les limites de cette province pendant l'époque dont
nous traitons. L'étendue et les limites des autres pro-
vinces ont été déterminées précédemment.
En voyant encore le détail des nouveaux partages
dans les chapitres qui vont suivre, le lecteur deman-
dera peut-être quelle était la raison de ces fréquentes
subdivisions que l'on voit se succéder dans les Gaules
avec tant de rapidité, durant les derniers temps
de la chute de l'empire romain en occident. La
voici. Les empereurs se trouvant incapables de ré-
sister au torrent de Barbares qui, de tous cotés, fai-
saient des irruptions dans l'Empire , se virent forcés
de céder , ou d'abandonner plusieurs des provinces
qui en faisaient partie : pour se consoler de ces per-
tes, ils subdivisaient les provinces qui leui" restaient,
afin d'avoir l'air de régner toujours sur un même
nombre de provinces , et aussi afin de se procurer
un prétexte pour augmenter les impôts. Claudien,
dans son invective contre Eutrope, se plaint de ces
mesures désastreuses, enfantées par l'avidité, et par
un misérable orgueil. Il introduit l'Orient, qui dit :
« La cour ne s'occupe que de danses et de festins f
« elle oublie dans les jouissances de ce qui lui reste
« le souvenir de ce qu'elle a perdu. Pour que le
« trafiqueur de l'Empire mutilé n'éprouve pas de
« diminution dans ses revenus, la province qui reste
« est partagée, et supporte à elle seule le fardeau
« d'un double tribunal, et d'un double impôt. C'est
« par cet art qu'on nous rend les peuples qui ne
« sont plus sous noire dépendance! C'est ainsi que
364 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
H le nombre de nos pertes accroît le nombre de nos
« tyrans ! »
jéula choris epulisque vacai , nec perdita curant ;
Dum superest aliquid. Ne quid tamen , orbe reciso ,
Vendilor amittat , provincia quœque superstes
Dividitur, geminumque duplex passura tribunal
Cogiiur alterius pretium sarcire perempiœ :
Sic mihi restituunt populos '. hac arte reperta,
Rectorum numerum, terris pereuntibus , augent '.
C'est durant la période de temps qui fait l'objet
de ce chapitre qu'on vit naître aussi la distinction
des ciîiq provinces , et des sept provinces comme di-
visions distinctes des Gaules proprement dites. Le
plus ancien monument où il soit fait mention des
cinq provinces est le concile de Valence, de l'an 574 *•
Dans sa lettre sjnodique, ce concile s'exprime ainsi :
<( Aux bien-aimés frères évêques, établis par les Gaules
«et les cinq provinces.» L'empereur Maxime écrit
en 585, au pape Sirice, qu'il établira un synode, ou
de toutes les Gaules, ou seulement des cinq provinces ".
Une loi des empereurs Arcadius et Honorius , de
l'an 3gg , est adressée à Proclien, vicaire des cinq
provinces ^. Enfin les évéques du concile de Turin,
en 401, adressent leur lettre synodique ^ « aux évé-
« ques établis dans les Gaules et dans les cinq pro-
« vinces j » mais la Notice des Gaules, qui fut
' Claudiani, Poemata , xx , 584, tom. 1, p. 610, edit. Artaud.
" Dom Bouquet, Préface de la Collect. des hist. de France ,
tom. I, p. XVII.
' Dom Bouquet, Recueil des Hist. de France, loco citato.
^ Voyez Codex theodosian. , edit. Lugd., in-folio, i665, tom. vi,
p. 280 Ann. 3gg, — et Recueil des Hist. de France, tom. i, p. yôS.
— Voyez Symmachus, lib. iv , Ep.^ 36.
' Sirmondus, tom. i, Concil. Galliœ, p. 27. — Recueil des Hist.
de France , tom. 1, p. 774.
PARTIE III, CHAP. IV. 365
dressée peu après, divise toute la Gaule en provinces
Gallicanes et en sept provinces '. La Notice nomme
ces sept provinces ; ce sont : la Viennaise , l'Aqui-
taine première, l'Aquitaine seconde, la Novempo-
pulane , la Narbonnaise première , la Narbonnaise
seconde, et les Alpes maritimes. Or, comme nous
avons vu que du temps d'Ammien Marcellin et de
la lettre du concile de Valence , l'Aquitaine et la
Narbonnaise n'étaient pas encore divisées en deux ,
il s'ensuit que ces sept provinces n'en formaient
que cinq, et il est démontré que les sept provinces
sont les mêmes que les cinq provinces, qui avaient
été partagées. Il est évident aussi que cette dénomi-
nation des cinq provinces n'a pu avoir lieu qu'a-
près la formation de celle des Alpes maritimes ,
qui n'existait pas à l'époque où Aramien Marcellin
a écrit sa description ; et c'est sans doute parceque
cette province venait d'être créée, que Sextus Rufus
commence par elle son énumération des douze pro-
vinces de la Gaule. L'usage de désigner les Narbon-
naises, les Aquitaines , la Viennaise, la Novempo-
pulane et les Alpes maritimes, par le nom des sept
provinces, se retrouve encore dans des moimmens
postérieurs à la Notice. Ainsi le pape Zosjme re-
connaît cette division dans la lettre qu'il écrit , en
417% à tous les évêques établis dans les Gaules et
dans les sept provinces. L'empereur Honorius, dans
sa constitution de l'an 4^^? adressée à Agricola,
' Notilia provinc. Galliar., dans le Recueil des Hist. de Fiance ^
tom. I, p. 125 et i'24.
' Zosymi papae Epistola nd episcopos Gallice, apud Sirmondum,
loin. I, Concil. Gnl/iœ, tom. 1, p. 9.7.
3GG GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
piél'et des Gaules, ordonne aux sept pjoifinces de
se trouver à Arles tous les ans ' .
Cependant on a objecté que , dans la Notice des
dignités de TEmpire, que les uns rapportent au règne
de \ alentlnien III, en 4^5, d'autres à l'an 4<^4> '1 ^^''
question de l'intendant des finances et de l'intendant
particulier des cmq pi^o^^inces "" ; vavàs alors les Gotlis
s'étaient déjà rendus maîtres de deux de ces sept
provinces , savoir : la seconde Aquitaine , et la
Novempopulane ^ On avait donc raison de désigner
ce qui restait de la Gallia hraccata, par le nom des
cinq provinces, puisqu'il n'en restait en effet que
cinq.
Il est probable que lorsque la première Aquitaine
se fut soulevée et eut formé pendant quelque temps
un État indépendant, sous le nom d'Armorique ,
on substitua la Lyonnaise premièreà l'Aquitaine dans
le nombre des sept provinces; du moins Hincmar,
qui vivait sous Louis-le-Débonnaire , en parlant de
l'édit d'Honorius de l'an 4iS, nomme les sept pro-
vinces, et dans sa liste il inscrit la Lyonnaise, et ne
parle pas de la première Aquitaine. L'abbé Dubos
rapproche de ce passage d'Hlncmar l'édit d'Honorius
où cet empereur s'exprime ainsi : (c Nous voulons
(( encore que nos officiers qui administrent la justice
« dans la Novempopulane et dans la seconde Aqui-
K talne , celles des sept provinces qui sont les plus
' Sirmondus in Notis ad Sidonium, p. 245. — Rec. des Hist. de
France, 1. 1, p. 766. — Ch. Giraud, dans la Notice sur Fabrot, p. ig(i.
' Notifia dignit. imper, rom. ,§.42, p. 85 de l'édit. de Labbe,
et sect. 45, p. 87. — Recueil des Hist. de France, tom. i, p. 126
et 127, — Bôcking, Ueher die Notitia dignit. , Boun, i854, p- 121.
^ Idatii, Chronicon., an 419. — fiec. des Hist. de Fr.. t. i, p. 616.
PARTIE m, CHAP. IV. 367
« éloignées d'Arles w Or, dit l'abbé Dubos, pour
que la Not^empopulane et la seconde yéquitaine
fussent, parnii les sept provinces, les plus éloignées
d'Arles , il fallait que la première ne fût point com-
prise dans ce nombre , puisque Bourges et les
extrémités de la première Aquitaine sont plus loin
d'Arles que la seconde Aquitaine , et la Novempo-
pulane '. Ce raisonnement n'est point exact ; plus
de la moitié de toute la première Aquitaine se trou-
vait plus rapprochée d'Arles que les frontières de
la Novempopulane et de la seconde Aquitaine , les
plus proches d'Arles. Ces deux dernières provinces ,
se trouvant au-delà de la première Aquitaine par
rapport à Arles , étaient , en les prenant en masse ,
plus éloignées qu'elles de cette capitale des Gaules.
Tout porte à croire qu'en 4iS> époque de l'édit
d'Honorius, les sept provinces étaient les mêmes
qu'en 4oî > lois de la publication de la Notice de la
Gaule sous le même empereur. La première Lyon-
naise n'aura été substituée que postérieurement à la
première Aquitaine : ce qui aura trompé Hincmar ',
qui aura jugé de l'état des choses du temps d'Honorius,
par ce qui avait existé dans un temps plus rapproché
de celui où il écrivait.
L'édit d'Honorius et la Notice des dignités de
l'Empire sont les derniers monumens où il soit
fait mention des cinq provinces , et des sept pro-
vinces '. Le nom de Septimanie. attribué à une partie
■ Dubos, Etablissement de la Monarchie française dans les
Gaules, tom. i, p. 374 et 383 ; édit. in-12, 4 vol. Paris, 1742.
' Hincmar, Epist. vi, cap. 17 ; edit. Mogont., p. 5ii, et Dubos,
p. 584 et 387.
' Dubos, tom. I, p 076, dit : « On peut voir dans les Annales
368 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
de la Narbonnaise, a une origine toute difFërenle de
cette dénomination des sept provinces ' .
Cette division de la Gaule en deux portions dis-
tinctes a donné lieu encore, dansdes temps postérieurs,
à une dernière division générale, ou au moins a in-
troduit les dénominations nouvelles de Gaule cité-
rieure et de Gaule ultérieure y qui n'ont point, dans
les auteurs de ces siècles , la même signification que
dans les temps classiques. La Gaule citérieure repré-
sentait, à l'époque dont nous traitons, les cinq ou
les sept provinces, et comprenait eu général toute
la Gaule au midi de la Loire, et de cette portion du
Rhône qui coule de l'ouest, et avant sa jonction avec
la Saône; et la Gaule ultérieure était tout le reste de
la Gaule au nord de cette même portion du Rhône
et du cours de la Loire. Cependant ces dénominations
paraissent avoir eu très souvent des significations
relatives : ainsi l'auteur de la Vie de saint Éloj, et
Prosper dans sa Chronique, qui écrivaient dans le
nord de la Gaule , placent Limoges et Valence dans
la Gaule ultérieure , parce qu'en effet cette Gaule
était ultérieure par rapport à eux '.
L'usage de considérer l'Aquitaine et la INarbon-
naise comme une seule et même division, fit dispa-
raître la dénomination de très Galliœ ^ ou des trois
n ecclésiastiques du père Lecointe, tom. i , p. i6i , plusieurs pas-
« sages d'auteurs , soit du iv, soit du V siècle , qui font foi que
« la division de la Gaule en Gaule proprement dite, et en pays des
« cinq ou des sept provinces, avait lieu dans le langage ordinaire. »
JVous pourrions ajouter beaucoup au nombre de ces passages.
' D'Anville, Notice, p. "iô.
' Voyez Recueil des Hist. de France, tom. i, p. 63g. — Valois et
Dubos n'ont point fait attention à ces circonstances. Vovez Dubos,
tom. I, p. 464 — Valesii, p. Soi.
PARTIE III, CHAH. IV. ;3G<)
Gaules, qui désignait l'Aquitaine, la Lyonnaise et la
Belgique d'Auguste. On conçoit aussi que, depuis la
réunion des sept proi^inces sous une seule et même
division, on dut, dans les descriptions géographi-
ques , s'occuper séparément de ces deux portions
distinctes des Gaules, et la description de la Narbon-
naise d'Auguste dut se trouver toujours à côté de celle
de l'Aquitaine. On a peine à croire que, d'après un
rapprochement si simple et si naturel , les sa\ans
auteurs de l'Histoire générale du Languedoc se soient
imaginé que, sous le nom d'Aquitaine, Ammien Mor-
cellin, Rufus et d'autres anciens, aient désigné non
seulement l'Aquitaine, mais encore toute la Nar-
bonnaise, et que ce sentiment ait été adopté par
dom Bouquet dans sa savante Préface du Recueil des
Historiens de France. Malgré des autorités aussi
imposantes, cette opinion est du nombre de celles
qui n'ont pas besoin d'être réfutées, parce qu'elle
ne repose sur aucune base, et qu'elle est contredite
par les textes mêmes des auteurs sur lesquels on a
cherché à l'appujer, et que nous avons rapportés.
Comme au temps de César, à l'époque d'Ammien
Marcellin, l'ancienne Province romaine, c'est-à-dire
la Narbonnaise et la Viennaise , était considérée
comme un pays distinct de la Gaule proprement dite,
qui commençait à Lyon. A partir de cette ville, on
évaluait les distances en lieues gauloises, et on ces-
sait de les compter en milles romains '.
■ Amm. Marcell., lib. xv, c. ii, p. 2o5; — Tab. Peut., seg. 2, A.
Jl n'y a rien dans le texte d'Ammien Marcellin qui ait trait à une
seconde Narbonnaise, comme le prétend M. Durandi [Antico stato -
d'Italia, p. 201), qui cite, pour appuyer son opinion, un texte d'Am-
mien Marcellin tout différent de celui qu'on trouve dans cet auteur.
11. 24
370 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
CHAPITRE V.
Depuis l'an 38o jusqu'en 4oi'
Le concile d'Aquilée , en 58 r , fait mention de
deux Narbonnaises ; et comme Sextus Rufus, dans
son énumération , n'en indique qu'une , il s'ensuit
que , dans les dix années qui se sont écoulées entre
l'époque où a écrit Sextus Rufus et celle du concile
d'Aquilée, la Viennaise fut divisée en deux, de
même que l'avait été l'Aquitaine , et on donna le
le nom de Narbonnaise seconde à la province nou-
vellement formée '.
Il est probable que cette nouvelle subdivision fut
faite par Gratien , qui se rendit en Syg dans les
Gaules, pour y régler l'administration'.
D'après la Notice de l'Empire, les cités ou dio-
cèses qui furent attribuées à chacune des provinces
nouvellement créées sont ainsi qu'il suit :
PROVINCI J NARBONENSIS SECUNDA.
Diocèses d«
Metropolis cii^ît. Aquensium . . . Aix.
— Aptensium. . . . Apt.
— Reiensium. . . . Riez.
— Foro Juliensiuni. Fréjus.
— Segesteriorum. . Sisteron.
— Antipolitana, . . Antibes.
' D. Bouquet, Recueil des Hist. de France, Praefat., p. i6.
' Zosym., lib. iv, c. 24 1 P- ^22, edit. Reiteniayer, 1784, in-S". —
Codex Theod., tom. iv, p. 5ii, tom. v, p. ^5. — Socrates, Hist.
ecclesiast., lib. v, c. 6. — ^D. Bouquet, Recueil des Hist. de France,
tom. I, p. 582, 604.
PARTIE HT, CHAP. V .Vl
L'c\échë d'Antibes n'a été transféré à Grasse qu'en
ia44 '.
PKOVmCJA FIENNENSIS.
Diocèse» de
Metropolis cw. f'^ienniensiam. . . Vienne.
Civitas Genavensium. . . . Genève.
— Gratianopoliiana. . Grenoble.
— Âlbensium AIps , près de
Viviers.
— Deensium Die.
Valence.
Aoste en Diais.
Vaizon.
Orange.
Avignon .
Arles.
Valentinorum .
Tricastinorum .
T asiensium . .
Arausicorum .
Avennicorum .
Arelatensium. .
— Massiliensium. . . Marseille.
On devine facilement pourquoi cette nouvelle
province démembrée de la Viennoise ne fut pas nom-
mée Viennaise, mais Narbonnaise seconde. Ces trois
provinces réunies composaient primitivement, après
la division d'Auguste , la province Narbonnaise ;
et lorsque cette grande province eut été , par suite
de temps, divisée en trois autres, il parut sans doute
convenable de ne pas restreindre ce nom de Nar-
bonnaise à une seule des trois portions qu'elle ren-
fermait , tandis que le nom de Viennaise en aurait
rempli la plus grande partie.
' Gallia christ., tom. m, p. i loi.
372 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Ainsi, en58i, la Gaule se trouvait partagée en
quinze provinces , dont nous avons fait connaître
remplacement, l'étendue et les limites.
Nous touchons enfin à la dernière division qui eut
lieu, ainsi que nous allons le voir, par la subdivision
des deux Lyonnaises, ou par la formation de la troi-
sième et de la quatrième Lyonnaise : ce qui porta
à dix-sept le nombre des provinces de la Gaule.
PARTIE in, CHAP. VI. 373
CHAPITRE VI.
Depuis l'aa ^o\ jusqu'en 420.
Dorant cette dernière époque, l'empire romain»
qui avait plus que jamais besoin d'union , de pru-
dence et de courage, pour repousser les Barbares
qui se précipitaient sur lui de toutes parts, ne pré-
sente plus que le tableau hideux des dissensions et des
guerres civiles; et ses chefs, également coupables,
se montrent également méprisables. Mais cependant
la tyrannie de Maxime, l'insolence d'Arbogaste , les
misérables querelles des priscillianistes, ne furent
point aussi fatales aux Gaules que la perfidie et
l'horrible trahison de Stilicon,qui, en 4^6, dépouilla
le Rhin des troupes qui y étaient stationnées, pour
donner un libre cours aux ennemis qui assiégaient
cette frontière. liC dernier décembre de l'année 406
fut le jour fatal ou les Barbares franchirent le Rhin,
qu'ils ne repassèrent plus '. Saint Jérôme, dans
l'épitrcQi, adressée à Ageruchia, qui est de l'an 4o9>
décrit dans les termes suivans les résultats de la
mesure de Stilicon et les calamités que les Gaules
éprouvaient alors : u Des nations innombrables se
'( sont répandues dans toutes les Gaules; les Quades,
« les Vandales , les Sarmates, les Alains, les Gé-
K pides , les Hérules, les Saxons , les Bourguignons,
' Pi'osper, Fasti nd annum , 4o6. — Recueil des Hist. de. France,
tom. 1, p. 586, 598 , 6-27, 65^ et fiSy — Salvianiis, de Guhernatione
Dei, lil). vil, p. u65; «'•dit. de Riitcr.— Srh.epflin , Ahntin ilhistratai
tom. I, p. 4^5.
374 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
« les Allemands, les Pannonlens , ont ravagé tout
(( le pays renfermé entre les Alpes et les Pyrénées ,
« l'Océan et le Rhin. 0 déplorable république!
« Mayence, cette cité jadis illustre, a été prise et
(( ruinée ; plusieurs milliers d'hommes ont été mas-
(( sacrés dans son église. Worms a été détruite après
(( un long siège. Les habitans de la puissante ville
« de Reims, ceux d'Amiens, d'Arras, de Térouenne,
« de Tournay , de Spire , de Strasbourg , ont été
(( transportés en Germanie. Les Aquitaines , la No-
(( vempopulane, les provinces Lyonnaises et Nar-
(( bonnaises ont été universellement ravagées , et le
(( petit nombre de villes que leurs remparts ont
« protégées contre le fer destructeur, ont été dépeu-
u plées par la famine. Je ne puis faire mention de
« Toulouse sans répandre des larmes ! ' »
L'année où saint Jérôme écrivait ceci , c'est-à-
dire vers la jQn de l'an 4^9 ou le commencement de
l'an 4^0, l'usurpateur Constantin, qui s'était fait
déclarer empereur, ayant fait passer en Espagne les
troupes qui étaient destinées à garder les Gaules ,
les habitans de la Grande-Bretagne , une des trois
portions du diocèse des Gaules, osèrent se soustraire
à l'obéissance de l'Empire et chasser ses officiers.
« L'exemple des Bretons insulaires, dit Zosyme,
(( fut suivi par les peuples du commandement Ar-
(( morique et par ceux de quelques autres pi'ovinces
« de la Gaule , qui chassèrent les officiers de l'em-
' Hieronym. , Epist. gi, ad Ageruchiam , p. 748, edit. Par. ou
Epist. 123, tom. I, p. 908. — Zosym., Hisi., lib. v et vi, et Gré-
goire de Tours, lib. n, cap. g. — Recueil des Hist. de France ,
tom. 1, p. 4i6, 586, 598, 627, 607, 777, 782. — Salvian. , lib. vu,
cap. 12.
PARTIE III, GHAP. VI. 375
« pereur, se mirent en liberté, puis établirent dans
« leur patrie une forme de gouvernement répu-
u blicain. »
Les noms des provinces romaines disparurent
pour faire place à ceux de Neustriaj à'Âustria de
Burgiindia, de Gothia ou de Septimania, et de Vas-
conia : la majeure partie de X Jquitaniay non l'an-
tique et primitive Aquitania, mais celle d'Auguste ,
conserva seule son ancienne dénomination. Enfin,
lors de l'entière conquête de Clovis et de la conso-
lidation de la monarchie des Francs , cette vaste
contrée comprise entre les Pyrénées, les Alpes, le
Rhin et l'Océan , perdit son ancien nom de Gaule
pour prendre celui de Francia '; mais, ainsi que je
l'ai déjà observé, les anciennes dénominations et
les anciennes limites des provinces subsistèrent dans
la hiérarchie ecclésiastique , parce que les juridic-
tions dont elles étaient composées furent respectées
par les vainqueurs.
C'est sans doute à cette circonstance que nous
sommes redevables de la conservation du précieux
monument géographique, qui nous donne la division
des provinces des Gaules dans le plus grand détail
à l'époque de l'invasion des Barbares et de la chute de
■ Mais avant que ce nom se iùt étendu sur tout ce vaste territoire,
celui de Gaule subsista encore quelque temps pour désigner toutes
les parties de l'ancienne Gaule qui n'avaient point été occupées par
les Francs, lors de la première invasion. La Francia contenait la
Neustria et VAustria, au nord de la Loire; et la Gallia renfermait
ÏÂquitania , la Burgiindia , la Provincia et la Septimania. Valois
( Notitia Galliar. , p. 5o5} apporte de ceci des preqves nombreuses,
et d'Anville a eu tort de ne pas consigner cette distinction curieuse
dans sa Carte d'une partie de l'Europe dans le moyen âge : elle est
très utile pour bien comprendre une foule de monumeiis historiques.
376 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
la puissance romaine dans l'occident : je veux parler
de la Notice des provinces et des peuples ou cités de
la Gaule, Notitia provinciarum et cwitatum Galliœ.
Celte Notice parait avoir été dressée avant l'an
4oi ou 4o2 , époque du synode de Turin, où nous
voyons qu'Arles commençait déjà h disputer la su-
prématie sur Vienne : elle est antérieure à l'époque
où Honorius transféra à Arles le siège de la préfec-
ture des Gaules, qui auparavant était à Trêves ;
puisque nous apprenons que Vienne est , dans cette
Notice , la métropole de la Viennaise, et non Arles ;
elle est surtout antérieure à la loi d'Honorius, de l'an
418, qui ordonne aux sept proKnnces de s'assembler
désormais à Arles tous les ans.
Dans les monumens historiques postérieurs à
cetle Notice, on dit le plus souvent les dix-sept
provinces sans y ajouter le nom de Gaules, parce
que dans le reste de l'empire romain il n'y avait
aucun autre diocèse ou vicariat qui contînt le même
nombre de provinces.
D'après ce que nous avons dit précédemment, il
suffira de transcrire cette Notice pour établir l'em-
placement , l'étendue et les limites , des diverses
provinces dont se compose cette dernière division
des Gaules.
On n'oubliera pas d'observer que cette Notice
subdivise toute la Gaule en deux grandes portions :
1°. les provinces Gallicanes, qui étaient au nombre
de dix, et o^ . les sept provinces ; ce qui est conforme
à ce que nous avons vu établi dans les actes, et les
monumens historiques, qui précèdent immédiate-
ment l'époque de la Notice.
PARTIE 111, CflAP. \I. 377
NOTITIA
PROVINCIARUM ET CIFITATUM GALLl^E \
I.
IN PROFINCUS GâLLICaNIS QUM CIVITJTES SINT.
Pioviiicia Lugdunensis prima. — N* III.
Diocèses dp
Metropolis clvitas Lugdunensium . Lyon
— jEduorum. . . Autun.
— Lingoîuim. . . Lan grès.
Castrimi Cabilonense . . Châloiis.
— Matisconense. . Mâcoii.
Nous voyons dès le début de cette Notice que la
division de la Gaule par diocèses, quoique basée en
partie sur la division des Gaules en différens peuples,
lit cependant disparaître cette dernière : ainsi les
' Cette Notice se trouve dans un grand nombre d'écrits : dans
Gronovius , f^aria geographica : Lugd. , in-8", p. ^o. — Valesii
Notitin, Praefatio, p. xxvi. — J. Sirmondi, Concilia gniliœ , tom. i.
— Gallia christiana , tom. i. — Recueil des Hist. de France, tom. i,
p. 122, et tom. II, p. I à 10 — Dans le Geographiœ cspiscopalis
Breviarium, de Labbe, in-i8; Parisiis, i66i , p. 379. L'auteur, à la
fin, p. 584, promet une édition de cette Notice par ordre alpha-
bétique, collationnée sur plus de vingt manuscrits : ce travail a-t-il
paru? On trouve encore cette Notice dans Dubos, Hist. critique de
l établissement de la Monarchie française dans la Gaule , tom. i ,
p. 70. — La dernière et la meilleure édition ( sauf une omission gr.«ive;
a été donnée dans VJissai sur le système des divisions territoriales
de la Gaule, depuis rage romain jusqu'à la fin de la dynastie
carlovingienne; i852, in-S" , p. 12 à 54; elle offre la collation et
les variantes de près de trente manuscrits.
378 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULÉS.
j^dui y représentés par civitas yEdiiorum ou le
diocèse d'Autun , ne nous offrent plus qu'une por-
tion du territoire occupé par les anciens jEdui ; et
la Notice commence même par une division nou-
velle, qui ne correspond précisément à aucun peuple,
Cwitas Lugdunensium : la capitale de ce diocèse,
Lugdunum y ayant le titre de métropole de cette
première division des Gaules , peut aussi être con-
sidérée non seulement comme le chef-lieu de la
province et du diocèse particulier où elle se trouve,
mais encore des dix provinces Gallicanes , comme
Arles le devint des sept provinces et de toute la
Gaule. Cwitas Lugdunum renferme les Segusiani
et les Amharri , et son étendue et ses limites sont
les mêmes que celles de l'ancien diocèse de Lyon,
Il resuite encore de ceci que la Carte de la Gaule
ancienne de d'Anville , si estimable sous tant de
rapports, est défectueuse dans son plan fondamental,
puisqu'elle représente la Gaule divisée en dix-sept
provinces, et que les subdivisions ne sont pas par
diocèses mais par peuples : elle ne se rapporte donc
exactement à aucune époque, ni à celle de la Notice,
ni aux époques antérieures. Une carte de la Gaule à
l'époque dont nous traitons doit être une France ec-
clésiastique , telle qu'elle était avant la révolution ,
dégagée de tous les changemensqui ont eu lieu posté-
rieurement à l'an 402. Ces changemens étaient tou-
jours insérés dans cette Notice , ce qui en a produit
un grand nombre de copies interpolées, dont on n'a
publié qu'un trop petit nombre. — Il eût fallu en
effet les publier toutes, les rapprocher, les comparer,
les ranger dans l'ordre chronologique ;, et on en eût
PARTIE III, CKAP. VI. 379
tiré d'excellens éclaircissemeiis pour l'histoire par-
ticulière de chaque diocèse. On s'est toujours con-
tenté de reproduire cette Notice telle qu'elle avait
été donnée par le père Sirmond , parce qu'on re-
garde cette copie comme la plus ancienne et comme
exempte d'interpolation. — Je n'en crois rien, et
je trouve dès le début des preuves assez évidentes
que cette copie de la Notice est déjà postérieure au
siècle d'Honorius. Tous les manuscrits portent le
nombre des cités ou diocèses de la Lyonnaise pre-
mière à trois, numéro très, et on ne tiouve dans
la liste que trois lieux qui portent le titre de civitas;
mais nous y voyons le nombre des diocèses porté
à cinq par l'addition du castrum Cabilonense et
du castrum Matisconense : ce qui prouve que l'érec-
tion de ces deux derniers diocèses est postérieure à
la Notice , et qu'ils y ont été ajoutés. En effet le
commencement de l'histoire du diocèse de Mâcon
ne remonte pas au-delà du vi'' siècle , et celle de
celui de Châlons au-delà de la fin du v* '. Nous ne
possédons donc pas encore une Notice des provinces
de la Gaule telle qu'elle fut dressée du temps d'Ho-
norius.
J'observerai déplus que lorsque les Bourguignons,
d'origine germanique, se furent emparés de cette
province , avant de perdre son nom antique et
d'être confondue avec d'autres provinces voisines,
elle conserva le nom de Lyonnaise germanienne
' Voyez Gallia chrisiiana , tom. iv, p. 861 et tooq. — 11 ne faut
pas beaucoup de critique pour apercevoir qu'on n'aurait jamais dû
inscrire Donatianus au nombre des évêques de Châlons, et que la
liste des évêques de ce diocèse ne peut commencer qu'à Paul II ,
en ^"jO.
380 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Lugdunensis Ge/mania : c'est ainsi que l'appelle
dans ses lettres Sidoine Apollinaire '.
Frovincia Lugdunensis secunda. — N° VIT.
Diocèses de
Metropolis cwitas Rotomagensium. . Rouen.
— Bajocassiuni. . . . Bayeux.
— Abrincatam. . . . Avranches.
— Ebroïcorum. . . . Evreux.
— Sagiorum Séez.
— Lexo^iorum. . . . Lisieux.
— Constantia. . . . Coutances.
L'emplacement et les limites de tous les diocèses
et districts dont les capitales sont ici désignées ont
été précédemment déterminés; et toutes se trou-
vent nommées dans des monumens historiques anté-
rieurs à la Notice , à la réserve de cwitas Sagiorum ,
qui pourtant paraît devoir être rapportée aux Se-
suvii de César \ La liste des évéques de ce diocèse
ne commence à avoir de date certaine que vers le
commencement du vi" siècle. On croit qu'ils rési-
dèrent d'abord à Oximus y Exme % ville très an-
cienne , et qui paraît avoir existé du temps des Ro-
mains , puisqu'une voie romaine dont on suit les
vestiges depuis Bayeux la traversait. L'étendue et
les limites de civitas Sagiorum se trouvent donc
exactement déterminées par celles du diocèse de
Séez, tel qu'il existait avant la révolution '*. — Ar-
' Sidonius ApoUinaris, lib. v, Epist. 'j ( cette lettre est de l'an 427)-
'^ Voyez ci-dessus, tom. 1, p. 5gi.
^ Gnllin christiana , tom. 11, p. 675.
" Le Diocèse de Séez, divisé en ses cinq archidiaconés , levé exac-
tement sur les lieux par Fr. L. de La Salle , dédié à monseigneur
Barnabe Turgot, évèque de Séez; 171S. — Hadriani Valesii No-
lilid Gallinrum . p. 4'-
PARTIE III, CHAP. VI. 381
geiitan, oii l'on croit devoir placer \ Arœgeiiuœ de
la Table , et qui par-là semblerait avoir des titres
pour être considérée comme l'ancien chef-lieu de ce
diocèse , est nommé Jrgencias dans les plus anciens
monumens, et fut détruite presque entièrement dans
le XI" siècle ' .
La Notice est aussi le premier monument histori-
que qui fasse mention de Constantia , et rien ne
prouve que cette ville soit de beaucoup antérieure à
cette époque. Ptolémée mentionne, chez les Unelli ,
le port de Crotiatonum , et les mesures de la Table
portent au port d'Audouville cette même ville ,
qu'elle mentionne avec un peu d'altération dans le
nom. La Table indique bien aussi, dans le Coten-
tin, une capitale sous le nom de Cosedia ; mais
les mesures qu'elle fournit, d'accord avec celles de
l'Itinéraire, portent la position de ce lieu dans un
endroit obscur nommé La Cousinière , ou à Pont-
Tardif *, assez loin au nord de Coulances ou Con-
stantia. Cette dernière ville n'est mentionnée ni
dans les Itinéraires ni dans la Table, et ne saurait
être la même que Cosedia ou Crotiatonum. On doit
encore moins la confondi^e avec les castra Constan-
tia, qu'Ammien Marcellin nous indique avoir été
situés à l'embouchure de la Seine. La célébrité de
Constantia^ Coutances, a fait disparaître le nom des
Unelli ou Veneli, et ceux de lem-s deux capitales pri-
mitives. Toute cette portion de la première Lyon-
naise a pris dans le moyen âge le nom de pagws
' Recueil des Hist. de France, loin, x, p. OB'] , et le Dicl. ge'ogr.,
tom. m de cet ouvrage.
' Voyez tom. i, p. 585.
382 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Constantinus y et chez les modernes, de Cotentin : le
cwitas Constantia et les Unelli y se trouvent repré-
sentés par le diocèse de Coutances.
Comme la Notice ne fait pas mention des f^idu-
casses de Pline , il est évident que celte cité ne for-
mait pas un diocèse particulier et se trouvait ren-
fermée dans les limites du diocèse de Bayeux , cmtas
Bajocassium .
La Notice est aussi le premier monument qui fasse
mention de civitas Lexoviorum comme ville. L'ana-
lyse des mesures de Ptolémée nous a prouvé que
le port des Lexoviiy le Nœomagus Lexoviorum,
était situé à Néville ', près de Conteville, dans l'es-
tuaire que forme l'embouchure de la Seine. Ainsi le
diocèse de Lisieux nous représente bien l'étendue et
les limites de cwitas Lexoviorum de la Notice, mais
non pas celles des Lexovii , beaucoup plus étendues :
nous avons fixé précédemment ces dernières.
Provincia Lugdunensis tertia. — N° IX.
Diocèses de
Metropolis cwitas Turonum. . . Tours.
Cwitas Cenomannorum. . . Le Mans.
— Redonum Rennes.
— Andicavorum .... Angers.
— JSamnetum Nantes.
— Coriosopitum.. . . . Cornouailles.
— Venetum Vannes.
— Osismorum Saint-Pol-de-Léon.
— Diablintum Jubleins.
Les Coriosopiti ou Corisopiti sont ici mentionnés
pour la première fois. Dans le procès que Nominoé,
' Voyez ci-dessus, tom. i. p. Sgy.
PARTIE III, CHAP. YI. 383
qui, vers le milieu du ix'' siècle, prit le titre de
roi , fit aux évêques de cette province, l'évéché de
Cornouailles est appelé Corisopitensis ; et dans des
lettres datées de 1166, l'évêque de Quimper s'inti-
tule : « Corisopitensis ecclesiœ humilis minister ' . » Il
n'y a donc aucun doute que le diocèse de Quimper
ne nous représente le Corisopitum de la Notice ;
mais plus anciennement ce mot de Cornu Gallice, ou
Cornuailles % comprenait tout le pays des Osismii,
ou toute l'extrémité de la Bretagne. Nous avons
\u que la capitale des Osismii ^ J^organium , était
située sur la côte méridionale , où est actuellement
Concarneau : il en résulte que le diocèse ou le district
des Corisopiti a été formé dans les derniers temps
de la puissance romaine dans les Gaules , et que
le civitas Osismorum de la Notice ne leprésente
plus qu'une partie des anciens Osismii. Les diocèses
de cette partie de la Gaule étant de création récente,
on ne peut savoir quel est le lieu moderne qui nous
représente civitas Osismiorum de la Notice dans son
acception de capitale, et non de diocèse. Il est pro-
bable que c'est Saint-Pol-de-Léon_, qui devint d'assez
bonne heure le siège d'un évêché, et près duquel les
mesures de Ptolémée placent le Staliocanus portus ,
le seul port que Ptolémée mentionne chez les Osismii.
Provincia Lugdunensis , [sive] Senonia. — N° VIT.
Diocèses de
Metropolis civitas Senonum, Sens.
— Carnotum Chartres.
— Autissiodurum. . . Auxerre.
* Voyez les Hisl. de Bretagne de D. Lobineau et de D. Morice.
* Lib. Il, de Miraculis sancti Pétri Benedicti, dans le Recueil des
Hist. de France, et le Dictionn. ge'o^r., toni. m de cet ouvrage.
384 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Cwitas Tricassium. . . . Trojes.
— Aiirelianorum. . . Orléans.
— Parisiorum. . . . Paris.
— Meldoruni Meaux.
La Notice des provinces de la Gaule est le premier
monument historique qui fasse mention des Aure-
liani comme d'un district séparé des Carnuti ; mais
ce nom à'Aureliani, appliqué à l'antique \ille de
Genabiun y semble prouver que cette séparation eut
lieu sous le règne de l'empereur Aurélien : ainsi
civitas Carnotum ne représente plus qu'une portion
de l'ancien territoire des Garni , et se réduit au
diocèse moderne de Chartres. L'autre portion , à
l'époque dont nous traitons , doit être attribuée aux
Aureliani. Les autres cités ou diocèses de cette pro-
vince sont composées du territoire des peuples dont
ils portent le nom , et dont nous avons précédem-
ment déterminé l'emplacement, l'étendue et les li-
mites. Dans quelques copies de la Notice, au nom
de cette province est ajouté le nom de Senonia^ et
ce nom, plus court, et par conséquent plus com-
mode, prévalut, ainsi que nous le voyons dans Si-
doine Apollinaire ' ; et l'on a omis par cette raison
le nom de quarta^ ou quatrième , qui appartient à
cette Lyonnaise.
Pi'ovincia Belgica prima. — N" IV.
Diocèses de
Metropolis cint. Treveroram Trêves.
Cwitas Mediomatricorum, Mettis. Metz.
— Leucoriim , Tullo Toul.
— y erodunensium Verdun.
' Sidonius ApoUiuaris, Epistol., lib. vi, episi;. 5. — Recueil des
JJist. de France., toni. i, p. 797.
PARTIE III, CHAP. VI. 385
L'emplacement, l'étendue, les limites de ces dif-
férentes cités , sont les mêmes que ceux des peuples
dont ils ont reçu le nom, et qui ont déjà été déter-
minés précédemment.
Belgica secunda. — N" XII.
Diocèses de
Metropolis civit. Remorum Reims.
— Suessionum. . . . Soissons.
— Catellaunorum. . Châlons - sur -
Marne.
— f^eiomanduorum . Saint-Quentin.
— Atrabatum An-as.
— Camaracensium.. Cambra j.
— Turnacensium. , . Tournay.
— Sylvanectum . . . Senlis.
— Bellovacorum, . . Beauvais.
— Amhianensium. . Amiens.
— Moriniun Térouenne.
— Bononiensum. . . Boulogne.
Gesoriacum ou Boulogne, étant un lieu de passage
pour Albion ou l'île de Bretagne, formait un district
très peuplé et très fréquenté, ainsi que le prouvent les
voies romaines qui y aboutissent : on en forma donc
un diocèse séparé , que l'on détacha du territoire
des Morini. Le territoire particulier de Teruanna y
Térouenne , forma alors un diocèse particulier ,
très restreint à cause de la vaste étendue des Mena-
pii ou du diocèse de Tournay. Une Notice de la
Gaule qui paraît interpolée porte cwitas Morinum,
Tarawanna Poiitium '; mais si cette Notice était
' Voyez Recueil des Hist. de France, tom. ii, p. 2, et Guérard,
Essai, p. 19.
II. 35
386 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
exacte , le territoire des Morini aurait empiété sur
celui des Ambiant . Une autre copie confirme celle-
ci et porte cwitas Morinorum, id est Ponlicum ' :
aussi Valois prétend-il , avec quelque raison , que ce
Ponticum n'est pas le Pontes de la Table, capitale
du Ponthieu. J'ai prouvé précédemment que la cité
de Tournay, dans la Notice, représentait tout le
terrritoire des Menapii i^itués à l'ouest de l'Escaut,
et selon les limites établies sous Auguste, après la
transplantation des nations germaniques sur le terri-
toire des Menapii qui occupaient une portion du
pays à l'est de ce fleuve. Ainsi la cité de Tournay
renfermait non seulement le diocèse de Tournay ,
mais encore celui de Bruges, de Gand et d'Ypres,
et toute la contrée située entre l'Escaut, l'Océan,
les diocèses de Térouenne et d'Arras , et l'ancien
diocèse de Cambray. Comme c'est dans la cité de
Tournay que la monarchie des Francs a pris nais-
sance , et qu'aucun auteur moderne n'a su discerner
les limites de cette cité ni l'origine de sa formation ,
il en est résulté que nos premiers annalistes ont été
mal compris , et que par conséquent les commen-
cemens de notre histoire ont été mal exposés.
Après la première invasion de Clodion, les di-
verses tribus des Francs se partagèrent les cités qu'ils
avaient conquises , et chaque cité fat gouvernée par
un chef ou un roi particulier. Ainsi , du temps de
Clovis, il y avait un roi franc à Boulogne, un autre
roi franc, nommé Cararic % régnait à Térouenne.
' Rec. des Hist. de France, t. n, p. a, g et lo, etGuérard, p. 19.
' Voyez Gregorius Turon,, Hist., lib. 11, c. 4i- — L'abbé Dubos,
tom. m, p. 23.
PARTIE III, CHAP. VI. 387
Les Morini, malgré leur peu d'étendue , partagés du
temps de la Notice en deux cités, formèrent donc
deux petits royaumes francs. A la même époque,
Ragnacaire, autre roi franc, régnait à Cambray, c'est-
à-dire qu'il était roi des Nervii. Enfm Clovis, et
avant lui Chilpéric, possesseur de Tournay, com-
mandaient aux Menapii : son royaume était donc le
plus "vaste , quoique peut-être il ne fût pas le plus
peuplé. Coupé par des marais, protégé par la mer
et par l'Escaut, ce pays offrait à ses habitans le plus
de facilités pour la défense et pour l'attaque. D'ail-
leurs les rois Francs et leurs adhérens, fixés dans
les villes riches et populeuses des Newii et des
Morini, se laissèrent plus facilement corrompre par
le luxe et la mollesse des Gaulois romains, ce que
n'éprouvèrent point ceux auxquels l'âpre et déserte
Ménapie était tombée en partage. Voilà ce qui rendit
si facile à Clovis la conquête des petits royaumes qui
entouraient le sien '. La conquête de la plus grande
partie des Gaules par le roi des Francs de la Ména-
pie dut nécessairement rendre riche et florissante
cette contrée, désormais à l'abri de toute invasion,
puisqu'elle était la patrie des plus forts et des plus
puissans : elle dut donc devenir plus riche et plus
florissante; aussi la voyons-nous, dès les premiers
temps de l'histoire des Francs, se couvrir d'habita-
tions et de villes qui n'existaient pas du temps des
Romains; tandis que les contrées de l'intérieur,
autrefois si riches et si populeuses, pillées et dévas-
tées, se dépeuplèrent.
' Voyez dans Grégoire de Tours, lib. ii , cap. !\i,\^ peinture
qu'il fait des vices de Ragnacaire et de ses sujets francs.
388 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Provincia Germania prima. — N» lY.
Diocèses <1«
Metropolis civitas Mogunciacensium. . Mayence.
— Argentoratensium. . Strasbourg.
— Nemetum Spire.
— T^angionum .... Worms.
J'ai déjà déterminé l'étendue et les limites de cette
province, formée par la transplantation des peuples
Germaniques , aux dépens du territoire des Treviri
et des Mediomatriclj et d'abord nommée Germanie
supérieure. Cette province ne contenait que les
portions, situées à l'ouest du Rhin, des différens
diocèses ici désignés. Les positions des chefs-lieux
sont, ainsi que nous l'avons observé, déterminées
par les mesures. Plusieurs anciennes copies de la
Notice portent civitas Nemetum, Spira; et Wan-
gionumj JVarmatia \
Provincia Germania secunda. — N" II.
Diocèses de
Metropolis civitas jdgrippinensium. . Cologne.
— Tungrorum .... Tongres.
Les diocèses qui ont été créés dans la Germanie
seconde étant la plupart postérieurs à la domination
romaine , il est impossible de déterminer, avec exac-
titude, les limites respectives des deux diocèses pri-
mitifs qui se partageaient la Germanie seconde. C'est
donc par exclusion, et en déterminant les lieux qui
appartenaient aux provinces environnantes, que l'on
parvient à tracer avec certitude l'étendue et les limites
' Voyez les anciennes Notices des Gaules dans le Recueil des His-
toriens de France, tom. ii, p. 2, B, et p. 5, G, p. 9, G, et p. 10, C :
et Guérard, Essai, p. 20.
PARTIE III, CHAP. VI. 389
de la Germanie seconde. Après avoir tracé les limites
de la Belgique première et seconde, tout ce qui reste
de la Gaule, au nord, appartient nécessairement à
la Germanie seconde. Comme nous Aojons que les
provinces frontières sont les plus resserrées, parce
qu'elles n'étaient occupées que par des colonies mili-
taires, il est à présumer que civitas Agrippinensium
avait les mêmes limites que le diocèse de Cologne du
côté de la Gaule. A la vérité le diocèse de Tongres se
trouvera avoir une étendue considérable , mais on a
des preuves de cette grande extension de territoire.
Saint Rémi se plaint dans une lettre que l'évéque
de Tongres, en voulant étendre sa juridiction sur
Mouson, entreprend sur les limites du territoire de
Reims. Le siège du diocèse de Tongres a été trans-
féré à Maestricht et ensuite à Liège, et les six évêchés
placés sous la juridiction de ce dernier sont d'une
création récente , et ont été institués par le pape
Paul IV en i S5ç^ ' .
Provincia Maxima Sequanorum. — W" IV.
Diocèses do
Metropoliscwit.Vesontiensium Besançon.
— EquestriuTrijNoiodunus. Nyon.
— Ehitiorum, Aventicus. . Avenche.
— Basiliensum Bâle.
Castrum Vindonissense Windisch.
— Ebrodunense Iverdun.
— Rauracense Augst.
Portus Ahucini Port-sur-
Sâone.
' Conférez Valesii Notitia, et le GalUa christiana, tom. v, p. i23,
iSg, 246, 507, et Hennequin., Diss. Inaug. de origine et natura prin-
cipatus urbis Trajecti ad Mosain: Lovan., 1829, jn-8°, p. 48, 70.
390 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Les jéllemani ayant passé le Rhin, les Alpes graies
et pennines , qui jamais n'avaient été considérées
comme province frontière , cédèrejit à la Grande-
Séquanaise, qui était organisée pour la défense de
l'Empire, Aventicmn , Avenche, et tout ce qui était
en avant des Alpes. La province des Alpes graies et
pennines se trouva restreinte au Valais, à la Taran-
taise et à la Maurienne, et toute l'Helvétie se trouTa
jointe à la Séquanie.
La liste des lieux de cette province confirme d'une
manière bien évidente l'observation que j'ai faite
précédemment, que la copie de la Notice la plus
ancienne, et la plus exacte qui nous reste, n'était pas
exempte d'interpolation. Elle n'annonce, dans le
titre de la province des Séquaniens, que quatre cités
ou diocèses; et en effet, dans les lieux mentionnés,
il n'y a que les quatre premiers qui méritent ce nom.
Les quatres derniers n'ont que le titre de castrum
et de portas y et ont évidemment été ajoutés posté-
rieurement. La preuve qu'ils n'ont jamais formé des
diocèses particuliers , c'est que castrum Rauracense
figure ici avec cwitas Basiliensum qui l'avait rem-
placé, et qui se trouvait tout auprès.
A la réserve de portas Ahucini que l'on place à
Por.t-sur-Sâone ', d'après des autorités historiques,
les positions de tous les autres lieux sont déterminées
par les mesures des Itinéraires \
Du côté de la Rhœtie, un lieu nommé Fines dans
l'Itinéraire, que les mesures portent à Pfin, détermi-
nent avec d'autant plus de certitude les limites de l'Hel-
' Voyez ci-dessus, tom. i, p. 3'ii.
^ Voyez ryrf«<T(r.vr des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage.
PARTIE III, CHAP. VI. m
Tctie, vers l'orient, que dans la Notice des dignités
de l'Empire, nous voyons qu.^rbor Félix dépendait
de la Rlieetie et non de l'Helvétie ^ puisqu'il se trou-
vait, selon les expressions de cette Notice, u sub
« disposilione viri spectabilis Rhœtiœ primœ et
it s€cundœ% » et que Pline donne les Sarunetes
( ceux de Sargans ) à la Rhaetie , Rhœtorum Saru-
netes '.
Provincia Alpium graiarum et penniiiarum. — N" II.
Diocèses de
Civitas Centronum , Darantasia. . . Mous tiers en
Tarantaise.
— Vallensiumy Octoduro Martignj en
Valais.
Toute THelvétie ayant été attribuée à la grande
province militaire des Séquanais, la province des
Alpes maritimes se trouva réduite au Valais et à la
Tarantaise ^ et les hauteurs q*ui bornent le Valais à
l'occident, du côté du Chablais, paraissent avoir été
la limite des deu:: districts, ou diocèses, qui se parta-
geaient cette province. Aucune de ces deux cités ne
fut érigée en métropole, et jusqu'à la fin du viii^ siècle,
le diocèse de Tarantaise a été soumis à la métropole
de Vienne ^ Aussi Darantasia quoique mentionnée
la première ne porte pas le titre de meiropolis.
J'ai déjà remarqué que le siège épiscopal de civitas
Vallensium , Octodurus , avait été transporté à
' Notitia dignii. imper, sectio 5g, p. 1 12 de l'édit du père Labbe :
Tribunus cohortis herculeœ Pannonice Arbor.
' Plia., Hist. nat., lib. m, c. 24 (20), tom. ti, p. 190, edit. I.em.
' Voyez Gallia christiana, tom. xiii, p. 700.
392 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Seduni j Sion , avant la fin du vi^ siècle. J'ai aussi
observé que lorsqu'on réunit le royaume de Cottius
à l'empire romain, on l'incorpora dans l'Italie, dont
il forma une province ou un district séparé, gou-
verné par des délégués particuliers : mais lorsqu'on
forma la province des Alpes graies et pennines , et
celle des Alpes maritimes, pour les réunir à la Gaule,
le royaume de Cottius se trouva divisé en deux por-
tions, dont l'une fît partie des nouvelles provinces et
appartint à la Gaule , tandis que l'autre portion ,
incomparablement la plus petite et presqu'en entier
composée du Briançonnais , du val de Suze et de la
Maurienne, fut réunie à l'Italie. Cependant les dio-
cèses de ces provinces continuèrent toujours à dé-
pendre de Turin jusqu'à ce que la ville d'Arles,
étant devenue le siège de la préfecture des Gaules ,
fut érigée en métropole. Alors la nouvelle province
des Alpes renferma bien la vallée de la Tarantaise ,
mais non celle de Saint-Jean-de-Maurienne , comme
l'a cru d'Anville, qui, sans aucun examen, a pris pour
limites les plus hauts sommets de la chaîne. Nous
voyons dans la vie de sainte Tigni la ville de Saint-Jean-
de-Maurienne mentionnée comme étant située dans
la vallée cottienne, « quœ dicitur Cottiana. )■> Grégoire
de Tours afïirme que Rufus , évêque de Turin , entre
les années 56o et 570, se réfugia à Saint -Jean
« parce que, dit l'historien, ce lieu appartenait à la
(f ville de Turin dans le temps que Rufus était
H évêque ' . » La Maurienne et le Briançonnais fai-
' Grégoire de Tours, de Gloria martyrum, lib. i, cap. i4, col. 176 :
'( Quia locus ille ad Taurinensum quamdam urbem pertinebat tem-
" pore illo , quo Ruffus erat episcopus. »
PARTIE III, CHAP. VI. 393
saient alors partie du royaume de Bourgogne ; mais
vers la fin de l'année 676, les Lombards ayant cédé le
Tal de Suze au roi Contran , celui-ci , sans consulter
le pape, institua le nouveau diocèse de Saint-Jean-
de-Maurienne, en y réunissant le val de Suze, et en
démembrant le diocèse de Turin. C'est en vain que
l'évêque de Turin se plaignit au pape Grégoire-
le-Grand, et que celui-ci en écrivit à Syagrius et
même aux rois des Francs Théodoric et Théodebert ' .
Après quelques années , c'est-à-dire en 588 , les
évéques d'Embrun et de Maurienne se disputèrent
sur les limites respectives de leurs diocèses , et le
même roi Contran ordonna >qu' elle seraient rétablies
telles qu'elles étaient auparavant. En conséquence
de cette décision, on planta des bornes inter paro-
chiam Maurianensem et episcopatus conjacentes ,
c'est-à-dire entre les diocèses d'Embrun , de Mau-
rienne et de Turin. Les bornes furent établies « in
t( partibus Italiœ in loco qui dicetur T^ologia, usque
« in partes Proçinciœ, iino distans milliario a civiia-
« cula nomen sibi impositum Rama '; » c'est-à-dire :
« En Italie, depuis Vallovia (à l'extrémité du val de
« Suze, au fond de la vallée vis-à-vis Avigliana ), jus-
« qu'à l'extrémité de la province des Alpes maritimes
« et de l'Italie , à Casse-Rom ( le Rama de l'Itiné-
u raire). » On ne connaît pas l'époque à laquelle
la vallée de Briançon fut enlevée au diocèse de Saint-
Jean-de Maurienne et réunie à celui, d'Embrun,
mais cela n'eut lieu que postérieurement à la fin du
' Gregor., Epist., lib. ix, epist. i5.
' Voyez Besson, Mem. des diocèses de Savoie, dans ks Preuves,
n" cix , p. 478.
394 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
x^ siècle et même beaucoup plus tard ; peut-éto'e
fut-ce lorsque l'empereur Conrad-le-Salien réunit
de nouveau la Maurienne a l'archevêché de Turin,
réunion qui fut de courte durée '.
On voit évidemment , par ce que nous venons de
dire , que Contran forma un diocèse et une province
particulière de la vallée de Suze , de Saint-Jean-
de-Maurienne et de Briançon; et quoiqu'à cette
époque on nommât encore vallée de Cottius la vallée
de Saint-Jean-de-Maurienne , à cause des Medulli
qui l'avaient habitée , et qui étaient un des peu-
ples principaux de l'État de Cottius , cependant
cette vallée cessa , ainsi que celle de Briançon , de
faire partie de la province des Alpes cottiennes
dont nous parlerons ci-après, et par conséquent de
l'Italie; mais jusqu'alors ces deux vallées y avaient
toujours été comprises, et n'avaient jamais fait partie
des Gaules. L'Itinéraire et la Table, ainsi que les
autorités que je viens de rapporter, le prouvent évi-
demment. Les Alpes graies et pennines se termi-
naient, au midi, aux montagnes qui forment les
limites de la Taranlaise et de la Maurienne, et les
Alpes maritimes près de Casse-Rom ou de Rama de
l'Itinéraire. Les Allobroges confinaient à l'Italie, et
n'en étaient point séparés par les provinces des Alpes
pennines et des Alpes maritimes, ainsi que d'Anville
l'a tracé sur sa Carte '. Cette vallée de Maurienne fut,
de tout temps, peu connue et peu fréquentée par les
Romains. La foi ajoutée aux miracles qui s'étaient
' Guichenon , diplôme de l'an io58, Bibl. sebus. cont. i , n" 95.
* Voyez Durandi , Notizia deW antico Piemonte traspadano .
p. 35, 6j et 68, et \ Analyse des Itinéraires , toni. 111 de cet ouvrage-
PARTIE III, CHAP. VI. 395
opérés à Maurienne engagea Contran à l'agrandir, k
en faire une ville et à l'ériger en chef-lieu de diocèse.
Ainsi, dans une Notice des provinces, publiée par
Duchesne , du temps de Contran , ou postérieure-
ment, la Maurienne est attribuée à la Gaule et aux
Alpes graies et pennines,et ainsi mentionnée : civitas
Morienna, a Gondranno rege constructa. Ce nom
de Maurienne fit disparaître entièrement celui des
Medulli; et dans le testament d'Abbon, de l'an 7 5g,
on lit vallis Maurigenica. Lorsqu'on eut établi les
provinces des Alpes graies et pennines, et des Alpes
maritimes, d'après les limites que je viens de déter-
miner, la vallée de la Maurienne, qui auparavant
faisait partie de la province cottienne détruite par cet
arrangement, resta comme isolée entre la Gaule et
l'Italie, faisant partie de cette dernière, et en étant
cependant séparée par de très hauts sommets : aussi
forma-t-elle un district particulier , désigné sous
le nom ai Alpes graiœ dans certaines copies de la
Notice. Les sommets qui semblent plus particulière-
ment désignés sous le nom à' Alpes graiœ, dans ces
Notices, sont ceux du mont Cenis et les monts
adjacens. Strabon est le seul parmi les anciens qui
ait fait une mention expresse de cette partie des
Alpes, non qu'il les désigne sous un nom particulier,
mais les lacs qu'il décrit ne peuvent être que ceux
du mont Cenis. La première m.ention de ce mont
date du viii^ siècle et se trouve dans le testament
d'Abbon; mais dans ce siècle, ce mont commença
à devenir le passage ordinaire en Italie. Le roi Pépin
le passa avec sor» armée en ySS, et Charlemagne
en 774. Louis-le-Débonnaire y fonda l'hospice qui
396 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
s'y trouve, en 825 '. J'observerai, en terminant,
que les Alpes graies, dans les derniers historiens,
grecs et romains, sont confondues avec les Alpes
pennines. Zosyme et Procope parlent des Alpes
cottiennes, maritimes et pennines, mais ne font
pas une seule fois mention des Alpes graies.
IL
ITEM IN PROFINCIIS SEPTEM » :
Ainsi l'on voit clairement que les sept provinces
qui vont suivre formaient une division distincte du
reste de la Gaule.
Provincia Fiennensis. — N» XIII.
Diocèses de
Metropolis cwitas Viennensium . Vienne.
Civitas Genwensium Genève.
— GratianopoLitana. . . Grenoble.
— Alhensium Alps en Vivarais,
— Deensium Die.
— J^alentinorum Valence.
— Tricastinorum Aoste en Diais.
— T^asiensium Vaison.
— Arausicorum Orange.
— Cahellicorum Cavaillon.
' Durandi, Marca di Torino, p. 71 et 72; Frédégaire, Atm,
Francor. dans Duchesne, toin. i, p. 774- " Peppinus cum exer-
n citu suo monte Cinisio transacto, etc. » Id. — « Perrexit ipse (Ca-
« rolus Magnus ) per montem Ginisium. » Id., tom. 11, p. 28. —
Regino, ad ann. 774, tom. i, Rerum German. , p. 36, édit. de
Struvius. — Recueil des Hist. de France, tom. xii, p. 281.
* M. Guérard a omis ces mots dans son édition, et cet oubli fait
disparaître une des deux grandes divisions établies par la Notice.
PARTIE III, CHAP. VI. 397
Diocèses de
Cwitas Avennicorum Avignon.
— Arelatensium Arles.
— Massiliensium Marseille.
On ignore à quelle époque le chef-lieu du diocèse
des Tricastini fut transporté à Saint -Paul- Trois-
Châteaux : il est probable que ce fut en 4^^, lors
du partage de la Viennaise par le pape Léon.
Arles fut nommée Constantina en 4^8, par l'édit
d'Honorius , à cause du césar Constantin fait consul.
J'ai déjà observé que tant que la puissance romaine
dans la Gaule eut encore un reste de vie , Arles eut
après l'édit d'Honorius ' la suprématie , relativement
au civil, sur toutes les autres villes, et fut alors érigée
en archevêché. Vienne, comme chef lieu primitif de
la province Viennaise dans laquelle Arles se trouvait
située, disputa à cette dernière la suprématie. Le pape
Zosjme reconnut la supériorité d'Arles sur Vienne;
mais cette décision ayant occasioné des divisions
entre les deux diocèses de la même province , le pape
Léon, en 4^<^ > sous Valentinien III, fit faire un
partage définitif de la Viennaise en deux provinces ,
' On trouve uu texte nouvellement publié de cet édit dans l'ex-
cellente Notice sur la Vie de Fabrot, par M. Ch. Giraud, pro-
fesseur à la Faculté de droit d'Aix; i833, in-8', p. 197. — Hincmar
de Reims, au ix" siècle, parle de cet édit, et cite d'anciennes lettres
apostoliques qui s'y l'apportent : son authenticité ne sauiait donc
être douteuse. — Voyez Sirmond, tom. 11, p. ySo. — De Cusa l'a
publié le premier, Cusani Opéra-, Paris, in-fol., p. 71. — Ensuite
Joseph Scaliger, Lcctiones Ausonianœ ; ^5']5, p. 24. — Ensuite
Sirmondi Opéra, 1696; Paris, tom. i, p. ii5-i6o. — Ensuite D. Bou-
quet, Bec. des Hist. de France , t. i, p. 766. — Bouche, Chorographic
de Provence, tom. i. — Puis il a été traduit par Dnbos , Mon.
française, tom. 1, p. 241, ou 671 de l'in-12; par Lalaurière, Hist.
d'Arles, années 4i8 et 421 ; Guizot, Cours d'Hist. de Fr., 1828.
398 GÉOGRAPHIE ÂNCIEME DES GAULES,
et fit accorder à Vienne le diocèse de Vienne, et
ceux de Valence , de Taran taise , de Genève et de
Grenoble; et à Arles, tous les autres diocèses de la
Viennaise, savoir : ceux d'Arles, de Die, des Tricas
tini, dont le siège fut probablement alors transporté
d'Aosle à Saint-Paul-Trois-Châteaux, de Vaison,
d'Orange , de Cavaillon , d'Avignon , de Marseille.
C'est-à-dire que cette province fut divisée en deux
sous le rapport ecclésiastique , et que la portion
attribuée à l'ancienne capitale contenait le pays des
Allobroges et celui des Centrones. Il est probable
qu'on commença dès lors à distinguer cette nouvelle
division sous le nom particulier de Sapaudia, dont
l'étymologie est inconnue '.
Provincia Aquitanica prima. — N° VIII.
Diocèses de
Metropolis civitas Biturigum. . Bourges.
Civitas Aivernorum Clermont-Ferrand.
— Rutenorum Rhodez.
— Albiensium Albj.
— Cadurcorum Cahors.
— Lemovicura Limoges.
— Gabalum Anterrieux.
— Vellavorum Saint-Paul ien.
Si le siège épiscopal du diocèse des Gabali s'établit
momentanément à Javoux, ce qui est très douteux,
Mimate j Mende , au midi, remplaça Gabalum ,
comme depuis, Indiciacus j Saint-Flour, a fait dis-
paraître Anderituiiiy Anterrieux ^.
' Sirmondus, tom. i, Concil. Gallice , p. 27. — Recueil des Hist.
de France, tom. 1, p. 776.
* 3Iémoires de l'Institut de France [Académ. des Inscriptions)^
tom. VI, p. 586, Sgo, 406.
PARTIE III, CHAP. VI. 399
Provincia Aquitanica secunda. — N" VI.
Diocèses de
Metropolis civitas Burdigalensium, . Bordeaux'.
— Agennensium. . . Agen.
— Ecotismensium. . Aiigoulême.
— Santanum Saintes.
— Pictavorum. . . . Poitiers.
— Petrocoriorum. . . Périgueux.
Provincia Novempopulana. — N° XII.
Diocèses de
Metropolis cwitas Elusatium Eaiise.
Cwitas Aquensium AcqsouDax.
— Lactoratium Lectoure.
— Convenarum St.-Bertrand-
de-Comenge.
— ConserannoruTïi Coiiserans ou
Saint-Lizier.
— Boatium Bouges , à
Tête-de-Buch.
— BenarnensiuTJi Béarn, entre
Maslacq et Lagor.
— Atiirensium Aire.
— Vasadca Basas.
— Turba, ubi castruïii Bigarra. Tarbes.
— Elloronensium Oloron.
— Ausciorum Auch.
Des nombreux diocèses, ou cités, qui composaient
cette province, deux seulement sont enveloppés de
quelque obscurité, c^st Boatium et Benarnensium.
11 est bien difficile de penser que le Boios de l'Itiné-
' De Marca, Hist. de Béarn, p. 32, place à Embrau, près de
Elaye, \ Ehromanus d'Ausone dans sa lettre à saint Paulin ; mais le
texte (p. 499) porte Hebromagus.
400 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
raire ' ne soit pas la capitale de la cité des Boiates ; et
ce qui semble confirmer cette opinion, c'est qu'une
ancienne Notice des provinces porte Boatium, quod
est Boius in Burdigalensi : alors ce diocèse répon-
drait aux anciens Boiaies , et n'aurait rien de com-
mun avec ini autre diocèse plus au midi qui fut créé
depuis, et dont il est question dans la Notice des
Dignités de l'Empire, sous le nom de Lapurdum.
Ce dernier nom se conserve dans celui de Labour,
que porte le pays; mais la ville a changé le sien pour
celui de Bayonne, qui, en langue basque, signifie
baie bonne, baia ona '.
Mais d'une part les invasions des J^ascones , ou
Gascons, dans la Novempopulane , et ensuite des
Normands et des Sarrasins, détruisirent toutes les
villes où siégeaient des évêques , et anéantirent leur
juridiction. On fut obligé de créer un seul évêque
pour toute l'étendue du pays qui , après l'ancienne
destruction de la province romaine, avait pris le nom
de Vasconia. Cet évéque de Gascogne eut sous sa
juridiction l'évéclié de Lescar (qui avait succédé
à celui de Beneharnuin)^ ceux d'Acqs, d'Aire, de
Bayonne, de Bazas et d'Oloron % de sorte que tou-
tes les limites des diocèses primitifs de la Gaule dispa-
rurent, et que de nouvelles divisions succédèrent
aux anciennes : l'emplacement même de ces diocèses,
Boatium et Beneharnum ^ n'a point laissé de trace
dans le pays ni dans l'histoire.
■ Itine'r., edit. Wesseling, p. 456.
* De Marca, Hist. de Be'arn, liv. i, ch. 8, p. 3o.
^ De Marca, Hist. de Be'arn, liv. ii, ch. 8, p. 221, 222. En loSs'
l'évêque Raimond , lors de la prise de possession du comté de Bor-
deaux par le comte Odo, signe e'vêque de Gascogne.
PARTIE III, CHAP. YI. 40l
Dans les derniers temps, l'évêché moderne de
Bajonne avait des limites très resserrées, et se trou-
vait borné au nord par l'Adour; tellement que le
bourg du Saint-Esprit, qui est au bout du pont de
la ville, dépendait de l'évêché d'Acqs'; mais l'ancien
évêché de Labourd, Lapurdum, auquel il a succédé,
avait au contraire une grande étendue, et cet évéché
comprenait les vallées du pays de Labourd , d'Arbe-
roa, d'Orsais, de Cize, de Baïgorri , de Bastan, de
Lerin, d'Hernani, jusqu'à Saint-Sébastien en Gui-
puscoa ''. Les évêques et les vicomtes de ce pays ont
toujours pris le titre de Lapurdenses jusqu'au milieu
du xii" siècle; après cette époque, ils se nomment
indifféremment Lapurdenses et Baionenses. Le mot
Lapurra signifie, dit-on, en Basque, un pays désert.
On ne retrouve que dans l'Itinéraire les traces de
quelques peuples dont il est fait mention dans les
auteurs anciens comme existant dans les Landes.
Nul doute que le nom de Beneharnum, qui paraît
pour la première fois comme simple station dans
l'Itinéraire d'Antonin, et que nous voyons ensuite
figurer comme un diocèse particulier dans la Notice
des Gaules, n'ait donné son nom à la vicomte ou
province de Béarn; mais cette province, dans son
extension moderne, n'a aucun rapport avec l'ancien
diocèse, puisqu'à l'époque de la rédaction de la
Notice qui nous donne connaissance du diocèse de
' De Marca, Hist. de Béarn, p. 3o.
" Voici le texte du rescrit du pape Célestin III, en iig4, où les
limites de l'episcopatus Lapurdensis sont ainsi expliquées : « Vallem
« quae dicitui* Lapurdi. Vallem quae dicitur Arberoa. Vallem quae
« dicitur Orsaïs. Vallem quae dicitur Cizia. Vallem quae dicitur
« Lerin. Vallem quae dicitur Lesseca. Vallem quae dicitur Oiarzu,
« usque ad S. Sebaslianum. » — De Marca, p. 53.
H. 26
402 Gl^OGRAPHIE ANClEiNiNE DES GAULES.
BeneharfiurHy subsistait aussi celui d'Oloroii, cwitas
EUoronensium j VJllujo de l'Itinéraire.
Les divisions les plus claires et les plus anciennes
qui nous soient données de ce pays sont celles qu'é-
tablissent \es fores ou lois fondamentales, rédigées
très postérieurement dans les xiii'' et xiv^ siècles. D'a-
près les usages constans, maintenus par une pratique
non interrompue, et par une tradition subsistant de-
puis un temps immémorial, ces fores sont au nombre
de quatre, celui de Morlaas, celui d'Oloron (Jluro),
celui d'Ossau (Osquidates) j celui de la vallée d'Aspe
Çjfspa luca) ' . Il n'y a donc que Morlaas (aujourd'hui
grand village situé dans une des plaines les plus sté-
riles du Bearn) qui n'ait point de lieux anciens qui lui
correspondent. Morlaas est l'ancienne capitale des
vicomtes de Bearn , le premier lieu où ils ont frappé
monnaie; car Pau a une origine toute moderne, et
doit son existence au château que Gaston y fit con-
struire au milieu du xv^ siècle \ Mais Morlaas n'a ja-
mais été le chef-lieu d'un diocèse et ne peut repré-
senter l'ancienne cité àe Benarnum^ le Beneharnum
de l'Itinéraire, dont nous voyons, dans Grégoire de
Tours, un évêque figurer, eu 5o6, au conciled'Agde^.
Dans ce même siècle , la ville de Benarnum, ou
Behenarniun , est donnée dans un partage à Ema-
dius. Emadius, dit Grégoire de Tours, « cum duca-
tum urbium Turonicœ atque Pictavœ administraref,
adhuc et T ici juliensis cr^^weBENARN.E urbium prin-
cipatum accepit^. »
' De !\Iarca , Tlist. de Bearn, liv. v, ch. i-6, p. oSj.
' Id., Hist. de Bearn, liv. i, ch. ii, p. 47-
* Id., Hist. de Be'arn, liv. i, ch. ii, p. 44-
■* Greg. Turon., lib. ix, ch.7. — Bec. des Hist de Fr., t. 11, p. 55'-.
PARTIE III, CHAP. VI. ^(3
Lescar, quoique s'éloignaiit moins que Morlaasde
Ja route romaine où passait Benehamunij s'en écarte
trop pour qu'on puisse y placer cette ancienne ville.
D'ailleurs on saitque Lescar a succédé kBeneharnum,
comme chef-lieu de l'évéché, mais dans un autre em-
placement. La fondation de Lescar est connue dans
tous ses détails par l'ancien cartulaire de cette ville,
que de Marca a publié. On apprend par ce cartulaire
qu'après l'invasion des Normands tout ce beau coter.u
où domine la ville de Lescar n'était qu'une vaste forèî,
et qu'il n'y avait qu'une petite église ou chapelle rui-
née consacrée à la Vierge et à saint Jean-Baptiste,
lorsque dans le commencement du xi" siècle, en io54,
Lopofort, poussé par les remords d'un crime qu'il
avait commis pour obéir aux ordres du duc de Gas-
cogne, d'après le conseil de son évêque (c'est-à-dire
l'évéque de Benehar^nurn) , se retira dans ce lieu avec
sa femme pour s'y consacrer à Dieu '.
Dans ce silence de l'histoire , il faut donc se confier
aux mesures des Itinéraires anciens , qui sont les seuls
monumens qui puissent nous éclairer sur la position
de Beneharnum.Ces Itinéraires nous fournissent deux
routes où Be/ieharnum est mentionné ' ; l'une partait
de Burdi^alay Bordeaux, et aboutissait à Ccesar
Augusta, Saragosse, en Espagne, parla vallée d'Aspe;
l'autre se dirigeait à l'est pour aboutir à Lugduniun
cojivenariun , Saint-Bertrand- de-Comenge , et se
■ De Marca, Hist. de Bénrn^ p. 212 et 2t4- " Et misit se cnm
'( episcopi consilio et comité, et uxore sua, in civitatem qiise dici-
« tur Lascurris; et ibi invcnit nisi silvain , et ecclesiolam B. Joan-
« nis Baplislœ , et B, Mariae quae fuit sedes erat destructa , et fuit
« ibi factus monachus. » Chart. Lascurr.
' Anton , lliner., edit. Wesseling, p. ^Si et 4'^7'
404 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
prolonger sur Tolosa, Toulouse, en partant égale-
ment de Bordeaux. Ces deux routes avaient leur
point de bifurcation à Beneharnum, Si donc les me-
sures anciennes sont exactes , si nous possédons la
vraie leçon des Itinéraires, ou, ce qui est la même
chose, si les manuscrits que nous avons nous pré-
sentent des variantes qui puissent s'accorder avec le
terrain , le point d'intersection de ces deux routes
doit nous donner i?e/i€/i<7r/2Mm ; et en effet, l'ensem-
ble des mesures de l'Itinéraire entre Burdigala et
Cœsar Augusta se trouve parfaitement exacte dans
son ensemble et dans ses détails. En nous renfermant
dans la portion de cet Itinéraire qui concerne notre
•Gaule, nous trouvons que summo Pjreneo corres-
pond au port de Berneret, Aspa Luca à Accous, et
au pont de Lesquit, à l'extrémité sud du beau bassin
où la vallée s'élargit et renferme plusieurs villages.
Bedous est aujourd^iui le plus considérable de tous
ces villages, mais Àccous est le plus ancien , et pos-
sédait ce qu'on appelait autrefois la Métrocomie, ou
la prééminence sur toutes les autres paroisses de la
vallée. Celle d'Accous avait le surnom de Capdulh,
mot dérivé de capitolimny capiiulis locusy ou capi-
tale '. Plusieurs inscriptions réunies par Palassou,
dans un petit ouvrage sur la vallée d'Aspe, attestent
le passage de la route roinaine dans cette vallée, et
nous-même nous y avons reconnu, dans l'endroit le
plus étroit, des constructions évidemment romaines.
Ces mêmes mesures de l'Itinéraire sont également
€xactes pour Ilurone^ Oloron , qui , dans les temps
anciens, comme dans les temps modernes, était le
• fie Marca, Hist. de Be'ar-n. liv. i , cap. 12, 5, p. 69.
PARTIE 111 , CHAP. VI. 405
grand marché entre l'Espagne et la Gaule de ce côté,
et qui le fut aussi dans le moyen âge. Une lettre d'Eu-
logius de Cordoue à l'évéque de Pampelune^ Vuile-
sandus , de l'an de 85 1 , témoigne que le commei^e
des marchands français ilorissait dans Saragosse, quoi-
que cette \ille fût occupée par les Maures; et à cette
époque les Maures eux-mêmes vendaient de l'encens
sur le marché d'Oloron*.
La position qui vient ensuite est celle de Benehar^
num, que l'Itinéraire nous indique à la distance de
12 lieues gauloises ou i8 milles romains d'Oloron.
Mais pour que cette mesure nous donne la direction
de la route du sud au nord, il faut qu'elle concorde
avec celle de la route qui se dirigeait du nord au sud,
et avec celle qui allait de l'est à l'ouest. Pour la pre-
mière, le lieu le plus prochain de Beneharnum que
les Itinéraires nous donnent, e&X, Aquis , ou Acqs,
ou Dax, qui est, comme on n'en peut douter, Jquœ
Tarbellicœ des anciens. La distance entre ce lieu et
Beneharnum est de 19 lieues gaul. ou 28 \ m. Fom.,
et déjà l'intersection de ces deux routes s'éloigne peu
de la ligne droite entre Iluro, Oloron, et d'Acqs, et
fait passer cette route par Orthez, un des pïus anciens
lieux du Béarn, déterminant le point de jonction un
peu au sud-est de cette ville, laissant un angle très
ouvert qui présente sa pointe à la route qui vient du
sud-est. L'analyse des Itinéraires, pour cette troi-
sième route, nous a fait reconnaître les Aquœ de
l'inscription portant une dédicace à Auguste, Ba-
gnères-de-Bigorre, pour les Aqùœ des Itinéraires
anciens, Aquœ conçenaruirij selon certains raanu-
' De Marca , Hist. de Benrn , ch. i5, p. 5, 5i5.
406 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
scrits. La variante du manuscrit de l'Itinéraire de
Longolianus, qui donne 8 au lieu de i8 entre cet
Aquis et oppidum Novum, nous place à Nay pour
cette dernière position, et la mesure de i8 lieues
gauloises qui nous est donnée par l'Itinéraire, entre
oppidum Novum et Beneharnum. , nous porte juste
au point d'intersection des deux autres routes, c'est-
à-dire h un lieu ancien nommé Castelnon, aujour-
d'hui détruit, entre Maslacqet Lagor, à i,5oo toises
environ de chacun de ces bourgs, sur les bords de
la petite rivière Lageu , entre cette rivière et le
Gave, vis-à-vis Lendresse et Arance. Confiant dans
un tel accord et dans un tel résultat, nous avons
visité et parcouru ces lieux, et nous nous sommes
assuré que plusieurs constructions d'une date bien
plus récente n'avaient pas laissé de vestiges sur la
superficie du sol. Masiacq ou Marslag, lieu dont
l'origine remonte à la fin du xi*" siècle, a fait dispa-
raître jusqu'ai'.x derniers vestiges de Muret et de
l'église de Miuet ou Mured , qui est souvent men-
tionnée dans l'histoire de Béarn , et qui fut bâtie sur
les bords du Gave par Raimond-le-Vieux, évêque de
Lescar '. Cette église, m'a-t-on dit dans le pays, a
été enlevée par le Gave, et remplacée par celle de
Sainte-Marie-de-!Maslacq. L'histoire nous démontre
qu'il existait aussi dans ce lieu un fort qui y précéda
l'église, et dont Garisal s'est saisi en 1080'. Le ma-
riage du vicomte de Gaston avec la comtesse Pero-
nelle fut célébré dans l'église de Mured, en i ig6. Il
n'existe plus de trace de ces constructions non plus
que de Beneharnum. Une mélairie située à quel-
' De Marca, Ilisl. de Bcnrii, p. 400, j^x'-j ol .((jij.
PARTIE m, CHAP. VI. 407
que distance porte le nom de Bernet : à peu de dis-
tance aussi entre Arance et Lagor, mais trop près de
Lagor pour convenir parfaitement à la position de
Beneharnum, est le hameau de Benejacq'. Ce lieu est
ancien. Gaston céda tous ses droits sur la seigneurie et
le village de Benejac. En 1699, Henri IV, dans sou
édit pour le règlement de la religion, indiqua le ha-
meau de Benejacq pom- la résidence de l'cvêque de
Lescar *.
Après avoir fixé, par les mesures appliquées sur
la Carte de Cassini, le point d'intersection des trois
routes qui donnaient la position de Beneharnum, il
i-estait une objection à résoudre. — Nos mesures sont
prises entre d'Aqs et le point de Beneharnum, entre
ce lieu et Bagnères, Aquis , en suivant des routes
droites, connues, et encore pratiquées. Mais lorsque
je m'informai des ingénieurs des ponts et chaussées et
des habitans du pays, à Orthez et à Pau, s'il existait
une route en ligne directe entre Maslacq et Oloron ,
on m'indiqua des routes de traverse qui rendaient plus
courte la distance entre Maslacq et Navarreins, entre
Orthez et Moneins, mais qui, me ramenant toujours
à l'un de ces deux lieux par où passe la route actuelle,
allongeaient encore trop le trajet pour convenir aux
mesiu'es de l'Itinéraire. On m'assura que la route que
je cherchais n'avait jamais existé, et que la nature
' De Marca , Hisl. de Be'arn^ liv. v, ch. i-i i, p. 576. — Eu l'iyS,
(jaston de Béarn est nommé (iasto de Bierna , voyez de Marca ,
p. 655. Sur le plan du cadastre qui m'a été communiqué à Pau ,
Benejacq se trouve dans les limites de la commune de Lagor, et
forme la section F.
' Poeydavant, Uist. des liouhles sui venus en Be'nrn , toni. 11
p. 56.',.
408 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
du sol se refusait à ce qu'elle fût pratiquée. La seule
inspection des lieux me prouva le contraire : les pentes
continuelles et les détours des routes modernes qu'on
m'indiqua, et que je parcomnis, me convainquirent
qu'elles ne représentaient pas l'ancienne route des
Romains. Un cocher du château de Maslacq m'apprit
que, quand le temps était propice, il conduisait ses
voitures de fourrage par une route différente de celles
qu'on suivait ordinairement, et qui allait directe-
ment de Maslacq à Oloron ; mais il ajoutait que les
conducteurs de bestiaux seuls la suivaient quelque-
fois. D'après les détails qu'il me donna, j'entrepris
cependant de traverser cette route en voiture; j'y par-
vins h l'aide d'un seul cheval, et d'un jeune Béarnais
de douze ans, qui m'aidait à retirer mon léger ca-
briolet des ornières, ou à le conduire lorsque le dan-
ger de verser, ou le désir d'examiner de plus près la
nature de la chaussée, me forçait d'en descendre. Je
trouvai, à ma grande satisfaction , des vestiges de la
voie romaine subsistant encore dans plusieurs en-
droits, et notamment sur les confins des communes
de Luc et de Lagor, où , ayant été coupée perpen-
diculairement par les habitans d'une maison Aoisine,
à laquelle cette chaussée plus élevée nuisait, il était
facile d'en observer l'encaissement et les diverses cou-
ches. La route moderne, en sortant d'Orthez pour
se diriger sur Maslacq, circulant sur les hauteurs qui
séparent les rivières de Laa et de Lageu, paraît re-
présenter la route ancienne, et c'est dans ce trajet
qu'on voit se déployer devant soi dans un lointain
immense, à droite, les plaines de Nnvarreins, et h
gauche, celles d'Orthez et les hauteurs pittoresques
PARTIE III, CHAP. IV. 409
du Gave de Pau. Après avoir passé Maslacq et franchi
les limites de cette commune, le chemin moderne fait
un détour, que n'a pas dû faire la route ancienne;
aussi je vis un sentier qui coupait plus directement,
mais entre des coteaux , et praticable seulement par
des bouviers ou des hommes à cheval. Cette portion
de route, qui doit représenter l'ancienne, abrège
encore, m'a-t-on dit, le trajet d'une demi-heure.
On passe ensuite à Sauvelade ou Saubalade, village
dont les maisons sont éparses. L'abbaje célèbre de
ce nom (Silça Lata du moyen âge) est située en
bas du coteau et à l'écart de la route, dans une
belle prairie. On entre ensuite dans la commune de
Lagor; on laisse Villesegure à droite, et le village
de La Hourcade à gauche, que l'on ne voit pas. La
route s'embellit beaucoup en approchant de Luc ,
où était une célèbre abbaye qui avait une grande
puissance, et joue un rôle important dans l'histoire
du moyen âge; c'est aujourd'hui un bourg qui ex-
ploite les forêts voisines, et qui fait un grand com-
merce de tannerie. L'abbaye était de l'ordre de saint
Benoît. De Marca , dans sa savante Histoire de Béarn ,
s'est souvent aidé de la charte de Sancti Vincenti de
Luco. Les restes de cet abbaye m'ont présenté une
sacristie curieuse par une architecture romaine du
ix^ ou X* siècle, qui contraste avec celle de l'église
qui est en ogive. Sauvelade ou Saubalade ' était de
• De Marca, lib. v, cap. 22, p. 419-421, etliv. vi, cap. 11, p- 499-
La Charte de Silva Lata ou de Sauvelade est datée de l'église de
Sainte-Marie-de-Mured , le même jour que Gaston épousa la lille
de Bernard, comte de Saint-Bertrand-de-Comenge. «■ Datuni est
« hoc apud Sanctam Mariam de Mured, eadeni die, qua Gasto
« duxit in uxorem filiam Bcrnardi comitis Convcnarum. » Et ce fut
Bernard, abbé de Silva Lala, qui célébra le mariage.
410 GÉOGRAPHIE ANCIENTNE DES GAULES,
l'ordre de Citeaux : lorsqu'on a franchi la moitié de
l'espace qui sépare Luc d'Oloron, on rejoint la route
moderne de Moneins , qui se dirigeant du nord au
sud, droit sur Oloron, se confond alors avec la route
ancienne. Les communes de Lagor et de Luc sont
fort étendues , et remplissent presque tout l'espace
que l'on parcourt entre Maslacq et Luc.
L'autre voie romaine qui , de Nay, oppidum No-
vum, se dirigeait sur Beneharnum, n'est pas entière-
ment représentée par la route moderne : elle se diri-
geait droit sur Lagor, le long de la rive gauche
du gave de Pau, au midi de ce gave, et ne pas-
sait pas par la ville de Pau : des routes de traver-
ses, qui sont très bonnes et très belles, mais fermées
par des barrières, conduisent directement d'Arbus
à Lagor '. La route antique ne me parait pas non plus
avoir été pratiquée, comme la route moderne, sur
la hauteur de Lagor, mais passait entre le coteau et
le Gave, où on a le projet de la rétablir '.
Le siège épiscopal a été transféré de Benehanium
à Lescar ou Lascar, mais à une époque très récente,
cette ville n'ajant été commencée qu'en g8o , sur
un terrain auparavant non habité, et Beneharnum
subsistait encore au vii^ siècle, puisque Grégoire de
Tours en fait mention \
' Conférez V Analyse des Itinéraires , toin. ni de cet ouvrage
' CeUe live du Gave est assez élevée pour être garantie des inon-
dations qui ont lieu de l'autre côté du Gave ; et comme les maté-
riaux d'entretien et de construction sont les cailloux même du
Gave, il y aurait une grande économie à faire passer la route
en bas.
^ Gregor. Turonensis , lib. ix, cap. 20. — De Marca, "//«/. de
Bcnvu , iil). I, cap. 11, p. j5.
PARTIE III, CHAP. VI. 411
Provincia Narbonensis prima. — N" YI.
Diocèses de
Metropolis cwitas Narbonensium. . . . JNarboiine.
— Tolosatium Toulouse.
— Beterrensium Béziers.
— Nemausensium. . . . Nîmes.
— Lutei>ensium Loclève.
Castrum Uceciensej alias cwitas
Uceciensis Usez.
Provincia Narbonensis secunda. — ]N° VII.
Melropolis clvitas ylquensiuTYi Aix.
— Aptensium Apt.
— Reiensium Riez.
— Foro Juliensiiun. . . Fréjus.
— Tappincensium. . . Gap.
— Segesteriorum. . . . Sisterou.
— Antipolitana Antibes.
Provincia Alpiuni maritiniaruin. — IN" V^III.
Metropolis civitas Ebrodunensium. . . Embrun.
agitas Diniensium Digne.
— Rigomagensium Chorges.
— S olliniensiuniy ou S alinensium. Castellane.
— Sanitiensium , Senez.
— Glannativa Glandève.
— Cemelenensiurn Cimiez.
— Tintiensiiun Vence.
lu prru'inciis xvii, civilnlcs cxv.
412 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Cette fin de la Notice confirme ce que j'ai annoncé
précédemment. La récapitulation annonce cent
quinze cités et diocèses, et on en compte cependant
cent vingt, ce qui prouve qu'il y en a au moins
cinq qui doivent en être retranchés et qui n'exis-
taient pas, comme diocèses, an temps d'Honorius,
où la Notice fut dressée.
Civitas Rigomagensium^ et civitas Solliniensium^
présentent seuls, dans cette dernière pro-vince, des
motifs de doute relativement à leur emplacement et
à leurs limites. Valois et d'autres rapportent Rigo—
magensium à Rie ou Rogen, qui me paraît trop
près de Senez. Contre ceux qui veulent changer ce
mot en celui de Brigantium ou Caturigomagen-
sium, on doit remarquer que les Notices imprimées
dans la collection des historiens de France portent
toutes, sans variantes, Rigomagensium. Si on rap-
porte Solliniensium au Salinœ de Ptolémée, il n'y
aura plus de difficulté, puisque nous avons déter-
miné l'emplacement de ce dernier lieu. Un des ma-
nuscrits de la Notice porte, en effet, civitas Salinen-
sium^ , ce qui autorise à considérer le lieu nommé
Salinœ comme le chef-lieu de ce diocèse.
Ainsi que je l'ai déjà dit, la division politique éta-
blie par les Romains dans les Gaules subsista après
la conquête des Francs, comme division ecclésiasti-
que. Les rois francs ne purent parvenir à changer
ces divisions pour les mettre d'accord avec les limi-
tes de leurs territoires. Chilpéric voulut ériger e»
évêché Melun, mais le métropolitain, l'archevêque
• Voyez Recueil des Jlist. de France , tom. ii, p. 5, C.
PARTIE m, CHAP. VI. 413
de Sens, s y opposa. Le clergé se souleva de même
contre l'érection d'un nouveau siège à Châteaudun ',
et il n'eut pas lieu.
DIVISIONS CIVILES ET MILITAIRES DE LA GAULE TRANSALPIHE.
La Notice des dignités de l'Empire, dans laquelle
on peut puiser des notions très exactes sur les divi-
sions administratives, tant civiles que militaires, de
l'empire romain, est le dernier monument historique
qui nous reste à examiner'. Il a été dressé à la même
époque que la Notice des provinces de la Gaule, et
le Livre des provinces de l'empire romain ^, c'est-à-
dire au commencement du règne d'Honorius, vers
l'an 40 1 . La copie qui nous en reste contient quelques
intercalations qui ont induit en erreur plusieurs sa-
vans modernes qui ont voulu attribuer ce catalogue à
Théodose II , vers 45o ^ : d'autres en ont fixé la date
vers 450^; et d'autres, en 457^- Mais il est évident,
qu'il a été dressé lorsque l'empire d'occident était
encore intact, et, par conséquent, avant l'an 406.
' Becueildes Hist. franc., tom. v, p. 60. — Labbe, v, 918 à 921.
-- Guérard, Essai, p. 8i-85.
' Voyez Notitia dignitatum imper. Roman. , edit. Pancirol ;
Liigdun., in-folio, 1608. — Edit. Labbe, in-12 ; Parisiis, i65i.
' Libellas provinciarum Romanar., dansGrouovii Varia Geogr.,
p. 25.
* Pancirol., in Prcefatione ad Notit., p. 2 à 5.
' ^gidius Bucherius, in Belg. Roman., lib. xvi, cap 5 , p. 495.
— Laguillus, Hist. d'Alsace, lib. m , p. 36.
* Albertus Fabricius, Bibliotheca latina, tom. i, lib. iv, cap. 5,
n" 6 , p. 752. — Longuerue , Description de la France, lib. 11,
p. 223.
414 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Nous trouverons des preuves incontestables de cette
vérité dans ce qui s'y trouve relativement à la Gaule
seule. Nous lisons dans cette Notice qu'il y avait
deux fabriques d'armes à Trêves, et, en 45o , Trêves
avait été pillée trois fois, et presque entièrement dé-
truite. Te commandement militaire de Mayence se
trouve délaiilé dans cette Notice, et, dès l'an 4*^9,
ainsi que nous l'apprenons par saint Jérôme, cette
ville avait été prise et pillée par les Vandales. Toutes
les troupes du préfet de la Germanie seconde et de
la Belgique sont détaillées, quoique ces provinces,
en 450, fussent, depuis bien long-temps, au pouvoir
des Francs. Les dix-sept provinces des Gaules sont
énumérées dans cette Notice, comme intactes, aussi
bien que la Rhsetie , tandis que cette dernière avait
été prise par les Allemani, et que la Narbonnaise et
l'Aquitaine avaient été occupées par les Goths, sans
compter d'autres parties des Gaules, dont les Barba-
res s'étaient emparés. La Notice détaille encore les
officiers et les troupes qui se trouvaient dans la
Grande-Bretagne, l'un des diocèses de la préfecture
des Gaules; et, dès l'an /^.lo, les Romains avaient
retiré leurs officiers et leurs troupes de cette île.
Il est étranger au but de cet ouvrage de discu-
ter la nature des différentes dignités, et des différens
emplois, dont il est question dans la Notice de l'Em-
pire ; cette tâche , d'aille^irs , a été exécutée avant moi
par plusieurs hommes très habiles, mais je dois faire
connaître les divisions administratives, tant civiles
que militaires , relatives aux Gaules , qui s'y trouvent
détaillées, aussi bien que les villes ou peuples de ce
p.'iys qui y sont mentionnés , et dont il n'a point
PARTIE 111, CIIAP. M. 415
été fait meiition clans les écrits qui nous restent de
l'antiquité, antérieurs à celui-ci.
La préfecture des Gaules, à l'époque dont nous
traitons, était divisée eti trois diocèses '.
1 . Le diocèse des Gaules, contenant dix-sept pro-
vinces.
2. Les Espa«nes , composées de sept provinces
présidiales.
5. L'île de la Grande-Bretagne, composée de cinq
provinces.
Ainsi la préfecture des Gaules renfermait vin£;t-
neuf provinces.
Avant Constantin, l'administration civile et l'ad-
ministration militaire étaient réunies, et étaient exer-
cées, dans tout l'Empire, par deux et quelquefois trois
préfets du prétoire, qui ne recevaient d'ordres que de
l'empereur. Constantin, pour prévenir les révoltes,
et diminuer la trop grande puissance des préfets du
prétoire, en doubla le nombre, et sépara le pouvoir
civil du pouvoir militaire, en créant un maître de
la cavalerie et un maître de l'infanterie, qui avaient
le commandement des troupes, et dont les fonctions
furent indépendantes de celles du préfet du prétoire.
Ces changemens , qui sont l'objet des lamentations de
l'historien Zosyme*, et auxquels il attribue, en par-
tie, la décadence de l'Empire et le succès des Barba-
res , nous obligent à détailler séparément les divisions
relatives à l'administration civile , et celles qui sont
relatives à l'administration militaire. Dans les idées
des Romains qui , d'abord, s'étaient gouvernés en ré-
' Notitia, sect. 54 et 36, p. 57 et 62, edit. Labbe, et p. ii5 et
117, edit. Pancirol.
' Zosyinus, Hist. , lib. 11, cap. -iS et 54, p. i4i p* i^Qi edit. Reit.
41G GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
publique, le pouvoir civil était supérieur au pouvoii'
militaire : nous commencerons donc par donner le
détail des divisions qui résultent de l'administration
civile.
A. Divisions civiles de la Gaule.
Du préfet du prétoire des Gaules.
Le préfet du prétoire des Gaules , prcefectus prœ-
torio GalliaT'U7?iy était le premier magistrat de la pré-
fecture des Gaules , et son pouvoir s'étendait sur les
vingt-neuf provinces de cette préfecture '.
Le préfet du prétoire , de la préfecture des Gaules,
résidait à Trêves, Treçirisy que l'historien Zosjme"
nous apprend avoir été dans le v^ siècle , avant sa des-
truction par les Barbares , la plus grande ville qui
fût au-delà des Alpes. Suivant le témoignage d'Eu-
mène, Constantin avait donné h la ville de Trêves
une forme nouvelle et digne de la résidence des em-
pereurs ^. Entre l'an 5i5 et l'an 5go, le nombre des
lois rendues par les empereurs, et datées de cette
ville, se monte à cent sept, et ce nombre est le double
de celles qui ont été rendues à Rome dans le même
intervalle de temps '^. Ausone parle de Trêves comme
de la capitale des Gaules ^ : il j avait une école célèbre,
et la loi de Gratien accorde un traitement plus fort à
' Notitia dignit. imper., edit. Pancirol., pars 2, p. 79. — Edit.
Labbe, sect. 54, p- 5n.
' Zosymus, lib. m, cap. 7, p. 211, edit. Reit.
' Hertzrodt, Notice sur les Trévirais , p. 96, 106. — Hontheim,
Podrom., p. i54 et suiv. — Eumène, D. Bouquet, tom. i , p. 8. —
Amm. Marcellin, lib. xv, cap. 11, p. io5.
* D. Bouquet, tom. 1, p. 716.
* Auson. Opéra, Grat- act., p. Sôj. — Gregor.Jilio, p. 2^5; Tre-
s'iri , p. 288, edit. ad iisitrn Delph., ijBo, in-4°.
PARTIE III, CHAP. VI. 417
ceux qui enseignaient l'éloquence et la langue latine
à Técole de Trêves, comme la ville la plus illustre ' .
Lors de l'irruption des Barbares, le préfet des Gaules,
incapable de défendre le chef-lieu de son diocèse, se
retira dans l'intérieur. Sa retraite paraît avoir eu lieu
vers l'an 402, lorsque les Francs saccagèrent Trêves '.
Les Francs saccagèrent et brûlèrent Trêves une se-
conde fois, en l'an 4i i ' •
Trêves, l'an 44<^> ^^* encore dévastée deux fois ^.
Ce ne fut qu'en 464, après une cinquième des-
truction , que cette ville passa définitivement sous
la domination des Francs ^. Nous voyons dans la
Vie de saint Germain, que, vers l'année 4^4» ^®
préfet des Gaules se tenait à Autun *". 11 se trans-
porta ensuite à Arles, qui avait reçu le surnom de
Constantine. Cette ville s'était considérablement
agrandie et enrichie par le commerce , et l'auteur
anonyme , qui a écrit sous les empereurs Constance
et Constant, dit que la ville d'Arles expédiait pour
celle de Trêves les marchandises qui lui arrivaient,
pour cette dernière, de toutes les parties du monde'.
Le préfet y convoqua les états de la Gaule ; mais
' Voyez Pagi , Crit. in Annal. Barotiii, à l'an l^oi , n° 52. — Dom
Bouquet, tom. i, p. "^66.
* Gregor. Turon., Recueil des Hist. de France, liv. 11, cap. g.
' Salviaaus , de Gubern. Dei , Bouquet, tom. i , p. 780 et 781.
* Anonym. auct., Duchesne , Script. Franc, tom. i, p. 692. — ■
Honlheim, Podrom,, p. 65 et 419- — Hertzrodt, p. 126.
^ Lacarry. Hist. Gall. sub. Prœf. Prœlorio , p. 126. — Dubos ,
Hist. crii. de ie'tabliss. de la Monarchie franc . dans les Gaules,
tom. I, p. 589, édit. in-i2.
* D. Bouquet, tom. i, p. 98.
' Recueil des Hist. de France, tom. 1, p. 766. — Sirmondus , iu
Noiis ad Sidonium , p. 245.
n. 27
418 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
son édlt ëtant resté sans effet, l'empereur Honorius
puWia ce célèbre édit de 4i8> adressé à Agricola,
préfet des Gaules, dans lequel il justifie le choix qu'il
a fait de la \ille d'Arles, dans les termes suivans ' :
« Il reviendra encore à nos sujets (dit Honorius),
( un avantage du choix que nous avons fait de la ville
X Conslantine (Constantina urbs) y pour le lieu de
l'assemblée que nous voulons être tenue annuelle-
ment— L'heureuse assiette d'Arles la rend un lieu
d'un si grand abord , et d'un commerce si florissant,
qu'il n'y a point d'autre ville où l'on trouve plus
( aisément à vendre, à acheter, et à échanger, le pro-
( duit de toutes les contrées de la terre. 11 semble que
( ces fruits renommés , et dont chaque espèce ne par-
( vient à sa perfection que sous le climat particulier
( qu'elle rend célèbre, croissent tous dans les en-
( virons d'Arles. On y trouve encore, à la fois, les
trésors de l'Orient, les parfums d'Arabie, les déli-
catesses de l'Assyrie , les denrées d'Afrique, les no-
bles animaux que l'Espagne élève > et les armes qui
se fabriquent dans les Gaules. Arles est enfin le
chef-lieu que la mer Méditerranée et le Rhône
( semblent avoir choisi pour y réunir leurs eaux, et
( pour en faire le rendez- vous des nations qui habi-
( tent sur les côtes, et sur les rives qu'elles baignent.
( Que les Gaules aient donc de la reconnaissance de
( l'attention que nous avons eue de choisir, pour le
( lieu de leur assemblée, une semblable ville. »
C'est à tort que l'on a suspecté l'authenticité de
' Voyez Dubos, Etabl. de la Mon. franc., iota, i, p. Sji, édit.
in-i2. — D. Bouquet, Recueil des Ili.st. de France, toni. i, p. 766,
— Ch. Giraud, dans les notes de sa Notice sur Fnhrol , p. 196.
PARTIE III, CHAP. VI. 4 a)
l'édit d'Honoriu!», à cause de son stjle déclamateur.
Dans le déclin des empires , plus l'autorité s'afTaiblil,
plus elle s'exprime avec emphase; la pompe des litres,
et la vanité de ceux qui en sont pourvus , aug-
mentent dans la même proportion; on ne doit donc
pas s'étonner non plus de cette qualification de viro
illustri, donnée au préfet des Gaules. Quant à l'objec-
tion tirée de l'assertion de la chronique d'Idace, qui
dit qu'en l\\%y l'année même de l'édit, Honorius
avait cédé aux Goths deux des sept provinces, on
pourrait dire , que l'édit fut antérieur h cette cession,
et que ce fut elle qui en empêcha l'exécution, ou que
cette antique autorité des empereurs romains eut
encore assez d'ascendant pour que les rois barbares,
auxquels on était obligé de céder des provinces de
l'Empire , se regardassent comme les délégués de
l'empereur, et qu'à l'égard de leurs compatriotes
turbulens et insoumis, ils fondassent leur puissance
sur ce titre. Enfin, de ce que Hincmar, en parlant de
cet édit, mentionne la Lyonnaise, au lieu d'une des
deux Viennaises, il ne faut pas en inférer, comme l'a
fait Dubos, que les sept provinces convoquées à
Arles n'étaient pas les mêmes que les sept provinces
de la Notice de l'Empire. C'est une erreur manifeste
du copiste d'Hincmar, qui, ignorant que la Vien-
naise était subdivisée en deux , aura cru bien faire, en
voyant ce nom deux fois répété, de lire Lyonnaise ,
et Viennaise ' .
' Voyez Hincniar, Epi.st. 6, cap. 17, edit. Mog., p. 3i i. — L'abbé
Dubos, Hist. critique de la Mon. franc , tom. 1, p. 585, édit. in-12.
— Voyez Tillemont , Hist. des Emp., tom. v, p. Q^\. — Codex
Theodos.., loi i5 du liv. i , tom. xv, et ci-dessus, p. 55o et 570.
420 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Du vicaire des dix-sept provinces.
Le préfet des Gaules avait sous lui trois vicaires
pour chacun des diocèses de la préfecture des Gaules.
Le vicaire du diocèse des Gaules était aussi appelé
le vicaire des dix-sept provinces, parce que ce diocèse
était , ainsi que nous l'avons vu , divisé en dix-sept
provinces. Six de ces provinces étaient gouvernées
par des proconsuls , c'est-à-dire par des gouverneurs
qui primitivement , et selon ce qui avait été réglé
par Auguste , étaient censés être nommés par le
sénat, et onze étaient administrées par des présidens
nommés par l'empereur. Ces consulaires et ces
présidens recevaient les ordres du vicaire des dix-
sept provinces et étaient , selon les expressions de
la Notice , « suh dispositione spectabilis viri vicarii
« deceni septem provinciarum ' . » Ce qui partageait
toute la Gaule en
Provinciae consulares. — VI.
Viennensis.
Lugdunensis prima.
Oennœiia prima.
Germania secunda.
Belgica prima.
Belgica secunda.
' Notitia digiiitatutn imper, roni., edit. Pancirol; Lugd., 1608,
tom. II, p. i56 et iSy. — Edit. Labbé, sect. 48, p- 94> — Dans l'édit.
de Pancirol, Genevae, 1623, part. 11, p. g5 et gg. — Labbe ne paraît
pas avoir connu cette édition de i625; il parle à la fin de son Index
de celle de 1608 comme de la dernière. Sur les diverses éditions de
la Notice, voyez Bôcking, Ueber die Not. dign. imp., p. 4i"74-
PARTIE III, CHAP. VI. 421
Proviuciae praesidiales. — XI.
Alpes maritimœ.
Alpes penninœ et graîœ.
Maxima Sequanorum.
Aquitania prima.
Aquitania secunda,
Novempopulana.
Narbonensis prima.
Narbonensis secunda.
Lugdunensis secunda.
Lugdunensis tertia.
Lugdunensis senonia.
Du trésorier général de l'Empire.
Sous les ordres du préfet du prétoire et du vicaire
des dix -sept provinces étaient les quatre préposés
du comte des largesses impériales, ou trésorier gé-
néral de l'empire d'occident, ainsi distribués ' :
Sub djspositione viri illustris co- Sous les ordres de l'illustre comte
mitis sacrarum largitionum trésorier de l'Empire.
Imperii.
Praepositi Thesaaroram in Galliis. Préposés du Trésor dans les Gaules.
Prceposittis Thesaurorum per Un préposé du Trésor en
Gallias Lugdunensis. Gaules à Lyon.
— — Arclatcnsiam. — — à Arles.
— ^— Ncmausensium. — — à Nîmes.
— — Trebirorum. — — à Trêves.
11 y avait encore sous les ordres du même chef
' Voyez Notitia dignilatum imper., edit. Pancirol. Lugd., part, ii,
{). i4o. — Edit. Labbe , scct. 4'^, P- 85.
4-22 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
trois procurateurs ou directeurs des monnaies, ainsi
distribués :
Procnratores Monetae '. Directeurs des Monnaies
Procurator monctœ Le directeur ties Monnaies ^
Lugdunensis à Lyon.
— — Arclatensis. — — à Arles.
— — Triberorutn. — — à Trêves.
Trois préposés ou directeurs d'ateliers d'orfèvres
impériaux ou damasquineurs, ainsi distribués :
Prœpositi brarabaricariorum sive Directeurs des ateliers d'orfèvres et
arf^entariorum '. de damasquineurs.
Prœpositus brambaricariorum Le directeur des orfèvres et
sive argentariornm damasquineurs
Jrelntcnsiiun d'Arles.
— — Reincnsiiiiu, — — de Reims.
— — Triberorum. — — de Trêves.
Un seul procurateur pour les achats de lin , mais
six inspecteurs des ateliers d'étoffes de laine, ainsi
distribués :
Procurator linificii Viennensis Inspecteur des Gaules pour le lin
Galliarum. dans la province Viennaise.
^ Procnratores gyneciornm '. Inspecteurs des ateliers en laine.
Procurator gj'necii Jre.latcnsis , L'inspecteur des ateliers en
provinciœ Viennensis. laine, à Arles, dans la pro-
vince Viennaise.
— Lugdunensis. L'inspecteur des ateliers en
lainedela province Lyonnaise.
' Notitia dignitat. imperii, edit. Pancirol. Lugd., p. i4i. — Edit.
Gen., 1623, tom. 11, p. 65, 65 et 67. — Edit. Labbe, sect. 42, p- 84.
' Ib.y edit. Pancirol. Lugdnni , p. t4i. — p. 65 et 67. — Edit.
Labbe, p. 86.
^ Ib., edit. Pancirol. Lugduni, p. i4i ; edit. Gen., p. 65 et 66. —
Edit. Labbe, sect, 42, p. 84-
PARTIE m, CHAP. VI.
423
— Remensis, Belgicee secundœ. — à Reims, clans la Relgicjiie
seconde.
— Tornacensis , Belgicœ se- — àTournay, dans la Belgique
cundœ. seconde.
Prncuratnr gynecii Triberorum , L'inspecteur des ateliers en
BeJgicœ jirimœ. hiine, à Trêves, dans la Bel-
gique première.
— Jugustoduni , trarislati Me- L'iris[)ectcur des ateliers on
Us. laine d'Autun, transporté à
Metz.
Deux inspecteurs des teintureries, ainsi distribués :
Procnratores baphioruin '. Inspecteurs des teintureries ( pour
teindre en pourpre les étoffes de
laine et de soie).
Procuralor bnphi Telonensis Inspecteur des teintureries
Calliarutn. des Gaules à Toulon.
— — Nnrhoncnsis. — — à Narhonne.
Il n'est question de Toulon que dans cet endroit
de la Notice, et dans l'Itinéraire maritime sous le
nom de Telo niartius. Les mesures que fournit cet
Itinéraire en déterminent bien la position '. Toulon
devint siège épiscopal dès le vi^ siècle, ainsi que le
prouve la souscription de plusieurs évêques.
Il y avait encore, pour toute la Gaule, un inspec-
teur des transports , prœpositus hastagœ primœ
Gallicanorum et quartœ.
' Notilia dignit- , edit. Pancirol Lugdun., p. i4o. — Edit. Gen.,
lom. Il, p. 85. — Edit. Labbe, sect. 42, p. 85.
* Voyez V Analyse des Itinâaires maiitimes , tom. m de cet ou-
vrage!
AU GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
De l'intendant de l'empereur.
Sous les ordres de l'intendant de la maison de
l'empereur, il y avait dans les Gaules deux receveurs
des deniers impériaux , trois inspecteurs ou procu-
rateurs des biens de l'empereur, et un directeur des
transports de la maison impériale, distribués ainsi :
Sub dispositione viri illustris
comitis rerum privatarum '.
Kationales rei prlvatae.
Rationalis rei privatœ per
Gallias.
Rationalis rei privatœ per
quinque protàncias.
Sous les ordres de l'illustre comte
intendant de l'empereur.
Receveurs des domaines impériaux.
Receveur général des do-
maines impériaux pour toute
la Gaule.
Receveur particulier des do-
maines imjjériaux pour les
cinq provinces.
J'ai déjà observé que les cinq provinces étaient
synonymes des sept provinces.
Procuratores rei privatœ.
Procurator rei privatœ per
Sequanicuni et Gerinaniam pri-
mam.
Procurator rei privatœ gynœ-
ciorum Triberorum.
Procurator gynœcii Juvarensis
rei privatœ , Métis translati An-
fielas.
Inspecteurs des domaines impériaux.
Procurateur des domaines
impériaux pour la Séquanaise
et la Germanie première.
Procurateur des ateliers en
laine appartenant au domaine
impérial , dans la ville de
Trêves.
Procurateur des atelier-» eu
laine de Juvarensis, transporté
de Metz à Anhelas.
' Notitia di^nit. imper., edit. Pancir. Lugdun., p. i44; Gencv. ,
tom. II, p. 71 et 72. — Edit. Labbe, sect. 4^, p. 87 et 88.
PARTIE III, CHAP. Vf. 425
Je n'ai pu découvrir quel était le lieu nommé
Javarus (si toutefois c'est un nom de lieu ) , et celui
qu'on appelait Anhelas. D'Anville ni Valois n'en font
pas mention ; mais Ortelius, dans son Dictionnaire,
a été plus exact : il veut qxx Anhelas ait été en Bel-
gique ; peut-être faut- il le placer h Douai, près
duquel est Anhiers, et Juvarus à Juvardeil.
B. Divisions militaires de la Gaule.
Les troupes, dans chaque diocèse, étaient comman-
dées par deux chefs : un maître de la cavalerie et un
maître des soldats présens, c'est-à-dire un généralis-
sime de la cavalerie, et un généralissime de l'infanterie.
Les soldats présens étaient la garde de l'empereur,
instituée par Constantin lorsqu'il eut cassé les cohortes
prétoriennes. Les régimens de ce nouveau corps con-
servaient toujours leurs titres lorsqu'ils étaient en
campagne ; ceux qui accompagnaient les généraux
étaient nommés soldats accompagnans ; ceux qui gar-
daient l'empereur, soldats palatins. {^Milites prœsen-
tales y milites comitantes , milites palatini.^
On ne sait guère quel était celui des deux chefs
subordonné à l'autre lorsqu'ils étaient en campagne.
C'est sans doute pour éviter tout conflit d'autorité
que, dans les Gaules , les empereurs ont presque
toujours réuni les deux commandemens : ainsi l'his-
toire nous apprend qu'Aetius, sous Valentinien III,
et Egidius sous Majorien , étaient à la fois généra-
lissime de la cavalerie, et généralissime de l'in-
fanterie.
Dans la Notice des dignités de l'Empire, on lit les
426 GÉOGRAPHIE ANCIEI^JNE DES GAULES,
noms de plusieurs corps de troupes auparavant in-
connus ', parce que les empereurs prirent à leur solde
un grand nombre de ces étrangers barbares , qui
seuls soutenaient , contre les attaques des autres
Barbares, l'État qui penchait vers sa ruine. Dans la
liste des trente-deux légions accompagnantes qui ne
résidaient point dans la Gaule , et qui étaient sous
les ordres du maître des soldats présens , j'observe
des Brisigavi senior es et des Brisiga^^i juniores.
Ceci nous fait connaître qu'avant la chute de l'empire
romain les environs de Frejburg , au nord de l'Hel-
vétie , étaient habités par un peuple nommé Brisi-
gai^i * et que le nom de Brisgau moderne en est pro-
venu. Après ces observations préalables, donnons
les divisions militaires qui se trouvaient dans la
Gaule.
I. Du généralissime de la cavalerie.
Sous les ordres du maître de la cavalerie, étaient le
général du commandement Armorique et Nervien ,
le duc de la province Séquanaise, le duc de la seconde
Germanie, le duc de Mayence , le duc de la Belgique
seconde et le comte militaire du district d'Argentine
ou de Strasbourg.
Intra Gallias cum virn illiis- Dans les G:uiles, avec l'illus-
tri magistru equituni Gallia- fre maître de la cavalerie des
7um ^. Gaules.
' Voyez le nom du petit nombre des légions qui existaient sous
Dioclétien, d'après une ancienne inscription, dans Pancirol, Nnt.
dignit., edit. in-folio, 1620, p. 61 et 62.
' Notit. dignilat., edit. Pancirol. Lugdun., 1608, p. 12G. — Ge-
nevae, 1620, tom. 11, p. 54 et 4o. — Edit. Labbe, sect. 58, p. 66.
^ Ib., edit. Lugd., p i55; Genevs, lom. 11, p. 49 - Edit Labbe,
hccl. 09, p. 74 et 75.
PARTIE III, ClIAP. VI. 4?.7
La Notice donne sous ce titre une longue suite de
lésions dont nous ne répéterons point ici les noms ;
nous observerons seulement que, dans le nombre de
ces noms, on en remarf[ue quelques uns qui intéres-
sent la géographie de la Gaule; ce sont les suivons :
Cortoriacenses , qui désigne ceux de Courtray et
nous olïre la première mention de cette ville. Il est
parlé du Curtrisus pagus dans un capitulaire de
Charles-le-Chauve dès l'an 853 ; et j'ai déjà observé
que c'était dans les environs de cette ville qu'Auguste
établit des Suevi , dont le village de Sueveghem ,
situé dans ce canton , retient encore le nom '.
Les Valentinianenses (dont le nom est dérivé de
l'empereur Valens , ou est une interpolation faite h
la Notice , s'il provient du nom de l'empereur
Valentinien) ont peut-être donné naissance à Va-
lenciennes , où ils se trouvaient cantonnés; le nom
de cette ville est Valentmianœ on Valentianœ ,
dans le moyen âge. On remarque encore les Ande-
reniciani , qui sont peut-être les Anderitiani ou les
G ah ail , dont la capitale était Anderitum ou Anter-
rieux ; les Garronenses ^ qui désignent peut-être
ceux du district de la Garonne ; les Abrincateni ,
qui paraissent être ceux d'Avranches ; les Musma-
genses ou Mosoinagenses , qui désignent probable-
ment ceux des environs du lieu nommé Mosomagus
dans l'Itinéraire, qui est Mouson *. Les Trecisemani
tiraient probablement leur nom de la legio trigesima
' Voyez Wastelain, Description de la Gaule belgique, p. 4o4- —
VitaEligii, in Spicil., t. ii, p. 91. — Hensch., deEpisc. trnject., p. 16.
' Voyez V Analyse des Itinéraires , tom. m de cet ouvrage. H a
été trouvé pi'ès de là des antiquités : Cavius, Antiquités , tom. vir,
PI. 95, n° ô.
428 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Vlpia cantonnée à Alpen, et mentionnée dans l'Iti-
néraire.
Enfin, on remarque encore les Bructeri, les Salii
seniores , les Tungri , les Bataçi, les Nervii galli-
cani , les Menapii , les Sequani, les Osismiaci ,
corps de militaires qui devaient les noms qu'ils por-
taient à des peuples bien connus de la Gaule trans-
alpine. ^
Parmi les régimens de cavalerie immédiatement
sous les ordres du généralissime , il n'y en a aucun
qui ait quelque rapport avec la géographie de la
Gaule.
Sub dispositione viri spectabilis Sous les ordres de l honorable
ducis provinciae Sequanici. duc de la province Se'quancdse.
Milites Latovicnscs, OUnorie. Les I.ataviciises, campt-s à
Olons, près Chàlons-sui-Saônc.
Olino se trouve figurée dans la Notice par un
grand édifice ', tel que celui qui est consacré aux villes
considérables : aussi Valois voulait-il substituer P^e-
sontio à Olino. Plusieurs savans ont adopté la con-
jecture de Rhenanus % qui prétend que ce lieu est
Holé, près de Bâle, où l'on a découvert quelques
antiquités, et qu'une tradition populaire veut avoir
été la demeure d'un roi. Il nous paraît plus probable
que ces Latavienses étaient placés à Olons, près Châ-
lons-sur-Saône , et que l'édifice de la Notice repré-
sente Cabillonum.
' Notitia, edit. Pancirol. Lugd., p. 175. — Edit. Genev., tom. ir,
]>. i35. — Edit. Labbe , sect. 60 , p. 1 13.
" Beatus Rhenanus Rer. German., lib. 1, p. 14. — Schœpflini,
Alsalia illuslrata, tom, 1, p. 197, — D'Anville, Notice de la Gnulr ,
p. 5o5.
PARTIE in, CHAP. VI.
429
Suh dispositione viri spectabilis Sous les ordres de l'honorable
ducis traclus Armoricani et duc de Indivision Armoricaine
Nervicani '. et Nervicane.
Tribunus coliorttsprimœ Nouce
Armoricœ , Gronnone in littorœ
saxonico.
Prrefectus militum carroncnsiuni ,
Bldbia .
— Maurorum venetorum , Fe-
netis.
— militum maurorum osismia-
rorum , Osismiis,
— militum superveniorum ' ,
Mannatias.
— Martcnsium , — Aleto.
— primœ Flaviœ , — Constan-
tia.
— ursariensium , — Rotho-
mago.
— Dalmatarum, — Abrincatis.
— Grannoncnsium , — Gran-
none.
Le tribun de la première cohorte
de la Nouvelle- Armoriqno
(la Bretagne), sur le rivage où
est Brest, et dans les environs
de la forêt de Grannon,
Le commandant des soldats
carronenses, à Blaye , sur la
Garonne.
— des Maures vénètes, à Van-
nes.
— des soldats maures osis-
miens, à Saint-Pol-de-Léon.
— des chasseurs, à Matignon.
— des soldats de Mars', à Alet
(près Saint-Malo).
— de la première h'gion Fia-
vienne, à Coulances,
— des soldats ursarienses , à
Rouen.
— des Dahnatcs, à Avranches.
— des Grannonenses , à Gran-
ville.
A la suite de ce détail des lieux où résidaient des
troupes, dans le tractus Armoricanus et Nen^icanus ,
il est écrit :
' Notitia, edit. Pancirol. Lugd., p. i']^. — Genev., tom. ii, p. 157.
— Labbe, sect. 81, p. 1 13 et 1 14.
' Ceux qui désireraient connaître l'exacte signification de cette
dénomination de milites superventores peuvent consulter Yegetius ,
lib. lu, cap. 19. — Anim. Marcellinus, lib. xix.
430 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
« Extenditur tamen tractus Armoricanl et ISer-
i< vicani liniitis per provincias qiiinque ;
« Per Aquitanicam primam et secundam, Seno-
(( niam , secundam Lugdunensem et tertiam. »
C'est-à-dire, la division quifoi^mele commandement
Armorique et Nervicain renferme cinq provinces,
qui sont :
I. L'Aquitaine première ;
y. L'Aquitaine seconde ;
3. La Lyonnaise quatrième, ou Sénonaise;
4. La Lyonnaise seconde;
5. La Lyonnaise troisième.
On voit par -là que cette grande division était
iHie vaste circonscription qui comprenait toute la
Gaule occidentale, située en général entre la Ga-
ronne et la Seine , et cette partie de la chaîne des
montagnes des Cévennes qui se dirige du nord au
sud. On a prétendu qu'il y avait ici erreur dans la
Notice, parce que, sur les cinq provinces, il yen
avait deux dans l'intérieur, ce qui ne pouvait con-
venir, dit-on, à un commandement maritime, et que
d'ailleurs la Belgique seconde, où se trouvaient les
Nerifii y n'y était point mentionnée. Ce qui a trompé
tous les modernes à cet égard , c'est qu'ils n'ont
point observé que les Nerçii n'étaient nullement
compris dans le tractus Armoricanus et Neivi-
canus. Ce qui le prouve c'est que la Notice, dans
le détail des lieux renfermés dans cette division, n'en
indique aucun qui ne soit placé sur les côtes des
provinces qu'elles a mentionnées comme en faisant
partie, et que, d'un autre côté, elle établit dans
PARTIE 111, CHAP. VI. 431
la Belgique seconde un commandement militaire
particulier et distinct de celui du tractus Armori-
canus et Newicanus : donc \es Newii y peuple de
la Belgique seconde , ne faisaient point partie du
commandement Armoricain etNervien.
D'un autre côté, nous lisons dans la Chronique de
l'évêque Idace ' qu'en 463 Frédéric, frère de Théodo-
ric, roi des Goths, fut tué dans l'Armorique, in Jir-
moricana provincia; or nous savons par Marins %
cvéque d'Avranches, que la bataille où ce prince
perdit la vie fut donnée près d'Orléans , entre la
Loire et le Loiret, c'est-à-dire dans la Lyonnaise
quatrième ou dans la Sénonie, et dans le centre de
la Gaule. Voilà donc une preuve de l'exactitude de
la Notice, et que le commandement Armoricain
s'étendait dans l'intérieur : si ce commandement
fut aussi appelé Neivicanus ou Nervien, c'est qu'an-
térieurement à cette division, tout le rivage nord
de la Gaule avait pris le nom de Newicanus ou de
Belgicanus ; et lorsque les Saxons y multiplièrent
leurs incursions, on le désigna sous le nom de SaxO'
nicuSy qui me paraît synonyme de Newicanus. Toute
la côte ouest jusqu'au cap de La Hogue, extrémité
du pays des UneUi, fut nommée ^rmonco/ZMj-. Alors,
pour désigner la petite portion des côtes de la Lyon-
naise seconde , comprise dans le commandement
Armoricain qui s'étendait depuis le cap de La Hogue
jusqu'aux limites du teiritoire des Caleti , faisant
' Idnlii Chronicon. — Recueil des Hist. de Fiance , toiii. i, p. 622
et 625.
' Marii Aventici Chronicuin , ad ann. 465, — Recueil des Hist. de
Fiance, tom. 11, p. i5, B.
432 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
pTirtieduNewicanum ou Saxonicum littiis, on ajoulrt
le nom de Nervicanus à celui dH Àrinoricanus , afin
de ne laisser aucune prise à l'ambiguité ; mais dans
l'usage ordinaire on ne se servait guère que de ce
dernier nom , ainsi que nous le voyons par nos
annalistes, qui parlent souvent du commandement
Armoricain, des villes Armoricaines, et jamais du
commandement Nervien et des villes Nerviennes.
Nous voyons dans Pline ' que le pays nommé
Aquitaine avait été primitivement connu sous le
nom d'Armorique , probablement à l'époque où les
Phéniciens et les Grecs avaient seulement commencé
la découverte des côtes occidentales de la Gaule.
Mais César et Hirtius Pansa désignent généralement
sous le nom d'Armoriques les peuples situés entre la
Garonne et la Seine , et les réduisent au nombre
de six; ils en distinguent formellement les Nervii,
les Morini , et autres peuples des côtes septentrio-
nales de la Gaule ' : ce qui s'accorde avec la division
établie par la Notice. Cependant César et Hirtius
Pansa , conformément à l'usage primitif du mot
Armorlque , nous avertissent que tous les peuples
qu'ils mentionnent sous ce nom sont situés sur les
bords de la mer : aussi les Lemovices armorici, dont
il est fait mention dans César , sont évidemment
différens, ainsi que je l'ai démontré, des Lemovices
de l'intérieur. Mais ce n'est point par erreur, comme
' Plin., lib. IV, cap. 5i (17), tora. 11, p. "^56, edit. Lemaire :
« Aquitanica , Areniorica antea dicta. »
' César, de Bclln gal/ico, lib. v, cap. 55; lib. vu, cap 76, tom. 1,
p. 225, 578, édit. de Lem. César, éuumcrant les nations de la Gaule,
nomme les Kervii et les Morini avec les auties, et il passe ensuite
à ceux qu'il appelle Armoiici.
PARTIE III, CHAP. VI. 433
l'a cru Valois , et uniquement pour avoir lu dans le
texte de César les Lemovices au nombre des peuples
de l'Armorique, que saint Ouen, dans* la Vie de saint
Éloi, et Flodoard ', en parlant de saint Basile, nom-
ment les Lemovices de l'intérieur comme un peuple
de l'Armorique : c'est qu'à Tépoque où écrivaient
saint Ouen et Flodoard l'ancienne division indiquée
par la Notice, qui met l'Aquitaine première, et par
conséquent les Letnoçices , dans l'Armorique, ou
dans le tracius Annoricanus , subsistait encore. C'est
pour avoir rejeté le témoignage positif de la Notice
de l'Empire, et pour avoir méconnu les limites de
cette grande division de l'Armorique, que des hom-
mes très savans , tels que Valois et autres , ont sup-
posé dans nos premiers annalistes et dans plusieurs
auteurs du moyen âge des erreurs qui n'y sont pas.
La Chronique d'Idace, pour l'année 4^5, nous ap-
prend que Frédéric , frère de Tliéodoric , roi des
Goths, fut tué in Armoricana prot^incia, et nous
savons par Marius, évêque d'Avenche, que ce prince
perdit la vie près d'Orléans, jiixta Aurelianis ; donc
Orléans était à cette époque dans l'Armorique '.
Ausone met les Baiocasses dans l'Armorique ^ :
dans un autre endroit il désigne la mer qui baigne
' Idatii et Marii Chronic , dans le Recueil des Hist. de France,
toni. I, p. 6'22; tom. II, p. i5.
' Audœnus, Viia S. Eli^ii. — Fodoardus, Hist. eccles. rem.,
lib. II. — Valesii Notitia, p. 269.
' Ail sujet du rhéteur Attius — Doctor potentum rhetorum ,
Tu Bajocassis stirpe Druidarunt satns.
et dans le Carmen 10, sur les Professeurs de Bordeaux, il dit du
même : Stirpe satus Dviiidum, s,eniis Avmoricœ. — Auson., Coin-
II. 28
434 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
les côtes des Santones et des Pictones sons le nom
de met- Armorique ' . Le moine Jonas, dans la Vie de
saint Columbaii, met Conslanlia, Coutances, au nom-
bre des cités de l' Armorique '. Le moine Gervasius ^
appelle la Bretagne Armoricana; et cette province
ayant par la suite exclusivement conservé ce nom ,
plusieurs auteurs modernes ont cru à tort qu'à
elle seule appartenait le nom ancien à' Armorique ;
mais Bernard, évéque de Lodève , même dans le
commencement du xiv*' siècle , appelle encore Ar-
morique toute la province ecclésiastique de Tours.
Dans une lettre sjnodi({ue adressée aux habitans
de Vannes par Perpétue , évêque de Tours , en 465 ,
au nom de tous les évéques de la province Armo-
ricaine , on remarque , outre la signature des évé-
ques de la province de Tours, celle des évéques
de la province de Rouen , c'est-à-dire de la Lyon-
naise seconde, que la Notice comprend dans l'Ar-
morique. D'un autre coté, aucun auteur ancien, ou
du moyen âge, ne cite de peuples ou de villes, dans
l'Armorique ou dans le tractas Armoricanus et
Ners>icanus , situés hors des limites des cinq pro-
vinces mdiquées par la Notice. Ainsi la Notice se
trouve d'accord avec tous les moiuimens historiques
qui la précèdent et qui la suivent , qui tous con-
firment son exaclitude. J'en rapporterai cependant
encore une dernièje preuve. J'ai déjà remarqué que
memor. prnfcss. carm. 4 et lo , p i59 rt i5o , edit ad usum
Delph. , in-4°-
' Episldla i3.
" Valcsii Notifia, p. 43
* Ibid., p. 44- "' Conférez Recueil des Hisl. de Fiance , tom. ni
p 449, 4^5, 552, 68i.
PARTIE III, CHAP. VI. 435
les lieux mentionnés dans la Notice sont situés entre
les embouchures de la Garonne et de la Seine, et
l'on sait que, dès le temps de César, la Seine était
regardée comme traçant, en général , la limite des
Belges et des Celtes , ([uoique les Caletes et les Ve-
liocasses y peuples de la Celtique, et ensuite de la
Lyonnaise seconde, et par conséquent de l'Armo-
rique , dépassassent un peu cette limite. C'est par
cette raison que Erric, dans le livre v^ de la Vie de
saint Germain ', en prodiguant des injures aux Ar-
moricains, dit qu'ils sont situés entre deux fleuves
très connus, c'est-à-dire entre la Garonne et la Loire :
Gens inter goriiiios notissima clauditur amnes ,
Armoricana prius veteri cognomcne dicta,
Toiva , Jerox , ventosa, procax, incauta, rebellis , etc.
En général, sauf la partie qui se trouve à l'orient,
ou est voisine de la chaîne des montagnes qui trace
la limite du bassin occidental de la Saône , c'est-à-
dire sauf les j^dui et les Seqiiani , cette division
de l'AiTTiorique était l'ancienne Celtique de César
rétablie.
Mais à quelle époque cette division a-t-elle été
fiùte? je pense que sa première origine est anté-
rieure même à Constantin , et qu'on commença à
la former sous Dioctétien . En effet, nous voyons
qu'en 286, Dioclétien donna à Carausius, qui se
trouvait à Boidogne , le soin de nettoyer la mer des
pirates francs et saxons qui pour lors infestaient les
côtes du commandement Armorique et Belgique ,
per tractum Belgicœ et ArmoricfT '. Ceci nous expli-
' Valesii NntHia Gnlliani'n , p. 4^>-
' Eutrop , lib. ix, cap. 21 : <f Carausius.... cura apud Bononiam
436 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
que pourquoi toute cette côte fut appelée Saxonicus
littus, et la Notice nous apprend par quelle raison ce
commandement ne comprenait point, au temps où
elle fut dressée, toutes les côtes occidentales et sep-
tentrionales comme au temps de Dioclétien : c'est qu'à
cause de la fréquente invasion des Barbares par mer
et par terre , on créa une division particulière pour
la Belgique seconde , et que le duc qui la comman-
dait avait aussi des flottes stationnées sous ses ordres.
L'ancien commandement maritime n'en conserva
pas moins l'ancien nom de Neivicanus , quoique les
JVejvii n'y fussent plus compris. Toutefois on doit
observer que , dans les manuscrits de la Notice , les
ligures des enseignes du commandement de cette
division portent seulement : Notitia dux tractus
Armoricani ejusque insignia \
Aussi une des erreurs les plus considérables qu'a
occasionées cette partie de la Notice, mal entendue,
a été de prolonger, contre toute raison, le territoire
des Neivii , et de méconnaître les limites des Me-
napii : ce qui a brouillé, ainsi que je l'ai prouvé pré-
cédemment , toute cette partie de la géographie
ancienne.
Disons actuellement un mot sur chacun des lieux
situés sur la côte où se tenaient en station les vais-
seaux et les troupes de ce vaste commandement.
Blahia ou Blaçia, Blaye, sur la Garonne. La posi-
tion de ce lieu, dont il est aussi fait mention dans
« per tractum Belgicœ et, Armoricîe pacandum mare accepisset, quocl
« Franci et Saxones infestabant. »i — P. 70g, edit. Tzscliuck ; p. 462,
edit. Verheyk.
' Nntit. di^nit., p 174, edit. Panciiol., Lngd., ou p i36, cdil.
Pancirol., G<nev.
PARTIE III, CHAP. VI. 437
Ausone, est démontrée par les mesures de la route
ancienne qui va deBurdigala à M ediolanum^ Saintes,
dont on trouve le détail dans l'Itinéraire et dans la
Table ' . Ausone en parle comme d'un poste militaire %
et nos premiers annalistes, Grégoire de Tours, Ai-
moin, l'Appendix de la Chronique deFrédégaire, les
Annales de Metz % s'accordent avec la Notice et avec
Ausone , et désignent toujours ce lieu comme une
citadelle ou un lieu fortifié, en l'appelant castrum
Blat^ium , ou castrum Blai^iain. Valois, et après lui
d'Anville •*, ont donc eu tort de vouloir rapporter
ce lieu de la Notice à Blavet, dans la Bretagne, qui
est un lieu moderne et dont il n'est question dans
aucun monument de l'antiquité. Le nom de la ri-
vière Blavet, appelée en latin Blavetum flumen , est
mentionné pour la première fois dans un titre du
vi^ siècle, à l'occasion de saint Gildas, premier abbé
de Ruis, mort en Syo, et qui construisit un oratoire
à l'endroit de la chapelle qui se trouve sous l'invo-
cation de saint Gildas, et près de la fontaine que l'on
voit dans la presqu'île de Gavre. Sur la rive opposée,
dans le lieu où est actuellement Port-Louis, il n'y
avait encore, en i486, qu'un petit hameau nommé
Loc-Péran, lieu de pierre ^ . Cette erreur de Valois et
» Voyez V Analyse des Itinéraires romains , toni. m de cet ou-
vrage.
* Âat iteralaruni qua glarea trita viarum ,
F*rl milita rem ad lllaviam
Adson., Epist., X, 16, p. 464-
' Gregor. Turon., in Libro cnnf essor. — Aimoin., Gesta Franc.
— Annal. Met. — Fredeg., Chron. contin. Dans le Recueil des
Hist. de France, lom. 11, p. 455, 56o, S'jli, 668, 684-
* D'Auvillo, Notice de la Gaule, p. 164, et Valesii Notifia, p. 89.
* La Sauvagèro , Recherches sur l'ancienne Blabia des Romains ,
438 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
de d'Anville provient de la fausse idée qu'ils s'étaient
faite de la véritable signification de tractus Armo-
ricanus y et de l'étendue du commandement ainsi
désigné.
Grannona , Gray , près du havre de Bernière ,
et Grannoniun , à Granville. Je m'accorde entière-
ment avec d'Anville ' pour distinguer ces deux lieux,
ainsi que pour l'emplacement qu'on doit leur assi-
gner. La position du dernier n'est fondée que sur
une ressemblance entre les noms anciens et les noms
modernes, qui déjà avait frappé Sanson. Quant à
Grannona , comme il est ajouté à ce nom dans la
Notice in littore Saxonico , on a observé qu'il y
avait des Saxons établis sur la côte voisine de Bayeux,
qui y subsistaient encore au temps de Grégoire de
Tours '. Cet historien en fait mention sous le nom
des Baiocassini Saxones, dont le nom s'est conservé
dans celui de Saintes de Bayeux , près de Gray et
du havre de Bernière : les antiquités trouvées dans
ce dernier- lieu' donnent encore une nouvelle force
à cette conjecture.
La mention faite, par la Notice, de la capitale des
Osismii , confirme, par le rang qu'elle occupe, la
position que nous avons assignée à cette ville an-
cienne. Quant au lieu nommé Mannatias , on en
ignore la position ; ce qui a porté à substituer le nom
dans le Recueil d'antiquités de la Gaule ; Paris, in-4°, 1710, p. 2g5
à 326. — Yoyez encore Alta-Serra, Jiei\ Aquitanic, p. 54-
■ D'Anville, Nnlic, p. BSgetSeo.
* Gregor. Turon., Hist. , lib. v, cap. 27, et lib. x, cap. 9. —
S. Gregor., Epist., cap. 80. — Forlun., lib. m, carm. 9.
^ Caylus , Ant., tonî. v, p. ii3, PI. îivi. — De Caumont, Cours
d'Ant. monum. , tom. ii, p. 80. - Bccucil des Hist. de France,
tom, 11, p. 25o, 368-397.
PARTIE m, CHAP. VI. 430
(le Naninetas , sans qu'on y soit autorisé par aucun
manuscrit , qui tous portent Mannatias ^ et l'ordre
conservé par la Notice porte ce lieu sur la côte de
Saint-Brieux, probablement à Matignon, ^/e^o^, Alet,
est mentionné ici pour la première fois; ce lieu est
devenu siège épiscopal. Dans le xii* siècle, ce siège
fut transféré dans File d'Aaron ou Saint-Malo; l'an-
cien emplacement d'Alet, sur une pointe de terre
près de la ville de Saint-Servan , est appelé dans le
pays Guich-Alet '. Les positions des autres lieux ont
été suffisamment démontrées précédemment.
Sub dispositione viri spectabilis Sous les ordres de l'honorable
(lacis Belgicae secundae ^. duc de la Belgique seconde.
Prœfcctus Dalmatœ, Marcis, Le préfet des Dalnialcs, à
In Uttore saxonico. Mardick , sur le rivage saxon.
Prœfcctits clnssis Sambricœ , Le préfet de la flotte sur la
in locoQnartensi sive Horncnsi^. Sanibre, dans le lieu nommé
Quart (au midi de Bavay), ou
à Hargnies.
Tribantis militum Nerviorum, Le tribun du corps des Ner-
portu JEpatinci. viens, à l'ancien port de Scar-
phaut, non loin d'Ald-Borg.
' Il y a même dans le diocèse d« Saint-Malo un archidiaconé que
Ton nomme aujourd'hui Poulet , et qui tire son nom de pagus Ale-
tcnsis , parce qu'en Bretagne le nom de pagus est remplacé par ce-
lui de Pou. — Voyez d'Anville, Notitia, p. 5i.
" Notitia, edit. Pancirol : Lugdun., p. 1^4; Genevs, lôao, part, n,
p. iSg. — Edit. Labbe, sect. 62, p. ii5.
• Sur le passage de la route romaine : on y trouve des antiquités
romaines. Voyez Bast., Recueil d Antiquités , p. 290, édit. in-4'*.
— En 1777, il a été trouvé une sorte de borne niilliaire près de
Quart , avec une inscription qui nous apprend qu'elle fut posée
par Vipsanius Agrippa, préfet des flottes , proconsul de la Nervie
cl gouverneur de la Gaule belgique , Tan 12 avant la naissance de
Jésus -Christ (Bast, Recueil d antiquités romaines et 'gauloises,
440 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
On a formé diverses conjectures sur Marcis; mais
il me semble que la route romaine tracée par la
Table de Peutinger jusqu'à castellum Menapiorum ,
ou Cassel , et dont on a suivi ensuite les vestiges
jusqu'à Mardick, porte dans ce dernier lieu le Marcis
de la Notice. Cette position me paraît préférable à
celle de Merle ou Mark, à quelque distance de la mer,
entre Calais et Gravelines, indiquée par Valois et par
d'Anville. D'Anville met avec raison Quartensis à
Quart, sur la route romaine, et juste à quatre milles
romains de distance de Bagacum, Bavaj, sur les
bords de la Sambre, près Pont-sur-Sambre. La posi-
tion de Hornensis est plus difficile à déterminer : il
j a beaucoup de lieux nommés Horn dans les Pays-
Bas; mais comme celui du chef-lieu du comté de
Horn, qui ne date que du xiii^ siècle, ces lieux ne
sont pas sur la Sambre, ni dans les limites de la
seconde Belgique : d'Anville ' place Hornensis au
confluent d'une petite rivière qui se jette dans la
Meuse, et qu'on nomme Heur ou Hour ; mais, d'après
sa propre Carte, ce Heu n'est pas même renfermé
dans les limites de la Belgique seconde. Je préfère
de beaucoup la conjecture de Wastelain , qui place
Hornensis à Hargnies, tout près de Quart,
second supplément, p. 4H ; Gand , in-4'', i8i5 ). — Me'ni. de l'Acad.
de Bruxelles, loni. v, Hisl. de l'Acad., )>. xxxix et suiv. — Item, des
Roches, Hist. ancienne des Pays-Bas , in-4°, ]»• 5o8.
' D'Anville, Notice , p. ôyS. — M. Henri, dans son Essai sur
Boulogne, p. 8i , veut rapporter le classis Samb?icce k Son\hres,
petit village près de Wissant, et Hornensis , à la pointe d'Hornez,
dans la baie de Qiianclirs ; mais il suffit d'observer que ce lieu
ipst dans le comniandcnienl Armoricain et non dans la Belgique
seconde.
PARTIE III, CTIAP. VI. 441
On n'a aucune donnée pour déterminer avec cer-
titude la position du portas ^patiaci : d'Anville '
le place, avec quelque degré de vraisemblance, à
Scarphaut non loin d'Ald-Borg , détruit en i354.
— On voit, par la flotte stationnée à Quart, près de
Bavaj , que le duc de la seconde Belgique résidait
habituellement dans cette capitale des Neivii : ce
qui prouve bien que ces peuples ne faisaient point
partie du tractus Armovicanus et N erçicanus ; et on
conçoit facilement comment il a pu , dans un tel
état de choses , exister un régiment de Nerviens
stationné dans un des ports les plus voisins de ce
peuple, sans que ce port et la cote où il se trouvait
situé fussent sous la juridiction des conservateurs
des limites.
Sub dispositione ducis primae Sous les ordres du duc de la
Germaniae *. Germanie première.
Je mets ici le duc de la Germanie, pour montrer
la gradation des rangs et l'ordre géographique; car
ce duc est indiqué dans la Notice comme sous les
ordres du généralissime de l'infanterie, ainsi que
nous Talions voir dans un instant; mais dans les
Gaules ces deux commandemens se trouvaient réu-
nis : de là les répétitions qu'on observe dans la
Notice. Ce duc des limites de la Germanie première,
dont les attributions étaient différentes de celles du
duc de Majence, étendait sa juridiction dans la Ger-
manie seconde, dont il était le chef militaire ^. On
' D'Anville, Notice, p. 529.
* Notitia dignit., edit. Pancirol, Lugdun., p. ii5; edit. Labbc,
S- 7)4, p. 58.
' 11 n'y a donc pas lieu à corriger le texte de la Notice, ni à pcnset
442 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
ne peut pas dire ([ii'à l'époque où fut dressée la
Notice , la Germanie seconde était au pouvoir des
Barbares : la preuve qu'elle était encore intacte, c'est
qu'on trouve dans la Notice un corps de Lœtes sta-
tionné à Tongres. Prœfectus Lœtorwn lagensiuni,
prope Tungros Germaniœ secundœ.
Sub dispositione viri spectabilis Sous les ordres de l'honorable
ducis Mogontiacensis '. duc de Mayence.
Prœfectus militunt Pacensium , Le préfet de la légion de la
— Saletione. paix, à Seltz.
— Menapiurum , — Tahernis. — des Ménapiens, à Rhein-
Zahern.
— Anderecianoruin , — Fico — des Anderecians à Gcmers-
Julio. heim.
— Vindicum, — Nemctes. — des Vindics, à Spire.
— Martcnsium ^ — Alta Ripa. — des Martenses, à Alt-Rip.
— secundœ Flaviœ , — Van- — Flavienne seconde, àWorins.
gioncs.
— Armigcrnrum y — Mogon- — des Belliqueux, à Mayence.
tiaco.
— Bingensium , — Bingio . — des Bingonois, à.Bingen.
— Balistariorum , — Bodo- — des Balistaires, à Boppart.
Briga.
Prœfectus milUum Defensoruni , Le préfet de la légion des dé-
— Confiuentibus. fenseurs, à Cobleniz.
— A cincensium , — Antonaco. — des Acinois, à Anderuach.
On voit que ces lieux sont mentionnés dans un
ordre parfaitement géographique , et qu'à partir de
(pi'il y a, dans cet endroit de ce texte, une omission, comme le
prétendait le savant Dubos, Hist. de l'établiss. de la. Mon. franc. ,
lom. I, p. ICI, édit. in-12.
' Notilin, cdit. Pancirol : Lugd., p. 78 et 79; Genev., p. i45
— Edit. Labbe, sect. 64, p. 119. — Recueil des Hist.de France ,
lom. I, p. 1*28.
PARTIE III, CHAP. VI. 443
Saletione, Seltz ', limite du tractus Ârgentoratensis ,
ce commandement militaire s'étendait sm- la rive du
Rhin jusqu'à Andernach. On voit aussi clairement,
comme je l'ai remarqué précédemment , pourquoi
on enleva aux Treviri cette portion de leur territoire
qui avoisine le Rhin, pour la joindre à la Germanie
supérieure ou première, qui se trouvait ainsi par-
tagée en deux commandemens militaires : tractus
Moguntiacus et tractus Argentoratus.
Si on excepte vicus Julius et ^Uta Ripa, tous les
autres lieux sont mentioimés dans l'Itinéraire d'An-
tonin et dans la Table de Peutinger , sur la route
romaine qui suivait les bords du Rhin , entre Argen-
toratum , Strasbourg , et colonia Agrippina , Co-
logne * ; et les mesures de cette route déterminent
exactement ces positions. La convenance de loca-
lité, et les antiquités trouvées à Gemersheim, situé
entre Zabern et Spire, y ont depuis long -temps
fait placer le vicus Julius de la Notice ^ ; quant à
Alta Ripa y ce lieu conserve encore son nom dans
celui de Altrip. On trouve dans le Code Théodosien
une loi de l'an 56g, adressée par Valentinien au pré-
fet des Gaules, et datée à' Alta Ripa, Altrip; celle
d'ensuite est datée de Brisiaci , le Mons-Brisiacus
de l'Itinéraire, ou Yieux-Brisach : ce qui prouve
que ce fut dans cette année 569 que Valentinien fit
' Le Saletione de la Table; Saliso , dans Ammicn Marcellin. Le
Rhin, en se portant à l'ouest, a couvert une partie de cet ancien
lieu. — Voyez Schœpflin , Alsalia illustr., tom. i, p. a^S. — D'An-
ville , Nolic. , p. 567.
' Voyez V Analyse des Itinéraires romains, t. m de cet ouvrage.
' Cluvcrius , Gcrman. , lii). 11, cap. li, p. 45- — Cellarius ,
Geogr., tom. 1, lib. ii , cap. 3, p. 3io. — Schœpflin, p. 23i.
444 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
construire sur les bords du Rhin ces forts, dont il
est question dans Ammien Marcellin '.
Sub dispositione viri spectabilis Sous les ordres de l'honorable
coniitis Argentorentensis '. comte de Strasbourg.
Tractus Jrgentoratensis. Le district de Strasbourg.
La Notice ne donne point le détail des lieux ren-
fermés dans cette division , qui comprenait tout le
territoire des Trihoci : peut-être n'y avait-il d'autres
troupes que celles qui étaient stationnées à Stras-
bourg même : les autres lieux, tels qaElcebus^ Elle,
y4rgeTito(>ariaj Artzenheim, et Brocomagus j Brumat,
dont il est question dans les Itinéraires, se trouvent
beaucoup plus éloignés du Rhin que ceux de la divi-
sion précédente. Schoepflin démontre assez bien que
le comte de Strasbourg n'était point soumis à la juri-
diction du duc de la Séquanaise ni à celle du duc de
Majence, mais que, comme comte des limites, son
rang était égal au leur \
2. Du généralissime de l infanterie.
Non seulement les empereurs de l'Occident sépa-
rèrent le pouvoir civil du pouvoir militaire dans le
gouvernement des provinces; mais, par la même
raison , ils voulurent encore diviser le pouvoir mi-
' Codex Theodosianus , tom. iv, p. 282, et toni. 11, p. 24'i.
Toutes les autres de la même année sont datées de Trêves ; il y en
a une datée d'Alteio, qui est probablement Eltz ou Altzheim ,
près de Trêves. — \ oyez Gotbofr., tom m, p. 4o8, et Recueil des
IIi\t. de France, tom. i, p. 754.
^ Notifia, edit. Pancirol., 1608, p. 162 ; edit. 1625, part. 11, p. 1 15,
— Edit. Labbc, sect. 55, p. loo.
' Scliœpflin, Alsatia ilhutrata. cap 2, sccl 55, p. ôop.
PARTIE m, CHAP. VI. 445
Iltaire entre deux chefs éi^aux par le raiii»: cela ne se
pouvait qu'en temps de paix ; et dans les Gaules, qui
étaient continuellement menacées et envahies par les
Barbares, cela était tout-à-fait impossible. Aussi les
chefs militaires des Gaules paraissent-ils avoir réuni
les deux titres. C'est probablement par cette raison
que l'on voit certaines dignités, telles que celles de
duc de l'Armorique , de la Belgique seconde , de
Majence,de Strasbourg, de la Séquanaise, répétées
deux fois.
Sub dispositione viri illustris ma- Sous les ordres de V illustre maître
gistri pcditum praesentalis '. des fantassins présens.
Comités tractus Argentora- Le comte de la division de
tensis. Strasbourg.
Duces limitnm infra scriptornm : Les ducs des limites, savoir :
Dux Belgicœ secundœ ; Le duc de la Belgique seconde;
— Germaniœ primas ; — de la Germanie première;
— Mogontiacensis . — de Mayence.
Tous ces commandemens , ainsi que nous l'avons
observé, sont les mêmes que ceux dont on trouve le
détail dans ce qui concerne le généralissime de la ca-
valerie. Il semblerait, d'après l'ordre adopté ici par
la Notice, que le comte de Strasbourg, seul comte
des limites dans la Gaule, surpassait par le rang les
ducs des limites. Serait-ce parce qu'il commandait
des soldats présens, sorte de troupe choisie , comme
était notre garde impériale ?
Il y a, dans les diverses éditions de Pancirol, Se-
' Notitia, edit. Pancirol : Lugd., p 116 et 127; Genev., p. 27 et
53. — Edit. Lal>!)e, scct. 58, p. 64
AA6 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
qiianici Armoricani sur une seule ligne ', avant Bel-
sicœ secimdœ. Lahbe a retranché ces mots de son
édition sans en prévenir, et même sans les indiquer
dans les variantes. Il est vrai que, dans le titre géné-
ral des ducs des limites pour tout l'empire romain,
la Notice n'en indique que dix, et que ces deux en
porteraient le nombre à douze; et nous avons vu
d'ailleurs que ceux-ci étaient sous le commandement
du maître de la cavalerie; mais ils se trouvent, dans
certains manuscrits, récapitulés de nouveau, pour
compléter la liste de ceux qui, dans la Gaule, avaient
le titre de duc, et peut-être aussi pour indiquer
qu'ils joignaient à leurs autres titres celui de duc des
limites, pour eux secondaire.
Praepositurae magistri luilitum Sous le commandement du maî-
praesentalium a parte peditnm. tre des soldats présens dans
la division de l'infanterie.
I. In provincia Gallîa ripariensi '. Dans la province dite Gaule
riveraine.
Prœfectus classis Jliuninis Le préfet de la flotte sur le
Hhodani, Vicnnœ sive ArAoti. Rhône, à Vienne ou à Arles.
Prœfectus classis Barcario- Le préfet de la flotte des Bar-
rum , Ehreduni Sapaudiœ. cariens, à Iverdun en Savoie.
Prœfectus militum Muscula- Le préfet des sapeurs, à Mar-
rioruni , Massiliœ Grœcoruin. seille des Grecs.
Prœfectus cohortis primœ Fia- Le préfet de la cohorte Fla-
viœ , Sapaudiœ Calarnnr. vienne jiremière , à Grenoble
on Savoie.
Ceci nous fait connaître une division intéressante
■ Confères Notitia dignit., §.58, p. 65, édit. Labbe. et p. 126
et 127, édit. de Pancirol; Lugd., 1608.
* Notitia, edit. Pancirol., Lugdun., p. 17g; Genevae, p. 147- —
Edit. Labbe, sect. 65, p i->i.
PARTIE III, CHAP. VI. 447
qui, depuis Marseille, s'étendait sur tout le cours du
Rhône, dans la contrée située à l'orient de ce fleuve,
et qui se prolongeait au nord jusqu'à Iverdun. Nous
voyons que le commandant de la flotte se tenait
tantôt à Vienne, tantôt à Arles, et qu'il avait une
seconde flotte sur le lac de Neuchâtel , qui commu-
niquait avec le Pihin par l'Aar, et avec le Rhône et
le lac de Genève par la rivière d'Orbe et la Venoge.
Il y a plusieurs inscriptions qui font mention du
corps des nautonniers du Rhône ' : ce corps est évi-
demment celui qui faisait le service de ces flottes dont
il est question dans la Notice.
Nous voyons aussi paraître ici pour la première fois
le nom de Sapaudia, qui, ainsi que je l'ai observé,
désignait toute l'AUobrogle et une partie de l'Hel-
vétle, jusqu'à Ebredunum ; la position de ce dernier
lieu à Iverdun est démontrée par les stations d'une
route ancienne dont la table nous fournit les me-
sures*. Nous avons vu aussi précédemment qu'il en
était question dans la Notice des provinces, sous le
nom de castruni Ebredunense . J'ai démontré précé-
demment la position de Cularo à Grenoble.
2. In provincia Noveinpopulana '. i. Dans la province Novempopulane .
Tribiinns cohortisNovempopu- Le tribun de la cohorte de
lance , Lapurdo. Novempopulane, à Bayonne.
' Gruter, Insciipt., p. 4i8, n" 3, et p. 471, n° 9-
" Voyez Vjénnlj-se des Itinéraires, tom. m de cet ouvrage. —
Au-delà d'Iverduii on a trouvé une colonne niilliaire qui marquaih
vingt-un milles, à l'égard d'Avenche , ce qui n'est pas une raison
pour corriger la Table, ainsi qu'a fait d'Anville , p. 284. — Voyez
Duiandi, dell Antico staln d'Itnlia, p. 25.
^ Notilia, edit. Pancirol : Lugdun., p. 179; Genev., p. 147. —
Edit. Labbe , sect. 65, p. 121.
448 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
Cet endroit de la Notice est le premier monument
historique où il soit fait mention de Lapurdum, qui
est Bayonne. Sidoine Apollinaire parle des locustœ
Lapurdeîises\ qui sont les langoustes, et Grégoire de
Tours fait mention de Lapurdum, dans l'accord fait
entre les rois Cfilldebert et Gontran '. Cette ville a
pris depuis le nom de Bajona ^, qui en langue basque
signifie port; mais, ainsi que nous l'avons observé, le
nom de Labourd est resté au pays.
3. In piovincia Lngdunensi prima. 3. Dans la province dite la Lyon-
naise première.
Prœfectus classis Araricœ , Le préfet de la flotte de la
Cahalloduno. Saône, à Châlons-sur-Saône.
Il est aussi question, dans plusieurs inscriptions,
du corps des nautonniers de la Saône ^ ; ce sont ceux
qui faisaient le service de cette flotte, et l'on voit, par
ces inscriptions, qu'ils se réunissaient souvent avec
ceux du Rhône et de la Loire. — Dès le temps d'Am-
mien Marcellin, l'Arar avait pris le nom de Sauconnay
d'où est venu celui de Saône : Ararim quem Sau-
connam appellant , dit cet historien ^ .
' Sidonius Apollinaiis , lib. viii, L'pist, 12. — Recueil ries Hist.
de France , tom. i , p. 81.
* Gregorius Turon., lib. ix, cap. 20. — Rec. des Hist. de France,
tom. Il , p. 344-
' Oihenarti Notitia Vasconiœ , p. !^o\ , 55g, 54o, 54i et 542.
* Gruter, p. 471, n" 9, p. 485, n° 9, et 4i8, n" 5.
' Ammiau. Marcell., lib. xv, cap. 11, p. 107, edit. Vales., 1681,
iii-folio.
PARTIE m, CHAP. VI. 449
In (trovincia Lagdanensi, Senonia '. Dans la province Lyonnaise, Séno-
naise.
Prœfectus classis Anderetia- Le préfet de la flotte d'An-
norum, Pansus. dresis, à Paris.
Prœfectus Lcetorum Teutoni- Le préfet des Laetes Teutons,
cianorum, Carnunto, Senoniœ à Chartres, dans la province
Lugdunensis. SénonaisÊ ou Lyonnaise.
Cette partie de la Notice qui nous indique une
Hotte en station à Paris est d'autant plus intéres-
sante qu'elle se trouve confirmée par une inscription
qui porte nautœ Parisiaci, et qui a été bien souvent
rapportée \ — J'adopte l'ingénieuse conjecture de
d'Anville % que le surnom à^ Anderetiani, donné aux
mariniers de la flotte de Paris, provient du nom
d'Andrezj, village avantageusement situé au-dessous
de la jonction de l'Oise avec la Seine. D'autres ont
pensé, avec quelque degré de vraisemblance, que
c'est Andrezj qui a tiré son nom du séjour des nau-
tonniers de la flotte de Paris nommés Anderecianiy
^ AnderituTii , Anterrieux , capitale des Gahali ^. —
Au lieu de Carnunto , il faut lire Carnuto dans la
Notice.
' NoUtM, edit. Pancirol , lôaS, p. i47- — Labhe , sect. 65,
p. 121.
' Muratori , Inscript., tora. ii , p. io66, n° 5, et p. 1067, n"' i,
2 et 5. — Sur d'autres antiquités trouvées à Paris, voyez Caylus ,
tom. 111, PI. 106 à 1 12 , et p. 089 à 409; et Acade'm. des Inscript.,
Hist., tom. ni, p. 242.
' D'Anville, Notice, p. 427. — Lebeuf {Hist. du diocèse de Paris,
tom. IV, p. i55) rapporte cette opinion à Lancelot, dont il cit^ seu-
lement le manuscrit.
* Lebeuf, Hist. du diocèse de Paris , tom. iv, ji. i55.
II. 29
450 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
In protrincla Lagdaaensi secanda.
Prœfecttcs Lœtonun Batavo-
riim et. gentiliuni Sucvoruni , Bn-
jocas et Constantlœ, Lugdiinensis
secundœ.
Dans la seconde Lyonnaise.
Le préfet des Laetes Balaves
et des Siièves , à Bayeux et à
Coutaiices, (l;ms la Lyonnaise
seconde.
Cet endroit de la Notice est celui où il est fait men-
tion pour la première fois de Coutances , car nous
avons déjà observé que c'était à tort qu'on voulait
appliquer à cette ville ce qui est dit des castra Con-
stantia, dans Ammien Marcellin, au sujet de l'expé-
dition de Constance dans l'île de Bretagne, qui eut
lieu l'an 296, avant J.-C.', c'est-à-dire plus d'un siè-
cle avant l'époque où la Notice fut dressée.
Dans la Lyonnaise troisième.
Le préfet des Laetes bataves
et de la légion des Snèvcs gen-
tils, au Mans, dans la Lyon-
naise troisième.
In provincia Lagdunensi teiiia *.
Prœfectus Lœtonun gentiliiim,
Suevorum , Cenomannus , Lag-
dunensis tertiœ.
Prœfectus Lœtoruni Franco-
rum , Redonas, Lugdunensis ter-
tiœ.
In provincia Belglca prima.
Prœfectus Lœtorum Hngo-
nensium , per diversa disperso-
rum Belgicœ primœ.
Prœfectus Lœtoruni Actonun,
Epuso, Belgicœ primœ.
Le préfet des Laetes Francs,
à Rennes , dans la troisième
Lyonnaise.
Dans la Belgique première.
Le préfet des Laetes langrois,
dispersés dans divers lieux de
la Belgique première.
Le préfet des Laetes Astores ^, à
Yvoy,d ans la Belgique première.
' Notitia dignit., edit. Pancirol. ; Lugd., p. 179. — Edit. Labbe ,
^. 63, p. 122. — Voyez Eum. Pancgj'ricus in Constantium, cap. i5,
et ci-dessus, p. 502.
' Notitia, edit. Pancirol. : Lugd., p. 179; edit. Genev., p. 147.
— Edit. Labbe, §. 65 ., p. 122.
» Pancirol (edit. Lugd., p. 181), corrige Astorum, et avec raison,
selon nous.
PARTIE III, CHAP. VI. 451
Epusiim est évidemment V Epoïssum de l'Itiné-
raire d'Antonin', et la position de ce lieu à Yvoy,
aujourd'hui Carignan, sur les limites de la Belgique
première, est démontrée par les mesures de la route
qui conduisait de Durocotorum, Reims, à Augusta
Tret^irorum , Trêves .
In provincia Belgica secunda '. Dans la Belgique seconde.
Prœfectus Lœtorum IServio- Le préfet des Laetes Nerviens,
rum, Fano-Martis, Belgicœ se- à Fammars, dans la Belgique
ciindœ. seconde.
Prœfectus Lœturuin Batavo- Le préfet des Laetes Balaves
rum ncmetacensium , Atrehatis, artésiens, à Arras,dans la Bel-
Belgicœ secundœ. giqoe seconde.
Prœfectus Lœtorum Batavo- Le préfet des Laetes Bataves
rum Contrnglnensium , Novio- deCondren, à Noyon, dans la
mago , Belgicœ secundœ. Belgique seconde.
Prœfectus Lœtorum genti- Le préfet des Laetes gentils ,
Uum,Remos etSylvanectaSyBel- à Reims et à Senlis , dans la
gicœ secundœ. Belgique seconde.
Nous voyons ici dans ces mots, nemetacensium ,
Atrehatis, le nom primitif de la capitale des Atrehates
(Nemetacum) , employé comme un surnom de peu-
ple, et le nom même des Atrehates y servant à désigner
la capitale de ce peuple, suivant l'usage de ce temps.
Le surnom de Contraginenses vient de Contra-
Aginnum y lieu dont il est fait mention dans l'Iti-
néraire d'Antonin ^ Je ne nie pas, ainsi que le dit
' Voyez V Analyse des Itinéraires romains , toni. m de cet ou-
vrage. — Wesseling, p. 566.
* Notitia, edit. Pancirol. ; Lugd., p. 179, et Genev. , p. i^'j. —
Edit. Labbe, §. 65, p. 122. Au lieu de Fanomantis , lisez Fano-
Martis.
' Voyez Wesseling, p. 579 , et V Analyse des Iline'raires , toin. m
de cet ouvrage.
452 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES.
d'An\ille ', que Condren n'ait tiré son nom de Contra
jéginensum; mais l'exactitude des mesures démontre
que Contrag'inuni était situé à environ deux m^Ules
romains au-delà de Condren, du côté de Solssons,
à Amlgny-Rouj.
Ce n'est que dans la Notice qu'il est question de
Fano-Martis; mais la ressemblance du nom de ce lieu
avec celui de Famars, les antiquités qu'on a trouvées
à Famars % et enfin le nom àe pagiis Fanomartensis^
dont Famars était le chef- lieu dans le moyen âge,
ne laissent aucun doute sur l'identité de position
entre le lieu ancien et le lieu moderne , qui est envi-
ron à deux mille toises au sud de Yalenciennes.
f^e pagus Fanomavtensis , ou le canton de Famars ,
était distingué du Halnaut dès le milieu du vu'' siècle;
il était renfermé entre l'Escaut, le Cambrésls, la
Fagne et le Halnaut^. L'historien Eginhard'^, les di-
plômes des rois francs ^ et les anciens titres^font men-
tion de Valenclennes, de Solèmes, de Maroilles près
de Landrecies, et de Fichau près d'Avènes, comme
situés in pag'o Fanomartensi. Folquln, qui écrivait
' D'Anville, Notice, p. •244-
' On n'en a touvé aucune à Fan, k 1 1 milles de Yalenciennes , où
Cluverius, Germania antiqiia, lib. ii, cap. •as, p. 4^3, veut placer
Fano-Martis
' J. Desroches , Me'm. sur les dix-sept pnwinces des Pays-Bai
et la principauté de Lie'^e, p. 45
* De Transi., SS. Mart., Peiri et Marc.
* Un diplôme du roi Lotliaire , de l'an 85o. - Dipl. Belg., lib. n,
cap. ç. — Un diplôme do (^diiidebert, de l'an ^oS. — Dipl. Belg.,
lib. Il , cap. 5.
* Donation de saint Huiitbert , de l'an 667. — Vojez Cod. Don.
Piur., 1.30. 5.
PARTIE III, CHAP. VI. 453
dans le x* siècle, nous apprend que, de son temps,
pagus Fanomartensis était synonyme de Hainaut '.
In provincia Geraiania secanda. Dans la Germanie seconde.
Prœfectus Lcetorum Lagen- Le préfet des Laetes de Liiaige,
sitim "* , prnpe Tungros , Germa- à Tongres, dans la Germanie
niœ secundœ. seconde ^.
In provincia Aqaitaaia prima.
Prœfectus Lœtoruni gentilium
Suevorum, Arvernos, Aqidtanias
primœ ^.
In Gallia.
Prœfectus Sarmatorum et Taï-
faloruin gentilium , Pictavis , in
Gallia.
Prœfectus Gentilium à Chora,
Parisios usque.
Prœfectus Sarmatorum gen-
tilium, inter Rcmos et Ambianos,
provinciœ Bclgicœ secundœ.
Dans V Aquitaine première.
Le préfet des Laetes gentils
Suèves, à Clermont, dans l'A-
quitaine première.
Corps de Sarmates répandus
dans toute la Gaule.
Le préfet des Sarmates et de
la légion des gentil;; dn pays
de Tiffauge , à Poitiers , dans la
Gaule;
Le préfet de la légion des
Gentils, depuis la Ville-Auxerrc,
près Saint-Moré, jusqu'à Paris.
Le préfet des Sarmates gen-
tils, entre Reims et Amiens,
dans la Belgique seconde.
' Fulcuinus , de Gestis Abbat. Lobiens. , apud d'Achery , in
Spicil., tom. II, p. ^Di. — Voyez aussi Description de l'ancienne
ville de Famars , Fanum-Martis dans Bast , Second supplément
ou Recueil d'antiquités gauloises trouvées dans la Flandre propre-
ment dite, p. i5i.
' Lagum est Luaiges, sur la rivière de Jare ou Jecker, où le père
lîoucher a vu d'anciennes constructions romaines. (Bucherius, Bclg.
rom., p. 475 et 49^-) — Notitia, edit. Pancirol., p. 179. — Edit.
Labbe, §. 65, p. i-iD.
' Notitia dignit. imper, occident., edit. Pancirol., Lugd., p. 179;
Geoev., p. 147. — Edit. Labbc, sect. 65, p. i23.
* Notitia dignit., edit. Pancirol., p. 179- — Edit. Labbe, §.65,
P ''^4.
454 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES
Prœfectus Sarmatorum gen- Le préfet des Sarmates gen-
tilium , per tractum Segalauno- tils, dans le diocèse de Valence.
rum.
Prœfectus Sarmatorum gen- Le préfet des Sarmates gen-
tilium, Lingonas. tils, à Langres.
Prœfectus Sarmatorum gen- Le préfet des Sarmates gen-
tilium , À ugustodunum . tils, à Aiitiin.
Les Teifali sont mentionnés par Ammien Marcel-
lin et par l'historien Zosime ', qui nous apprend
qu'ils sont Scythes d'origine. La légion des Sarma-
tes Taïfali , dans les environs de Poitiers , forma
une peuplade particulière qui y subsista long-temps
sans se mêler avec les habitans , et le canton qu'elle
habitait fut nommé Taifali; ce nom a duré jus-
qu'à nos jours dans celui de Tiffauges. Grégoire fait
plusieurs fois mention du peuple et du canton " : il
faut donc, sur une carte de la Gaule ancienne, in-
scrire les Taifali, aux environs de la ville moderne
de Tiffauges dans l'ancien Poitou, actuellement dans
le département de la Vendée , et à trois lieues deux
tiers à l'est de Montaigne.
J'ai déjà observé que Pasumot, d'après des titres
et des monumens historiques, avait démontré la po-
sition de Chora aux ruines de l'ancien lieu nommé
' « Adeo quidem ut Thaifalis natione scythica. » — Voyez sur les
Taïfali, Pancirol in Notit. imper, orient., edit. i625, p. 58. —
Adrien de Valois , Notit. Galliar., 545. — Dubos, Hist. critique de
la Monarchie française y tom. i, p. 284, et tom. iv, p. 196 et 197,
édit. in-i2.
^ Gregorius Turon., Hist., lib. iv, cap. 18; lib. v, cap. y. —
Recueil des Hist. de France, tom. 11, p. 212, D, et p. 23^, D. —
Ibid, de Vitis patrum . cap. i5. « Igitur beatus Senoch, génère
« Theïfalus Pictavi pagi quem Theïfaliam vocant, oriundus fuit. »
Voyez encore Glaber Rodolfus, lib. v.
PAPiTIE III, CHAP. Yl. 455
la Ville-Auxerre vis-à-vis Saint-More' : on plaçait à
tort auparavant ce lieu à Cravan ou à Cure.
Du maître des manufactures d'armes.
Sub dispositione viri iUustris ma-
gisti'i oflScioruin '.
Fabricae in Galliis VIII.
Argentoratensis , — armorum
omnium ;
Matisconensis , — sagittaria ;
Jugustoduncnsis , loricaria ;
Suesso/tiensis , — scutaria , bn-
listaria , clibanaria ;
Remcnsis , — spatharia ;
Triberorum , — spatharia et ba-
listaria ;
Amhianensis , — spatharia et
scutaria.
Sous les ordres de l'illustre maî-
tre des manufactures d'armes.
Les manufactures d'armes sont au
nombre de huit dans les Gaules.
Manufactures de toutes sortes
d'armes, — à Strasbourg ;
— d'arcs et de flèches, — à
Mâcon ;
— do cuirasses loricaires , —
à Autun;
— de boucliers, de batistes, de
cuirasses clibauaires, — à
Soissons ;
— d'éjDées larges , ou sabres
spatules, — à Reims;
— de sabres et de balistes, —
à Trêves ;
— de sabres et de boucliers ,
ù Amiens.
Dans la Notice, Triberorum se trouve répété deux
fois, ainsi :
I . Triberorum spatharia.
>.. Triberorum balistaria.
D'après cela, il semblerait qaeSuessotiiensis devrait
' Pasumot, Me'm. ge'ogr. sur quelques antiquite's de la Gaule,
p. S"]. — Voyez LeLeuf, Hist. d'Au.xerre, tom. i, p. 1 16. — Acad.
des Inscript.., tom. i. — Jonas de Bobio, de Vita sancti Columbani,
cap. 22. — Annales Benedict., secul. iv, tom. n, lib. i, subfinem,
iib. n, ineunte. — Edit. Pancirol, p. 60. - Lablje, sect. 4i, p. 81.
' Pancirol., edit. I.ugdun., p. t3S; edit. Genev., p. 60. — Edit,
Lal)l)e, sect. 4'» P- 81 .
456 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DES GAULES,
être répété trois fois , et Amhianensis deux fois j
cette variation est due à un caprice, ou à une erreur,
de copistes.
J'observerai qu'il y avait cette différence entre la
lorica et le clibanus, que la première sorte de cui-
rasse était composée d'anneaux de fer ou de parties
détachées, et répondait à ce qu'on appelait cotte de
mailles, avant l'invention des armes à feu; au lieu que
clibanus était une cuirasse formée par un seul mor-
ceau de fer solide qui couvrait le corps comme un
vaste bouclier'. Ces deux sortes d'armures, exigeant
un travail tout différent, ne se fabriquaient pas dans
les mêmes manufactures. Tout le monde sait que la
baliste était une machine à lancer des pierres. Les
sagittaria fabriquaient probablement aussi des arcs :
car nous ne voyons pas que, dans la Notice, il soit
question à' arcuaria ou de fabricateurs d'arcs pour
le vicariat d'Italie, tandis qu'il est parlé des sagù-
taria.
' Voyez Facciolati, Totius latinitatis Lexicon , tom. i, p. 479, et
tom. Il, p. ^33.
PARTIE III, CHAP. VIL 467
CHAPITRE VII.
De la Gaule cisalpine au commencement du second siècle de l'ère
chrétienne. — Détails géographiques donnés par l'inscription
gravée sur cuivre, nommée Table alimentaire véléiane, dite de
Trajan.
Plusieurs auteurs ont voulu attribuer à Trajan
une partie des changemens qu'on observe dans les
divisions des provinces romaines après Dioclétien et
Constantin; leur opinion est destituée de preuves, et
n'est qu'une conjecture sans aucune base. Mais un
monument du temps de cet empereur rompt , en
quelque sorte, le long silence de l'histoire relative-
ment à la géographie de la Gaide cisalpine, et nous
donne quelques notions précieuses sur la topographie
de cette contrée. C'est une inscription qui est au
nombre des plus longues et des plus intéressantes
de toutes celles qu'on a découvertes jusqu'à ce jour :
cette inscription nous initie en quelque sorte dans
les subdivisions les plus minutieuses d'une grande
partie de la Ligurie et de la Gaule cispadane, et même
dans le partage des propriétés particulières.
Elle contient deux ' obligations de deux sortes :
' Cette inscription a été trouvée, en 1747» dans les environs de
Macinesso, à i8 milles de Plaisance, dans le torrent de Chero ;
les morceaux en furent réunis par Rocca et Roncovieri ; Muratori
en publia, en 1749, une explication intitulée : E sposizione delV in-
signe Tavola di Firenze , iu-8", qui a été imprimée de nouveau
dans le tom. ni de ses œuvres; Arezzo, 1767. — Maffei, dans son
Muséum Veronensc , 1746, a aussi donné cette inscription. —
Masdeu l'a donnée et commentée dans son Hisloria critica de
Espahn , tom. v, p. ijç) à 270; — enfin, Pitarelli a fait paraîtic
son explication, qui sert de base à noire Iraxail; clic est intitulée .